Skip to main content

Full text of "Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie"

See other formats


t^ 


BULLETIN 


COMMISSIONS   ROYALES 


D^ART   ET  D'ARCHÉOLOGIE. 


BULLETIN 


DES 


COMMISSIONS  ROYALES 


D'ART   ET   D^ARCHÉOLOGIE. 


VINGT-TROISIÈME   ANNÉE. 


BRUXELLES, 

C.    MUQUARDT,    ÉDITEUK,    RUE   DE    LA    RÉGENCE,    45. 
Même  maison  à  Gand  et  à  Leipzig. 


I88i 


THEGF.TTYCEimK 
UBRARY 


L'ART  BELGE 

A  L'EXPOSITION    INTERNATIONALE   DE   NICE 


La  Commission  instituée  pour  organiser  le  compartiment 
belge  à  l'exposition  de  Nice  a  rempli  sa  mission  avec 
conscience.  M.  Portaels,  qui  s'est  charge  du  placement  des 
œuvres  avec  son  abnégation  habituelle,  a  fort  bien  tiré  parti 
du  salon  et  de  la  petite  annexe  qui  ont  été  mis  à  sa  disposi- 
tion. L'effet  produit  est  harmonieux;  la  somme  des  talents 
exhibés  est  estimable. 

Le  contingent  d'Amsterdam,  plus  sévère,  était  d'une 
valeur  plus  haute.  Là,  nous  luttions  avec  avantage.  A  Nice, 
la  France  l'emporte  évidemment;  mais  il  faut  ajouter  immé- 
diatement qu'elle  a  pour  elle  le  nombre  et  le  choix  des 
œuvres.  L'esprit  patriotique  a  plus  de  force  en  France  que 
chez  nous;  l'amour-propre  national,  facilement  surexcité, 
unit  les  artistes  dans  une  même  pensée  :  vaincre  si  c'est 
possible,  et  en  tout  cas  ne  jamais  être  mauvais  second. 

Un  nombre  assez  considérable  de  nos  meilleurs  artistes 
se  sont  abstenus.  Il  y  avait  des  «  trous  »  dans  l'exposition. 
Or,  nous  n'avons  pas  trop  de  toutes  nos  forces  quand  la 
France  ou  l'Allemagne  est  en  ligne.  Du  moment  que  la 
Belgique  va  à  l'étranger  montrer  ses  produits  artistiques  ou 


—  G  — 

indiislricls,  elle  doit  toujours  être  digne  de  son  glorieux 
passé.  C'est  surtout  dans  les  œuvres  du  travail  que  noblesse 
oblige. 

Un  apj3el  a  pourtant  été  fait  à  nos  artistes;  il  faut  remercier 
ceux  d'entre  eux  qui  ont  répondu,  pensant  sans  doute  qu'il 
ne  leur  était  pas  permis  de  déserter  le  champ  de  bataille, 
même  lorsque  l'État  n'avait  que  des  vœux  à  formuler  pour 
leur  succès. 

J'affirme  que,  si  tous  nos  artistes  avaient  répondu  à  cet 
appel,  nous  eussions  lutté  à  Nice  comme  à  Amsterdam,  et  le 
résultat  de  notre  coopération  eût  été  des  plus  honorables. 
Aujourd'hui,  les  nombreuses  abstentions  ont  naturellement 
donné  à  notre  compartiment  un  caractère  modeste.  Je  dois 
cependant  ajouter  que  les  qualités  de  l'école  sont  nettement 
accusées  dans  les  cent  et  quelques  œuvres  exposées;  un 
ensemble  de  coloration  savoureuse,  une  remarquable  habileté 
d'exécution,  une  entente  de  la  mise  en  scène  des  éléments 
de  nature  picturale.  Les  Belges  sont  peintres  de  naissance 
—  et  en  particulier  les  Flamands  —  comme  les  Français 
sont  comédiens.  Presque  tous  ceux  qui  ont  le  goût  de  la 
peinture  ont  des  moyens  à  développer,  les  uns  plus,  les 
autres  moins.  Mais,  comme  en  toute  autre  carrière,  les 
médiocres  sont  toujours  les  plus  nombreux. 

Ce  qu'on  devrait  leur  dire  plus  souvent,  c'est  que  la  plu- 
part de  nos  artistes  ne  se  donnent  pas  la  peine  d'aider,  par 
une  instruction  sérieuse  et  par  l'élude  des  éléments  scien- 
tifiques indispensables  à  leurs  travaux,  au  développement 
de  leurs  facultés  naturelles.  Avoir  des  qualités  natives,  c'est 
fort  bien  ;  mais  encore  faut-il  ne  pas  les  laisser  en  friche,  et 
se  contcntfT  de  ce  qu'elles  peuvent  produire  sans  culture. 


—  7  — 

L'exposition  belge  de  Nice,  comme  toutes  nos  expositions, 
démontre  clairement  cette  réalité  :  nous  ne  nous  donnons 
pas  assez  de  peine  pour  que  nos  œuvres  picturales  soient  en 
même  temps  intelligentes. 

Je  sais  fort  bien,  et  je  n'ai  pas  été  le  dernier  à  le  publier, 
qu'une  belle  vache  de  Cuyp,  un  intérieur  de  cuisine  de 
Pieter  de  Hooghe,  des  accessoires  do  Jordaens,  une  kermesse 
de  Rubens  ont  plus  de  réelle  valeur  artistique  que  telles 
grandes  pages  historiques  prétentieuses  où  il  n'y  a  ni  obser- 
vation, ni  connaissance  de  la  physionomie  humaine,  ni 
amour  de  la  vérité.  Le  sujet,  dans  les  arts,  n'a  pas  la  valeur 
qu'on  veut  quelquefois  lui  donner.  La  Joconde,  souvent 
citée"  en  ces  sortes  de  discussions,  est  un  chef-d'œuvre, 
comme  une  Vierge  de  Raphaël  ou  un  martyr  quelconque  de 
Rubens. 

Mais  l'expression  d'une  scène  ou  d'un  paysage,  la  manière 
de  concevoir,  le  choix,  le  goût  personnel,  ont  une  impor- 
tance sur  laquelle  il  semble  qu'on  n'appelle  pas  assez  l'atten- 
tion des  artistes.  Les  choses  et  les  hommes  peuvent  être 
examinés  par  divers  côtés;  et,  pour  produire  une  œuvre  qui 
résiste  au  temps,  il  n'y  a  qu'un  bon  côté  pour  chacun  des 
artistes  qui  veulent  le  représenter.  Nos  peintres,  qui  ne  pa- 
raissent pas  se  douter  de  cela,  expriment  les  physionomies, 
les  formes  et  les  couleurs  comme  au  hasard,  telles  qu'elles  se 
présentent,  sans  les  examiner  pour  en  trouver  l'aspect  le 
plus  original  et  le  plus  caractéristique.  De  là  la  vulgarité  et 
la  banalité  qui  encombrent  nos  expositions.  Les  grands 
artistes,  parce  qu'ils  voient  clairement  et  pénètrent  plus  pro- 
fondément, font  quelque  chose  de  rien  ;  les  autres  font  rien 
de  quelque  chose.  Les  qualités  spéciales  des  êtres  et  des 


—  8  — 

objets  échappent  logiquement  à  ceux  qui  se  contentent  de 
les  regarder  en  passant;  ils  n'en  voient  que  l'apparence 
matérielle.  Ne  sont-ce  pas  les  impuissants  qui  ont  inventé  la 
religion  de  la  «  tache  de  couleur.  »  L'apparence  leur  a  suffi, 
et  ils  ont  constitué  une  école  d'artistes  pour  qui  la  forme  vient 
en  second  rang.  D'autres,  qui  ne  voient  que  la  forme,  versent 
dans  la  même  erreur.  La  nature,  complexe,  variée  à  l'infini, 
du  charmant  au  monstrueux  et  du  grotesque  au  sublime, 
nous  enseigne  que  rien  ne  doit  être  négligé  dans  les  œuvres 
qui  doivent  la  représenter,  qu'elles  soient  analytiques  ou 
synthétiques,  qu'elles  donnent  l'idée  d'un  caractère  ou  d'une 
scène.  Nos  artistes  ne  paraissent  pas  se  douter  de  cela;  ils 
croient  qu'il  suffit  de  se  laisser  aller  à  sa  fantaisie,  que  la 
science  et  la  réflexion  sont  inutiles,  que  l'étude  est  une 
superfétation,  et  cela  parce  que  des  génies  puissants  leur 
semblent  avoir  produit  des  chefs-d'œuvre  comme  un  oiseau 
chante,  comme  un  enfant  marche  sans  avoir  appris.  Leur 
erreur  est  double,  puisque  le  génie  a  travaillé,  étudié, 
approfondi,  puisqu'il  a  souffert  dans  l'enfantement. 

E.  L. 


VERRES  A  LA  «  FAÇON  DE  VENISE  > 

FABRIQUÉS      AUX     PAYS-BAS 


3°     L.  E  T  T  R.  E 

au  Comité  du  Bulletin  des  Comuiissions  royales  d'art 
et  d'archéologie  (i) 


Messieurs, 

Gomme  le  dit  parfaitement  M.  Pinchart  (2),  à  propos  de 
la  grande  diffusion  de  la  verrerie  à  la  façon  de  Venise  par 
toute  l'Europe,  il  y  a  bien  des  recherches  encore  à  faire  sur 
l'histoire  de  cette  industrie  artistique. 

Le  verre  est,  malgré  sa  fragilité,  un  des  produits  qui  ont 
été  le  plus  exportés  au  loin. 

Avant  Venise,  que  d'aucuns  considèrent  comme  ayant  été 


(i)  V-oir  ci -dessus,  Bull,  des  Comm,  roy.  d'art  et  d'archéol.,  XXII,  pp.  133 
et  535. 

(2)  Ibid.,  p.  389. 


—  10  — 

seulement  riiérilière  de  Sidon,  d'Alexandrie  et  de  Rome  (i), 
CCS  dernières  villes  envoyaient  à  l'étranger  des  fabricals 
artistiques  dont  la  forme  indiquerait  réellement  une  trans- 
mission à  la  ville  des  lagunes,  des  procédés  et  secrets  de 
fabrication  des  cités  anciennes. 

En  effet,  une  tombe  de  Hollange (Grand-Duché  de  Luxem- 
bourg), tombe  belgo-romaine  (et  qu'on  tendait  encore  à 
vieillir  en  l'appelant  sépulture  druidique),  révéla  aux 
veux  étonnés  des  fouilleurs  une  magnifique  coupe  en  verre 
contenant  dans  son  épaisseur  des  dessins  variés  formés  par 
des  fils  d'émail  opaque,  diversement  colorés,  d'une  finesse  et 
d'une  ténuité  extrêmes...  La  première  pensée  des  inventeurs 
est  immédiatement  de  dépeindre  les  procédés  de  fabrication, 
en  empruntant  à  Venise  la  description  des  siens  (2). 

Quand  on  trouve  des  verres  au  mont  Beuvray  (l'ancienne 
Bibracte?),  on  s'écrie  qu'ils  offrent  des  types  et  des  mélanges 
de  verres  colorés  «  aussi  remarquables  que  les  produits  dont 
les  Vénitiens  ont  été  considérés  comme  les  inventeurs  1,500 
ou  2,000  ans  plus  tard  (5).  » 

Deville  (4),  en  dépeignant  certains  verres  de  Pompéi,  qu'il 
croit  avoir  été  fabriqués  là  même,  énonce  que  cette  localité, 
«  1,500  ans  avant  Venise,  fabriquait  des  verres  à  filigranes 


(1)  Indépendamment  d'aleliers  grecs ,  étrusques,  campaiiiens,  comme  ceux 
dont  les  produits  sent  décrits  au  Bull,  monumenlul,  XII,  cité  par  les  Publications 
de  la  Société  pour  la  conservation  des  monuments  dans  le  duché  de  Luxembourg, 
IX,  p.  21  (rens.  de  M.  de  LoNCPÉiUEit)  ;  Deville,  Histoire  de  l'art  de  la 
verrerie  dans  l'antiquité,  p.  49,  pi.  ix";  Lenormant,  Catal.  de  la  collection  Raifé, 
n"  1461  (au  sujet  de  coupes  en  verre-cristal,  trouvées  à  Cume  ). 

(2)  D'après  Pelol'ze  et  Frémy,  Traité  de  la  chimie  générale,  M,  p.  r>75. 
(î)  lievue  archéologique ,  1872,  p.  :'.'20. 

(*)  Loc.  cit. 


—   H   ~ 

avec  un  ar(,  une  délicatesse,  une  perfection  que  Venise  n'a 
pas  surpassés  »,  et  il  reproduit,  en  effet,  certains  verres  dont 
les  nuances  sont  fondues  dans  la  masse,  «  de  manière  à 
ressembler  à  certains  verres  de  Venise.  » 

Noire  honorable  président,  M.  Chalon,  en  décrivant  le 
beau  plateau  en  millefiori  de  Gorroy(i),  conslalait,  Messieurs, 
la  même  ressemblance  des  verres  anciens  et  des  verres  de 
Venise,  en  disant  :  «  Figuier  et  bien  avant  lui  Salomon, 
l'ont  dit  :  il  n'y  a  rien  de  nouveau  sous  le  soleil.  Ainsi  ces 
verres  filigranes  que  nos  verreries  actuelles  de  Namur  ont, 
avec  tant  de  succès,  imités  des  verriers  de  Venise  du  xvii" 
siècle,  ceux-ci  les  avaient  cux-mèmcs  imités  des  anciens.  » 

Mais  mieux  vaut  encore  déplacer  au  loin  l'industrie  elle- 
même  que  les  fabricats,  alors  que  ceux-ci  se  brisent  si  faci- 
lement ;  les  verriers  de  l'Empire  romain  avaient  déjà  songé  à 
transporter  leur  art  avec  eux  à  l'étranger,  sachant  qu'ils  trou- 
veraient parlout  la  matière  première  :  les  savants,  que  la  lec- 
ture des  œuvres  de  de  Guignes,  Rémusat,Klaproth,  Reinaud, 
aura  familiarisés  avec  les  relations  entre  l'Empire  romain  et 
l'exlrème  Orient,  apprendront  sans  stupéfaction  que,  d'après 
les  livres  chinois,  entre  les  années  424  et  451,  c'est-à-dire 
sous  les  petits-fils  de  Théodose,  un  marchand  européen  se 
présenta  à  la  cour  de  l'empereur  de  la  Chine  pour  lui  offrir 
de  fabriquer  des  verres  de  différentes  couleurs,  comme  ceux 
que  la  Chine  recevait  déjà  à  cette  époque  de  l'Occident  (2). 


(0  Bull,  des  Comm.  roy.  d'art  et  d'arcliéoL,  lil,  p.  192.  D'après  ce  que  m'a 
dit  feu  M.  DE  LoNGPÉRiER,  une  tasse  en  verre  millefiori  qui  figurait  à  l'Exposition 
de  Paris  de  1867,  provenait  de  Corroy,  et  complétait  peut-être  la  soucoupe. 

(2)  Reinaud,  Relations  politiques  et  commerciales  de  l'empire  romain  avec  la 
Chine,  etc.,  p.  48(î. 


—   12  — 

Faut-il  donc  s'étonner  que,  comme  les  verriers  romains, 
leurs  précurseurs,  —  les  verriers  italiens  de  la  Renaissance, 
aient  songé  à  transporter  leurs  personnes  et  leurs  procédés 
dans  les  pays  étrangers? 

Peut-cire  même  y  eut-il  réciprocité,  et  certains  de  nos 
verriers  flamands  émigrèrenl-ils  aussi  au  loin,  même  dès  le 
moyen  âge 

Mais  que  je  n'anticipe  pas;  je  traiterai  en  son  lieu  cette 
question  intéressante. 

Je  veux  parler  d'abord  de  la  très  grande  émigration  des 
verriers  italiens,  par  toute  l'Europe,  au  xvr  siècle  et  au  xvii*. 

Nos  lecteurs,  Messieurs,  par  des  lettres  de  M.  Pinchartet 
par  les  miennes,  connaissent  déjà  les  verreries  à  la  façon  de 
Venise  établies  en  divers  lieux,  qui  faisaient  concurrence  à 
nos  fabriques  belges  ou  dirigées  par  des  Belges,  à  Anvers, 
Bruxelles,  Liège,  Maestricht,  Bois-le-Duc,  Mézières, 
Verdun,  etc.,  etc. 

Il  est  intéressant,  à  ce  propos,  de  citer  les  termes  mêmes 
de  la  requête  du  7  janvier  1615  (i)  que  j'avais  simplement 
mentionnée. 

On  y  parle  de  l'utilité  qu'il  y  a  d'établir,  pour  la  fabrication 
du  verre  à  la  façon  de  Venise,  une  fournaise  à  Bruxelles, 
ville  qui  doit  aussi  bien  en  être  pourvue  «  que  les  autres 
villes  réaies  du  monde,  si  comme  celle  de  Venise  qui  entre- 
lient quatre  fournaises  pour  son  service  seul,  la  ville  de 
Rojne  deux,  et  à  Florence  une  pour  le  service  de  la  Court  et 
du  peuple,  comme  aussi  en  Naples,  à  Milan,  à  Veronne,  à 
Parys  et  à  Londres,  en  Angleterre,  de  manière  que  tous  les 

(i)  lloLiJov,  Ducurai'iit  XI. 


—   15  — 

Roys  et  Princes  désirent  cl  affectent  avoir  en  leur  royaulmc 
cette  science...  » 

Eh  bien  !  dans  les  termes  de  cette  requête,  il  n'y  avait 
absolument  aucune  exagération  :  de  nombreuses  omissions 
existent  dans  l'énumération,  pourtant  si  circonstanciée,  de 
toutes  les  villes  où  on  se  livrait  à  la  fabrication  du  verre  à  la 
façon  de  Venise. 

Quoiqu'on  nous  dise  que  seulement  vers  1547  commença 
l'émigration  des  verriers  italiens  vers  l'étranger  (i),  une  tra- 
dition et  certains  renseignements  consignés  en  des  manus- 
crits du  xviii^  siècle,  énoncent  que  les  verriers  belges  de 
Golnet,  dont  on  trouve  la  trace  chez  nous  dès  la  fin  du 
XIV® siècle,  seraient  d'origine  italienne.  Citons  cette  hypothèse 
ici  uniquement  pour  mémoire  et  sauf  à  y  revenir. 

Mais,  dès  la  première  moitié  du  xv^  siècle,  il  existait  en 
Allemagne  des  verreries  où  l'on  s'efforçait  d'imiter  les  pro- 
duits de  Venise,  qui  avaient  déjà  alors  une  grande  vogue  (2). 
En  1428,  un  verrier  de  Murano,  Onossorius  de  Blondio, 
avait  établi  une  usine  à  Vienne.  Un  autre,  en  1486,  Nicolas 
dit  le  Welche  (0),  demandait  l'autorisation  de  fonder  un  éta- 
blissement pour  faire  des  verres  à  la  façon  de  Venise  ;  le 
Conseil  d'État  accueillait  sa  demande  et  lui  accordait  même 
une  exemption  d'impôts  pendant  dix  ans.  Sa  verrerie 
construite  à  Vienne,  dans  les  environs  du  Prater,  était  encore 


(j)  Moniteur  belge  du  il  novembre  1878,  p.  3596. 

(i)  Peugot,  Le  verre,  son  histoire  et  sa  fabrication  (Paris,  1877),  p.  542. 
Cfr.  (Hettner),  Fuhrer  durch  das  provincial  Muséum  zu  Trier  (iv/eile  Aiiflage, 
1883),  p.  ol,  qui  lui-même  cite  le  Guide  du  Gewerbe  Muséum  de  Berlin. 

(s)  Welche  est  quelquefois  pris  pour  Ueltje  :  aurions-nous  ici  la  «  Verrerie 
d'Allemagne  associée  à  une  maison  flamande  »  dont  parlent  les  frères  Danzolo 
en  lo07?  (Voir  ci-après  ce  qui  concerne  cette  requête). 


—  14  — 

en  activité  en  1565.  Une  autre,  «  à  la  mode  italienne,  » 
lut  installée  à  Veidlingen,  près  de  Vienne,  sous  le  règne 
de  l'empereur  Ferdinand  I";  on  faisait  alors  de  grands 
efforts  pour  transplanter  en  Autriche  l'industrie  des  Véni- 
tiens. On  ajoute  qu'à  celte  époque  la  vogue  des  produits 
italiens  était  immense  en  Allemagne  et  qu'on  cherchait  sans 
grand  succès  à  les  imiter,  allégation  bien  contraire,  on  l'a 
vu  plus  haut,  à  celle  des  verriers  d'Anvers,  qui,  en  1G07, 
soutenaient  que  leurs  concurrents  de  Liège  contrefaisaient 
les  verres  de  Venise  «  sy  ponctuellement  qu'à  grand  peine 
les  maislres  sçauraient  juger  de  la  différence.  »  La  fabrica- 
tion belge  à  la  façon  de  Venise  l'aurait  donc  emporté  sur 
toutes  les  autres  au  nord  des  Alpes. 

En  1572,  un  Salviati  (nom  bien  connu  à  Venise,  où  on 
le  retrouve  encore  aujourd'hui  dans  la  firme  d'un  des  prin- 
cipaux établissements  verriers),  du  prénom  de  Fabiano, 
s'adressa  au  comte  du  Lude,  gouverneur  du  Poitou,  pour 
obtenir  sauvegarde  à  l'égard  des  gens  de  guerre  :  le 
comte  du  Lude  accorde  ce  qu'on  lui  demande  «  voulant 
gratiffier,  favoriser  et  bien  traicler  Fabian  Salviate,  cs- 
ciiycr,  gentilhomme  de  iMyrane,  pays  de  Venize,  venus, 
luy  et  sa  famille,  en  ce  païs  de  Poictou  pour  praticquer 
l'an  de  la  verrerie,  »  et  le  gouverneur  autorise  l'impé- 
trant à  placer  «  sur  le  pourtant  de  sa  mayson  de  l'Ar- 
gentière  (paroisse  de  Prailles),  ses  armes  et  pannonceaux,  » 
en  le  dispensant  de  tout  logement  militaire  (i).  Pour  ob- 


(i)  li.  i'ii.Lo.N,  L'art  (le  terre  chez  les  Poitevins,  p.  208. 

Ce  passage  n'avait  pas  échappé  à  M.  Pinxhart  {BkU.  des  Comm.  roij.  d'art  et 
d'arcliéul.,  XXI,  p.  501).  .Si  j'y  reviens  ici,  c'est  à  raison  tlu  docuincnl  concernant 
Allaie,  sur  lequel  j'aurai  à  insister  ci-après. 


—  dé- 
tenir ces  faveurs,  Salviati  avait  sans  doute  fait  ses  preuves 
et  était  établi  depuis  quelque  temps  dans  la  contrée. 

Le  11  août  4588,  Jean  Ferro,  gentilhomme  verrier, 
sans  doute  Italien  à  en  juger  par  la  désinence  de  son  nom, 
et  la  ressemblance  de  ce  nom  avec  d'autres  qui  sont  cités 
[)lus  loin,  présenta  requête  à  la  ville  de  Nantes  pour  obtenir 
le  droit  de  travailler  en  verre  et  vaisselle  blanche  ou  faïence, 
avec  maintenue  et  jouissance  des  privilèges  accordés  aux 
gentilshommes.  Il  lui  fut  répondu  par  le  bureau  qu'il  pou- 
vait exercer  son  état  et  jouir  de  ses  privilèges  dans  la  ville, 
les  faubourgs  et  tout  le  comté.  Il  est  présenté  comme  le 
premier  verrier  qui  se  soit  établi  à  Nantes  (i). 

On  verra  plus  loin  d'autres  verriers  italiens,  les  Saroldi 
établis  dans  le  Poitou  depuis  1645. 

En  France,  l'attention  avait  été  tout  spécialement  attirée 
sur  les  verres  de  Venise  par  le  fait  suivant  :  un  vaisseau 
espagnol  avait  été  pris  par  les  corsaires  de  La  Rochelle  et 
conduit  dans  le  port  de  cette  ville,  à  la  fin  de  l'année  1542, 
époque  d'un  séjour  de  François  I"  (2)  :  20  grands  coffres 
pleins  de  coupes  de  Venise,  etc.,  furent  retenus  et  payés 
par  le  roi,  et  un  grand  nombre  des  objels  provenant  de  la 
prise  furent  distribués  aux  dames  de  la  cour,  ou  envoyés 
à  Rouen  et  à  Dieppe,  La  «  grande  beauté  »  qu'on  trouva 
à  ces  exemplaires  de  l'industrie  italienne  les  mit  immédia- 
tement à  la  mode,  et  M.  Pinchart  (0)  nous  a  fait  connaître 


(i)  Travers,  Histoire  de  Nantes,  lll,  p.  3. 

(2)  B.  FlLLON,  /.  cit.,  p.  117. 

M.  Pinchart,  ci-dessus,  XXII,  p.  5G5,  cite  déjà  en  1538,  de  la  «  vaisselle  de 
verre  cristallin  vénitien,  »  en  un  inventaire  de  François  1<='. 

(3)  Ihid.,  p.  371. 


—  lo- 
que quelques  années  plus  tard,  en  1551,  Theseo  Mutio  de 
Bologne,  obtenait  en  France,  de  Henri  II,  privilège  pour 
la  fabrication  de  verre  «  de  la  même  beauté  et  excellence 
que  ceux  qu'on  souloit  apporter  de  Venise.  » 

Sous  Louis  XIV,  Colbert  établit  en  1G65,  à  Paris,  au 
faubourg  Saint-Antoine,  une  manufacture  de  verres  à  la 
façon  de  Venise,  à  l'effet  de  dispenser  les  Français  de 
s'adresser  à  Murano  pour  y  obtenir  des  verres  italiens  à  des 
prix  élevés  (i).  On  nous  montre  le  Roi  Soleil  allant,  en 
grande  pompe,  une  après-midi,  visiter  dans  ces  ateliers  du 
faubourg,  les  ouvriers  qu'on  lui  avait  expédiés  de  Venise 
pour  cette  fabrication  (2). 

En  16G9,  Colbert  recommandait  à  l'ambassadeur  français 
de  s'informer  à  Venise  si  la  République  fabriquait  autant 
de  glaces  qu'autrefois,  où  elles  s'expédiaient  et  si  les  manu- 
factures françaises  y  avaient  toujours  le  même  débit. 

Non  seulement  Colbert  travailla  à  dégoûter  les  négociants 
français  de  s'approvisionner  à  Venise,  mais  il  chargea  l'am- 
bassadeur d'engager  pour  la  France  des  ouvriers  vénitiens. 
L'ambassadeur  avait  répondu  que  les  peines  les  plus  sévères 
frappaient  les  ouvriers  qui  consentaient  à  s'expatrier,  et  que 
ceux  qui  essayeraient  de  se  mettre  en  relation  avec  eux  à  ce 
sujet,  risqueraient  d'être  jetés  à  la  mer.  Cependant,  sur  les 
instances  répétées  de  Colbert,  on  parvint  à  attirer  en  France 
quelques  ouvriers  vénitiens,  qui  contribuèrent  à  la  création 
de  la  grande  manufacture  de  glaces  de  Saint-Gobain  et  de 


(1)  Biographie  universelle,  v"  Colbeut. 

(»)  Ch.  ViuAitTE,  Venise.  Histoire,  Arl,  Iniludric,  de,  3«  édit.  Paris,  1878, 
1).  21  i. 


—  17  — 

celle  de  Cerey  ;  mais  après  la  mise  en  train  de  ces  élablis- 
semenls,  on  élail  arrivé  à  un  degré  suffisant  de  perfection 
dans  la  fabrication,  pour  pouvoir  se  passer  désormais  du 
concours  des  ouvriers  italiens  (i). 

A  Dessau,  chef-lieu  du  duché  d'Anhall,  on  a  aussi 
fabriqué  au  xvii*  siècle  du  verre  à  la  façon  de  Venise,  et 
Demmin  (^2)  commet  l'étrange  erreur  d'affirmer  que  «  les 
verres  à  ailettes  (FlOgelgliiser)  attribués  à  tort,  avant  mes 
recherches,  dit-il,  à  la  verrerie  de  Venise,  ne  datent  que  du 
xvn'"  siècle,  où  ils  ont  été  soufllés  à  Dessau...  » 

Voilà  Venise  biffée  d'un  trait  de  plume,  et  en  même  temps 
toute  la  verrerie  à  la  façon  de  Venise  du  xvi*  siècle  ! 

Mais  ce  qui  est  plus  étrange,  c'est  que  Demmin  lui-même, 
par  les  détails  qu'il  donne,  fournit  la  preuve  du  concours  des 
ouvriers  de  Venise. 

«  La  manufacture,  dit-il,  avait  été  fondée  en  1669  au 
château  d'Oranienburg  par  le  prince  Jean  Georges  II  d'An- 
halt  (ici  des  détails  tout  à  fait  superflus  sur  ce  personnage  et 
sur  son  fils).  La  manufacture  fut  installée  l'année  suivante  à 
Dessau  même.  Un  verre,  le  premier  produit  par  cette  manu- 
facture le  T''  décembre  1669,  fait  partie  de  la  collection  de 
la  maison  gothique  à  Woerlitz,  près  de  Dessau.  En  1679, 
dix  ans  après  la  fondation,  le  prince  fit  venir  de  Murano  le 
verrier  Marinelli,  et  de  Vienne  Ludovico  Savonelli  (3),  le 


(0  Clément,  Histoire  de  Colberl  et  de  son  administration  (187i),  F,  p.  313. 
Cfr.  PiN'CHART,  ci-dessus,  XXII,  p.  597. 

(i)  Guide  de  l'amateur  de  faïences  et  de  porcelaines,  i«  édit.,  1873,  p.  1331. 
11  est  utile  de  reproduire  ici  tout  le  passage  auquel  il  a  déjà  été  fait  allusion 
ci-dessus,  XXII,  p.  -138. 

(s)  Ce  qui  prouve  la  continuation  de  la  verrerie  de  Vienne  it  la  façon  de  Venise 
durant  le  xvii"  siècle  (Voy.  ci-dessus,  p.  20j. 


second,  probablement  aussi  italien,  afin  d'introduire  dans  la 
manufacture  la  fabrication  des  verres  dits  vénitiens.  C'est 
donc  entre  1G79  et  IG8G,  année  où  la  production  cessa,  que 
tous  ces  verres  à  ailettes  (Fliigelgiascrj  faussement  désignés 
comme  vénitiens,  ont  été  fabriqués  à  Dessau.  Beckmann, 
dans  son  Histoire  d'Anhalt,  II,  III,  p.  08,  parle  de  cette 
célèbre  manufacture,  dit  qu'on  y  a  aussi  fabriqué  des  verres 
de  cristal,...  des  verreries  en  filigrane,  des  verres  de  cou- 
leur, et  qu'un  des  verriers,  nommé  Joselli,  y  a  fait  des  mi- 
roirs avec  cadre  de  verre  qui  furent  débités  avec  succès  aux 
foires  de  Leipzig,  et  un  grand  nombre  furent  faits  pour  la 
cour  de  Prusse  et  d'aut/es  cours  princières.  » 

On  le  voit,  quoique  la  Sérénissime  république  appelât 
l'industrie  du  verre  la  «  pupille  de  mes  yeux  »  (i);  quoique 
depuis  Ho-î,  des  statuts  draconiens  prononçassent  les  peines 
les  plus  sévères  et  même  la  mort  contre  les  ouvriers  verriers 
transfuges;  quoique  depuis  1490  (2)  la  corporation  des 
verriers  de  Venise  eût  été  placée  sous  la  tutelle  immédiate 
du  Conseil  des  Dix;  bien  des  verriers  de  Murano,  comme  le 
dit  l'abbé  Zanetti  en  un  passage  cité  par  M.  Pincbart  dans 
sa  deuxième  lettre,  s'enfuirent  de  Venise  séduits  par  l'or  de 
l'étranger,  et  «  il  y  aurait  de  quoi  étonner  le  lecteur  si  l'on 
faisait  l'énumération  de  tous  ces  déserteurs.  » 

Qu'on  en  juge  rien  que  par  la  liste  des  localités  suivantes, 
où  au  XVI*  siècle  et  au  xvii'  on  a  fabriqué  du  verre  à  la  façon 
de  Venise  avec  le  concours  d'ouvriers  italiens. 


(1)  Amaii,  hizionario,  v°Miiraiiii,  p.  4!)i. 
(î)  Cil.  YniAi'.TK,  p.  21  "j. 


—   19  — 

Ces  endroits  sont  les  suivants,  au  nombre  d'environ 
cinquante  : 

Dans  les  Pays-Bas  :  Anvers  (i),  Bruxelles  (2),  Namur  (3)  ; 

Dans  les  Provinces- Unies  :  Bois-le-Duc  (4),  Middel- 
bourg  (5),  Amsterdam  (o),  Harlem  (7); 

Dans  le  Pays  de  Liège  :  Liège,  Huy,  Maestricht  (s)  ; 

En  France:  Paris  (9),  Rouen,  Melun,  Nevers  (10),  Ver- 
dun, Mézières  (ii),  Nantes,  Vendrennes,  l'Argenlière  (en 
Poitou)  (12),  Saint-Gobain,  Cerey  (13),  des  localités  de  la 
Provence  et  du  Dauphiné  (14); 


(i)  Houdoy;  Pixchart;  Génard,  Bulletin  des  archives  d'Anvers,  \\U  elXIV, 
passini;  B{dl.  des  Comm.  roy.  d'art  et  d'archéoL,  XXil,  p.  135  et  557. 

(2)  Houdoy,  j3assi/H. 

(?)  Houdoy,  Document  XII,  du  4  septembre  16:29;  S.  Borjians,  Bull,  des 
Comm.  roy.  d'art  et  d'archéoL,  XIX,  p.  46o;clr.  XXII,  p.  599;  M.  van  de 
Casteele  vient  de  retrouver  un  document  du  13  février  1629  concernant  la 
verrerie  de  Namur  ii  la  façon  de  Venise. 

(4)  Van  de  Casteele,  Lettre  à  Monsieur  >S'(chuermans)  sur  Vancienne  verrerie 
liégeoise,  p.  4  et  14.  (Je  cite  la  pagination  spéciale  de  cet  intéressant  écrit  qui  a 
(léjii  eu  deux  éditions,  —  et  non  celle  du  Bulletin  de  Vlnstitut  archéologique 
liégeois,  t.  XIV,  dont  la  première  édition  est  un  tiré  à  part.) 

(5)  Bull,  des  Comm.  roy.  d'art  et  d'archéoL,  XXII,  pp.  •148,  571  et  587  : 
c'est  M.  Génard  qui,  contrairement  h  ce  qu'affirme  le  second  passage  cité,  a  le 
mérite  d'avoir  le  premier  fait  connaître  cette  fabrication. 

(g)  PiNCHART,  Bull,  des  Comm.  roy.  d'art  et  d'archéoL,  XXII,  p.  388. 
Voy.  ci-après,  p.  41,  pour  les  verreries  d'Amsterdam  et  Middelbourg. 

(7)  Bull,  cité,  p.  571  et  572,  note  1. 

(s)  Van  de  Casteele,  lac.  cit.,passim;  Bull,  des  Comm.  roy  d'art  et  d'archéoL, 
XXII,  p.  4o-2et588. 

(0)  Houdoy,  Document  du  7  janvier  1625;  Bull,  des  Comm-,  roy.  d'art  et 
d'archéoL,  XXII,  pp.  571  et  589,  et  ci-dessus,  p.  16. 

(lo)  PiNCHART,  Bull,  cité,  XXII,  p.  589. 

(h)  Van  de  Casteele,  pp.  4, 14,  21  ;  Houdoy,  Documents  de  1607,  1608. 

(12)  Fillon,  voir  ci-dessus,  p.  14. 

(is)  Voir  ci-dessus,  p.  16. 

(li)  PiNCHART,  Bull,  cité,  XXI,  p.  387,  et  XXII,  p.  389;  cfr.  aussi  van  de 
Casteele,  p.  20,  où  il  s'agit  d'ouvriers  du  Dauphiné,  engagés  à  Liège, 


_    90    — 

En  Alle?iuh/ne:  Cologne  (i),  Kiel  (-2),  Dessau  (3),  Vienne, 
Vc'idiingen  (-4),  Nurenberg  (5); 

En  Angleterre  :  Londres  (g)  ; 

En  Italie,  outre  Venise  et  Murano  :  Rome,  Naples,  Milan, 
Vérone,  Florence  (t),  Parme  (s),  Mantoue  (9),  Bergame, 
Brescia,  Bologne,  Trente,  Turin,  Gènes,  des  localités  de  la 
Romagne  (io)  ; 

En  Portugal,  à  Lisbonne  (11); 

En  Espagne,  à  Cadix  (12); 

Dans  le  Levant  même,  Zanetti  ))arle  de  colonies  de  Mura- 
nais  qui  y  fabriquaient  du  verre  à  la  façon  de  Venise  (15). 

Et  encore  dois-je  omettre  les  émigrations  qui  ont  eu  lieu, 
au  wiu^  siècle,  vers  une  quantité  de  localités  que  cite  le 
même  Zanetti,  mais  qui  n'intéressent  plus  mon  sujet. 


(1)  PiN'ciiART,  ibid.,  p.  588,  note  5.  (V(iy.  aussi  //'/(/.,  p.  Iô8.) 

(î)  Van  de  Casteele,  p.  20. 

(3)  Voy.  ci -dessus,  p.  17, 

(1)  Voy.  ci-dessus,  p.  l\.  Zanetti,  dont  M.  Pinckart  a  bien  voulu  me  comnni- 
niquer  le  Guide  di  Miiraiio,  rucutionne  Vienne,  p.  21o. 

(s)  On  peut  le  supposer  par  ceci  :  Cornachini,  qui  venait  d'Allemagne  (Génahd, 
Bull,  des  arch.  d'Anvers,  XIIF,  p.  -454),  et  qui  d'Anvers  alla  à  Nurenberg,  pour 
y  trouver  des  ouvriers,  avait  sans  doute  été  attaché  comme  directeur  ou  artisan 
à  une  fournaise  établie  en  cette  ville.  Zaketti,  loc.  cit.,  désigne  tout  spécialement 
Vieune.  Jean-Michel  Cornachini  (lui-même,  ou  son  père?)  avait  été  héraut 
d'armes  de  Charles-Quint  (Rutkens,  1"  suppl.,  p.  HO. 

(fi)  HouDOY,  Document  du  4  janvier  1623;  Pi.ncuakt,  UuU.  cité,  p.  375,  ôSO 
et  398.  Voy  ci-après,  p.  42. 

(?)  Hoi'DOY,  ibid.;  Buffa,  l'Universila  dell'  iirlc  rilreu  di  Allare,  p.  23,  cite 
Naples  et  Milan.  Zanetti,  loc.  cil.,  parle  de  Florence  et  Tinin. 

(»)  Zanetti,  loc.  cil. 

(9)  PiscHAHT,  liiiH.  cité,  p.  389,  note  1. 

(lOj  Ul  KFA,  p.  23, 

(m)  Zanetti,  Icc.  cit. 
(h)  Id.,  ibid. 
(is)  lu  ,  ibid. 


~  i2l   — 


II. 


Cependant,  il  ne  faut  pas  absolument  attribuer  à  Venise 
seule  l'émigration  italienne  des  ouvriers  verriers  pnr  toute 
l'Europe. 

Tandis  que  Venise  prohibait  la  sortie  de  ses  ouvriers, 
d'autres  localités  italiennes  favorisaient  celle  des  leurs,  ingé- 
nieuses' à  profiter  de  la  vogue  des  produits  de  verre 
artistique  d'Italie. 

Il  y  avait  donc  deux  courants  :  un  courant  parlant  de 
Venise,  comballu  par  toutes  sortes  de  restrictions  et  de  péna- 
lités, etc.;  l'autre,  facilité  par  la  bienveillance  mutuelle  des 
intéressés  :  ce  courant  avait  pour  source  principale  Altare, 
près  de  Savone,  dans  l'ancien  marquisat  de  Monferrat. 

Gitladella,  dont  M.  Pinchart  (t)  invoque  le  témoignage, 
parle  d'une  grande  émigration  à  l'étranger  de  verriers 
d'Altare,  qui  allèrent  déjà  vers  1oi8  transplanter  par  toute 
l'Europe  la  fabrication  dite  allariste. 

M.  van  de  Casteele,  en  son  intéressante  notice  sur  l'in- 
cienne  verrerie  liégeoise,  a  énuméré,  à  côté  des  verriers  de 
Murano  qui  se  sont  engagés  à  Liège  vers.  1G50,  un  certain 
nombre  de  gentilshommes  verriers  venant  d'Altare,  et  la 
façon  d'Altare  était  assez  estimée  pour  que  parfois  on  de- 
mandât, même  aux  verriers  émigrés  de  Murano,  de  tra- 
vailler à  cette  façon,  qui  était  sans  doute  en  faveur. 

Leurs  contrats  portent  individuellement  la  mention  : 
«  luy  payant  les  droits  de  Messieurs  les  consultz  de  lallar, 
suyvant  et  à  proportion  de  sa  quoete  et  contingent  (2).  » 


(1)  BuU.  des  Comm.  roy  d'art  cl  d'arcliéol.,  XXII,  p.  ôOU. 
(î)  Ibid.,  l'p.  155  cl  157;  van  di;  Casieelk,  y.  10. 


22  

Or,  — ce  qui  a  permis  ci-dessus  d'étendre  singulièrement 
le  cercle  des  localités  où  l'on  fabriquait  des  verres  artistiques,— 
il  est  constaté  (i)  que  la  République  de  Gènes  et  les  fabriques 
de  Bcrgame,  Brescia,  Bologne,  Trente,  Milan,  Turin,  de  la 
Romagne  et  des  contrées  suivantes  :  Naples,  Angleterre, 
Hollande,  Flandre,  France,  Allemagne,  recouraient  aussi 
aux  consuls  d'Altarc  pour  obtenir  d'eux  des  ouvriers  habiles 
à  exercer  l'art  de  la  verrerie  et  à  ouvrir  des  fabriques  pour  la 
confection  du  verre,  ce  moyennant  une  rétribution  payée 
auxdits  consuls. 

Les  Consuls  de  laltar,  des  documents  liégeois,  sont  les 
consuls  d'Al(an>,  et  en  effet,  d'après  des  renseignements 
obtenus  de  la  localité  même  (2),  l'adjonction  de  l'article  au 
nom  fait  du  nom  d'Altarc,  dans  le  dialecte  populaire 
VAltar. 

Ces  consuls  de  l'Altare  étaient  des  administrateurs  que 
s'était  donnés  elle-même  la  corpoi-ation  VUniversila  de/l' 
arte  vitrea,  ou  corporation  des  verriers  d'Allare  :  les  pou- 
voirs de  ceux-ci  furent  confirmés  le  15  février  1495,  par 
Guillaume,  marquis  de  Monferrat,  et  approuvés  le  26  juin 
1512(3). 

Le  fait  éclaire  d'un  jour  tout  nouveau  certains  documents 


(t)  l[).JI)id.,  p.  27. 

(i)  M.  Mariano  Brûnui,  président  de  rAssoeiation  des  arlisicns  verriers 
lArlieri  veirai)  d'Altare.  I.eLtre  à  M.  Eni.  de  Laveleyk,  membre  de  l'Académie, 
a  l'obligeance  de  qui  j'en  dois  la  communication. 

Arlisan  et  artiste  sont  des  expressions  dont  le  sons  moderne  ne  traduirait  pas 
cxacfenient  celle  d'artieri  :  je  reprends  celle  d'artisie/,  (ou  de  amsfeiiacr)  que  je 
trouve  dans  les  recueils  de  modèles  du  xvi«  siècle,  de  Théod.  de  Buy,  Floiiis, 
Jérôme  Cock  et  autres,  pour  désigner  les  industriels  qui  s'inspirent  de  l'ail  .'' 
"  orfibvrcs,  graveurs  cl  aullres  arlisiens.  » 

(s)   IJI  FIA,  p.  50. 


—  23  — 

du  xvu'  siècle,  prôsonlc  par  Fillon  (i),  (locuinont  où  col 
aulcur  n'avait  pas  compris  le  nom  de  localilc  «  Faltarc  », 
qu'il  cite  plusieurs  fois. 

Ce  document,  qui  est  du  i  février  1G45,  est  un  certificat 
délivré  en  la  ville  d'x\ltarc,  État  de  Monferrat,  diocèse  de 
Noli,  en  présence  d'un  juge  délégué  par  Charles  II,  duc  de 
Mantouc  et  de  Monferrat,  par  nobles  personnes,  les  sei- 
gneurs Pierre -Vincent  de  Cosse,  Jacques -Philippe  d(! 
Cosse,  Barthélémy  Ponte  (et  non  Poute),  Joannin  de  Raguet 
et  Baptiste  Cosse,  «  consuls  en  la  même  ville  pour  l'art 
»  de  la  verrerie,  celte  autorité  leur  ayant  été  concédée 
»  par  III.  et  excell.  Seigneur  Guillaume,  marquis  de 
»  Monferrat,  dès  l'an  1495,  le  5'' jour  du  mois  de  février, 
»  et  ensuite  confirmée  par  Sér*"^  Seigneur  Guillaume  de 
»  Gonzague,duc  de  Mantoue  etde  Monferrat,  l'an  lo5^  (a).  » 

Lesdits  consuls  d'Altare  attestent  la  noblesse  de  la  famille 
allariste  de  Sarode,  non  seulement  par  des  faits  de  posses- 
sion immémoriale  de  noblesse  et  de  notoriété,  mais  surtout 
par  ce  que  voici  :  «  ce  qui  est  une  preuve  très  assurée  que 
»  les  membres  de  la  famille  de  Sarode  sont  nobles  et  de 
»  race  noble,  c'est  qu'ils  jouissent  du  privilège  d'exercer  l'art 
»  de  la  verrerie,  auquel  ceux  qui  ne  sont  pas  nobles  no 
»  sont  pas  admis  (s);  ce  qui  est  très  vrai  et  doit  être  tenu 


0)  Loc.  cit.,  p.  209. 

(•2)  Lire  I0I2  (voir  plus  haut)  ou  bien  lîiS-i,  s'il  n'y  a  pas  erreur  sur  la 
désignation  du  prinee  :  c'est  en  1573  seulement  que  Guillaume  de  Mantoue  devint 
duc  de  Monferrat;  auparavant  le  duché  appartenait  aux  Paléologuc. 

(3)  Il  y  avait  donc  trois  sortes  de  noblesse  verrière  : 

a)  En  France  et  aux  Pays-Bas,  les  nobles  quoique  verriers; 

b)  A  Venise,  les  nobles,  ;;ff/'<:e  que  veriiers  ; 

c)  A  Altarr,  les  semers,  parce  que  nobles. 


^/l 


»  pour  certain  el  assuré  par  lous,  (.levant  tous  cl  publique- 
»  ment.  « 

Il  y  a  lieu  de  s'arrêter  un  instant  à  ces  de  Sarode,  qu'on 
déclare  nobles  parce  que,  à  Altare,  les  nobles  seuls  pou- 
vaient pratiquer  l'art  de  verrerie. 

Celte  digression  amènera  l'examen  d'un  point  intéressant  : 
y  a-t-il  eu  émigration,  au  moyen  âge,  de  verriers  flamands 
vers  l'Italie? 

Au  mois  d'août  1882,  eut  lieu  à  Altare  une  fêle  du  travail 
organisée  par  l'association  moderne  des  verriers  de  celle 
localité. 

Le  programme  de  celle  fêle  est  signé  par  deux  membres 
de  la  même  famille  de  Sarode,  restés  au  pays  natal  :  Luigi 
Saroldi  el  Rinaldo  Saroldi  (i)  figurent  l'un  comme  prési- 
dent, l'aulre  comme  secrétaire  du  Comité  exécutif. 

C'est  là  ccrles  un  rapprochement  de  noms  aussi  intéres- 
sant que  celui  qu'on  a  pu  faire  entre  les  noms  des  Miolti, 
des  Salviali,  tant  de  Venise  mémo  que  de  l'émigration  à 
l'étranger,  noms  en  quelque  sorte  attachés  à  la  fabrication 
du  verre  à  la  façon  de  Venise. 

iMais  ce  qui  est  ])lus  curieux  pour  nous,  est  le  contenu 


(i)  Les  DE  Sahodi:,  du  Poitou,  devaient  ii^iiorer  leur  origine  allariste;  car  ils 
ont  laissé  Fii.lon  dans  l'erreur  sur  le  pr(^ten(lu  nom  l'allure  du  document  qu'ils 
lui  ont  communiqué. 

A  la  suite  des  présentes  recherches,  qui  ont  été  accueillies  à  Altare  avec  un 
empressement  indicible,  je  dirais  presque  avec  reconnaissance,  M. MarianoUitoNni 
m'écrit  que  des  relations  ont  été  élablies  entre  les  de  Sarode,  du  Poitou,  et  leurs 
parents  les  Saroldi,  restés  au  lieu  d'origine  :  «  Grazia  particu'ari  le  rendono  le 
famiglie  Saroldi,  aile  quali  ha  Ella  fornito  Toccasione  di  mettersi  in  relazioue  coi 
loro  iMiciili  dcl  l'oilou,  il  clie  puii  forse  turnarc  loro  utik  assai.  » 


—  25  — 

(lu  programme  de  la  fêle  (i),  où  l'on  rappelle  que  les  ver- 
riers d'Allarc  avaient  eux-mêmes,  comme  initiateurs,  depuis 
le  X*  siècle,  des  émigrés  de  Flandre  et  de  France  (2).  Ce  qui, 
d'après  le  programme, ex))lique,  comme  on  l'a  vu  plus  haut, 
que,  par  un  échange  de  bons  procédés,  la  Flandre  et  la 
France,  comme  Gênes,  etc.,  en  s'adressant  aux  consuls  de 
l'art  de  la  verrerie  à  Altare,  obtinrent  d'eux,  dans  la  suite 
des  temps,  l'envoi  d'habiles  ouvriers  pour  faire  profiter 
le  berceau,  des  progrès  efïectués  en  Italie. 

Peut-être  le  x*  siècle  est-il  bien  une  date  un  peu  reculée 
pour  cette  influence  flamande  ou  française  exercée  sur  l'art 
de  la  verrerie  des  Italiens,  et  probablement  faut-il  s'en  tenir 
au  moins  au  \if  siècle,  date  fixée  par  Amati  ;  mais  ce  qui  est 
parfaitement  certain,  en  tous  cas,  c'est  qu'au  commencement 
du  xvi*  siècle,  les  verriers  de  Venise  déclaraient  eux-mêmes 
qu'ils  avaient  quelque  chose  à  apprendre  des  verriers  lla- 
mands,  puisque,  de  Murano,  en  1 507,  est  émanée  une  requête 
des  frères  Danzolo  del  Gallo,  à  l'effet  de  pouvoir  imiter  el 
introduire  en  Italie  les  procédés  de  la  fabrication  flamande 
pour  les  miroirs  (3). 

Cette  requête  parle  d'une  maison  flamande  associée  à  une 
maison  allemande  :  il  pourrait  bien  s'agir  là  de  ce  Nicolas, 
dit  le  Welche  (le  Belge?),  cité  plus  haut,  qui,  en  1486,  avait 


(0  XV  Afjosto  MDCCCLXXXK.  Fesia  ciel  lavoro  el  delà  providenza  in  Allaie, 
p.  5.  Communication  en  avait  été  faite  par  M.  Éra.  de  Laveleye,  qui  a  rendu 
compte  de  la  fête  dans  la  Revue  de  Belgique,  livraison  d'octobre  1883. 

(2)  Amati  on  l'a  vu  ci-dessus,  Bull,  des  Comm.  roij.  d'art  et  d'archéol., 
XXII,  p.  ISo,  ne  parle  que  d'émigrés  de  Bretagne  et  de  Normandie. 

(s)  HouDOY,  p.  3,  qui  cite  Turgan,  Les  grandes  usines.  Les  verreries  de 
Murano;  voy.  aussi  Sadzay,  La  verrerie  depuis  les  temps  les  plus  reculés,  p.  81  ; 

CI).  YlUARTE,  p    2115. 


—  26  — 

établi  à  Vienne  une  fabrique  de  verre  à  la  façon  de  Venise, 
ol  qui  lui-même  aurait  inventé  des  procédés  dont  les  Véni- 
tiens, à  leur  tour,  sont  devenus  les  imitateurs  (i). 

Il  n'y  a  rien  d'étonnant  à  pareil  échange  de  procédés 
internationaux  ;  mais  que  faut-il  croire  du  fait  de  ces  verriers 
flamands  qui  seraient  allés  se  fixer  en  Italie  au  x%  au  xf, 
voire  même  au  xii®  siècle? 

Que  nous  dit-on  à  ce  sujet?  Voici  la  version  de  Buffa  ('■2), 
d'après  les  légendes  et  traditions  d'Altare  :  Vers  l'an  1000, 
raconle-l-on,  vivait  dans  l'ilot  de  Bergeggi,  près  de  Savone, 
un  pauvre  ermite,  venu  là  de  la  Flandre  française.  Il  fut 
créé  abbé  de  la  riche  abbaye  de  Fornelli,  près  de  Mallare. 
Les  bois  épais  qui  couvraient  alors  toute  la  crête  des  Apen- 
nins et  dont  aujourd'hui  encore  on  admire  de  majestueux 
restes  à  Monlenolle,  l'engagèrent  à  choisir  cet  endroit  comme 
très  favorable  à  l'établissement  d'une  verrerie,  à  raison  de  la 
facilité  d'obtenir  du  combustible  à  proximité.  Il  persuada  à 
plusieurs  familles  de  son  pays  natal  d'émigrer  et  de  s'établir 
au  sommet  des  Apennins  pour  y  travaillera  la  fabrication  du 
verre.  Ces  familles,  au  nombre  de  huit,  étaient  les  Bourdon, 
Blanchard,  Bousson,  Breaund  iz),  Borgnolle,  Baguette, 
Saraud,  Varaud  (?),  qui  subsistent  encore  aujourd'hui  sous 
les  noms  italianisés  de  Bordoni,  Biancardi,  Buzzonc,  Brondi, 
Bormioli,  Bachetti,  Saroldi  et  Varaldi. 

Buffa  démontre  parfaitement  l'orisine  étrangère  de  ces 


(ij  HoiDOv,  i>.  11,  pense  qu'il  s'ygissait  do  la  rubricalinn  des  miroirs  des 
de  Lalaing,  dont  parle  aussi  M.  Pinciiart,  Bull,  des  Comm.  rotj.  d'art  cl 
d'anlicol.,  XXII,  p.  580,  ut  sur  lafiuelle  il  a  annonce  qu'il  reviendrait. 

(i)  Loc.  cit.,  p.  12. 

(^)  Le  nom  de  lirand  est  porté  par  une  famille  de  liruges.  (Voir  Calai,  de 
l'KxposiUon  nationale  de  Uru.vclles  en  I880j. 


—  27  — 

fainillcs  qui  ont  fondé  la  colonie  verrière  d'Allarc,  à  l'exclu- 
sion  de  toutes  autres,  et  dont  la  plupart  s'y  sont  maintenues 
jusqu'à  nos  jours,  continuant  à  y  exercer  l'art  de  la  verrerie. 

Les  cxcellenis  arguments  qu'il  produit,  sont  tirés  du  type 
physique  el  de  l'idiome  des  modernes  allaristcs.  Ils  sont  do 
taille  moyenne,  mcmbrus,  ils  ont  la  face  replète  et  peu 
colorée,  le  crâne  presque  rond  et  sont  distincts,  par  ces  carac- 
tères, de  toute  la  population  circonvoisine  des  Apennins.  Les 
descendants  des  familles  primitives  s'appellent  les  Mojisi)  ;  ils 
se  considèrent  comme  supérieurs  aux  Paesani,  qui  forment 
la  population  adventice.  Le  nom  même  de  la  localité  Allarc 
ou  l'AUare  se  dit  aussi  /'.4//e,  Làté  (l'autel),  forme  essen- 
tiellement étrangère  (i)  ;  ils  parlent  de  Yarte  nobla  del  veirc, 
tandis  que  leurs  voisins  disent  artc  nohile  delvelro;  ils  pro- 
noncent bal  du  sabre  pour  ballo  délia  sciabola,  etc. 

Mais  si  l'origine  étrangère  est  prouvée  par  là  d'une 
manière  incontestable,  c'est  peut-être  aller  trop  loin  que 
d'admettre  avec  Buffa  l'origine  flamande. 

Voici  la  forme  donnée  par  lui  à  son  raisonnement  : 

«  La  plupart  des  noms  primitifs.  Bourdon,  Blanchard. 
Bousson,  etc.,  sont  encore  portés  aujourd'hui  en  Flandre 
el  spécialement  à  Val-Sainl-Lambert;  celte  circonstance, 
jointe  à  celle  qu'en  ce  dernier  endroit  on  fabrique  du  verre 
de  toute  ancienneté,  fait  croire  que  la  colonie  d'Allare  pro- 
vient de  ce  pays  (2).  » 

(  1)  «  lA  cresse  rie  l'Afé  <)  (ou  de  PAutel)  est  le  nom  wallon  d'une  cime  de  rots 
du  coté  de  La  Roche. 

(-2)  Voici  le  texte  même  de  Buffa,  p.  H  :  •<  I  piu  di  cssi  anzi  son  vivi  tuttoia 
iiella  lor  forma  origioaria  nclla  Fiandra,  spccialmcnte  a  Val-Saint-l.amberl.  La 
quai  circostanza,  unita  a  quell'  altra  dell'  essere  rolà  antichissima  l'induslria  dt  i 
velri,  ha  fatto  credere  clie  la  colonia  allarese  provenissc  da  quel  paese.  » 


—  28  — 

Je  regrellc  de  devoir  décliner  celle  allribulion  trop  précise, 
selon  moi  ;  mais  celle  précision  môme  me  permet  d'en 
démontrer  l'exagération  el  l'erreur. 

D'abord,  la  Flandre  élail  bien  une  dénomination  générale 
appliquée  aux  Pays-Bas  anciens,  de  telle  façon  qu'à  l'étranger 
Bruxelles,  Anvers,  Namur,  Tournay,  étaient  considérées 
comme  villes  flamandes,  tout  comme  Gand,  Audenarde, 
Bruges,  Ypres. 

Mais  quant  à  Liège  et  à  Seraing,  où  se  trouve  l'établisse- 
ment de  Val-Saint-Lamberl,  ces  localités  faisaient  partie  de 
l'empire  d'Allemagne  et  ont  toujours  été  séparées  des  Pays- 
Bas,  et  par  conséquent  distinctes  de  la  Flandre. 

De  plus,  Val-Saiiit-Lambert,  jusqu'à  la  Bévolulion  fran- 
çaise, était  le  siège  d'une  abbaye,  et  ce  n'est  qu'après  la 
suiipression  de  celle-ci,  qu'au  présent  siècle,  en  1820  (i),  on 
a  transféré  dans  les  bâtiments  de  celte  abbaye  la  verrerie 
précédemment  élablie  à  Vonêche. 

Mieux  encore,  s'il  est  vrai  qu'il  y  a  encore  parmi  les 
verriers  de  Val-Saint-Lambert  des  Bourdon,  Blancbard, 
Bousson,  Baquet,  etc.,  il  se  pourrait  que  ceux-ci  fussent 
simplement  des  descendants  d'Allaristes  venus  à  Liège, 
au  xvi'  siècle  :  en  effet,  -un  Buzzone  qui  s'engagea  en  166o 
chez  les  frères  Bonhomme  (2),  avail  repris  son  nom  primitif 
de  de  Buysson  (0),  et  dès  lors  les  hypothétiques  Buisson  de 


(ij  Ititll.  (1,'s  Comin.  roij.  d'art  et  d'archéol  ,  XX,  p.  202  ( article  de 
M.  S.  BoitMANs). 

(î)  Van  de  Casteei-e,  p.  50. 

(î)  Un  acte  de  mariaiic  do  l;i  paroisse  Saintc-Véroniio,  à  Licge,  en  date  du 
ôl  décembre  1625,  constate  l'iinioii  d'un  «  Buisson,  italien,  b  avec  une  Dcpayre, 
alliée  aux  de  (Jlen  et  aux  Couliouinic 

Les  l'eni,  égalcniint  d'Altarc,  reprennent  aussi  dans  nos  contrées  le  nom  de 


—  49  — 

Val-Saint-Lambert  seraient  i)ien  plus  proches  parents  des 
Buzzone  d'Altare  que  ne  le  suppose  Buffa  :  il  ne  faudrait  plus 
remonter  à  un  auteur  commun,  datant  du  x'  siècle  ou  du 
xi%  et  l'on  pourrait  s'en  tenir  au  xvif . 

Il  est  donc  à  croire  que  les  verriers  altaristcs,  si  ce  sont 
des  émigrés  arrivant  d'au  delà  des  Alpes,  proviennent  do 
Bretagne  et  de  Normandie,  peut-être  de  la  Flandre  française, 
mais  non  du  pays  de  Liège. 

M.  van  de  Casteele,  dans  son  travail  déjà  cité,  énumère 
les  noms  suivants  des  Allaristes  (i)  implantés  à  Liège  au 
XVII*  siècle,  Sebastiano,  Francesco  et  Vincenio  Masaro, 
Antoine  de  Buysson,  Léandre  de  la  Faire,  qm  se  qualifiaient 
eux-mêmes  Altaristes  dans  les  contrats  passés  par  eux;  il 
faut  y  ajouter  les  noms  suivants  : 

Antoine  Mereingo,  mentionné  seulement  comme  italien  par 
M.  van  de  Casteele.  Dans  son  contrai,  il  stipule  une  rede- 
vance en  faveur  des  consuls  d'Altare;  de  plus,  d'après  un 
passage  de  M.  Buffa,  cité  ci-après,  un  verrier  Mirenglio,  ori- 
ginaire d'Altare,  dirige  encore  une  usine  à  Terni,  et  d'après 
une  lettre  que  m'a  adressée  M.  Mariano  Brondi,  d'autres 


La  Fayre,  avec  les  variantes  de  Fair,  de  Fer  (voir  registres  baptismaux  de  la 
même  paroisse). 

Cfr.  pour  mémoire  le  nom  des  verriers  belges  de  Férier,  au  commencement  du 
xvi"  siècle  (PiNCHART,  ci-dessus,  XXI,  p.  386,  note  2);  id  ,  des  Ferry  {ibid., 
p.  58o),  etc.  Voy.  aussi  Reboul,  Les  de  Ferry,  etc  ,  verriers  provençaux. 
(Communication  due  à  Tobligeancc  de  M.  Pinciiart.) 

U)  On  pourra  faire  le  même  travail  ultérieurement,  à  propos  des  Muranistes; 
mais  le  travail  est  plus  aisé  en  ce  qui  concerne  les  Altaristes,  parce  que  le 
nombre  des  familles  est  plus  restreint,  tout  en  ayant  fourni  un  nombre  plus 
considérable  de  leurs  membres  à  l'industrie  verrière  :  aujourd'hui  plus  de 
quarante  membres  de  la  famille  des  Bormioli  sont  encore  inscrits  dans  la  corpo- 
ration. 


—  30  — 

Mirenghi  existent  encore  à  Allare,  quoique  ayant  abandonné 
l'exercice  de  la  profession  de  verriers. 

Jovani,  Jiocepo,  Jogiocepo  et  Guillaume  Caslellano. 
Dans  le  contrat  cité  de  Mereingo,  il  est  stipulé  que  celui-ci 
aura  une  «  chambre  et  lit  conforme  à  monsieur  Castellane 
avecque  ce  luy  payant  aussi  les  droicts  de  messieurs  les 
consults  de  lallar;  »  ce  mot  aM55i  semble  assimiler  les  deux 
individus  quant  à  la  nationalité;  en  outre,  la  même  lettre  de 
M.  Marlano  Brondi  fait  connaître  qu'à  Altare  il  existe  une 
|)lace  publique  cl  une  fondation  pieuse  portant  le  nom  des 
Castellani. 

Aux  noms  cités  par  M.  van  de  Casteele,  M.  Mariano 
Brondi  propose  d'ajouter  celui  d'un  verrier  italien  d'Anvers, 
nommé  Sanlo  Scinnco,  nommé  par  M.  Génard  (i);  il  parait 
qu'il  existe  des  Scliinco  aux  environs  d'Altare,  point  qui  fera 
l'objet  d'investigations  ultérieures. 

Enfin,  dans  la  brochure  de  M.  Bulîa,  apparaît  comme 
essentiellement  altariste,  le  nom  des  Varaldi;  or,  plusieurs 
actes  de  naissance  de  la  paroisse  de  Sainte-Véronique,  à 
Liège,  à  laquelle  appartenait  le  faubourg  d'Avroy,  résidence 
des  verriers  italiens,  nous  font  connaître  un  Guillaume 
Varaldo  (aussi  nommé  VValrade,  Varade),  comme  parrain 
avec  des  marraines  du  nom  de  Glaudia  de  Fer  (probable- 
ment de  Faire),  de  Marie  et  d'Elisabeth  de  Glen,  ce  qui  sera 
démontré  ultérieurement  être  un  indice  probable  de  relation 
avec  les  verreries  dirigées  par  la  famille  de  ce  dernier  nom, 
d'autant  plus  qu'en  l'un   des  actes  cités  (du  22  décembre 


(i)  liiillelin  des  arcliives  dWinm,  XIV,  p.  lit). 


1652),  les  parenls  du  filleul  de  Guillaume  Varaldo  sont 
Henri  Bonhomme  el  Marie  de  Glen. 

Il  aurait  été  bien  intéressant  de  pouvoir  distinguer  les 
deux  façons  de  Venise  et  d'Allare  dont  les  actes  font 
mention. 

A  cet  effet,  différentes  questions  ont  été  adressées  ù 
M.  Mariano  Brondi,  qui  y  a  répondu  de  la  manière  qu'on 
trouvera  ci-après  : 

1'  N'y  a-t-il  pas  moyen  pour  déterminer  la  «  façon  des 
Altaristes  »  de  rassembler  pour  le  musée  en  formation  au 
Val-Saint-Lambert  ou  pour  celui  de  l'Élat,  à  Bruxelles,  une 
collection  d'anciens  verres  artistiques  du  xvi"  siècle  ou  du 
xvii%  qui  auraient  été  conservés  à  Allare,  et  qu'on  pour- 
rait par  là  présumer  y  avoir  été  fabriqués? 

R,  «  11  ne  nous  est  pas  donné  jusqu'à  présent  de  former 
une  collection  d'anciens  verres  d'Allare.  Nos  recherches 
sont  restées  infructueuses,  parce  que  personne  ne  s'occupe 
chez  nous  de  l'antique  industrie  du  pays,  et  les  familles 
d'Allare  ont,  depuis  bien  longtemps  déjà,  d'autres  soucis 
que  ceux  de  conserver  d'anciens  objets  de  verre  ;  nos  ver- 
i-iers  sont  aujourd'hui  des  ouvriers  qui  se  préoccupent  avant 
tout  du  travail  et  de  la  subsistance,  et  des  moyens  de  rendre 
solidaires  le  capital  et  Je  salaire.  Au  commencement  du  pré- 
sent siècle,  l'industrie  verrière  était  en  pleine  décadence,  et 
beaucoup  de  nos  artisans  ont  émigré  à  l'étranger,  ou  se  sont 
dispersés,  ou  ont  abandonné  l'art;  les  anciens  objets  de  verre 
n'avaient  pas  de  prix  à  leurs  yeux,  et  aujourd'hui  il  est 
sinon  impossible,  au  moins  très  difficile  d'en  rencontrer 
quelque  collection  ou  même  quelque  spécimen  isolé.  » 

2°   N'y  a-t-il  pas   d'anciens  documents  manuscrits  des 


.32 


•^  


recueils  de  modèles  ou  de  profils  pouvant  renseigner  sur  les 
spécialilés  du  Iravaii  des  allarisles? 

R.  «  Même  réponse  pour  les  manuscrits.  Les  seuls  docu- 
ments conservés  par  quelques  familles  sont  des  privilèges  à 
l'elTel  d'exercer  l'art  de  verrerie,  concédés  par  ditîérents 
ducs  de  Mantoue  et  de  Monferrat,  des  exemptions  d'im- 
pôts, etc.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  regrettable,  c'est  que  la 
tradition  et  même  la  notion  de  l'art  allariste  s'est  perdue,  à 
tel  ))oint  que  les  noms  techniques  recueillis  dans  les  contrats 
trouvés  par  M.  van  de  Gasteele,  risquent  de  rester  incom- 
préhensibles pour  nos  ouvriers  qui  ne  s'occupent  plus  que 
d'industrie  moderne.  Les  plus  habiles  de  ceux-ci  apparte- 
nant aux  familles  qui  ont  conservé  quelques  traditions  d'art 
ne  sont  pas  restés  à  Altare,  mais  ils  travaillent  dispersés  dans 
les  ateliers  énumérés  par  Buffa  : 

Milan,  Angelo  Bordoni  et  ses  fils  ; 

iSesto-Calende,  Bordoni  et  Bertoluzzi  ; 

Plaisance,  Carlo  Saroldi  ; 

Borgo  S.  Donnino,  Domenico  Saroldi  ; 

Parme,  les  frères  Bormioli  ; 

Brescello,  les  frères  Bordoni  ; 

Casai  Maggiore,  Brondi  et  Bormioli; 

Yealone,  les  frères  Bormioli  ; 

Serofiano,  les  frères  Bormioli  ; 

Terni,  Rocco  Mirenghi; 

Ferrare,  Gian  Batisla  Brondi  ; 

Rimini,  Marini  et  Brondi  ; 

Pesaro,  les  frères  Buzzone. 

y  II  y  a  d'autres  fabriques  d'Allarisles  à  Lima;  au  Brésil, 
à  Buenos-Ayres,  à  Montevideo,  etc. 


—  ,)0  — 

»  A  leur  retour,  nous  leur  demanderons  s'ils  onl  conservé 
quelque  souvenir  des  noms  techniques  :  masterlcttes,  rcslil- 
lons,  slnelles,  verres  àescarboltes,  coupes  toumassines,  etc., 
sur  lesquels  vous  me  consultez  et  qui  auraient  laissé  des 
traces  dans  leur  langage  traditionnel  ou  dans  leurs  sou- 
venirs. 

»  Nous  ne  désespérons  pas  cependant  d'obtenir  un  résultat 
si  nous  retrouvons  les  anciens  registres  du  Consulat  de  la 
verrerie  qui  doivent  encore  exister  et  contenir  des  renseigne- 
ments très  importants;  mais  personne  ne  s'occupe  de  l'his- 
toire de  notre  art,  absorbé  que  l'on  est  par  l'utilité 
industrielle  pratique.  Nous  nourrissons  pourtant  l'espoir  de 
pouvoir  tenter  cet  examen,  et  la  découverte  éventuelle  des 
documents  que  nous  allons  rechercher,  selon  votre  désir, 
aura  certes  sa  très  grande  utilité. 

»  En  toute  hypothèse,  nos  perquisitions  continuent,  et 
aussitôt  que  nous  trouverons  quelque  objet  en  verre,  quelque 
modèle,  quelque  renseignement  pouvant  élucider  la  spéci- 
fication de  ce  que  fut  la  façon  d'Altare  et  les  moyens  de  la 
distinguer  de  celle  de  Venise,  nous  nous  ferons  un  devoir  de 
vous  en  informer.  » 

De  même  qu'aujourd'hui  les  verriers  allaristes  sont  dis- 
persés dans  un  grand  nombre  d'usines  d'Italie,  de  même 
dans  les  siècles  qui  ont  précédé  le  nôtre,  beaucoup  de 
fabriques  italiennes  travaillaient  (sans  doute  en  concurrence 
avec  Venise)  à  l'aide  d'ouvriers  venant  d'Allare  (i),  et 
parmi  celles-ci  figure  nolam.ment  celle  de  Brescia. 

Or,  Pasquetti,  celui  qui  a  été  représenté  comme  le  «  pre- 


(l)  BUFKA,  loc,  cit.,  \).  25. 


—  54-  — 

mier  inventeur  de  faire  voires  de  cristal  à  la  façon  de  Venise  » 
dans  les  Pays-Bas,  était  de  Brescia. 

11  s'est  donc  probablement  adressé  à  Brescia,  pour  en 
faire  venir  des  verriers,  et  ceux-ci  travaillaient  à  la  façon 
d' Al  tare. 

Mais  cet  individu  s'occupait  d'abord  de  tout  autre  chose 
que  de  verrerie  —  nous  l'avons  montré  accusé  de  se  livrer 
à  la  contrebande  de  guerre  —  et  c'est  seulement  après  uli 
certain  temps  d'habitation  à  Anvers  qu'il  songea  à  y  im- 
planter des  verriers  italiens;  il  avait  donc  plus  ou  moins 
perdu  ses  relations  avec  Brescia,  et  ce  n'est  pas  exclusive- 
ment à  ses  anciens  concitoyens  qu'il  doit  s'être  adressé. 

D'ailleurs,  soit  que  Venise  fût  réellement  supérieure  à 
Altare,  soit  que  ses  procédés  exclusifs  entourassent  son 
industrie  d'un  prestige  de  rareté,  Pasquetti,  on  le  sait, 
s'adressa  aux  Vénitiens  et  Muranistes. 

Nous  voyons,  en  effet,  Pasquetti  à  l'œuvre  tant  à  Venise 
qu'à  Altare,  quand  il  nous  dit,  en  sa  requête  du  15  décem- 
bre 15G1  :  «  Ayant...  entreprins  et  délibré  de  faire  des 
voires  de  cristallin,  il  s'est  luy-mesmes  transporté  d'icy 
(Anvers)  jusques  à  Venise  et  aultres  lieulx  d'Italie,  pour 
faire  venir  nouveaux  maistres  des  plus  expcrlz  que  l'on 
pouroit  trouver  es  lieu  du  monde....  » 

Puisque  les  deux  façons  —  de  Venise  et  d'Allare  —  ont 
été  inaugurées  à  la  fois  dans  nos  provinces,  il  aurait  été 
intéressant  de  découvrir  en  quoi  ces  façons  se  distinguaient; 
il  fallait  au  moins  essayer  d'obtenir  à  cet  égard  quelques 
renseignements,  pour  pouvoir  classer  nos  anciens  verres 
d'après  les  modèles  qui  y  ont  servi  de  types.  Si  ces  rensei- 
gnenioiits  man(juent  encore  aujourd'hui,  le  lecteur  saura  au 


—  55 


moins  que  la  voie  a  été  ouverte,  et  que  c'est  peut-être  par  là 
qu'il  y  a  espoir  d'arriver  ultérieurement  à  un  résultat. 


m. 


M.  Pinchart,  depuis  ma  deuxième  lettre,  a  produit  de 
nouveaux  documents  concernant  la  verrerie  à  la  façon  de 
Venise  pratiquée  à  Anvers.  Je  suis  heureux  de  pouvoir 
compléter  son  œuvre  à  l'aide  des  éludes,  non  publiées 
encore,  de  M.  Génard,  qui  a  bien  voulu  continuer  à  m'en- 
voyer  les  épreuves  de  ses  articles  (i). 

L'histoire  de  cette  industrie  artistique  se  trouve  ainsi 
étudiée  parallèlement  par  MM.  Génard  et  Pinchart,  dont, 
pour  Anvers,  je  me  bornerai  à  coordonner  les  recherches, 
en  évitant  les  répétitions  dans  ce  BuUelin,  c'est-à-dire  en  me 
bornant  à  y  insérer  les  renseignements  tirés  des  documents 
de  M.  Génard. 

Les  premiers  de  ces  documents  (2)  sont  des  listes  de  ver- 
riers italiens,  à  la  fin  du  xvi*  siècle  :  Maîtres ,T)sime\  Belonato, 
Dominico  Manoli,  Aluise  Manoli,  Augustino  Bresigella  (aussi 
Bresigello),  Pielro  di  Santo  Schinco,  Vincenzo  Ziola,  Marco 
Gingano,  Francisco  Sancho,  Lorenzo  Ferro,  Francisco  Sive- 
ran. 


(i)  Les  pages  relatives  à  ces  épreuves,  je  l'ai  déjà  dit,  sont  imprimées  depuis 
longtemps;  mais  elles  doivent  attendre  pour  paraître  que  le  fascicule  du  DiiUetin 
des  archives  d'Anvers,  dont  elles  font  partie,  soit  complet  :  il  se  peut,  comme 
pour  ma  2«  lettre,  que  la  publication  de  ce  fascicule  soit  faite  dans  l'intervalle. 
Mais  l'intérêt  restera  le  même;  car,  pour  le  moment,  M.  Génard,  qui  se  réserve 
d'y  revenir,  se  borne  à  publier  le  texte  des  documents. 

(2)  Bulletin  des  archives  d'Anvers,  XIV,  p.  129. 


—  30  — 

Valets  ou  aides  (i),  GiorgeBays,  Antonio  Canario,  Gero- 
ninio  Favora,  Gian  a  Price,  G'um  Pedro  Saraina,  Fantin 
liiondo. 

Les  rapprochements  à  tirer  ultérieurement  de  ces  noms 
doivent  être  réservés;  qu'il  suflise  pour  le  moment  d'indi- 
quer les  suivants  : 

Aug.  Bresigelh  —  Donato  Brisighella,  directeur  de  la 
fournaise  des  Trois  Couronnes  à  Venise  (2). 

Lor.  Ferro  —  Léandre  de  le  Faire,  Marc  deFeer,  engagés 
à  Liège  (3),  Jean  Ferro,  id.,  à  Nantes  (4).  Si  Reboul  parle  des 
de  Ferri  comme  provenant  du  midi  de  l'Italie,  M.  Mariano 
Brondi,  dans  sa  lettre  déjà  citée,  estime  qu'ils  sont  origi- 
naires d'Altaro,  d'où  ils  auraient  émigré  dans  le  Dauphiné. 
Enfin,  les  actes  de  la  paroisse  Sainte-Véronne,  à  Liège, 
indiquent  les  noms  de  de  Fer  en  contact  continuel  avec  les 
verriers  :  De  Glen,  Bonhomme,  etc. 

Marco  Cingano  —  Gio-Balista  Cingano,  Francesco  Cingano 
engagés  à  Liège  (5). 

Mongarda  était  mort,  non  en  lo97,  comme  le  suppose 
M.  Pincliart,  ni  en  1599,  comme  je  l'avais  énoncé,  d'après 
le  Grand  Ihéâlre  sacré  du  Brahant  (g),  mais  en  159G  : 
le  31  août  de  celle  année,  la  veuve  (ainsi  qualifiée) 
d'Ambrosio  Mongarda  obtient  du  bourgmestre  et  des  éche- 


())  Chaque  mailre  avait  un  aide  sous  sa  dircclioii,  c.;  qui  a  fait  l'objet  de 
contrats  séparés,  oii  interviennent  les  parents  ou  tuteurs  pour  les  valets,  le  plus 
souvent  des  adolescents. 

(*)  Voy.  ci-dessus,  XXII,  p.  368. 

(3)  Van  dk  Casteele,  p.  31. 

(4)  Tk AVERS,  Histoire  de  Nantes,  p.  3. 
(s)  Van  de  Casteele,  p.  30. 

(f)  Voy.  ci-dcssiis,  XXII,  p.  112. 


—  ,17  — 

vins  d'Anvers  certaines  exemptions  d'impôts  cl  d'accises, 
et  le  7  décembre  suivant,  elle  adresse  une  demande  d'ex- 
tension de  ces  faveurs,  demande  où  elle  spécifie  les  éta- 
blissements qui  y  sont  soumis  et  dont  l'cmpiacemeiil 
concorde  avec  ce  que  j'ai  dit  plus  haut  (i)  :  <t  une  maison 
in  de  Mcere  (place  de  Meir),  où  présentement  se  trouve 
la  fournaise  aux  verres  cristallins;  et  cinq  petites  maisons, 
derrière  le  grand  établissemcnl,  sises  dans  la  Bergieslraelc, 
dite  la  Vuylstraele,  etc. 

Celte  veuve  était  Sara  Vincx,  que  j'ai  déjà  nommée  (2), 
et  sur  laquelle  j'aurai  à  revenir;  car  l'année  même  de  sa 
mort  (î),  elle  (ou  sa  filleule  des  mêmes  noms  que  fait  con- 
naître M.  Génard)  apparaît  à  Liège  comme  marraine  avec 
Henri-Jean  Bonhomme,  à  lilrc  de  compère,  à  l'occasion  du 
baptême,  effectué  le  8  avril  1647,  des  enfants  des  époux 
Jean-Antoine  Mereimjo  et  Catherine  Riga,  tous  noms  ver- 
riers (si  je  puis  me  servir  de  celle  expression)  existant 
à  Liège  à  cette  époque. 

Puisque  j'en  suis  à  faire  allusion,  par  là,  aux  relations  qui 
s'étaient  établies  entre  les  Pays-Bas  et  le  pays  de  Liège,  je 
citerai  ici  en  passant  un  autre  rapprochement  : 

En  un  acte  du  15  février  10:29,  que  me  signale  M.  van 
de  Casleele,  apparaît  à  Namur  (i)  un  gentilhomme  verrier 
Jo.-GasparoBurnoro  (signant  Z^ru^ero),  «  des  Trois  Corones, 
natif  de  Murano,  en  la  terre  de  Venise.  » 


(i)  Ibid.,  p.  Ô60.  Voy.  aussi  plus  loin. 
(1)  Voy.  ci-dessus,  XXII,  p.  142. 
(s)  Génard,  Bull,  da  archives  d'Aiwers,  XIII,  p.  AoS. 
(i)  C'est  le  Gaspiiro  dont  parle  M,  S.  Bohmans,  a  la  dalc  du  f' juin  16J9. 
Vcy.  ci-dessus,  XIX,  p.  165). 


—  58  — 

Et  à  Liège,  le  U  juin  16o3,  une  acte  de  baplème,  tou- 
jours de  la  paroisse  de  Sainte- Véronne,  nous  montre  «  noble 
seigneur  Gaspar  Brunerot,  des  Trois  Couronnes,  Vénitien 
muraniste  »,  parrain,  avec  Marie  de  Glein  (épouse  de  Henri 
Bonhomme),  de  l'enfant  du  Vénitien  muraniste  Jean- 
François  de  Sanctinis. 

On  le  voit,  les  actes  de  l'état  civil  ont  encore  bien  des 
détails  intéressants  à  nous  révéler... 

Mais  reprenons  l'analyse  des  documents  révélés  par 
M.  Génard. 

Dans  la  requête  du  7  décembre  1656  (i),  Sara  Vincx, 
faisait  allusion  à  une  décision  du  23  avril  1391,  qui  accor- 
dait à  feu  son  époux  Ambrosio  Mongarda  une  pension  an- 
nuelle de  100  florins,  pour  l'aider  à  payer  son  loyer,  son 
chauffage  et  autres  dépenses  du  même  genre.  Cette  pièce, 
quoique  mentionnée  comme  annexe,  manque  au  dépôt 
d'Anvers,  et  mention  n'en  est  pas  faite  non  plus  par 
M.  Pinchart. 

Un  document  intéressant  édité  par  M.  Génard  (2),  est  une 
requête  appointée  le  5  juillet  1597,  où  Sara  Vincx  expose 
ce  qui  suit  (traduction)  : 

«  Dans  les  provinces  qui  sont  rebelles  à  Sa  Majesté,  à 
savoii-  en  Hollande  et  en  Zélando,  on  s'est  accoutumé  pré- 
sentement à  fabriquer  des  verres  cristallins;  cela  a  lieu  au 
grand  détriment  de  la  fournaise  d'Anvers,  en  ce  que  les 
maîtres  des  fournaises  de  verres  cristallins  de  là-bas  sont 
exempts  et  libres  de  toutes  contributions  et  gardes,  pour  v 


fi)  Génard,  loc.  cit.,  XIV,  p.  155. 
(t)  Id.,  jlnil.,  p.  132. 


—  Ô9  — 

maintenir  les  fournaises,  de  telle  manière  que  la  suppliante, 
ses  ouvriers  et  valets  servant  en  sa  fournaise,  devraient  bien 
obtenir  la  même  exemption  et  francbisc  pour  pouvoir  rete- 
nir l'art  de  verrerie  en  ce  pays.  »  Elle  ajoute  que  si  les 
maîtres  verriers  et  leurs  aides  ne  peuvent  personnellement 
obtenir  ce  qu'elle  demande,  et  dont  jouissent  ceux  qui  sonten 
Hollande  et  Zélande,  ils  ne  manqueront  pas  de  quitter  une 
contrée  où  ils  doivent  supporter  des  charges,  pour  aller 
habiter  celle  où  ils  en  seront  dispensés,  et  cela  fera  tomber 
l'art  de  verrerie  à  la  grande  déconsidération  de  la  ville  et  au 
grand  préjudice  de  la  suppliante. 

L'appointement  est  favorable  à  la  demande  :  «  Sal  de  sup- 
ph'ente  hebben  de  patientie  (i).  » 

Une  requête  de  la  veuve  Mongarda,  appointée  le  20  février 
1598  (2),  rappelle  les  différents  privilèges  concédés  pour 
maintenir  le  «  noble  et  excellent  art  de  faire  des  verres  cris- 
tallins, à  la  façon  de  Venise.  »  Elle  ajoute  qu'elle  a  quoti- 
diennement à  entretenir  52  personnes  (5),  et  elle  expose  que 


(i)  A  moins,  ce  qui  est  peu  probable,  qu'il  ne  faille,  en  omcUant  l'article, 
interpréter  «  hebben  palientie  »  par  «  prendre  patience  «... 

(2)  GÉNARD,  /.  cit.,  p.  15a. 

(s)  M.  PiNCHART,  ci-dessus,  XXII,  p.  391,  porte  ce  nombre,  l'année  suivante, 
à  36  ou  37,  dont  il  déduit  les  membres  de  la  famille  :  voir  la  suite  de  la  requête 
ci-dessus,  qui  explique  cette  différence  en  plus. 

Le  7  janvier  1599,  la  population  de  la  verrerie  était  de  dix-sept  personnes, 
ce  qui,  plus  la  famille,  composée  de  dix  personnes  (Génard,  Bull,  des  archiver 
(l'Anvers,  XIV,  p.  147),  faisait  en  réalité  trente-sept  personnes.  Voici  le  détail 
de  ce  personnel  (Id.,  ibuL,  p.  149)  : 

«  Le  nombre  de  jens  de  la  fornèse  sont  : 

3)  Sis  maistre; 

))  Sis  serviteurs  ; 

))  Trois  hommes  qui  porte  les  bois  à  slaniper; 

»  Un  homme  qui  governe  la  matière  des  pots  qui  est  dedans  la  foiirnése; 


—  40  — 

dcjourenjour  elle  est  abandonnée  par  tel  ou  tel  de  ses 
mailrcs  verriers  et  de  leurs  valets,  lesquels  s'en  vont  pour 
y  exercer  leur  art,  en  Hollande  et  Zélande,  où  ils  jouissent 
injustement  de  différents  avantages,  »  ce  qui  est  une  cause 
(le  grand  amoindrissement  pour  l'illustre  cité  d'Anvers, 
à  la  célébrité  de  laquelle  l'art  de  la  verrerie  n'est  pas  sans 
avoir  contribué,  célébrité  qui  tend  à  être  divertie  au  profit 
d'autres  provinces.  »  La  conclusion  de  pareille  requête  est 
tout  naturellement  une  demande  d'extension  des  avantages 
pécuniaires  et  des  exemptions  d'impôts. 

L'apostille,  encore  une  fois, est  favorable  à  cette  demande; 
mais  elle  n'y  fait  droit  que  dans  une  certaine  mesure;  aussi 
Snra  Vincx  s'adresse-l-elle,  en  avril  lo98  (i),  au  Conseil 
privé,  auquel  elle  expose  qu'elle  a  «  faict  aggrandir  la  four- 
naise de  deux  potz  ou  places  à  besogner,  et  par  conséquent, 
luy  fault  avoir  plus  de  maistres  et  gens  pour  ladicte  four- 
naise. »  Elle  ajoute  que  «  dcsja  elle  at  envoyé  à  Venise  pour 
faire  venir  trois  aultres  maistres  et  trois  serviteurs,  par  où 
le  nombre  augmentera.  » 

La  requête  parle  d'un  point  particulier  qui  nous  éclaire 
sur  les  a  gardes  »  dont  les  verriers  établis  en  Zélande  et 
Hollande  étaient  affranchis  :  «  Comme  ladicte  remonstrante 
et  ses  maistres  et  ouvriers  sont  journellement  molestez  pour 
faire  guet  et  garde  avecq  les  autres  bourgeois,  ou  bien  en 
faire  com|)osition,  chose  de  grand  desgoust  et  fascherie  pour 


»  Un  homme  qui  tire  continuèleraent  les  voirs  aubas  du  four, 
»  Qui  soiut  en  toutt  17  personne,  sans  noustrc  maison.  » 
Kn  décembre  lo99,  «  les  ouvriers  et  la  famille  sont  ordinairement  trcnte-ciinq 
personnes  journellement.  »  ((jénard,  /.  cil.,  p.  151.) 
(i)  Génauu,  Ioc.  cil.,  p.  158. 


—  il  — 

lesdits  maistres,  e(  que  redonde  du  tout  à  la  charge  de  la 
rcmonstrante,  il  plaise  à  Voz  Seigneuries  ordonner  aus  dicls 
d'Anvers  de  la  lenir  exemple  de  la  dicle  garde  avecq  ses 
dicts  ouvriers  el  serviteurs;  aullremenl  elle  veoil  apparem- 
ment que  mal  elle  pourra  entretenir  la  dicte  fournaise,  at-^ 
tendu  que  telles  personnes,  comme  sont  les  dicts  ouvriers, 
ne  sont  recouvrables  sinon  avecq  grand  peine,  danger  et 
frayz  incroyables,  et  comme  en  la  ville  de  Middelborch  en 
Zélande,  et  naguère  en  celle  d'Amsterdam,  l'on  a  érigé 
fournaises  de  cristallin,  est  advenu  que  divers  des  maistres 
et  ouvriers  de  la  remonslrante  se  sont  transportez  celle  pari, 
et  mesmes  deux  d'iceulx  encoires  depuis  ung  mois  en  chà 
ou  environ,  parce  qu'on  leur  y  donne  beaucoup  plus  de 
franchises  et  immunitez  qu'ilz  n'ont  au  dict  Anvers,  au  grand 
dommage  de  la  rcmonstrante  et  préjudice  de  cesle  art  et 
noblc/Scicnce  jà  tant  de  temps  exercée  en  la  dicte  ville 
d'A/îvers,  et  laquelle,  par  faulte  de  bon  traitement,  serait  n  la 
pjrfin  taillée  de  périr  à  la  desrépulation  de  la  dicte  ville 
en  enlhière  ruyne  de  la  remonstrante  et  de  ses  enfants.  » 

Le  Conseil  privé  accueillit  la  réclamation  et  la  recom- 
mande le  29  avril  131)8  (i)  à  l'autorité  d'Anvers,  pour  qu'il 
fût  «  donné  à  la  dicte  suppliante  moyen  de  continuer  de  bien 
en  mieulx  l'exercice  et  entretien  de  la  fournaise...  à  la 
grande  commodité  publicque,  décoration  et  ornement  de 
nostre  ville  d'Anvers.  » 

L'autorité  anversoise  ne  se  pressa  pas  de  déférer  à  cette 
recommandation  :  Philippe  Gridolphi  (variante  Gridollïi), 
devenu  l'époux  de  Sara  Vincx,  et  rappelant  les  privilèges 

(i)  GiîNAnD,  loc.  cil.,  p.  140. 


—  42  — 

accordés  précédemment  à  Pasquetli,«  premier  inslitiiteur  de 
ceste  art  en  Anvers,  »  et  à  Mongarda,  dut  encore  s'adresser, 
le  22  octobre  1598,  au  Conseil  privé  pour  obtenir  la  «  fran- 
chise de  guet  et  garde,  qu'est  chose  fort  discomode  pour  les 
dits  ouvriers,  qui  de  six  heures  en  six  heures  sont  travail- 
lons pour  donner  relasche  l'ung  à  l'autre,  es  lesquelz  eslans 
miz  à  composition  en  lieu  de  venir  à  la  garde  en  personne, 
pouresire  csirangers  et  la  plus  pari  point  marj^ez  (i),  s'en- 
fuyant  vers  le  pays  d'Hollande  et  Zélande  où  les  rebelles 
ont  dressez  quelques  fours  (2).  » 

Le  Conseil  privé  décida  que  si  ceux  d'Anvers  (5)  ne  défé- 
'  raient  pas  volontairement,  dans  la  quinzaine,  à  la  recomman- 
dation renouvelée,  on  procéderait  par  provision  (4)  —  comme 
nous  dirions  aujourd'hui  :  par  envoi  d'un  commissaire  spé- 
cial. 

La  quinzaine  se  passa  et  le  7  janvier  1590,  le  Conseil 
privé  recevait  une  nouvelle  requête  de  Gridolphi,  où  il  parlait 
non  seulement  de  la  Hollande  et  de  la  Zélande,  mais  aussi  de 
l'Angleterre,  comme  de  eonirées  où  l'on  attirait  les  maîtres 
et  ouvriers  en  leur  accordant  «  toutes  les  franchises  et  immu- 
nités qu'ils  peuvent  désirer.  •»  Il  fait  valoir  que,  par  celle 
industrie  et  invention  (du  verre  cristallin)  «  la  dicte  ville  a 


(i)  L'état  civil  des  célibataires  est  difficile  à  suivre  dans  les  registres;  cependant 
ils  apparaissent,  parfois  comme  parrains  ou  témoins;  quant  aux  verriers  mariés, 
ils  sont  assez  nombreux,  au  moins  à  Liège  :  j'y  ai  mis  la  main  sur  de  nombreux 
actes  qui  les  concernent,  et  que  je  mettrai  ultérieurement  en  évidence. 

(i)  lh.,md.,  p.  iU. 

(3)  Le  bourgmestre  d'Anvers  était  alors  Henri  de  Halmale,  dont  le  nom  figure 
dans  les  pièces.  Le  blason  de  ce  personnage  avec  le  nom  uai.mai.e  se  trouve  sur 
les  grès  de  Raeren  de  cette  époqnc. 

(i)  GKNAnn,  ihifl.,  ji.  146. 


—  h%  — 

non  seulement  ung  ornement  singulier  et  célèbre,  mais  aussy 
du  prouffict  journellement  en  sa  police  et  moyens  par  les 
marchands  de  dehors,  quy  à  la  fois  y  séjournent  dix,  douze 
et  vingt  jours,  pour  se  furnir  de  toutes  sortes  de  voircs  à 
leur  fantazie  et  désir.  » 

Le  Conseil  privé  insiste  de  nouveau  le  7  janvier  1599  (i) 
auprès  de  l'autorité  d'Anvers,  et  il  épouse  si  bien  la  cause  du 
réclamant  qu'il  ajoute  aux  motifs  de  la  requête  de  Gridolphi, 
les  considérations  suivantes  :  «  Sommes  bien  informez  qu'il 
fera  tout  le  dehvoir  requiez  au  furnissement  (que  convient) 
d'icelles  verres  es  pays  de  par-deça,  par  où  désirerions  bien 
qu'il  fust  par  vous  favorisé...  pour  les  raisons...  et  signam- 
ment  qu'il  ne  scroit  juste  ny  permissible  que  par  moyen  des 
villes  et  lieux  rebelles  ou  aullres,  l'on  luy  feist  le  préjudice 
qu'il  répète  par  sa  dicte  requête.  »  Et  le  Conseil  privé  déclare 
requérir  ilérativement,  «  le  plus  encarressement  que  faire 
pouvons,  »  de  faire  droit  à  la  requête  :  «  en  quoy  ferez  chose 
agréable  à  Son  Alteze  Sérénissime  et  à  nous,  qui  vous 
escrivons  cestes,  désireulx  de  vostre  bien  et  décoration  de 
la  dicte  ville,  et  afin  que  le  dict  suppliant  n'aye  plus  cause 
de  aullres  fois  recourir  a  ceste  Court.  » 

Enfin,  le  M  avril  ^599,  les  privilèges  sollicités  furent 
accordés  i^î). 

Mais  on  ne  donnait  satisfaction  au  réclamant  qu'en  ce  qui 
concernait  les  dispenses  d'accises,  et  non  pour  l'exemption 
de  garde  et  de  guet. 

Il  réclame  de  nouveau  au  mois  de  décembre,  en  invocpiant 


(0  ID.,  Ma.,  p.  148. 
(s)  ID.,  ihul.,  p.  150. 


—  A4  — 

oncorc  la  circonslanco  que  Pasquelti,  Mongarda  et  lui-même 
avaient  «  inlroduyt  en  ces  pays  l'art  et  science  de  faire  voires 
de  cristallin  à  la  façon  de  Venise.  »  Il  invoque  la  circonstance 
que  «  comme  les  vins  sont  venuz  a  pris  ung  peu  plus  raison- 
nable, désireroycnl  ses  dicts  maislres,  Italiens  de  nation, 
jouyr  aulcunc  fois,  d'ung  Iraict  de  vin  parmy  leurs  grandz 
Iravaulx,  s'ilz  le  pouvoyenl  avoir  et  boire  sans  charge  des 
grandz  imposlz  et  gabelles  qu'on  a  mis  dessus.  » 

Il  demande  en  conséquence  que  le  nombre  de  15  tonneau.x 
de  vin  en  franchise  soit  porté  à  2o,  et  insiste  encore  sur 
l'exemption  de  guet  et  garde. 

A  telle  fin,  il  s'adresse  celte  fuis  aux  archiducs  :  Albert  et 
Isabelle  signent  eux-mêmes  la  demande  d'avis  adressée  à 
l'aulorilé  d'Anvers.  Elle  fut  sans  doute  suivie  d'effet,  bien 
qu'on  ne  trouve  point  de  traces  de  la  décision  intervenue  : 
comme  on  ne  rencontre  pas  non  plus  de  nouvelle  réclama- 
tion do  Gridolphi,  qui  élait  homme,  on  l'a  vu,  à  ne  pas  aban- 
donner facilement  la  partie,  il  est  à  supposer  (ju'on  aura 
voulu  se  soustraire  à  ses  réclamations  incessantes  en  y  faisant 
droit. 

Ici  commence,  chez  M.  Génard,  la  série  des  documents 
que  M.  Iloudoy  a  fait  connaître  et  que  rappelle  M.  Pinchart. 

Seulement  si  Gridolphi  avait  obtenu  en  1C07  le  privilège 
exclusif  de  «  faire  apporter  et  amener  voires  de  Venise  es 
]»ays  de  Leurs  Altèzes  »  (i),  M.  Génard  (2)  nous  montre  que 
celle  autorisation  fut  retirée  en  1GI8,  époque  où  le  bureau 


(0  PiNcii\RT,  ci-dessus,  XXII,  p.  59"»  :  a  ce  propos,  corriger  dans  ma  seconde 
IcUrc,  ihid.,  p.  ."G6,  lifinc  2,  les  mots  ni  1G07,  par  arant  1607. 
(î)  l.nc.  cil  ,  p.  I.'ii. 


des  finances  «  ne  s'est  incliné  à  la  continuation  des  lettres 
d'octroy  pour  Gridolphi  et  Bruyninck  seuls,  pouvoir  faire 
apporter  et  amener  verres  de  Venise  es  pays  de  Son  Altèze 
Sérénissime.  » 

L'importation  des  véritables  verres  de  Venise  provenant 
directement  de  Murano  fut  donc  sans  doute  rendue  libre  de 
nouveau;  mais  il  est  acquis,  par  les  termes  mêmes  de  la 
demande  de  1607,  que  le  «  cristal  eslit  amesné  de  loing  » 
était  «  plus  cliièremenl  estimé  et  vendu  par  decha.  »  S'il  est 
vrai  qu'on  lirait  les  imitations  de  «  crisla!  eslit  »  des  loca- 
lités voisines  des  Pays-Bas  où  se  pratiquait  «  la  contrefaic- 
ture  des  dilz  voirres  de  Venise  (i)  »,  il  peut  être  considéré 
comme  vraisemblable  que  la  plupart  des  verres  à  la  façon  de 
Venise,  aujourd'hui  conservés  dans  notre  pays,  ne  pro- 
viennent pas  de  Murano  :  j'ai  déjà  fait  remarquer  dans  ma 
première  lettre  (2)  qu'on  alla  même  jusqu'à  exiger  des 
concessionnaires  de  privilèges,  qu'ils  eussent  à  vendre  leurs 
imitations  35  p.  c.  moins  cher  que  les  verres  originaux 
importés  de  Venise.  Les  commandes  à  Venise  à  plus  grands 
frais  et  risques  ont  dû  devenir  de  plus  en  plus  rares. 

M.  Pinchart  donne  ici  plusieurs  détails  intéressants  sur 
l'association  de  Gridolphi  et  Bruyninck,  et  j'arrive  avec 
M.  Génard  à  Ferrante  Moroni,  gendre  d'Ambrosio  Mon- 
garda,  qui,  à  la  mort  de  Gridolphi,  paràlre  de  sa  femme, 
acquit  en  1625  (3)  la  maison  hel  Gelaeshuis  (la  verrerie  à  la 


(1)  HouDoy,  Document,  iv;  Pinchakt,  ci-dessus,  XXII,  p.  593. 

(2)  Ci-dessus,  XXII,  p.  159. 

(s)  La  date  de  l'acte  est  le  15  mars  16'2o.  M.  Pincuaut  parle  do  10^5. 


—  46  — 

place    de    Meir)    et    obtint    la   direction  de   la   fournaise 
d'Anvers  (i). 

Les  biens  acquis  sont  spécifiés  de  la  manière  suivante,  qui 
permettra  de  retrouver  leur  emplacement  exact  : 

a  Un  bâtiment  avec  porte  et  petite  porte  à  côté;  à  la  rue, 
les  places,  jardins  et  édifices  y  attenants,  ap-  et  dépendances, 
constituant  la  Verrerie  avec  la  halle  à  la  fournaise  et  acces- 
soires, situé  au  Meire,  aboutissant  du  côté  ouest  à  la  maison 
d'Alexandre  Vincx,  du  côté  est  aux  héritiers  de  Léonard 
Vinckens,  et  par  derrière,  du  côté  sud,  aux  écuries  et  bâti- 
ments de  s""  Simon  Rodriguez,  baron  de  Rodes;  de  même 
les  jardins  louchant  du  côté  ouest  au  même  s'  Rodriguez. 

»  De  plus,  trois  maisons  conliguës,  les  deux  du  côté  sud 
avec  portes  et  fenêtres  condamnées,  appropriées  à  l'usage  de 
la  Verrerie,  situées  dans  la  Bargiesirael  ou  Vuylisslraet, 
touchant  à  la  maison  et  à  l'hérilage  d'Abraham  Rombouls; 
au  nord,  à  la  maison  et  à  l'héritage  de  s""  Simon  Rodriguez; 
au  sud  et  des  autres  côtés  aux  autres  biens  ci -dessus 
décrits.  « 

Le  privilège  accordé  à  Moroni  est  du  19  avril  de  la  môme 
année  et  l'acceplation  des  conditions  imposées  par  l'autorité 
communale  est  signée  Ferrante  Morone  (2). 

Nous  voilà  à  l'époque  où  les  verreries  de  Liège  ont  repris 
leur  élan  en  162G,  sous  la  direction  de  Gérard  Heyne  et 
Marins,  et  inaugurent  l'ère  de  progrès  qui  aboutit  à  la 
concentration,  dans  les  mains  des  Bonhomme,  de  toutes  les 
usines  des  Pays-Bas  et  du  pays  de  Liège.  Ce  mouvement 


(1)  Génard,  loc.  cit.,  p.  lo4. 

(ï)  M.  Pi.NCUMiT,  ci-dessus,  XXII,  p.  ÔDti,  a  lu  :  l'errante  Morono. 


_  47  — 

ascendant  correspond  avec  la  décadence  de  l'usine  anver- 
soise.  En  effet,  M.  Génard  (i)  nous  fait  connaître  une 
requête  du  mois  de  mai  1029,  dans  laquelle  Ferrante  Moroni 
proteste  contre  un  refus  des  exemptions  d'accises  que  lui 
infligeaient  les  employés  fiscaux,  par  le  motif  que  la  fabri- 
cation du  verre  avait  cessé.  Moroni  fait  remarquer  que  ce 
point  est  non  pas  du  ressort  des  employés  des  accises,  mais 
de  celui  de  l'autorité  municipale.  D'ailleurs,  ajoute  le  récla- 
mant, s'il  est  vrai  que  la  fournaise  n'a  pas  été  mise  à  feu 
depuis  quelq.ues  mois  et  est  restée  vide,  elle  vient  d'être 
rétablie,  et  le  requérant  attend  de  jour  en  jour  de  nouveaux 
maîtres  pour  y  souffler  du  verre  comme  par  le  passé.  Le 
motif  qu'il  donne  à  l'interruption  est,  du  reste,  dit-il,  plutôt 
l'avantage  que  le  désavantage  de  la  ville  d'Anvers  ;  non 
seulement  il  a  continué  à  fournir  à  chacun,  mais  il  peut 
encore  fournir  d'après  les  besoins,  des  verres  en  abondance 
dont  il  a  ses  greniers  pleins;  ce  pourquoi  il  a  jugé  utile  et 
convenable  de  suspendre  le  travail,  suivant  en  cela  l'exemple 
de  ceux  de  Murano  à  Venise,  d'où  est  venu  l'art  de  la  ver- 
rerie ;  eux  aussi  tous  les  ans  éteignent  leurs  fournaises  à 
dessein,  pour  pouvoir  dans  l'intervalle  écouler  leurs  mar- 
chandises ;  d'ailleurs,  il  a  par  là  durant  l'hiver  épargné  une 
quantité  de  bois  à  brûler  et  prévenu  ainsi  le  renchérisse- 
ment du  combustible 

Ces  motifs  ne  sont-ils  pas  de  simples  prétextes?  On  pour- 
rait le  croire,  s'il  est  vrai,  comme  nous  le  verrons  plus  tard 
et  comme  l'affirme  M.  Pinchart  (2),  que  dans  cette  même 


(i)  Loc.  cit.,  p.  ioO. 

(s)  Voy.  ci-dessus,  XXll,  p.  595. 


—  48  — 

année  10"20,  la  Verrerie  d'Anvers  passa  en  d'autres  mains 
et  qu'on  cessa  complètement  d'y  travailler  en  1G42.... 

MM.  Génard  et  Pinchart,  dans  leurs  études,  sont  arrivés 
précisément  au  même  point;  la  suite  continuera  à  faire 
l'objet  de  mes  lettres,  où  je  présenterai  aussi  ce  qui  concerne 
la  verrerie  liégeoise  à  la  façon  de  Venise. 

APPENDICE. 

Dans  nos  expositions,  la  verrerie  et  la  céramique  ont  été 
associées  jusqu'ici  :  vous  voudrez  bien,  Messieurs,  me  per- 
mellre  d'insérer  ici  quelques  lignes  sur  la  céramique,  à  propos 
des  de  Sarode  —  Saroldi,  qui  ont  joué  un  rôle  important 
dans  ma  lettre. 

Les  de  Sarode  exercèrent  l'art  de  la  verrerie  non  seule- 
ment à  Nantes,  où  ils  furent  les  successeurs  des  Babin,  qui 
avaient  remplacé  Ferro;  mais  encore  à  Yendrennes,  en 
Bas-Poitou,  où,  en  1772  (ij,  on  les  retrouve  sollicitant  l'au- 
torisation de  fabriquer  de  la  porcelaine,  et  se  recommandant 
de  a  l'ancienneté  de  leur  famille  en  Testât  de  verrier;  »  un 
des  motifs  à  l'appui  de  la  requête  est  que  Virgile-Joseph 
de  Sarode,  écuycr,  seigneur  du  Verger  et  maitre  de  verrerie, 
(jui  vivait  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV,  était  «  expert  à  la 
fabrication  de  la  porcelaine  »  et  avait  transmis  ce  «  nouvel 
art  »  à  SCS  descendants. 

D'après  Fillon,  il  s'agissait  là  de  porcelaine  factice  et  de 
pâte  tendre;  on  sait,  du  reste  (2),  que  ;}orce/ame  signifiait 


(1)   B.  FlLLON,  p.  103. 

(ï)  Uull.  des  Comm.  roi/,  d'art  et  d'aniiéol.,  \VI!I,  [i.  :269. 


—  49  — 

toute  espèce  de  grès  et  même  de  faïence,  avant  que  l'expres- 
sion ne  fût  réservée  aux  porcelaines  de  Chine,  de  Japon  et 
aux  produits  en  pâte  dure  inaugurés  par  Botlcher  au 
xviii'  siècle.  C'est  ainsi  que  nous  trouvons  l'expression  de 
porcelaine  employée  à  Tournay,  même  avant  l'époque  que 
l'on  assigne  communément  à  l'inauguration  de  l'industrie 
de  ce  genre  en  cette  localité  :  le  Journal  des  Sçavants  de 
l'année  1675  (i)  nous  fait  connaître  une  étude  des  «  terres 
jaunes  de  Flandre,  près  de  la  ville  de  Tournay,  dont  on 
fait  de  la  porcelaine.  »  Demmin  (2)  fait,  en  effet,  remonter  à 
4GoO  les  fabriques  de  faïence  à  émail  stannifère  qu'il  place  à 
Tournay,  et  si  Peterinck  et  consorts  arrivèrent  de  Lille  à 
Tournay  en  1746  ou  1730  (3),  l'inverse  avait  eu  lieu  en  1696  : 
Jacques  Féburier  (Février),  de  Tournay,  avait  été  appelé  par 
le  magistrat  de  Lille  pour  y  établir  l'industrie  de  la  faïence 
et  s'était  engagé  à  fabriquer  des  faïences  à  la  façon  de  Hol- 
lande et  plus  fines  que  celles  que  l'on  fabrique  à  Tournay  (4). 
Puisque  j'en  suis  au  Journal  des  Sçavants,  j'y  puise  un 
renseignement  curieux  qui  me  ramène  à  mon  sujet,  en  me 
faisant  déserter  celui  des  faïences  et  porcelaines  (en  trop 
bonnes  mains,  celles  de  mon  collègue  M.  je  conseiller  Fétis, 
pour  ne  pas  m'engager  à  une  retraite  prudente). 


(i)  IV,  p.  5S.  Cet  examen  microscopique  avait  été  fait  par  le  chimiste 
Lewenhooiv,  qui  compara  les  terres  d'Angleterre,  d'Esphen  et  de  Flandre,  pour 
rechercher  les  qualilés  el  les  combinaisons  de  ces  terres,  pour  la  fabrication  de 
la  «  pourcelane  » . 

(2)  Édition  de  1875,  p.  940. 

(j)  Id.,  ibid..  Exposition  nationale  (de  1880),  Catalogue,  section  E,  p.  58. 
SoiL,  Recherches  sur  les  anciennes  porcelaines  de  Tournay  (1883),  p.  18. 

(*)  Rens.  dus  ii  l'obligeance  de  M.  le  Conseiller  Fétis,  membre  de  la  Commis- 
sion de  surveillance  du  Musée  royal  d'antiquités  de  Bruxelles. 


—  bO  — 

Or,  voici  que  ce  Journal  des  Sçavants  publiait  en  1686  (i) 
qu'on  fabriquait  en  Allemagne  des  bouteilles  de  verre  à  fond 
flexible  et  élastique,  qui  se  faisait  concave  ou  convexe,  selon 
qu'on  y  aspirait  ou  insufflait  l'air.  Celle  invention  avait  même 
fait  l'objet  d'une  dissertation  de  Lenlilius,  professeur  à 
Nordiingen,  publiée  en  1684,  dans  les  Éphémérides  d'Alle- 
magne. 

Déjà  du  temps  de  Tibère  on  avait  trouve  (a)  un  procédé 
pour  rendre  le  verre  malléable;  mais  l'empereur  avait  fait 
détruire  la  fabrique  de  l'artiste,  pour  empêcher  l'avilissement 
du  cuivre,  de  l'argent  et  de  l'or  :  sans  qu'on  ait  eu  recours 
à  des  procédés  aussi  violents,  la  découverte  de  1086,  si  elle 
est  réelle,  est  aujourd'hui  complètement  oubliée,  et  l'on  ne 
connaît  guère  d'autre  verre  fusible  que  le  silicate  de  potasse 
liquide,  qui,  desséché,  laisse  une  sorte  de  croûte  vitrifiée 
sur  la  surface  enduite. 

J'ai  l'honneur,  etc. 

II.    SCHUERMANS. 


(0  XIV,  p.  581. 

il  est  douteux  cependant  que  ce  soit  là  un  fait  scienlifi(|ue  bien  établi;  car,  l'an 
d'après,  Basnage  de  Beauvai,,  Histoire  des  ouvrages  des  Sçavants,  l  (1687), 
p.  i72,  parle,  à  sa  Table,  du  prétendu  verre  malléable  des  anciens  comme  d'une 
VI  invention  périe  avec  son  auteur.  » 

(î)  Pline,  Uisl.  nat.,  XXXVI,  56.  Cfr.  à  ce  sujet  Dion  Cassius,  I.VII,  i2(, 
et  PÉTRONE,  Satyric,  51. 


COMMISSION  ROYALE  DES  MONUMENTS. 


RESUME    DES     PROCÈS-VERBAUX. 


SÏIANCES 
des  5,  12,   19,   26  et  31  janvier;  des  2,  9,  16,  23  et  29  février  1884. 


PEINTURE  ET  SCULPTURE. 

Des  avis  favorables  ont  été  donnés  sur  : 

r  La  proposition  du  conseil  de  fabrique  de  l'église  de      f^,;^^ 
Brecht  (Anvers)  tendante  à  l'aliénation  d'un  tableau  appar-     TabiM»'!' 
tenant  à  cette  église  ; 

2°  Le  maintien,  dans  l'édise  de  Wezeren  (Lièffe),  à  la      uy^^e 

'  ^  ^  ^    ^  '  do  Wezeren. 

place  qu'il  occupe  actuellement,  d'un  tableau  de  Corneille     Tabiea... 
De  Vos  qui  orne  le  maître-autel  et  dont  l'aliénation  était 
proposée  ; 

û°  Le  projet  relatif  à  l'exécution  d'une  verrière  à  placer      Êgnse 

deN.-l).den,il. 

dans  l'église  de  Notre-Dame  de  Hal  (Brabant),  aux  frais  de    venicre. 
S.  M.  la  Reine;  auteur,  M.  Verhaegcn, 
4°  Le  dessin  de  la  verrière  à  placer  dans  l'église  d'He-      Rgiis^ 

d'Herviillials, 

renthals  (Anvers),  aux  frais  de  M.  Van  Genechlen  ;  auteurs,     ^''^''■"^'^'■ 
MM.  Stalins  et  Janssens; 


—  52  — 

de£dcifc.g  "^^  LiG  maintien  dans  l'église  de  Ledeberg  (Flandre  orien- 
tale) de  deux  verrières  qui  y  avaient  été  placées  sans  auto- 
risation. Ces  verrières  proviennent  d'un  don  particulier  fait 
par  la  dame  veuve  Doltermans-Carnaud ; 

^rAnv"!!*  ^^^  Les  dessins  de  deux  vitraux  de  MM.  Stalins  et  Jans- 
sens,  à  placer  dans  la  chapelle  de  la  Vierge,  à  la  cathédrale 
d'Anvers. 

A  l'occasion  de  l'examen  de  cette  affaire,  la  Commission, 
dans  une  conférence  quelle  a  eue  avec  M.  Stalins,  l'un  des 
auteurs  des  projets  de  vitraux,  a  cru  devoir  protester  contre 
la  tendance  qui  s'affirme  de  jour  en  jour  davantage  de  don- 
ner aux  verrières  un  caractère  qui  ne  concorde  pas  avec  leur 
destination.  Elle  trouve  qu'il  n'est  pas  rationnel  d'employer 
dans  les  peintures  sur  verre  des  fonds  de  coloration  intense 
sur  lesquels  les  figures  viennent  se  détacher  en  clair.  Ce 
genre  d'effet  est  plutôt  du  domaine  du  tableau  que  du  vitrail, 
dont  les  colorations  doivent  être  combinées  de  façon  à  ne 
pas  nuire  à  l'introduction  de  la  lumière; 
Eglise  d.»        70  Le  projet  relatif  au  placement  d'un  chemin  de  la  croix, 

hniiiDgshnyekt.  I         J  I  .  ' 

de^iaTrnîx.   Œuvrc  ûq  MM.  Dc  Boeck  et  Van  Win  t,  d'Anvers,  dans  l'église 

de  Roningslioyckt  (Anvers); 

,  Egii.p  S"  Le  projet  relatif  à  la  restauration  des  armoiries  d'Au- 

de Nieii|iorl.  '       "^ 

Armoiries,    j^j^j^g^  q^  jj^uj  rdief,  qui  ornent  l'un  des  côtés  de  la  tour 
de  l'église  de  Nieuporl  (Flandre  occidentale)  ; 
pabi.         9"  Le  modèle  coulé  en  plâtre  de  la  statue  de  M.  Melot, 

o(>!  Beaux-Arli,  ^ 

"^u'ué'"'   représentant  la  Peinture,  et  destinée  à  la  décoration  de  la 
façade  du  palais  des  Beaux-Arts,  à  Bruxelles; 
M..n..me.ii  royal     i  0"  Lc  travail  de  la  mise  au  point  de  la  pierre  dc  la  statue 

.    Je  Lai^keii. 

^'»'"«-      (le  la  province  de  Namur,  par  M.  Vinçotle;  celte  statue  est 
destinée  au  monument  roval  de  Laeken. 


—  Des  dcléeiiés  se  sont  rendus,  le  12  février  1884,  au  ,  ,'"'''?'' 

o  '  'fie  la  NatiDu, 

Palais  de  la  Nation,  à  Bruxelles,  pour  vérifier  l'étal  de  la   *""""'"'^^" 
statue  de  Léopold  P',  l'oi  des  Belges,  qui  décorait  la  salle 
des  séances  de  la  Chambre  des  députés,  détruite  par  un 
incendie  le  6  décembre  1885. 

La  statue  du  Roi,  en  marbre  blanc,  œuvre  de  Guillaume 
Geefs,  fut  mise  en  place  en  1850. 

Elle  mesure  :  en  hauteur,  2"'0o,  y  compris  la  plinthe, 
haute  deO"'li  1/2;  en  largeur,  1"'05;  en  profondeur,  0"'7.j. 
La  longueur  de  côté  de  la  plinthe  est  de  O^TS. 

Cette  œuvre  a  été  gravement  endommagée  par  le  feu, 
surtout  dans  sa  partie  antérieure.  Si  l'on  frappe  sur  le 
marbre  avec  un  corps  dur,  un  instrument  de  métal,  par 
exemple,  la  résonnance  cristalline  à  la  face  postérieure  se 
change  à  la  face  antérieure  en  un  bruit  mat  et  sourd.  Celle 
discordance  est  produite  par  la  désagrégation  des  molécules 
du  minéral,  par  suite  de  l'aclion  violente  des  flammes,  qui 
ont  pu  attaquer  librement  la  face  antérieure,  tandis  qu'elles 
ne  pouvaient  atteindre  aussi  facilement  la  face  postérieure, 
adossée  au  mur  de  l'édifice  et  par  ce  fait  même  relativement 
protégée. 

C'est  ainsi  que  plusieurs  parties  de  la  face  antérieure 
de  la  statue,  un  doigt  et  des  bouts  de  doigts  de  la  main 
droite,  l'extrémité  d'une  des  branches  de  la  croix  formant 
la  garde  du  sabre,  le  bord  du  gant  tenu  par  la  main 
gauche,  le  bout  du  pied  droit  dépassant  la  plinthe,  la 
bordure,  vers  la  taille,  du  pan  d'habit  de  droite  sont  tombées 
en  poussière. 

Une  fissure  transversale  coupe  la  cuisse  gauche  dans 
son   milieu.   Une  autre  fissure  pari   du  flanc  droit,   con- 


—  u  — 

tourne  la  statue  et  se  perd  clans  la  partie  recouverte  par  le 
manteau. 

On  remarque  également  une  cassure  vers  la  taille.  Les 
délégués  sont  d'avis,  et  le  Collège  partage  leur  opinion,  qu'en 
présence  de  cet  état  de  détérioration,  il  serait  prudent  de 
faire  mouler  la  statue  à  l'endroit  où  elle  se  trouve,  si  l'on 
veut  en  conserver  le  modèle,  attendu  qu'il  pourrait  survenir 
d'autres  avaries,  peut-être  irrémédiables,  dans  le  cas  où  l'on 
tenterait  de  la  déplacer. 

Cette  statue  n'était  pas,  du  reste,  d'une  exécution  irrépro- 
chable, et  il  sera  nécessaire,  en  tous  cas,  d'après  l'avis  de 
l'architecte  chargé  de  la  reconstruction,  de  la  grandir  pour 
la  mettre  en  rapport  avec  les  proportions  de  la  salle  res- 
taurée. 

Profitant  de  l'inspection  qu'ils  faisaient  de  la  statue  de 
Léopold  V\  les  délégués  ont  examiné  les  autres  statues  qui 
décoraient  les  bâtiments  incendiés. 

Les  quatre  liberlés  placées  dans  le  vestibule  du  Palais 
ont  été  notablement  dégradées.  Le  feu  les  a  calcinées  et  il 
parait  impossible  de  les  conserver.  Au  point  de  vue  de  l'art, 
elles  laissaient  généralement  à  désirer,  et  on  pourra,  sans 
doute,  les  remplacer  par  des  œuvres  meilleures. 

Les  statues  représentant  des  souverains  qui  ont  régné 
sur  les  provinces  beiges,  ont  relativement  peu  souffert, 
placées,  comme  elles  l'étaient,  en  dehors  du  centre  de 
l'incendie. 

Les  quelques  avaries  qu'elles  présentent  sont  causées  par 
la  chute  des  matériaux  des  étages  supérieurs.  Elles  consis- 
tent en  cassures  (|ui  i)euvcnt  être  réparées  facilement  et  sans 
frais  notables. 


.);> 


ÉDIFICES  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈRES. 

On  été  approuvés  : 

i"  Le   proict  relatif  à  l'amélioration  du  presbytère  de  PnM.vur^.io 
Saint-Job  in  't  Goor  (Anvers)  ; 

2"  Le  projet  simplifié  du  presbytère  à  construire  à  Elseghem   J?;;^;';^!;^';;', 
(Fiandre  orientale). 

ÉGLISES.  —  CONSTRUGTIOMS  NOUVELLES. 

Le  Collège  a  approuvé  : 

1°  Le  projet  relatif  à  la  construction  d'une  église  à  GlonsÊg,i^pjçc,„„, 
(Liège);  architecte,  M.  Apel; 
2"  Le  projet  relatif  à  l'agrandissement  de  la  cliapelle  deggii.p.iosinv.v- 

r   •  N  SOUS  Plaiiievaux. 

Strivay-sous-Plamevaux  (Liège)  ; 
3°  Le  projet  relatif  à  la  construction  d'une  sacristie  à     Ëgiise,i« 

.  ./-iii/i  -N  !•  Sainti!  Dvmplinc, 

1  église  de  Samte-Dymphne,  a  Gheel  (Anvers);  architecte,     àCLcci. 
M.  Van  Assche; 

A°  La  proposition  de  M.  le  Gouverneur  de  la  province  de  Egn,^ 
Liège  tendante  a  convertir  le  porche  latéral  contre  l  église 
en  construction  de  Chératle  (Liège)  en  chapelle  des  fonts 
baptismaux,  en  vue  de  terminer  un  différend  qui  s'était  élevé 
entre  le  collège  échevinal  et  le  conseil  de  fabrique  touchant 
l'utilité  de  ce  porche; 

5°  Les  dessins  de  divers  objets  d'ameublement  destinés  AmcuMomcni 

,     , .  ,  de  diverses 

aux  églises  de  :  ^g>'ses. 

Saint-Jean-Sart,     commune    d'Aubel     (Liège)  :   buffet 
d'orgues  ; 

Welkenraedt,  même  province  :  maitro-autel; 


—  5.G  — 

Hulclenberg  (BrabanI)  :  qualre  candélabres  en  fer  forgé; 

Galonné  (Ilainaut)  :  deux  confessionnaux  et  deux  verrières  ; 

Pussemange  (Luxembourg)  :  ameublement,  sous  réserve 
de  quelques  modificalions  de  détail  à  apporter  dans  l'exé- 
cution. 
de  sa'inl-jo^ef.ii,  —  ^^  Collôge  a  également  donné  un  avis  favorable  sur  le 
maintien  dans  la  nouvelle  église  de  Saint-Josepb,  à  Alost, 
des  deux  autels  polychromes  qui  provenaient  de  l'église  de 
Saint-Bavon,  à  Gand.  (Voir  p.  -iU,  Bulletin,  XXIP  année.) 
de  saiu^t-'/a%uos.    —  La  Commisslott  a  prié  le  comité  des  membres  correspon- 

i  Liège. 

danis  de  la  province  de  Liège  de  lui  adresser  un  rapport  sur 
le  déplacement  de  deux  aulels  latéraux  et  le  dégagement  des 
deux  cha|)elles  du  transept  de  l'église  de  Saint-Jacques,  à 
Liège.  Cette  demande  était  motivée  par  le  désir  de  savoir  si 
le  travail  était  conforme  aux  indications  contenues  dans  le 
rapport  de  la  Gommission  en  date  du  5  mai  1885,  et  si  l'ar- 
chitecte avait  remis  les  anciens  autels  dans  les  mêmes 
forme  et  état  qu'ils  présentaient  avant  leur  démolition.  M.  le 
Gouverneur  a  fait  parvenir  un  rapport  qui  donne  les  rensei- 
gnements suivants  : 

«  Les  travaux  consistaient  dans  le  déplacement  des  aulels 
«  qui  masquaient  les  deux  chapelles  terminales  des  basses- 
»  nefs,  ou  plutôt,  pour  apprécier  à  sa  valeur  la  nature  de 
»  ce  travail,  il  convient  de  rappeler  qu'il  ne  s'agit  pas  d'au- 
»  tels  proprement  dits,  mais  des  fragments  d'un  jubé  ou 
»  clôture  du  chœur.  Gette  sorte  de  tribune  qui  séparait  le 
»  chœur  du  vaisseau  de  l'église  avait  été  construite  en  1602, 
»  par  l'abbé  Martin  Fanchon,  et  a  probablement  remplacé 
»  alors  le  jubé  primitif  construit  dans  le  style  du  monument. 
)'  Quand  cet   édicule  fut  démoli   à  son   tour   par   l'abbé 


—  57  — 

»  P.  Renolte  (1 741-1 7(M),  on  en  avail  utilisé  les  fragments 
»  pour  en  composer  les  deux  autels  qui  viennent  d'être 
»   déplacés. 

»  Les  deux  parties  de  cet  ancien  jubé,  pour  l'appeler  par 
»  le  nom  qui  lui  convient,  viennent  d'être  placées  du  côté 
»  ouest  de  l'église,  dans  les  mêmes  conditions  où  elles  se 
»  trouvaient  lorsqu'elles  formaient  deux  autels  du  côté  est 
»  de  l'édifice.  Un  dessin  que  M.  l'architecte  Van  Assche  a 
»  fait  faire  et  une  photographie  ont  permis  de  constater  que 
»  rien  n'a  été  modifié  par  le  démontage  et  le  replacement 
»  de  ces  sculptures,  qui,  ainsi  que  le  fait  observer  la  Com- 
»  mission  des  monumenis,  sont  loin  d'être  dépourvues  de 
»  mérite  au  point  de  vue  de  l'art. 

»  Celle  opération  n'a  amené  que  deux  changements  peu 
»  considérables  dans  la  disposition  préexistante,  et  qui 
»  semblent  plutôt  de  nature  à  cire  approuvés  :  1"  un  bas- 
»  relief  manquait  dans  une  place  assez  apparente  de  l'œuvre; 
»  ce  bas -relief,  représentant  la  sainte  Gène,  a  été  retrouvé 
»  dans  les  combles  de  l'église  et  a  été  remis  à  la  place  qu'il 
»  occupait  primitivement;  2"  une  marche  se  trouvait  devant 
»  deux  sortes  de  sarcophages  formant  autel;  celle-ci  a  été 
)'  supprimée,  n'ayant  plus  de  destination,  et  a  été  remplacée 
»  par  la  plinthe  qui  régnait  autour  des  autres  parties  du 
»  .soubassejnenl  de  cette  clôture. 

»  L'examen  du  travail  qui  vient  d'être  terminé  a  permis 
»  de  reconnaître  que  la  restauration  des  deux  chapelles 
»  formant  le  fond  des  basses-nefs  n'était  pas  possible  avant 
»  que  les  sculptures  formant  retables  ne  fussent  déplacées. 
»  C'est  seulement  par  l'éloignement  des  autels  que  l'on  a  pu 
»  reconnaître  les  dégradations  dont  l'architecture,  contre 


—  o8  — 

»  laquelle  ils  ont  été  adossés,  a  souffert.  En  revanche,  les 

»  deux  chapelles,  redevenues  visibles  à  l'extrémité  des  basses- 

»  nefs,  produisent  tout  l'effet  que  l'on  a  espéré  atteindre  en 

»  les  dégageant  des  sculptures  placées  en  1741.  » 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 


r.giisodes        ]o  Le  devis  estimatif  des  travaux  de  renouvellement  des 

SS-MiclK^lot- 


Des  avis  favorables  ont  été  émis  sur 

àBruxdîk    toitures  de  l'église  collégiale  des  Saints-Michel-et-Gudule,  à 

Bruxelles  ;  architecte,  M.  De  Curte; 
Église duccie.      2"  Lc  projct  d'embellissement  et  de  clôture  de  l'église 

paroissiale  d'Uccle;  architecte,  M.  Baes; 
Epl.^e.!c        5"  Le  projet  relatif  au  débadigeonnage    de   l'église  de 

SaiDte-Elisabclli, 

àGand.     Sainte-Elisabeth,  à  Gand;  architecte,  Van  Assche; 

Eglise  dohcy.  40  Le  projet  modifié  des  travaux  de  restauration  à  exé- 
cuter à  l'église  d'Ohey  (Namur);  archirecte,  M.  Michaux; 
F.giisM- Fumai.  5°  Lc  dcvis  estimatif  des  travaux  urgents  à  exécuter  à 
l'église  de  Fumai  (Liège);  quant  aux  travaux  à  exécuter 
ultérieurement,  on  a  recommandé  à  l'auteur  du  projet  de 
renoncer  pour  ces  derniers  ouvrages  à  l'emploi  du  style 
ogival,  à  l'extérieur  de  l'édifice,  et  d'exécuter  les  travaux 
nouveaux  dans  le  style  qui  domine  actuellement; 

Église d.^NVD.     6°  Le  compte  rendu  des  recettes  et  dépenses  effectuées, 

audel.ldelaDyle,  '  ' 

bMaiiiios.  pçnjani  les  (rois  premiers  trimestres  de  l'année  1885,  pour 
la  restauration  de  l'église  de  Notre-Dame  au  delà  de  la  Dyle, 
à  Malines; 

o'nm'"  '"  ^^  compte  des  travaux  de  restauration  exécutés,  pen- 
dant le  troisième  trimestre  de  l'année  de  1885,  au  vaisseau 
de  la  catiiédrile  d'Anvers. 


Bccelaerc. 
Tour. 


lerre, 
à  TliicU. 


—  ;i9  — 

—  Un  délégué  a  élé  chargé  de  vérifier  l  elat  de  situation  ^^  g^[^^. 
de  la  tour  de  l'église  de  Becelaere  (Flandre  occidenlalc),  qui 
était  signalé  comme  présentant  des  dangers  pour  la  sécurité 
publique. 

Il  résulte  du  rapport  du  délégué  que  ces  dangers  étaient 
réels  et  qu'il  y  avait  lieu  d'y  parer  dans  le  plus  bref  délai. 

Dans  ce  but,  il  suffira,  laissant  de  côté  le  projet  d'embel- 
lissement approuvé  par  la  Commission  le  29  septembre  1880, 
d'exécuter  des  ouvrages  de  pure  conservation  qui  ne  s'élève- 
ront qu'à  la  somme  de  8,000  francs.  Il  conviendra  toutefois 
de  charger  un  architecte  de  la  direction  et  de  la  surveillance 
de  ces  travaux. 

—  Des  délégués  se  sont  rendus,  le  15  février   1884,  àjcsi-t-p, 
ïhieit  (Flandre  occidentale),  afin  d'examiner  sur  place  les 
propositions  soumises  en  vue  de  la  restauration  de  l'église 
paroissiale  de  Saint-Pierre. 

Le  devis  général  des  travaux  de  restauration  à  exécuter  à 
l'église  précitée  s'élevait  à  la  somme  de  64,257  francs;  mais 
comme  les  ressources  ne  permettaient  pas  d'entreprendre 
une  restauration  complète,  les  administrations  locales  ont 
présenté  un  second  devis  détaillé,  extrait  du  précédent  et 
ne  comprenant  que  des  travaux  d'extrême  urgence.  Ce  devis 
se  monte  cà  fr.  32,108-02. 

Les  délégués  étaient  chargés  de  vérifier  l'importance  et 
l'urgence  des  travaux  porlés  à  ce  second  devis. 

Après  une  minutieuse  inspection,  tant  des  combles  que 
des  versants  des  toitures,  ils  ont  reconnu  que  celles-ci  étaient 
dans  le  plus  déplorable  état  :  la  flèche  est  criblée  à  jour;  les 
voliges  sont  vermoulues  et  rongées  par  l'humidité.  Elles 
devront  être  en  grande  partie  renouvelées  à  la  flèche  et  aux 


—  60  — 

toitures  des  nefs  ;  partout  les  ardoises  sont  consommées  et 
s'elTrilenl  au  moindre  choc;  les  faitières,  toutes  dégradées, 
manquent  sur  un  grand  nombre  de  points  et  laissent  un  libre 
accès  aux  eaux  pluviales  dans  l'intérieur  des  combles. 

Les  nefs  de  l'édifice  sont  délimitées  à  la  façade  par  trois 
pignons  d'égale  hauteur.  Cette  disposition  nécessite  deux 
gouttières  aux  versants  intérieurs  des  toitures,  et  chacune 
d'elles  reçoit  le  contingent  d'eaux  pluviales  de  deux  versants 
à  leur  intersection.  Le  mauvais  état  de  ces  gouttières,  joint 
aux  dégradations  déjà  signalées,  occasionne  d'importantes  et 
graves  infiltrations  dans  les  travées  des  nefs.  Ces  infiltrations 
sont  fort  apparentes  à  la  jonction  de  la  nef  du  milieu  avec  les 
nefs  latérales.  Quant  à  la  charpente  de  la  flèche  et  des  toi- 
tures des  nefs,  elle  est  généralement  en  bon  état  de  conser- 
vation. 

Les  gouttières  latérales  des  nefs  devront  également  être 
l'objet  de  réparations  sérieuses.  Les  talus  des  contreforts 
appliqués  aux  nefs  latérales  sont  atteints  d'érosion  et 
devraient,  en  attendant  qu'on  pût  y  mettre  une  couverture 
en  pierre  de  taille,  être  recouverts  d'ardoises,  comme  cela 
existe  à  quelques-uns. 

Les  couvertures  des  gables  des  pignons  de  la  façade, 
actuellement  tombées  en  partie,  ou  fortement  dégradées, 
devront  être  renouvelées,  et  la  pierre  de  France,  qui  avait 
été  employée  précédemment  dans  ce  travail,  sera  remplacée 
par  la  pierre  des  Écaussines.  L'urgence  de  cette  dernière 
réparation  est  des  plus  évidentes  ;  la  chute  des  débris  des 
gables  compromettant  fortement  la  sécurité  publique. 

Kn  conséquence,  les  délégués  ont  estimé  qu'il  y  avait  lieu 
d'accu(,"illir  les  propositions  des  administrations  locales  de  la 


—  01   — 

ville  de  Thielt,  tendant  à  obtenir  l'autorisation  d'exécuter  la 
première  catégorie  des  travaux  de  restauration  à  l'église 
paroissiale  tels  qu'ils  sont  renseignés  au  devis  comportant 
la  somme  de  fr.  32,108-02;  ces  travaux  étant  suffisamment 
justifiés  par  les  constatations  contenues  dans  le  rapport  des 
délégués. 

Le  Secrétaire  Général, 
J.  Rousseau. 


Vu  en  conformité  de  l'article  25  du  règlement. 

Le  Président^ 

Wellens. 


RAPHAËL. 


LE    MARIAGE    DE    EA  VIERGE. 


Le  palais  Bréra,  à  Milan,  renferme  une  collection  de 
tableaux,  intéressante  à  des  litres  divers,  qui  mériterait  une 
élude  sjjéciaie. 

L'école  lombarde  y  est  représentée  par  de  nombreuses 
œuvres,  tableaux  et  fresques  enlevés  des  églises  avant  d'avoir 
perdu  loule  valeur.  Il  est  regrettable  qu'on  n'ait  pas  songé, 
il  y  a  cent  ans,  à  détacher  de  la  muraille  du  couvent  de 
Sainte-Marie  des  Grâces,  où  elle  commençait  à  se  détériorer, 
la  Cène,  du  Vinci  ;  on  l'eût  peut-être  conservée  à  l'admiration 
des  artistes  pendant  de  longs  siècles.  Aujourd'hui  elle  est 
absolument  perdue. 

Outre  les  fresques  et  les  toiles  des  Lombards,  parmi  les- 
quelles celles  de  Luini  sont  surtout  à  examiner,  il  y  a  dans 
les  galeries  de  ce  musée  diiïérenles  œuvres  du  Titien,  de 
Véronèzc,  de  Robusli,  de  Mantcgna,  de  Bellini,  du  Domi- 
niquin,  etc.  Rubens,  Rembrandt  et  Van  Dyck  y  sont  égale- 
ment représentés,  mais  sans  éclat. 

L'œuvre  allravunle  enlro  toutes  de  cette  colleclion,  c'est 


~  63  — 

le  Mariage  de  la  Vierge,  le  «  Sposalizio  »  de  Raphaël,  qui 
vaut  seul  le  voyage,  et  je  dirais  plus  exactement  le  pèleri- 
nage à  Milan. 

I 

Une  œuvre  ancienne,  connue  et  admirée  depuis  des 
siècles,  popularisée  par  la  gravure,  considérée  comme  un 
chef-d'œuvre  indiscutable,  peut-elle  encore,  à  un  moment 
donné,  dans  uitc  situation  particulière,  apparaître  à  l'état 
de  révélation? 

Il  y  a  dans  les  arts  des  modes,  des  réactions,  des  pous- 
sées, des  folies,  des  révolutions,  des  troubles,  comme  en 
politique.  Il  ne  faut  que  vingt-cinq  ou  trente  ans,  aujour- 
d'hui, pour  qu'un  «  progressiste  »  devienne  classique  et  soit 
relégué  parmi  «  les  vieux  .»  Le  mouvement  affolé  de  Paris 
a  toujours  son  contre-coup  en  Belgique,  en  art  comme  en 
littérature;  cela  paraît  inévitable,  le  courant  étant  établi 
profondément,  et  les  protestations  isolées  n'ayant  guère 
d'influence  sur  l'esprit  public.  Et  c'est  ainsi  que  de  nouvelles 
esthétiques  s'établissent  sur  des  apparences  de  principes  qui 
n'ont  généralement  nulle  consistance,  et  qui  s'effacent  bien- 
tôt pour  faire  place  à  des  principes  nouveaux  loiU  aussi 
éphémères. 

C'est  la  vie;  l'artiste  n'est  ni  un  philosophe,  ni  un  mathé- 
maticien. Il  se  laisse  impressionner  par  ce  qui  lui  semble 
neuf;  il  tend  volontiers  ses  poignets  aux  chaînes  d'un  escla- 
vage, étant  homme  de  sentiment  :  il  suffit  qu'une  tyrannie 
morale  quelconque  lui  parle  au  nom  de  la  liberté.  La  chaleur 
du  sang,  et  la  fougue  de  l'esprit  qui  en  est  le  produit  naturel, 
donnent  aux  idées  la  forme  de  l'exagération  et  de  l'hyper- 


—  Gi  — 

bolo;  rien  n'est  juste  alors  qui  n'est  point  amplifié.  On  ne 
rêve  qu'effondrements  complets,  que  sociétés  pures  de  toute 
attache  avec  le  passé,  qu'arts  libres  au  moyen  de  toutes  les 
licences,  que  littératures  jeunes  en  ce  sens  qu'elles  sont  en 
désaccord  avec  la  langue,  le  bon  sens  et  la  vérité. 

A  ces  moments  où  l'extravagance  même  est  une  qualité, 
et  où  la  conscience  est  une  «  vieille  radoteuse,  »  il  est  bon 
de  revoir  ce  qu'ont  fait  les  anciens  et  d'étudier  pourquoi 
telles  de  leurs  œuvres  sont  et  restent  des  chefs-d'œuvre. 

Echapper  à  la  foule  tumultueuse,  aller  respirer  en  quel- 
que fraîche  solitude,  se  retremper  dans  une  oasis  abandon- 
née, cela  est  sain.  Le  chef-d'œuvre  des  «  vieux  »  produit  cet 
effet-là  :  il  raffermit  les  idées,  il  remet  de  l'équilibre  dans 
l'esprit.  Le  Mariage  de  la  Vierge  de  Raphaël  est  une  oasis 
réconfortante. 

Celte  œuvre  juvénile  est  tellement  à  l'antipode  de  Tart 
moderne  que  les  qualités  qu'elle  renferme  sont  de  nature  à 
remettre  dans  son  assiette  un  esprit  dévoyé,  troublé,  ahuri 
par  les  déclarations  extraordinaires  que  font  aujourd'hui  les 
jeunes  gens. 

II  viendra  peut-être  un  temps  —  et  ce  temps  est  venu 
déjà  une  fois  dans  l'ère  moderne,  —  où  Rembrandt,  où 
Rubens,  où  Jordaens  ne  seront  plus  «  dans  le  mouvement  .» 
Un  principe  despotique  aura  enfermé  l'art  vivant  de  la 
Flandre  dans  une  matrice,  ou  l'aura  fait  passer  à  un  lami- 
noir, sous  prétexte  de  lui  ôter  l'expansion  de  ses  formes 
pittoresques,  de  lui  donner  une  distinction  contraire  à  sa 
nature,  et  par  ce  procédé  on  enlèvera  aux  artistes  leur  per- 
sonnalité. La  Ronde  de  Nuit,  Y  Automne  ou  le  Christ  fou- 
droyant  )»ourra   ainsi  devenir  l'oasis  que   Raphaël   offre 


—  65  — 

aujourd'hui  dans  le  Mariage  de  la  Vierge.  Cela  dépend  soit 
de  la  mode,  soit  d'un  principe  «  révolutionnaire,  »  soit  de 
l'esthétique  enseignée.  Toujours  on  trouvera  chez  «  les 
vieux  »  un  exemple,  un  modèle,  un  refuge,  quels  que  soient 
l'égarement  de  l'heure  et  l'agitation  des  esprits,  —  le  passé 
ayant  des  chefs-d'œuvre  de  tous  les  genres,  produits  de 
tempéraments  divers,  passionnés  à  leur  manière,  qui  n'était 
certainement  pas  celle  d'aujourd'hui. 

II 

Le  Sposalizio  de  Raphaël  date  de  1504;  l'artiste  avait 
alors  vingt  et  un  ans,  étant  né  en  d483. 

Il  est  bon  de  rappeler  ces  dates,  ces  détails,  ne  fût-ce 
que  pour  faire  connaitre  aux  jeunes  peintres  de  nos  jours 
qu'à  cet  âge  encore  tendre  Sanzio  avait  toute  la  science 
nécessaire  à  la  production  d'œuvres  capables  de  résister  au 
temps,  à  la  mode,  aux  engouements  des  réactions  et  des 
poussées. 

Le  tableau  est  en  quelque  sorte  un  duplicata  du  même 
sujet  exécuté  par  Pérugin,  le  maitre  de  Raphaël.  La  compo- 
sition est  renversée  ;  mais  le  jeune  artiste  ne  crut  pas  se 
déshonorer  en  empruntant  cet  arrangement  à  l'artiste  qui  lui 
avait  ouvert  la  voie.  Van  Dyck  a  fait  de  même  plus  lard  en 
imitant  le  Saint  Martin  de  Rubens.  Il  y  a  de  l'ingénuité 
dans  cet  entraînement.  On  pourrait  croire  que  Raphaël  a 
voulu  tàter  ses  forces,  expérimenter  son  talent,  voir  si  son 
travail  serait  digne  d'être  placé  à  côté  du  travail  du  maître, 
et  ainsi  connaître  si  des  conseils  lui  étaient  encore  néces- 
saires. Il  est  probable  que  Pérugin,  en  examinant  celte 
œuvre  inspirée  de  lui-même,  a  dû  comprendre  que  Raphaël 


—  66  — 

n'avait  plus  besoin  de  guide  et  a  dit  à  ce  génie  précoce  qu'il 
avait  désormais  à  marcher  sans  lisières. 

La  composition  est  simple,  bien  pondérée,  trop  pondérée 
pour  nos  idées  actuelles.  Le  grand  prêtre  est  au  milieu  des 
deux  époux,  dont  il  unit  les  mains  ;  à  droite  un  groupe  de 
jeunes  hommes,  à  gauche  un  groupe  de  jeunes  femmes  ;  au 
fond,  se  détachant  sur  un  ciel  très  clair,  un  petit  temple 
de  style  Renaissance. 

Il  semble  assez  étrange  que  le  prêtre  soit  sorti  du  temple 
))0ur  aller  au  dehors  procéder  au  mariage  de  Joseph  et  de 
Marie;  cela  n'est  ni  réfléchi  ni  conforme  au  sens  commun. 
La  régularité  de  la  composition  pourrait  être  également 
critiquée,  bien  que  dans  les  scènes  de  cette  nature  il  y  ait 
toujours  quelque  symétrie.  Mais  lorsqu'on  est  devant  le 
tableau,  on  ne  fait  pas  ces  observations,  parce  que  la  beauté 
et  l'intérêt  de  l'œuvre  ne  sont  point  là.  D'ailleurs,  il  ne  faut 
pas  oublier  qu'alors  on  sortait  à  peine,  en  Italie,  de  la  période 
primitive,  e(  que  Raphaël  subissait  encore  l'influence  de  ces 
peintres  candides,  (jui  représentaient  plusieurs  phases  d'une 
tragédie  sur  une  même  toile,  ou  qui  inscrivaient  les  paroles 
des  personnages  sur  un  bout  de  ruban  se  déroulant  de  leurs 
lèvres  entrouvertes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  devant  le  Sposalizio,  on  ne  pense  pas  à 
l'outrage  (jue  la  composition  fait  à  l'histoire,  au  point  de  vue 
du  costume,  à  la  logique  et  aux  combinaisons  pittoresques. 

L'esprit  est  transporté  dans  un  monde  spécial  :  tout  de 
suite,  on  est  saisi  par  l'admiration.  C'est  une  impression  de 
fraîcheur  délicieuse. 

Le  sentiment  juvénil  et  radieux  de  l'artiste  a  pénétré  son 
œuvre,  preuve  de  sincérité  ;  c'est  son  soutfle  qui  l'anime; 


son  amour  de  ce  qui  est  beau  à  ses  yeux  donne  à  la  scène 
la  vie  qui  s'en  dégage,  vie  d'un  caractère  particulier,  d'où 
la  passion  et  le  mouvement  semblent  exclus,  et  cette  exclu- 
sion ne  nous  fait  pas  prolester.  On  ne  regrette  })as  que  ces 
personnages,  qui  appartiennent  autant,  par  le  stylo  et  l'exé- 
cution, à  la  statuaire  qu'à  la  peinture,  paraissent  destinés  à 
une  immobilité  éternelle  :  on  ne  les  voudrait  ni  plus  réels, 
ni  capables  de  circuler  et  de  gesticuler.  Que  la  jeune  épouse 
conserve  sa  grâce  timide  et  sa  confiance;  que  Joseph  de- 
meure dans  cette  attitude  respectueuse;  que  le  grand-prètre 
continue  à  se  montrer  d'une  bonhomie  parfaite,  sans  pré- 
tention à  pontifier  pour  le  public.  Peu  importe  !  On  ne 
demande  pas  à  celte  œuvre  d'une  autre  époque,  conçue  et 
exécutée  avec  d'autres  idées  que  celles  qui  nous  obsèdent, 
des  qualités  qu'on  exigerait  peut-être  si  elle  était  plus  mo- 
derne. Ce  que  Raphaël  a  fait  suOit  à  exciter  l'enthousiasme. 
Cette  fleur  de  jeunesse,  ce  printemps  souriant  et  clair,  cette 
grâce  exquise,  celte  candeur  de  l'esprit  satisfont  les  meil- 
leurs sentiments,  les  goûts  les  plus  difficiles,  et  laissent  une 
impression  ineffaçable. 

Chose  à  remarquer  :  le  caractère 'du  tableau  n'a  rien  de 
religieux.  C'est  quelque  chose  de  paisible,  de  doux  et  de 
chaste  dans  l'expression  générale,  et  dans  chacune  des  phy- 
sionomies, mais  sans  mysticisme.  L'œuvre  ferait  tout  aussi 
bon  effet  et  serait  tout  aussi  harmonieuse  dans  un  boudoir 
que  dans  une  chapelle.  Elle  a  même  quelque  chose  de  païen  : 
les  délicatesses  de  la  forme  font  songer  bien  plutôt  à  la 
Grèce  antique  qu'à  la  Rome  des  papes.  C'est  une  fleur  d'hu- 
manité spirituelle,  non  de  mysticisme;  c'est  une  œuvre  de 
conviction  artiste,  non  de  foi  chrétienne.  Le  courant  de  la 


—  68  — 

Renaissance  a  passé  sur  rilalie  :  Alhènes,  ses  philosophes, 
ses  poètes  et  ses  artistes  vont  reconquérir  leur  place  et 
dominer  leurs  modernes  successeurs.  Suave  et  pénétrante 
comme  un  chant  d'oiseau,  bienfaisante  comme  une  rosée, 
rayonnante  comme  la  lumière  même,  telle  est  cette  œuvre 
d'un  peintre  qui  préludait  à  sa  gloire.  Et  l'on  comprend 
l'épithète  de  divin  jeune  homme  donnée  à  Raphaël. 

Est-ce  que  le  Sposalizio  est  l'ouvrage  d'un  coloriste 
comme  l'entendaient  les  Hollandais,  les  Flamands  et  les 
Vénitiens?  Non;  mais  il  est  aussi  agréable  dans  l'ensemble 
de  la  coloration  qu'il  est  délicat  et  élevé  dans  les  formes. 
Ce  qu'on  est  en  droit  d'exiger  d'un  peintre,  c'est  qu'il  soit 
peintre  :  en  ce  sens  que  l'effet  produit  par  la  lumière  sur 
les  corps,  selon  leur  nature,  soit  vu  par  l'artiste  dans  sa 
réalité,  au  moins  tel  que  «  tout  le  monde  «  le  voit.  Les  tons 
criards,  les  détonations  des  notes  diverses  employées  sont 
inadmissibles  :  tons  et  notes  doivent  concorder  entre  eux 
comme  en  musique  les  sonorités,  combinées  pour  produire 
des  impressions  de  bien-être,  de  charme,  de  terreur  ou 
d'extase. 

Sans  être  coloriste  à  la  façon  de  Velasquez  ou  de  Véro- 
nèse,  Raphai'l,  dans  k  Sposalizio,  est  un  harmoniste  instinc- 
tif (i).  Rien  ne  détonne  en  ces  colorations;  l'atmosphère 
qui  entoure  les  groupes  est  pure  et  saine,  sans  être  fluide 
c(  lumineuse  comme  dans  les  tableaux  «  gothiques  ,»  sans 


(0  Je  n'ai  pas  vu  les  portraits  peints  par  Rapiiaei,  qu'on  dit  colorés  avec 
une  chaleur  cl  une  suavité  dignes  des  Vénitiens.  11  y  aurait-là  une  étude  à  faire  : 
le  peintre  est  plus  inlluenré  par  la  nature  lorsqu'elle  s'impose  à  lui  directement, 
que  lorsqu'il  conçoit  une  œuvre  d'imagination  au  moyen  de  notes  et  de  docu- 
ments accumulés. 


--  69  — 

atteindre  à  l'intensité  et  à  la  vibration,  comme  dans  certains 
paysages  modernes. 

A  vrai  dire,  ce  côté  du  tableau  ne  préoccupe  pas;  ses 
qualités  spéciales  sutTisent  à  nous  séduire.  On  est  sous  le 
charme  dès  le  premier  regard,  et  on  y  reste;  ce  charme 
n'a  pas  cessé  d'opérer  depuis  bientôt  quatre  siècles  :  n'est-ce 
pas  là  une  preuve  irrécusable  que  l'œuvre  est  un  chef- 
d'œuvre. 

Mais  supposez  celte  distinction  dans  la  forme,  cette 
élévation  dans  le  style  unies  à  un  peinturage  dur,  à  une 
enluminure  grossière  ou  violente,  l'ensemble  de  la  compo- 
sition, conservant  cependant  les  qualités  savantes  et  la 
noblesse  de  dessin  qui  en  sont  pour  ainsi  dire  la  moelle, 
perdrait  les  trois  quarts  de  sa  beauté.  Il  a  donc  fallu  que 
Raphaël  fût  doué  d'une  manière  exceptionnelle  pour  arriver 
à  ce  résultat  ;  et  c'est  pourquoi  le  Mariage  de  la  Vierge  a 
pu  affronter  les  jugements  des  siècles  et  vaincre  les  exi- 
gences et  les  variatiojis  de  la  mode. 

III 

Dans  les  temps  modernes  on  cherche  «  autre  chose.  » 
Un  tableau,  aujourd'hui,  doit  avoir  certaines  quahtés  sans 
lesquelles  il  semble  qu'il  n'existe  pas  :  l'apparence  de  lu 
réahté  selon  certaines  idées  qui  ont  eu  cours  hier,  qui  ont 
cours  aujourd'hui,  qui  auront  cours  demain,  lesquelles  idées 
subissent  des  fluctuations  selon  certaines  circonstances, 
comme  en  politique.  Depuis  le  commencement  de  ce  siècle 
il  y  a  eu  un  nombre  de  périodes  diverses  dans  l'art  de  la 
peinture,  des  modes  ou  des  principes  ont  servi  de  règles 


—  70  — 

à  des  groupes  de  lutteurs  :  classicisme,  romantisme,  réa- 
lisme, naturalisme,  impressionnisme,  intentionnisme.  Nous 
en  sommes  maintenant  à  ce  dernier  vocable,  qui  peut-être 
renferme  quelque  chose,  mais  qui  peut-être  aussi  ne  ren- 
ferme rien.  On  saura  cela  plus  tard. 

C'est  fort  bien  :  il  faut  être  dans  le  courant  moderne,  sous 
peine  d'être  dédaigné  ou  incompris.  Mais  encore  est- il 
nécessaire,  pour  les  révolutionnaires,  d'avoir  un  but  et  de 
poursuivre  un  idéal. 

N'était-ce  pas  une  mode  (qui  n'a  eu  qu'une  heure  triom- 
phante), cette  nouveauté  qui  consistait  à  reconstituer  l'art 
de  nos  ancèlres  du  moyen  âge?  Pour  arriver  à  cet  «  idéal ,» 
n'a-t-on  pas  été  obligé  de  se  contraindre,  de  feindre  une 
ingénuité  impossible,  d'afficher  une  ignorance  bizarre,  de 
dessiner  de  parti  pris  des  personnages  raides,  à  physionomie 
barbare,  de  consulter  et  d'imiter  de  vieilles  gravures  et 
en  même  temps  de  copier  des  tonalités  assombries  par  le 
temps  —  abdiquant  ainsi  toute  personnalité,  se  refusant  à 
soi-même  tous  les  bénéfices  de  l'originalité?  N'était-ce  pas 
là  un  défi  au  sens  commun,  un  renoncement  aux  effets  des 
conquêtes  de  l'esprit  dans  les  temps  modernes,  et,  pour  tout 
dire  en  un  mot,  une  fantaisie  archaïque  qui  ne  devait  avoir 
qu'un  succès  fugitif? 

On  ne  refait  pas  le  passé;  on  ne  reconstitue  qu'en  appa- 
rence et  pour  un  moment  les  choses  mortes.  Sous  la  pre- 
mière République  française,  on  crut  à  Paris  qu'il  suffisait 
de  reprendre  le  costume  antique  pour  retrouver  dans  ses 
plis  les  vertus  des  âges  philosophiques  et  héroïques.  La 
tentative  n'a  été  que  ridicule. 

Il  ne  faudrait  donc  pas  conclure,  après  l'éloge  qui  vient 


—  71  — 

d'être  fait  du  Sposalizio,  que  je  conseille  aux  jeunes  gens 
de  reprendre  les  traditions  anciennes  et  les  principes  suivis 
par  la  Renaissance  italienne,  pour  en  tirer  un  nouveau  suc. 

Je  dirai  succinctement  ce  que  je  considère  comme  une 
vérité  historique  irréfutable  :  l'humanité  ne  peut  se  copier 
en  rien  sans  s'amoindrir.  L'évolution  de  l'esprit  n'est  pas 
en  arrière;  le  passé  constitue  un  amas  de  documents,  dont 
l'étude  doit  nous  aider  à  avancer  sans  cesse  vers  la  perfec- 
tion, relative  au  temps  et  aux  circonstances.  L'art  des  an- 
ciens étant  plein  d'enseignements,  nous  ne  pouvons  jamais 
le  considérer  comme  une  lettre  morte  pour  l'intelligence. 

Logiquement,  même  pour  faire  autrement  que  les  «vieux,  » 
il  est  indispensable  de  ne  pas  ignorer  ce  qu'ils  connaissaient 
et  de  ne  pas  mépriser  les  moyens  qu'ils  ont  employés.  C'est 
un  des  caractères  des  réactions  et  des  innovations  de  dédai- 
gner les  actions  et  les  œuvres  des  prédécesseurs  ;  à  l'heure 
de  la  lutte,  dans  l'ardeur  de  la  bataille,  cette  attitude  semble 
être  rationelle.  Mais  on  ne  peut  pas  lutter  toujours;  la  fièvre 
du  combat  n'est  point  bonne  pour  édifier;  il  vient  un  mo- 
ment où  la  réflexion  donne  l'ordre  d'intervenir  à  la  raison 
et  à  la  philosophie.  Et  c'est  ainsi  qu'à  toutes  les  périodes 
d'innovation  passionnée  on  finit  par  avoir  quelque  honte 
de  hausser  les  épaules  au  nom  de  Raphaël  —  ou  de  Rem- 
brandt, et  c'est  à  ce  moment-là  qu'il  est  utile,  et  sain,  et 
instructif,  de  reprendre  l'examen  des  œuvres  et  des  hommes 
que  l'on  a  combattus. 

L'auteur  du  Sposalizio  avait  vingt  et  un  ans,  et  c'était  un 
peintre  savant!  J'appelle  l'attention  des  jeunes  artistes  sur 
ce  fait,  parce  que  la  «  nouvelle  école  »  semble  dédaigner 
la  science,  c'est-à-dire  quelques-uns  des  éléments  essentiels 


—  72  — 

de  l'art,  pour  tout  abandonner  à  l'inspiration  de  l'heure 
présente  et  au  sentiment  de  la  première  impression. 

N'est- il  pas  étonnant  de  voir  des  peintres  de  figure,  en 
ces  temps  où  l'enseignement  est  largement  ouvert  à  ceux 
qui  veulent  s'instruire,  s'attaquer  à  l'homme  sans  avoir 
étudié  ni  l'anatomie,  ni  la  psychologie,  ni  la  physiologie, 
ni  l'histoire,  ni  les  grands  poètes?  Gomnie  si  cela  suffisait 
d'avoir  des  qualités  instinctives,  de  faire  poser  un  modèle 
quelconque  'et  de  l'imiter  tant  bien  que  mal,  quelquefois 
fort  bien,  on  ne  peut  en  disconvenir!  Se  contenter  de  cet 
art,  c'est  retourner  à  l'enfance  de  l'art,  à  ces  temps  primitifs 
où  nos  aïeux  étaient  satisfaits  d'avoir  construit  des  hommes 
sans  vigueur  physique,  sans  valeur  morale  et  morts  intel- 
lectuellement. 

Raphaël,  ignorant,  n'eût  pas  conçu  et  peint  le  Sposalizio. 
Des  facultés  naturelles  n'eussent  pas  suffi  pour  produire 
cette  page  exquise,  qui  nous  émeut  et  nous  rend  perplexe, 
tant  elle  est  forte  dans  sa  délicatesse  et  savante  dans  son 
ingénuité. 

Il  faut  savoir  :  c'est  la  première  des  nécessités.  Qu'on  ne 
croie  point  qu'un  art  peut  être  profond  et  défier  les  siècles 
sans  avoir  pour  base  les  sciences  spéciales  qui  en  sont 
comme  le  squelette  indestructible  ;  on  verserait  dans  une 
erreur  funeste  qui  conduirait  rapidement  toute  une  période 
à  la  décadence.  Ce  qui  fait  que  les  hommes  comme  Vinci, 
Raphaël,  Rubens,  Shakespeare,  Rembrandt,  Cervantes  ont 
laissé  des  ouvrages  immortels,  c'est  leur  science  unie  à  des 
qualités  géniales.  Plus  on  a  de  savoir,  plus  on  peut  mettre 
d'intérêt  dans  une  œuvre;  nier  cette  vérité,  ce  serait  s'in- 
scrire contre  l'exactitude  des  mathémathiques. 


—  75  — 

Visitez  nos  expositions  avec  ce  principe  dans  l'esprit;  vous 
verrez  combien  notre  art  est  pauvre,  tout  en  apparences, 
tout  en  notes  et  éludes,  tout  en  impressions  et  tentatives, 
tout  en  bizarreries  impuissantes.  Le  fond  en  est  vide.  Les 
artistes  sérieux  qui  se  respectent  deviennent  tous  les  jours 
plus  rares.  La  mode  est  au  «  morceau,  »  au  «  coin  de 
nature  ,»  à  la  «  relation  des  tonalités  .»  Les  œuvres  dispa- 
raissent peu  à  peu.  Lorsqu'on  sort  de  ces  bazars,  hélas  ! 
trop  fréquemment  organisés,  on  ne  conserve  le  souvenir 
que  de  quelques  tableaux  ;  le  reste,  entrevu  comme  dans 
un  cauchemar,  s'efface  presque  aussitôt  de  la  mémoire. 
Quand  on  a  vu  une  fois  le  Mariage  de  la  Vierge  de  Raphaël, 
on  ne  l'oublie  jamais. 

E.  L. 


COMMISSION  ROYALE  DES  MONUMENTS. 


RÉSUMÉ    DES     PROCES-VERBAUX. 


SÉANCES 
des  1",  8,  15,  22,  28  et  29  mars;  des  5,  12,  19,  24  et  26  avril  1884. 


PEINTURE  ET  SCULPTURE. 

La  Commission  a  émis  des  avis  favorables  sur  : 

1"  La  restauration  d'un  des  panneaux-armoiries  des  Che-  sain^;!riombaut, 

,  ^  Malincs. 

valiers  de  la  Toison  d'Or,  appartenant  à  l'éfflise  métropolitame    panneaux- 

'      '   r  c;>  I  armoiries. 

de  Saint-Rombaut,  à  Matines.  Ce  panneau,  confié  à  M.  Mo- 
rissens,  et  choisi  parmi  les  plus  détériorés,  doit  servir  de 
type  pour  la  restauration  des  autres  panneaux  ; 
2°  Les  dessins  du  chemin  de  la  croix  destiné  à  l'église      Egnse 

(le  Passe  liemiaele. 

de  Passchendaele  (Flandre  occidentale),  peint  par  M.  Cal-   j^^^'^™;^, 
lebert  ; 

3°  Le  proiet  relatif  à  l'exécution   d'une  verrière  pour      Êguse 
l'église  de  Wilryck  (Anvers);  auteurs  :  MM.   Stalins  et    ^■"''"*- 
Janssens ; 


—  76  — 


Église  de        4,0  f^e  projet  concernant  l'exécution  d'une  verrière  pour 


N.-D.  de  Panifie, 
Aiidenaoïde.  1 
Verrière.        1  tJj^ 


à  Audenaordc.  i'^„|jsg  (jg  Nolpc-Dame  de  Pamele,  à  Audenaerde,  sous  la 


Tableaux. 


réserve  de  quelques  simplifications  que  l'artiste,  M.  Oster- 
ralli,  devra  apporter  dans  les  fonds; 
decouiiiei.  ^^  Les  dessins  de  deux  verrières  à  placer  dans  l'église  de 
Couiilet;  auteur  :  M.  Cador.  Le  Collège  a  insisté  pour  que 
l'exécution  des  verrières  fût  confiée  à  un  artiste  du  pays, 
plutôt  qu'à  des  peintres  étrangers. 
Hospices        —  j)es  déléffués  se  sont  rendus  au  siège  de  l'administra- 

de  liriixelles.  o  '^ 

tion  des  hospices  et  secours  de  la  ville  de  Bruxelles,  afin  de 
procéder  à  l'examen  de  dix-huit  vieux  tableaux  très  détériorés 
que  ladite  administration  avait  l'intention  d'aliéner  pour  la 
somme  de  150  francs.  Ces  tableaux  proviennent  de  l'ancien 
hôpital  Saint-Jean.  Leur  état  de  dégradation  a  permis  cepen- 
dant de  reconnaître  un  certain  mérite  à  quelques-uns  d'entre 
eux,  notamment  à  deux  ou  trois  grands  paysages  (xvif  siècle) 
du  genre  dit  historique  et  à  deux  peintures  de  dimensions 
moindres,  représentant  des  sujets  de  genre  religieux,  l'une, 
sur  bois,  de  la  seconde  moitié  du  xvi®  siècle,  l'autre,  du 
commencement  du  xvif.  Cette  dernière,  copie  probable 
d'un  tableau  de Rubens  et  contemporaine  du  maître,  est  pour 
ainsi  dire  la  seule  toile  qui  aurait  encore  quelque  valeur 
sans  exiger  une  trop  coûteuse  restauration. 

D'autres  toiles,  encadrées  dans  des  bordures  contournées 
formant  trumeaux,  représentent  des  scènes  de  la  Passion. 
A  ces  dernières  œuvres,  d'un  faire  assez  large  pourtant,  on 
ne  peut  guère  attribuer  une  valeur  artistique  et  moins  encore 
une  valeur  marchande.  Quelques  tableaux  d'une  entière 
insignifiance  complètent  la  collection. 

Le  prix  d'achat  convenu,  150  francs  pour  les  dix-huit  ta- 


—  11  — 

bleaux,  peut  paraître  faible,  mais  il  est  justifié  par  l'état 
d'extrême  délabrement  des  œuvres  susmentionnées,  qui, 
soumises  à  l'épreuve  des  enchères  publiques,  n'atteindraient 
pas  probablement  ce  prix. 

—  La  Commission,  complétant  son  rapport  du  12  février  ,,,.  ill^i'^'^,, 
1884  (voir  23*  année,  page  53),  sur  l'état  de  la  statue  de  ^"î^'i"* 
Léopold  I",  roi  des  Belges,  à  la  Chambre  des  représentants, 
a  vérifié  l'état  des  autres  statues  qui  décoraient  le  local 
incendié.  La  statue  du  Roi  devra  être  grandie  pour  être  mise 
en  rapport  avec  les  proportions  de  la  salle  des  séances 
restaurée.  A  l'égard  des  statues  des  quatre  Libertés  qui 
ornaient  le  vestibule  du  Palais,  ces  figures  ont  été  gravement 
endommagées;  le  feu  les  a  calcinées,  et  il  paraît  impossible 
de  les  conserver.  Au  point  de  vue  de  l'art,  elles  laissaient 
généralement  à  désirer  et  l'on  pourra,  sans  doute,  les  rem- 
placer par  des  œuvres  meilleures.  Les  statues  représentant 
des  souverains  qui  ont  régné  en  Belgique  ont  relativement 
peu  souffert,  placées  comme  elles  l'étaient  en  dehors  du  centre 
de  l'incendie.  Les  quelques  avaries  qu'elles  présentent  sont 
causées  par  la  chute  des  matériaux  des  étages  supérieurs. 
Ce  sont  des  cassures  qui  peuvent  être  réparées  facilement 
et  sans  frais  notables. 

CONSTRUCTIONS  CIVILES. 

Ont  été  approuvés  : 

i"  Le  projet  des  travaux  d'appropriation  et  d'agrandisse-i'aiaisdejusike 
ment  a  exécuter  au  palais  de  justice  de  Namur;  architecte, 
M.  Boveroulle.  La  Commission  a  exprimé  toutefois  le  regret 
qu'on  n'ait  pu  faire  droit  aux  observations  formulées  dans 


—  78  — 

son  rapport  du  7  juillet  1882.  Ces  observations  avaient  trait 
aux  négociations  entamées  pour  l'acquisition  de  terrains 
contigus  au  palais  de  justice,  qui,  si  elles  avaient  abouti, 
auraient  permis  un  développement  plus  normal  de  la  dis- 
tribution des  divers  services.  L'emprise  faite  sur  la  cour, 
pour  la  construction  des  galeries,  la  rétrécira  d'une  façon 
notable  et  certaines  salles  ne  recevront  qu'un  jour  médiocre, 
voire  insuffisant.  Il  y  aura  lieu,  dans  le  cours  de  l'exécution, 
de  supprimer  l'ouverture  proposée  dans  le  vestibule  du 
premier  étage,  ce  qui  permettrait  de  convertir  ce  même 
vestibule  en  une  seconde  salle  des  Pas-Perdus. 
HMspi.xi-iiôpiiai  2°  Le  projet  relatif  à  la  construction  d'un  hospice-hôpital 
à  Ledeberg  (Flandre  orientale);  architecte,  M.  Morial. 

ÉDIFICES  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈRES. 

Des  avis  favorables  ont  été  donnés  sur  : 
Presbytère        1°  Lc  dcvls  esUmatif  des  travaux  de  réparation  urgente 

de  Poederlé. 

à  exécuter  au  presbytère  de  Poederlé  (Anvers)  et  dont  le 
total  s'élève  à  fr.  3,051-55; 
prcsbjtcre       2°  Lc  projct  Tclatif  à  l'amélioration  du  presbytère   de 
Moinet,  commune  de  Longwilly  (Luxembourg).  Devis   : 
4,576  francs. 

ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES. 


Ont  été  approuvés  : 

1°  Le  projet  relatif 

de  Falmagne  (Namur); 


ÊKii"         1°  Le  projet  relatif  à  la  construction  d'une  tour  à  l'église 

de  laliiiigne.  '        "'  ^ 


—  70  — 

2"  L'emplacement  proposé  pour  la  construction  de  l'église  ,,.„g'^*'',|-;;„j 
d'Hemptinne,  arrondissement  de   Philippevillc   (Namur); 
architecte,  M.  Blandot  ; 

3"  Le  projet  relatif  à  la  reconstruction  du  vaisseau  de  ^^  ÊSlscamp. 
l'église    de   Bulscamp  (Flandre  occidentale);  architecte, 
M.  Buyck,  sous  la  réserve  que  dans  le  cours  de  l'exécution 
l'auteur  supprimera  le  transept  simulé  dont  les  pignons  cou- 
pent les  façades  latérales  de  l'édifice  ; 

4°  Les  propositions  concernant  la  construction  d'une  cave      Rgn^e 
SOUS  la  seconde  sacristie  et  l'agrandissement  des  fenêtres  de 
l'église  d'Etterbeek  (Brabant)  en  construction  ;  architecte, 
M.  Hansotte; 

5"  Le  projet  d'agrandissement  de  redise  de  Saint- Rémi,      Egnsp 

^      •*  ®  °  'de  Saint-Kcmi, 

à  Huy  (Liège),  tel  qu'il  a  été  modifié  à  la  demande  du  con-      ^  ""^• 
seil  de  fabrique;  architecte,  M.  Feuillat-Fiévet; 

6°  Le  projet  relatif  aux  travaux  de  consolidation  de  l'église  Égnso  dHvon. 
d'Hyon  (Hainaut);  architecte,  M.  Carpentier; 

7°  Le  projet  relatif  au  renouvellement   du   beffroi  de      Égiiso 

de  N.-D.au  Lnc, 

l'église  de  Notre-Dame-au-Lac,  à  Tirlemont  (BrabanI);  l'ar-  «Tiriemom. 
chitecte  devra  étudier  toutefois,  dans  le  cours  de  l'exécution, 
le  moyen  de  faire  porter  le  beffroi  sur  la  tour  de  façon  à 
ne  pas  fatiguer  la  maçonnerie.  On  a  approuvé  également 
l'acquisition  d'une  cloche  du  poids  de  54-0  kilog.,  destinée  à 
compléter  la  sonnerie  ; 
8°  L'établissement  d'un  paratonnerre  sur  l'éclise  de  Wyn-  ,  i^g'i*<" 

'  *-"  •'  de  Wvngeoe. 

gène  (Flandre  occidentale)  ; 
9°  Le  projet  relatif  à  l'agrandissement  du  jubé  de  l'église      Eglise 

de  Sainl-Jacqucs, 

de  Saint-Jacques,  à  Anvers;  à  Anvers. 

10°  Le  projet  relatif  au  complément  de  l'ameublement  de      Eglise 

de  Waremme. 

l'église  de  Waremme  (Liège)  et  à  la  confection  d'un  vitrail; 


—  80  — 

sculpteur,  M.  Gérard  Jansen;  peintre  du  vitrail,  M.  Dob- 
belaere  ; 
r.pii.e.rAycneux.     { [o  Lq  projct  relatif  à  l'exécution  d'un  confessionnal  pour 
l'église  d'Ayeneux  (Liège); 
d.purnode.       1^2°  Le  projst  coucemant  l'exécutlon  de  deux  autels  laté- 
raux pour  l'église  de  Purnode  (Nainur)  ; 
Eglise         \^o  lq  projet  relatif  à  la  confection  de  vinel-quatre  bancs 

de  Walcoiirt  r      J  ai 

pour  l'église  de  Walcourt  (Namur); 
Église  de  smuid-    {^o  Le  orolet  relatif  à  l'exécution  d'un  confessionnal  pour 

l'église  de  Smuid-sous-Libin  (Namur); 
,  ,'t«"'",,        lo"  Le  projet  relatif  à  l'exécution  d'un  nouvel  oreue  pour 

de  Saiiil-Gilles,  I        J  o  I 

'  '^"'"     l'église  de  Saint-Gilles,  à  Liège  ; 
viicmaïi-Rooi      ^ ^^  ^^  projct  relatif  5  l'ameublement  de  l'église  de  Vlier- 

macl-Root  (Limbourg);  sculpteur,  M.  G.  Janssen  ; 
Église  de  Do.i.      17°  Lc  projet  relatif  à  l'acquisition  d'un  orgue  avec  buffet 
par  la  fabrique  de  l'église  de  Doel  (Flandre  orientale). 

Ce  collège  est  également  autorisé  à  remplacer  l'ancienne 
cloche  de  l'église  par  une  nouvelle  d'un  poids  double 
(GOO  kilog.)- 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 

La  Commission  a  approuvé  : 
Église  de        \o  Le  projet  relatif  à  la  restauration  de  l'église  de  Nolre- 

N.-I).-S'-Picrre,  '        •'  '^ 

^  ^^"'^      Dame-Saint-Pierre,  à  Gand  ;  architecte,  M.  De  Perre  ; 
Église         2°  La  proposition  du  conseil  de  fabrique  de  l'église  de 

de  Meulebeke.  '        '  i  cj 

Meulebcke  (Flandre  occidentale),  tendante  à  faire  exécuter 
à  la  toiture  de  l'édifice  des  travaux  de  grosse  réparation; 
de  cbù'îliics.      3°  La  proposition  d'exécuter  aux  tourelles  de  la  façade  de 
l'église  de  Ghislclles  (Flandre  occidentale)  des  travaux  de 
restauration  évalués  à  400  francs  ; 


—  81  — 

4"  Le  projet  relatif  au  renouvellement  des  meneaux  de "^e"'" ■'""""'"• 
quatre  fenêtres  de  l'église  de  Burcht  (Flandre  orientale). 
Ces  travaux  pourront  être  exécutés  en  plusieurs  fois,  au  fur 
et  à  mesure  des  ressources; 

S"  Le  nouveau  projet,  modifiant  celui  approuvé  en  1879,  Eglise  .iA„ioy. 
relatif  aux   travaux  de  restauration  à  exécuter  à  l'église 
d'Anloy  (Luxembourg); 

6°  Le  projet  relatif  au  renouvellement  de  trois  fenètresKgiisc  de  vyncM. 
de  l'église  de  Vynckt  (Flandre  orientale); 

7°  La  demande  du  conseil  de  fabri(iue  de  l'église  d'IIooû'h-  ,  „'^«'''';  , 

1  o  O  lie  llooglileuo, 

ledo,  tendante  à  pouvoir  faire  exécuter,  par  voie  de  régie, 
des  travaux  de  réparation  aux  toitures  de  l'édifice; 

8°  A.  Les  travaux  exécutés  d'urgence  à  l'église  de  Nieuw-deNieuwmun-tcr. 
munster  (Flandre  occidentale),  à  la  suite  d'un  ouragan  qui 
avait  endommagé  des  fenêtres  ; 

B.  Les  travaux  de  réparation  restant  encore  à  efTectucr 
au  presbytère  ; 

d°  La  proposition  du  conseil  de  fabrique  de  l'édise  dciîgiisedcs.iMvf 
Schuytîers-Cappelle  (Flandre  occidentale),  tendante  à  obte- 
nir l'autorisation  de  faire  exécuter,  par  voie  de  régie,  des 
réparations  à  la  toiture  de  l'édifice  ; 

10"  A.  Le  compte  des  travaux  de  restauration  exécutés     Église dn 

'  Sainl  llombau', 

pendant  l'année  1883,  pour  la  restauration  du  vaisseau  de    ^*'^''"" 
l'église  métropolitaine  de  Saint- Rombaut,  à  Malines; 

B.  Le  devis  des  travaux  à  exécuter  pendant  l'exercice 
1884,  pour  le  même  objet; 

11"  Le  compte  des  recettes  et  des  dépenses  faites  pour  la  ^  /b'^^p 

r  r  I  de  Notre- Dame, 

restauration  du  vaisseau  de  l'église  de  Notre-Dame,  à  An-    '"^"''■"' 
vers,  pendant  l'exercice  1885; 


—  82  — 

sai^R<fmtui.  12°  Lg  compte  rendu  des  travaux  exécutés  en  1883  à  la 
'  """■  tour  de  l'église  métropolitaine  de  Saint-Rombaut,  à  Malines; 
ËKii^c  13"  Le  compte  rendu  des  receltes  et  des  dépenses  effec- 

tuées  pendant  l'année  1883  pour  la  restauration  de  l'église 
de  Walcourt  (Namur); 
de  Nofre-Dame,  '^^^°  Le  coniptc  reud  u  dcs  recettes  et  des  dépenses  faites 
pendant  l'année  1883  pour  la  restauration  de  la  petite  tour 
de  l'église  de  Notre-Dame,  à  Anvers. 
Église  —  M.  le  Ministre  de  la  justice  avant  transmis  une  demande 
du  conseil  communal  de  Glieluwe  (Flandre  occidentale), 
tendante  à  ce  qu'il  soit  procédé  à  une  enquête  au  sujet  de 
la  tour  de  l'église  paroissiale,  dont  la  situation  semble  me- 
nacer la  sécurité  publique,  la  Commission  a  délégué  un  de 
ses  membres  pour  procéder  àl'inspeclion  demandée. 

Le  rapport  du  délégué  est  conçu  en  ces  termes  : 

«  L'église  de  Gheluwe  est  un  édifice  de  style  ogival  du 
»  xiv°  siècle,  modernisé  à  l'intérieur;  elle  est  à  trois  nefs 
»  terminées  par  des  absides  à  pans  coupés  ;  ces  trois  nefs 
»  sont  à  peu  près  d'égale  largeur  et  ont  cbacune  leur 
»  toiture.  Les  voûtes  sont  en  berceau,  faites  en  plafonnage 
»  et  pénètrent  dans  les  combles. —  La  voûte  du  chœur  est  un 
»  peu  plus  basse  que  celle  de  la  nef.  — Au  devant  du  chœur 
»  se  trouve  placé  le  clocher.  L'examen  attentif  de  ce 
»  clocher,  dont  la  solidité  éveille  les  craintes  de  l'ad- 
»  niinistration  communale,  a  fait  ressortir  les  points  sui- 
»  vanls  : 

»  r  Les  quatre  piles  qui  portent  ce  clocher  ne  présentent 
»  à  l'intérieur  de  l'église  aucune  trace  qui  puisse  faire  douter 
»  de  leur  solidité; 

»  2^  Le  long  des  toitures  du  chœur  et  de  la  nef,  qui 


—  83  — 

»  viennent  bu(er  contre  le  clocher,  on  remarque  un  espace 
»  vide  de  0™02  environ  de  largeur.  —  Ces  vides  provien- 
»  nent  évidemment,  ainsi  qu'on  peut  s'en  assurer  en  faisant 
»  mettre  en  branle  les  trois  cloches  du  befîroi,  du  mouve- 
»  ment  oscillatoire  imprimé  à  celui-ci  par  la  sonnerie  des 
»   cloches; 

1)  3"  A  l'extérieur  du  clocher,  percé  de  quatre  baies  ter- 
»  nées,  surmontées  d'une  arcature,  et  tout  entier  construit 
»  en  larges  briques,  avec  chaînes  d'angle  en  pierres  irrégu- 
»  lières,  on  constate  sur  les  quatre  faces,  vers  les  angles,  de 
)'  nombreuses  crevasses,  des  pierres  ébranlées,  des  parties 
»  de  mortier  détachées.  Les  meneaux  des  baies  ternées  du 
»  beffroi  sont  brisés  en  différents  endroits.  —  Un  certain 
»  nombre  d'ancres  en  fer  se  remarquent  sur  les  quatre  faces 
»  du  clocher,  principalement  sur  la  face  nord  ;  ces  ancres, 
»  dont  les  tirants  ne  traversent  que  l'épaisseur  du  mur,  sont 
«  placées  irrégulièrement  sur  les  faces.  Le  clocher  est  ac- 
»  tuellement  recouvert  d'une  toiture  plate,  mais,  d'après  les 
»  renseignements  fournis,  il  était  surmonté,  au  siècle  der- 
»   nier,  d'une  flèche  en  charpente; 

»  4"  A  l'intérieur  du  clocher,  les  maçonneries  paraissent 
«  en  bon  état;  nulle  part  on  ne  constate  de  lézardes.  Le  beffroi 
»  en  charpente  est  convenablement  assis  sur  des  poutres  en 
»  bois;  ses  faces  présentent  un  fruit  et  sont  écartées  des 
»  parements  en  maçonnerie.  —  Dans  les  angles,  au  haut 
»  du  beffroi,  on  remarque  des  trompes  destinées,  sans  nul 
»  doute,  à  porter  une  flèche  en  maçonnerie.  —  L'épaisseur 
»  des  murs  du  beffroi  est  de  I^IO  ; 

»  5°  D'après  les  renseignements  recueillis  sur  les  lieux, 
»  les  oscillations   précitées   ont   été   remarquées    de   tout 


—  84  — 

0  temps;  elles  n'ont  jamais  causé  d'accidents  quelconques. 

»  Il  semble  résulter  des  constatations  ci-dessus  que  l'ab- 
»  sence  de  lézardes  intérieures  et  la  présence  d'ancres,  dont 
»  les  tirants  ne  font  que  traverser  l'épaisseur  des  murs, 
«  indiquent  suffisamment  que  depuis  longtemps  les  pare- 
«  menls  intérieurs  et  extérieurs  de  ces  murs  sont  mal  reliés 
»  et  que  ceux-ci  doivent  présenter  des  vides  dans  leur 
»   intérieur. 

»  Cet  état  de  choses  pourrait  certainement  amener  des 
»  complications  et  causer  des  accidents  par  la  chute  des 
»  matériaux  qui  pourraient  traverser  la  toiture  et  le  ber- 
»  ceau  en  plafonnage  et  pénétrer  dans  l'église. 

»  Pour  remédier  à  cette  situation,  il  y  aurait  lieu  de  re- 
s  lancer  dans  les  maçonneries,  aux  points  faibles  indiqués  par 
»  les  crevasses,  des  pierres  dures  formant  parpaings  pour 
»  relier  les  deux  parements.  Les  chaînes  d'angles  devraient 
»  également  être  soigneusement  visitées,  et  refaites  s'il  y  a 
»  lieu. 

»  En  outre,  les  parties  disloquées  du  parement  exlé- 
»   rieur  devraient  être  reconstruites  en  bons  matériaux. 

»  Cette  manière  de  procéder,  bien  que  régulière,  ne  lais- 
»  serait  pas  que  d'être  délicate  et  fort  onéreuse,  et  comme 
■-  depuis  de  longues  années  l'administration  communale  a 
B  l'intenlion  de  dijniolir  ce  clocher,  d'ailleurs  de  peu  de 
»  valeur  artistique,  et  dont  les  piles  masquent  aux  fidèles 
»  la  vue  du  chœur,  on  pourrait  procéder  d'une  façon  plus 
»  économique  en  se  contentant  de  chevaucher  les  crevasses 
»  existantes  au  moyen  de  briques  dures,  maçonnées  avec 
•>  du  mortier  de  ciment,  et  en  remplaçant  les  vides  de  l'in- 
»   térieur  des  murs  avec  un  coulis  de  mortier  composé  par 


—  85  — 

»  moitié  de  cimenl  de  Portland  anglais,  à  prise  lente,  et  de 
»  sable  lavé  du  Rhin.  —  Bien  entendu,  la  sonnerie  des 
»  cloches  serait  suspendue  pendant  l'exécution  des  travaux, 
»  et  même  une  quinzaine  de  jours  après  leur  achèvement. 
»  En  agissant  ainsi,  on  pourrait  prolonger  de  quelques 
»  années  encore  l'existence  de  ce  clocher  jusqu'au  moment 
»  où  la  commune  aurait  les  fonds  nécessaires  pour  construire 
»  une  nouvelle  tour,  dont  l'emplacement  se  trouve  tout 
»   marqué  à  gauche  de  la  façade  principale  de  l'église. 

»  Après  l'exécution  du  travail  ci-dessus  indiqué,  la  com- 
»  mune  devra  désigner  une  personne  compétente,  chargée 
»  de  constater  périodiquement  si  de  nouveaux  mouvements 
')  ne  se  manifestent  pas  dans  les  parements  extérieurs  du 
»  clocher. 

»  23  février  1884.  » 

La  Commission  s'est  entièrement  ralliée  aux  conclusions 
de  ce  rapport,  qu'elle  a  transmis  à  iM.  le  Ministre  de  la 
justice. 

—  Ensuite  d'une  communication  de  M.  Gels,  architecte,    faii.ëHraie 

di:  Naimir. 

chargé  de  la  restauration  de  la  façade  de  la  cathédrale  de 
Namur,  transmettant  une  lettre  de  l'entrepreneur,  M.  Deroy, 
qui  dénonçait  l'urgence  d'exécuter  certains  travaux  sup- 
plémentaires en  dehors  de  ceux  approuvés  par  la  Commis- 
sion, dans  son  rapport  du  31  août  1882,  la  Commission  a 
résolu  de  faire  examiner  sur  place  si  les  doutes  formulés  par 
l'entrepreneur  et  que  semblait  partager  l'architecte,  étaient 
justifiés  par  l'état  des  lieux,  et  si,  comme  on  le  suggérait, 
il  était  fatalement  nécessaire  de  démolir  les  colonnes  de 
l'étage  supérieur  de  la  façade  et  même  certains  pilastres 
signalés  comme  étant  sillonnés  verticalement  de  limés,  etc.  ; 


—  Sf)  — 

on  supposait  également  que  l'étage  inférieur  était  peu  ca- 
pable de  porter  longtemps  encore  le  poids  de  l'étage  supé- 
rieur et,  en  conséquence,  on  en  demandait  également  la 
démolition. 

Ces  mesures,  si  on  les  mettait  à  exécution,  provoqueraient 
naturellement  le  retour  à  un  projet  primitivement  élaboré, 
comprenant  la  démolition  et  la  reconstruction  totales  de  la 
façade,  et  dont  le  devis  s'élevait  à  la  somme  de  fr.  493, 854-79. 
Les  difficultés  de  réunir  les  ressources  nécessaires  à  sa 
réalisation  l'avaient  fait  abandonner.  Des  inspections  ulté- 
rieures permirent  de  constater  qu'une  restauration  serait 
suffisante. 

La  somme  à  affecter  à  cette  restauration,  d'après  une 
nouvelle  étude  de  l'architecte,  fut  abaissée  à  fr.  1  "23, 11 4-23. 

Des  délégués  se  sont  rendus  à  Namur,  le  27  février 
1884,  et  à  la  suite  d'un  long  et  minutieux  examen,  ils  ont 
constaté  que  les  craintes  de  l'entrepreneur  n'étaient  pas  jus- 
tifiées; ils  ont  été  d'avis,  et  la  Commission  a  partagé  leur 
opinion,  qu'on  doit  s'en  référer  au  projet  de  restauration 
approuvé. 

On  a  néanmoins  fait  remarquer  à  l'architecte  et  à  l'entre- 
preneur que  les  travaux  exigeront  une  surveillance  constante, 
des  ouvriers  adroits  et  intelligents.  On  ne  nie  point  qu'il  ne 
se  présentera  quelques  difficultés,  mais  elles  pourront  être 
facilement  surmontées  et  elles  se  rencontrent,  du  reste, 
dans  tous  les  travaux  de  ce  genre, 
de ncvu!M.'r..M..r.  — Uu  joumal  de  Bruges,  le  Durrjerwebijn,  a  annoncé 
dans  son  numéro  du  5  avril  1884,  qu'on  s'occupait  de  dé- 
molir l'ancienne  tour  romane  de  l'église  d'Heyst-sur-Mer 
Comme  cette  tour,  seul  reste  du  monument  primitif,  n'esi 


—  87  — 

pas  seulement  intéressante  au  point  de  vue  de  l'effet  pitto- 
resque de  sa  masse  et  qu'elle  n'est  pas  moins  remarquable 
par  l'importance  architecturale  et  la  valeur  archéologique  de 
sa  construction  ;  comme  de  tout  temps,  d'ailleurs,  sa  con- 
servation a  été  l'objet  d'une  juste  sollicitude,  la  Commission 
a  signalé  le  fait  dénoncé  à  M.  le  Ministre  de  l'intérieur.  Elle 
l'a  prié  en  même  temps  de  prendre  telles  mesures  qu'il  jugera 
convenable  pour  arrêter,  s'il  en  est  temps  encore,  l'œuvre 
de  dévastation  commencée. 

Le  Secrétaire  Général, 

J.  Rousseau. 


Vu  en  conformité  de  l'article  25  du  règlement. 

Le  Président, 

Wellens. 


OBJETS  îmmu  n\mmm 


s*"   ARTICLE    (t)    —    2"   PARTIE 


AVANT-PROPOS 

Mainte  invitation,  même  publique,  a  été  adressée  à  l'auteur 
du  présent  article,  pour  l'engager  à  reprendre  la  suite  de 
ses  études  sur  les  objets  étrusques  d'Eygenbilsen  :  une  œno- 
cboé  en  bronze,  un  seau  en  bronze  à  côtes  horizontales,  un 
cône  en  bronze,  un  bandeau  d'or,  etc.,  trouvés  en  1871  et 
déposés  au  Musée  royal  d'antiquités  de  Bruxelles  (annexe 
du  boulevard  de  Waterloo). 

Toutes  ces  invitations  sont  trop  aimables  et  trop  gracieuses 
—  quoique  à  des  degrés  différents  —  pour  que  l'auteur  per- 
siste ici  à  suivre  son  plan,  indiqué  par  lui  dans  le  Wesl- 
deulsche  Zeitschrift  fiir  Geschkhle  und  Kunst  (i>)  :  «  Le 
caractère  étrusque  et  anté-romain  des  objets  d'Eygenbilsen 
est  admis  par  les  savants  d'Allemagne  et  de  France  :  il  est 
encore  contesté  en  Belgique,  où  n'ont  pas  été  étudiés  les  nom-, 
breux  travaux  de  Genthe,  Lindenschmit,  Gozzadini,  Hel- 


(i)  Voy.  ci-dessus,  Bull,  des  Coiiiin.  roij.  d'art  et  d'archéol.,  XI,  pp.  259  et 
433;  XII,  p.  212;  XllI,  p.  583;  XVII,  p.  5. 
(»)  Publié  à  Trêves,  III,  p.  198. 


—  89  — 

big,  etc.;  mais  ce  n'est  là  qu'un  icmps  d'arrêt,  et  il  suffit 
d'un  peu  de  patience  pour  attendre  que  les  connaissances 
s  établissent  partout  au  même  niveau.  » 

Cessons  donc  d'«  attendre  patiemment  »;  mais  précisons 
quelques  points  (i). 

I.  L'auteur  na  jamais  soutenu,  ni  dans  ce  Bulletin,  ni 
dans  celui  de  ïAcadémie,  ni  dans  YAtlienœum,  que  les 
Étrusques  ont  habité  Eygenbilsen,  qu'ils  y  ont  résidé,  qu'ils 
y  ont  séjourné  dans  la  plus  haute  antiquité... 

Gela  serait  uîie  absurdité... 

Il  a,  au  contraire,  soutenu  que  les  vases  d'Eygenbilsen 
.sont  parvenus  dans  cette  localité  par  la  voie  du  commerce 
(caravanes  ou  colportage). 

Il  a  dit  textuellement,  en  propres  termes  (2)  :  «  L'isolement 
»  d'Eygenbilsen,  comme  le  peu  d'espoir  d'y  faire  des  béné- 
»  fices,  ne  permet  pas  de  croire  là  à  l'existence  ni  d'une 
»  colonie  ni  d'un  arrêt  pour  les  caravanes  :  il  faut  donc 
»  recourir  à  la  supposition,  ou  bien  qu'un  indigène  est  allé 
»  au  Rhin  s'approvisionner  d'objets  étrusques,  en  échange 
»  de  tel  ou  tel  produit  local,  ou  bien  qu'un  marchand 
»  étrusque  a  fait  fausse  route  vers  l'ouest,  à  la  recherche 
»  d'une  voie  nouvelle,  mais  certes  peu  lucrative  »  (5). 


(i)  Bien  des  passages  sont  surchargés  d'italiques  :  on  a  eu  recours  à  ce  mode 
pour  concentrer  toute  l'attention  sur  les  thèses  scientiliques  et  pour  pouvoir 
laisser  de  côté  les  personnalités  :  a  quoi  bon  réfuter,  par  exemple,  un  Hostmann, 
z^vks,  Y Archiv  fur  Anthropologie  de  Brunswick  (X,  p.  127),  ou  un  von  Hoch- 
STETTER,  après  l'Académie  des  Inscriptions  {Bullelin  de  cette  Acad.,  1883, 
p.  600)? 

(2)  Bull,  lies  Comm.  roy.  d'art  et  d'archéoL,  XF,  p.  520. 

(3)  Ibid.,  XII,  p.  224,  on  a  ajouté,  couime  de  nature  à  expliquer  des  cas  parti- 
culiers, l'hypothèse  qu'un  indigène  a  pu  faire  partie,  à  l'époque  anté-romaine, 
d'une  expédition  gauloise  en  Italie,  et  en  a  ramené  sa  part  de  butin. 


—  90  — 

Esl-ce  assez  clair:' 

Attribuer  à  l'auleur  la  thèse  contraire  serait  donc  un  pro- 
cédé anti-scientifique  :  fausser  les  opinions  de  ses  contradic- 
teurs, pour  se  ménager  une  réfutation  facile,  permettrait  de 
supposer  qu'on  est  soi-même  à  bout  d'arguments. 

Donc,  on  le  répète  :  jamais  les  Étrusques  n'ont  habité 
Eygenbilsen  ;  jamais  ils  n'y  ont  résidé;  jamais  ils  n'y  ont 
séjourné. 

Récompense  honnête  à  qui  trouvera  le  contraire  dans  les 
écrits  de  l'auteur  du  présent  article.  ' 

Si,  après  cette  déclaration,  quelqu'un  persistait  à  attribuer 
à  l'auteur  l'opinion  ridicule  que  les  Étrusques  ont  habité 
Eygenbilsen,  il  ne  resterait  place  qu'à  l'euphémisme  que 
voici  :  «  Honorable  contradicteur,  je  prends  la  liberté  de 
vous  demander  la  permission  de  poser  la  question  suivante  : 
Inconsciemment  sans  doute,  n'altérez-vous  pas  la  vérité?  » 

II.  M.  Roulez  n'est  pas  le  seul  auteur  de  la  thèse  du 
Romain,  amateur  d'antiquités,  qui  aurait  laissé  à  Eygen- 
bilsen des  pièces  de  sa  collection  (i). 

Cette  thèse  lui  appartient  en  commun  avec  le  savant  baron 
de  Witte. 

Seulement  celui-ci,  un  savant  de  premier  ordre,  avait, 
déjà  à  la  fin  de  1872,  fait  un  quart  de  conversion  vers  l'au- 
teur du  présent  article,  en  lui  écrivant  (2)  :  «  La  trouvaille 
d'Eygenbilsen  est  très  intéressante.  Les  objets  trouvés  sont 
de  travail  étrusque:  cela  me  parait  incontestable.  » 


(t)  Bull.  Acad.  roy.  de  Belgique,  1872,  I,  p.  280. 
(»)  Voir  plus  haut,  Bull.,  XI,  445. 


—  91  — 

Alors,  M.  (le  Witte  taisait  seulement  une  réserve  quant  à 
l'époque  de  l'importation. 

Plus  lard,  M.  de  Wille,  avec  la  loyauté  scientifique  à 
laquelle  l'auleur  a  alors  rendu  hommage,  s'empressa  de  se 
rendre  à  l'appel  de  M.  Anat.  de  Barthélémy,  qui  l'avait 
convié  à  une  nouvelle  étude  de  la  question,  et  il  admit  déjà 
en  partie  l'importation  anté-romaine  (i). 

Mais  voilà  que  six  ans  plus  tard,  en  1878,  M.  de  Witte 
compléta  son  évolution,  lors  d'une  réunion  des  sociétés 
savantes  de  France,  à  propos  d'une  trouvaille  faite  en 
Champagne  (2). 

Reproduisons  le  compte  rendu  textuel  de  la  séance  (5),  où 
l'on  avait  exhibé  le  vase  italo-grec  en  terre  cuite,  l'œnochoé, 
le  bandeau  d'or,  etc. ,  découverts  ensemble  à  Somme-Bionne  : 

a  M.  de  Witle,  qui  n'avait  pas  caché  l'étonnementque  lui 
»  faisait  éprouver  celte  simultanéité  de  produits  de  l'art 
»  italo-grec,  avec  des  objets  gaulois  dans  une  sépulture  gau- 
»  loise,  avait  fini,  non  seulement  par  l'admettre,  mais  par 
»  rapprocher  la  découverte  de  Somme-Bionne  de  plusieurs 
»  autres  faits  analogues  que  son  érudition  lui  a  facilement 
»  fournis.  » 

Or,  parmi  ces  faits  analogues,  M.  de  Witte  —  des  ren- 
seignements certains  permettent  de  l'aifirmer  —  a  cité  les 
objets  étrusques  d'Eygenbilsen. . . . 

M.  Roulez,  lui-même,  eût-il  persisté  à  soutenir  une  opi- 
nion désertée  par  le  baron  de  Witle? 


(0  Ibid.,\\U,  p.  401. 

(2)  Voy.  sur  cette  trouvaille,  ibid.,  XIII,  p.  590;  XVII,  pp.  20  et  58. 

(î)  Revue  des  sociétés  savantes,  6^  série,  VII  (1878),  p.  255. 


—  92  — 

Il  est  permis  d'en  douter,  parce  que  plusieurs  fois  l'érudi- 
lion  de  M.  de  Wilte  a  empêché  M.  Roulez  de  persister  dans 
une  erreur,  comme  celle  que  celui-ci  avait  commise  à  propos 
des  prétendus  «  Hercules  gaulois,  »  —  supports  de  chande- 
lier du  moyen  âge,  ou  poids  d'horloge 

Ce  serait  donc  s'exposer  fortement  que  de  reprendre 
aujourd'hui  une  thèse  qu'un  de  ses  auteurs,  et  précisément 
le  plus  compétent,  a  complètement  abandonnée. 

III.  L'élrangeté  des  nombreuses  trouvailles,  au  nord  des 
Alpes,  d'objets  étrusques,  toujours  sans  mélange  avec  des 
objets  romains  (i),  a  fait  songer  aux  Zingaris,  qui  pourraient 
avoir  été,  avant  la  conquête  romaine,  les  émissaires  de  la 
Grèce,  de  l'Étrurie  et  de  Rome,  dans  l'Europe  encore 
barbare. 

Pareille  thèse  ne  déplairait  pas  à  l'auteur  du  présent  tra- 
vail. Dès  que  des  objets  étrusques  ont  été  exportés  au  nord, 
à  l'époque  anté-romaine,  qu'on  assigne  aux  colporteurs,  tel 
nom,  telle  nationalité  qu'on  voudra,  cela  importe  assez  peu. 

Seulement  il  est  à  remarquer  que  les  Zingaris,  venant  de 
l'Inde,  ont  été  mis  en  avant  jusqu'ici  au  profit  exclusif  de  la 
thèse,  très  contestée,  qui  fait  arriver  de  l'Asie,  par  l'Oural  ou 
le  Caucase,  les  bronzes  de  l'Orient. 

En  tout  cas,  affecter  le  concours  des  Zingaris  aux  exporta- 


(i)  Et,  à  plus  forte  raison,  du  moyen  âge. 

Qu'il  soit  permis  à  cet  égard  d'insister  énergiquement  sur  rimpossibliilé  de 
fonfondre  les  seaux  en  bronze,  à  nervures  horizontales,  des  bords  du  Pô,  etc., 
avec  les  baquets  en  bois,  cerclés  de  métal,  de  l'époque  franke.  Ce  point  a  déjà  été 
signalé  dans  VAthenaeiim  belge  de  1880,  p.  202  :  identifier  ces  deux  genres 
d'objets,  ce  serait  assimiler  les  barillets  gallo-romains  on  verre  de  l'usine 
frontinieiine  en  Normandie,  avec  les  verchens  en  grès  de  Bouffiowlx  du  xvii» 

SIC'C'.C... 


—  95  — 

lions  étrusques  embarrasse  la  solution  d'un  élément  peu 
explicable,  à  cause  du  détour,— et  peu  nécessaire,  puisque  les 
Étrusques  étaient  certes  assez  industrieux  pour  trouver  eux- 
mêmes  la  route  des  Alpes,  des  lacs  et  des  fleuves,  à  l'efTet 
d'exporter  leurs  produits  directement,  et  surtout  sans  inter- 
médiaires arrivés  du  fond  de  l'Asie. 

IV.  On  ne  s'arrêtera  pas  un  instant  à  discuter  le  caractère 
de  la  trouvaille  de  Bologne,  où  l'on  a  trouvé,  en  1877, 
14,000  objets  de  bronze,  dont  plus  de  2,000  étaient  des 
kells  ou  paalslabs  :  pareils  objets  n'étaient  plus  en  usage, 
même  chez  les  barbares,  lorsque  les  Romains  ont  étendu 
leurs  conquêtes  hors  d'Italie  (i). 

Le  célèbre  professeur  Desor,  qui  a  si  bien  étudié  les  cités 
lacustres  de  Suisse,  a  dit  que  cette  trouvaille  de  Bologne 
était  une  révélation  et  qu'il  fallait  désormais  renoncer  à 
chercher  ailleurs  que  dans  l'Italie  septentrionale  le  centre 
industriel  qui  avait  alimenté  l'Europe  des  instruments  de 
bronze  trouvés  dans  les  palalittes,  etc. 

V.  Répétons  enfin,  pour  éviter  toute  équivoque,  ce  qui  a 
été  dit  ci-dessus  (2)  :  «  Il  doit  être  bien  entendu,  une  fois 
»  pour  toutes,  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  d'antiquités  élrusques 
»  {sensu  stricto),  c'est-à-dire  d'antiquités  provenant  de 
»  YÉtrurie  centrale,  celle  où  ont  été  faites  les  découvertes 
i>  de  Caere,  Corneto,  etc. 


(i)  Les  rares  paaistabs  qu'on  a  recueillis  à  l'époque  où  se  lit  senlir  l'influence 
romaine  dans  le  nord  de  l'Italie,  étaient  en  fer  (Journal  des  Savants,  1882, 
p.  556). 

Le  comte  Gozzadini  n'hésite  pas  à  assigner  k  la  trouvaille  de  Bologne  une 
antériorité  d'environ  dix  siècles  avant  l'ère  chrétienne  (voy.  plus  haut,  Bull., 
XVll,  p.  19). 

(«)  Bull,  des  Comm.  roy.  d'art  et  d'archéol.,  XVM,  p.  8,  note. 


—  94  — 

»  Il  s'agit  même  ici  exclusivement  &' antiquités  archéo- 
»  italiques  de  la  contrée  circumpadane  d'où  les  Gaulois  ont 
«  refoulé  les  Étrusques  plus  au  midi,  à  l'époque  où  Felsina, 
»  occupée  par  les  Boii,  a  perdu  son  nom  pour  s'appeler 
»   Bononia. 

»  L'intérêt  de  la  discussion  est  uniquement  pour  nous 
7)  d'apprendre  si  les  objets  proviennent  de  l'Italie,  indépen- 
j)  damment  de  la  controverse  sur  le  point  de  savoir  si, 
»  tout  en  étant  italioles,  ils  sont  archéo-étrusques,  ou  om- 
»   briens,  insubriens,  (euganéens),  etc.  » 


Cela  dit,  et  avant  d'étudier  dans  son  ensemble  l'importante 
question  des  relations  anté-romaines  de  l'Europe  barbare 
avec  l'Italie,  rappelons  les  nombreuses  adhésions  déjà  données 
à  la  thèse  de  l'auteur.  Ce  résumé  fidèle  (i)  doit  être  mis  sous 
les  yeux  du  lecteur  pour  qu'il  puisse  se  convaincre  de  la 
vérité  de  l'assertion  du  Wcstdeutsclie  Zeitschrift,  reproduite 
plus  haut,  relativement  à  l'adhésion  des  savants  de  France 
et  d'Allemagne,  etc. 

Plus  tard  viendront  les  adhésions  nouvelles,  d'où  l'on 
n'extraira,  pour  le  moment,  que  l'appréciation  du  Diction- 
naire archéologique  de  la  Gaule,  en  y  ajoutant  l'opinion 
récemment  exprimée  par  les  savants  M.  Alf.  Maury,  pour  la 
France,  d'une  part,  MM.  Conzc  et  Hirschfeld,  pour  l'Alle- 
magne, d'autre  part. 

Présentons  donc,  en  faisceau,  les  opinions  des  archéo- 


(«)  Inutile  de  réiicliT  les  cilations  d'où  cola  est  extrait;  tout  est  textuellement 
emprunté  aux  précédents  articles,  où  on  pourra  le  retrouver  facilement. 


—  95  — 

logues  qui  jouissent  du  plus  d'autorité  en  Europe,  pour  rap- 
peler la  substance  des  articles  précédemment  publiés, 
articles  épars  dans  quatre  volumes  du  Bulletin  :  en  voyant 
reparaître  devant  lui  les  savants  dont  on  a  déjà  fait  con- 
naître l'opinion,  le  lecteur  sera  mieux  préparé  à  passer 
en  revue  les  publications  ultérieures  sur  la  question. 

Déjà,  nous  avons  devant  nous  :  le  baron  de  Witte,  le 
savant  si  distingué,  dont  le  témoignage  est  d'autant  plus 
précieux,  que  c'est  celui  d'un  converti  ;  le  comte  Gozzadini, 
le  président  du  Congrès  de  Bologne,  le  descripteur  des 
fouilles  de  laCertosa,  etc.  ;  le  comte  Conestabile,  professeur  à 
l'Université  de  Pérouse,  qu'on  a  appelé,  à  bon  droit,  l'un  des 
premiers  élruscologues  de  nos  temps;  le  baron  von  Sacken, 
à  qui  l'on  doitle  grand  travail  sur  les  fouilles  deHallstatt.etc; 
le  professeur  Desor,  déjà  cité,  qui  a  attaché  son  nom  aux 
découvertes  lacustres  de  Suisse;  le  D'  Lindenschmit,  le 
directeur  du  Musée  de  Mayence,  l'auteur  des  Allerthumer 
unserer  heidnischen  Vorzeit,  ce«  praticien  consommé  qui  ne 
se  paie  pas  avec  des  assertions,  »  comme  le  disait  de  lui  le 
célèbre  abbé  Cochet;  M.  Alex.  Bertrand,  membre  de  l'Insti- 
tut, directeur  du  Musée  de  Saint-Germain,  et  auteur  de  tant 
d'écrits  sur  les  antiquités  nationales  de  France;  M.  Flouest 
et  M.  Morel,  ces  spécialistes  à  qui  sont  dues  notamment  les 
découvertes  de  Magny-Lambert  en  Bourgogne  et  de  Somme- 
Bionne,  en  Champagne,  qui  ont  fait  sensation  à  l'Exposition 
de  Paris  en  1878  et  où  Eygenbilsen  a  trouvé  presque  aussitôt 
sa  confirmation  ;  M.  Anat.  de  Barthélémy,  l'un  des  directeurs 
du  Dictionnaire  archéologique  de  la  Gaule,  lui  qui  avait,  dès 
le  principe,  déclaré  que  la  thèse  du  Romain,  amateur  d'anti- 
quités, ne  pouvait  pas  être  soutenue,  et  qui  a  fait  appel,  et 


—  96  — 

un  appel  efficace,  à  la  science  de  M.  le  baron  de  Wille, 
mieux  informé;  le  père  Garrucci,  de  Rome,  dont  les  travaux 
ont  été  vulgarisés  dans  V Archaeologia  de  Londres,  par 
Wylie;  enfin,  Genlhe,  qui  a  produit  la  synthèse  complète 
de  tous  les  travaux  de  ses  devanciers,  et  qui  n'a  pas  encore 
trouvé  de  contradicteur  sérieux. 

Écoutons  tous  ces  savants  parler  eux-mêmes,  sauf  le  der- 
nier dont  le  système  sera  présenté  et  discuté  en  détail  plus 
tard,  comme  le  mérite  l'importance  du  travail  : 

Nous  connaissons  déjà  l'avis  de  M.  de  Witte  :  les  objets 
sont  étrusques,  et  ces  objets  sont  parvenus  de  ce  côté-ci  des 
Alpes,  dès  V époque  gauloise. 

M.  De  Witte,  en  outre,  a  signalé  à  l'auteur  les  ressem- 
blances du  bandeau  d'or  d'Eygenbilsen  avec  le  grand  dia- 
dème de  la  collection  Gampana  (i). 

Le  comte  Gozzadini.  «  L'œnochoé  d'Eygenbilsen  est  pour 
moi  tout  à  fait  étrusque;  sa  forme,  ses  rangs  de  perles,  les 
feuilles  de  lierre  qui  environnent  le  col,  les  ornementations 
de  l'anse,  me  paraissent  avoir  un  cachet  étrusque  très  pro- 
noncé. 

»  Quant  à  l'époque  à  laquelle  on  pourrait  rapporter  les 
objets  d'Eygenbilsen,  je  dirai  seulement  que  les  cistes  cir- 
cumpadanes,  qui  ont  beaucoup  d'analogie  avec  le  seau,  appar- 
tiennent à  la  première  époque  des  Etrusques;  d'âiWcurs  la 
manière  dont  les  bandes  des  cistes  et  du  seau  sont  rivées  an- 
nonce une  haute  antiquité...  » 

Garrucci  et  Wylie  :  «  Il  apparaît  à  une  évidence  suffi- 
sante qu'il  existait,   à  une  période  de  longtemps  antérieure 

i\)  ISitll.  ci-desMis,  Xi,  p.  410. 


—  97  — 

à  la  domination  romaine,  des  moyens  de  communication,  par 
lesquels  les  produits  de  la  civilisation  italienne  parvinrent 
jusqu'aux  limites  de  la  Germanie.  » 

Le  comte  Conestabile  :  «  Les  objets  d'Eygenbilsen  por- 
tent en  général  une  empreinte  étrusque...  La  ciste  est  tout 
à  fait  pareille  aux  cistes  qu'on  trouve  dans  les  tombeaux  de 
YÉlrurie  septentrionale,  qui  ont  une  destination  funéraire. 
L'œnochoé  trouve  aussi  chez  nous  des  comparaisons. 

»  Il  n'y  a  pas  d'objection  possible  contre  Ntruscisme  de 
ces  objets. 

»  Il  résulte  de  l'étude  des  objets  d'Eygenbilsen  que  les 
anciens  habitants  de  la  Belgique  avaient  des  relations  avec 
les  marchands  étrusques  qui  passaient  par  les  pays  rhé- 
nans et  qui  ont  laissé  dans  l'Europe  centrale  et  septentrio- 
nale les  traces  de  leur  civilisation ,  ou  au  moins  les  pro- 
duits de  leur  industrie. 

»  J'émets  une  opinion  complètement  conforme  à  celle  de 
M.  Desor  sur  l'étruscisme  de  tous  ces  objets. 

»  La  trouvaille  d'Eygenbilsen  nous  donne  le  droit  de 
ranger  la  Belgique  parmi  les  régions  qui  ont  ressenti  plus 
ou  moins  directement  les  conséquences  du  commerce  et  de 
l'industrie  des  Étrusques  (x^  ou  xii''  siècle  av.  J.-C),  et 
elle  peut  nous  autoriser  à  conjecturer  que  môme  avant 
l'époque,  relativement  récente,  assignée  aux  objets  trouvés, 
l'influence  italienne  avait  fait  sentir  ses  effets  dans  la  région 
septentrionale  (i).  » 

Le  baron  von  Sacken  :  «  Tous  les  objets  d'Eygenbilsen 


(i)  Dans  le  compte  rendu  officiel  du  Congrès  de  Bruxelles,  où  M.  Conestabile 
a  corrigé  son  opinion  plus  restreinle,  émise  d'abord  quant  à  la  date. 


—  98   — 

sont  d'origine  étrusque  et  fabriqués  quelques  siècles  avant 
noire  ère.  Le  commerce  des  Étrusques  dans  les  pays  en  deçà 
des  Alpes  doit  avoir  été  très  étendu.  Je  crois  que  les  peuples 
barbares  expédiaient  les  objets  italiens  entre  eux-mêmes 
par  un  commerce  d'entrepôt...  » 

Desor  :  «  On  a  trouvé  à  Villanova  un  type  d'antiquité 
qui  représente  la  grande  époque  industrielle  et  commerciale 
des  Étrusques.  C'est  ce  type  que  l'on  rencontre  partout  au 
dehors,  en  Suisse,  à  Mayence,  et  M.  Schuermans  vient  de 
le  retrouver  en  Belgique,  à  Eygenbilsen.  Il  y  a  là  une  cruche 
à  vin  et  une  ciste  du  vrai  type  étrusque...  » 

a  Parmi  les  objets  les  plus  caractéristiques,  on  peut  signa- 
ler les  œnochoés  ou  cruches  à  vin,  les  cistes  de  bronze  à 
forme  de  seau  cerclé  :  cette  sorte  de  seau  à  côtes  est  tout  ce 
quil  y  a  de  plus  étrusque. 

»  La  théorie  de  l'influence  étrusque  avait  trouvé  ses  con- 
tradicteurs, qui  s'évertuaient  à  la  réduire  en  prétendant, 
entre  autres,  que  le  commerce  étrusque  ne  s'était  guère 
étendu  au  delà  du  pied  des  Alpes... 

»  Les  objets  d'Eygenbilsen  sont  trop  concluants  pour  que 
personne  ait  songé  à  leur  contester  leur  origine.  La  preuve 
était  ainsi  fournie  que  le  commerce  de  l'Élrurie  s'était  étendu 
presque  sur  les  bords  de  la  Meuse.  » 

Alex.  Bertrand  :  «  Vos  idées,  à  peu  de  chose  près,  sont 
les  miennes.  Un  seau  tout  à  fait  analogue  à  celui  d'Eygen- 
bilsen vient  d'être  découvert  à  Magny-Lambert  :  c'est  une 
nouvelle  localité  à  joindre  à  celles  qui  sont  déjà  connues, 
où  ont  été  trouvés  des  objets  de  style  étrusque...  » 

Flouest  :  a  C'est  à  la  civilisation  étrusque  qu'il  nous  faut 
aller  demander  la  raison  d'êlre  d'une  foule  d'instruments,  de 


—  99  — 

bijoux,  de  vases,  etc.,  que  nous  rencontrons  dans  les  sépul- 
tures gauloises  anté-romaines...  Magny-Lambert  nous  a 
fourni  un  seau  cylindrique  à  côtes  horizontales,  qui  ne  laisse 
plus  aucun  doute. 

»  La  découverte  de  Magny-Lambert  est,  en  pleine  Bour- 
gogne, une  saisissante  apparition  de  Hallslatt,  de  Yillanova 
et  de  Marzabolto.  Nous  venons  de  conquérir  un  argument 
de  premier  ordre  à  la  thèse  qui  fait  sortir  de  Y  Italie  circum- 
padane  le  grand  courant  commercial  et  civilisateur,  ayant  si 
puissamment  réagi,  à  un  moment  donné,  sur  l'Europe  occi- 
dentale, et  notre  découverte  est  le  digne  pendant  de  celle 
d'Eygenbilsen,  mise  en  lumière  par  M.  Schuermans  (i).  ^ 

MoREL  :  «  Dans  les  plaines  crayeuses  de  la  Champagne,  au 
milieu  de  sépultures  gauloises,  j'ai  trouvé  un  guerrier  in- 
humé sur  son  char  (Somme-Bionne)...  Il  avait  à  ses  pieds 
une  œnochoé  en  bronze  doré,  pareille  à  celle  d'Eygenbilsen, 
avec  tout  à  fait  le  même  dessin  du  cartel  de  l'anse.  A  côté  se 
trouvait,  de  inême  qu'à  Eygenbilsen,  un  bandeau  d'or  au 
repoussé...  » 

Anat.  DE  Barthélémy  (2)  :  «  L'influence  de  l'art  étrusque 


(1)  Ajoutons  à  cela  le  renseignement  suivant  du  chanoine  Coffinet,  conserva- 
teur du  musée  de  Troyes  : 

«  Au  Pouan,  a  été  trouvée  une  œnochoé  absolument  semblable  à  l'œnochoé 
d'Eygenbilsen,  sauf  quelques  détails.  Klle  fut  très  remarquée  à  l'exposition  uni- 
verselle de  Paris,  en  1867.  Elle  est  décrite  au  livret  avec  la  légende  suivante  : 
«  N"  766.  Vase  à  bec  relevé,  avec  spirales  à  la  plaque  d'attache  de  l'anse  trouvé 
à  Pouan...  style  étrusque  antérieur  à  l'ère  chrétienne,  t 

Cette  attribution  est  due  à  M.  Adr.  de  Loncpérier,  qui  présidait  la  Commis- 
sion de  l'Exposition  [Bull,  des  Comm.  roij.  d'art  et  d'archéol..  XIII,  p.  390). 

(ï)  C'est  lui  qui  avait  écrit  que  l'hypothèse  du  «  Romain,  amateur  d'anti- 
quités B  ne  peut  pas  être  soutenue. 

Les  Romains  ont  très  bien  pu  réunir  des  cabinets  d'antiquités,  témoin  les 
corectionneurs  dont  paile  Horace  dans  ses  Épitres,  II,  2,  v.  180,  témoin  encore 


—   101)  — 

ne  peut  être  contestée.  Des  objets  analogues  ont  été  recueillis 
dans  des  sépultures  en  Suisse,  en  Styrie,  en  Autriche,  en 
Hongrie,  sur  les  bords  du  Rhin,  en  Italie,  en  France;  les 
archéologues  sont  unanimes  pour  les  considérer  comme 
étant  de  provenance  italique.  La  découverte  d'Eygenbilsen 
est  la  première  qui  se  soit  signalée  sur  le  sol  de  la  Bel- 
gique... 

»  Les  fouilles  faites  avec  soin  depuis  quelques  années 
démontrent  que  les  objets  étrusques  recueillis  dans  des  sépul- 
tures en  Gaule,  en  Germanie  et  en  Belgique,  ont  été  déposés  là 
à  une  époque  bien  antérieure  à  la  conquête  romaine  et  aux 
temps  de  f Empire.  » 

Le  D""  LiNDENSCHMiT  :  «  Tout  ce  que  vous  dites  des  objets 
(rCygenbilsen  et  la  manière  dont  vous  en  |)arlez,  obtient  ma 
pleine  adhésion,  et  je  suis  curieux  de  connaître  ce  qu'on 
pourra  objecter  à  l'encontre...  » 

Id.  :  «  Indépendamment  de  la  route  des  Alpes  orientales, 
deux  ramifications  furent  suivies  par  le  commerce  étrusque, 
l'une  par  la  Suisse,  l'autre  par  les  Vosges,  avec  un  embran- 
chement vers  la  basse  Saxe.  En  laissant  de  côté  les  décou- 
vertes déjà  connues...,  il  y  a  lieu  de  citer...  en  France,  les 
découvertes  de  Magny-Lambcrt et  d'Eygenbilsen  (Bel- 
gique). 

D  Une  nouvelle  œnochoé  à  bec  relevé,  semblable  à  celle 
d'Eygenbilsen,  a  été  déterrée  à  Bodcnbach,  en  Bavière.  C'est 


le  fameux  Verres  :  mais  en  émettant  gratuitement  l'hypothèse  invraisemblable  que 
les  épaves  d'un  de  ces  cabinets  aient  jui  aller  s'égarer  sur  les  bords  du  Rhin  ou 
de  la  Meuse,  peut-on  raisonnablement  sont^er  à  expliquer  de  niénie  toute  une  série 
de  trouvailles  analogues,  toujours  pitres  de  /oui  iiiélaufje  avec  des  objets  romains? 
Voy.  ci -dessus,  Bull.,  XI,  pp.  512  et  314. 


—  101    — 

h  fonrip  étrusr/ue  connue  qui  revient  dans  toutes  les  décou- 
vertes funéraires  de  ce  genre.  » 

Genthe  invoque  l'opinion  de  Meslorf  et  du  comte  Cones- 
tabilfi,  au  sujet  de  Yétruscisme  des  objets  d'Eygenbilsen,  et 
n'hésite  pas  à  se  joindre  à  eux. 

Enfin,  citons  le  savant  colonel  von  Gohausen,  direcfeurdu 
Musée  de  Wiesbaden,  qui  a  opéré  les  fouilles  du  tumulus  de 
Doerth  :  dans  plusieurs  conversations  à  Wiesbaden  ,  il  a 
affirmé  ne  [)as  conserver  le  moindre  doute  sur  ["élruscisme 
de  toutes  les  découvertes  en  question,  notamment  sur  celle 
d'Eygenbilsen. 

Et  tout  cela,  sans  compter  les  nombreuses  revues  et  au- 
teurs qu'on  peut  invoquer  à  l'appui  de  la  thèse  de  l'origine 
étrusque  et  anté-romaine  d'objets  analogues.  Cela  fera  l'objet 
d'un  article  ultérieur. 


Détachons,  comme  il  a  été  dit,  trois  adhésions  nouvelles, 
qu'il  est  opportun  de  faire  connaître  dès  à  présent. 

Le  Dictionnaire  archéologique  de  la  Gaule,  époque  celtique  (i) 
(publié  par  une  Commission  instituée  au  ministère  de  l'in- 
struction publique  et  des  beaux-arts  de  Paris,  Commission 
dont  font  partie  les  premiers  archéologues  de  la  France,  des 
membres  de  l'Institut,  de  la  société  des  Antiquaires  de 
France,  etc.),  rend  en  ces  termes  compte  de  la  découverte 
d'Eygenbilsen. 


(i)  I,  pp.  386  et  suiv.,  v"  Eygenbilsen. 

Il  a  paru  intéressant  de  reproduire  textuellement  le  passage  qui  est  peu  connu 
et  qui  est  peut-être  tout  à  fait  inconnu  en  Belgique. 


—  lOâ  — 

Après  avoir  décrit  la  trouvaille,  «  M.  Schuermans,  ajoute 
le  Dictionnaire,  comprit  immédiatement  l'importance  de  la 
découverte.  Il  reconnut  sans  hésiter  (i)  qu'il  était  en  pré- 
sence d'objets  de  style  étrusque,  analogues  à  ceux  qui 
avaient  été  déjà  découverts  tant  en  Suisse,  à  Graechwyl,  qu'à 
Durckheim  et  à  Doerth,  au  sud  et  au  nord  de  Mayence.  La 
présence  des  mêmes  objets  aux  environs  de  Tongres  sem- 
blait montrer  que  l'influence  qui  avait  régné  dans  la  vallée 
(lu  Rhin  s'était  fait  sentir  aussi  sur  les  rives  de  la  (Meuse). 
M.  Schuermans  s'est  donc  empressé  de  faire  déposer  ces 
curieux  objets  au  Musée  de  Bruxelles.  Il  a  en  même  temps 
publié  une  brochure  avec  planches,  sous  le  litre  d'Objets 
étrusques  découverts  en  Belgique^  où  il  entre  dans  de  nom- 
breux détails  sur  la  découverte  en  elle-même  et  sur  chacun 
(les  objets  dont  elle  se  compose.  Nous  extrayons  de  ce  con- 
sciencieux travail  la  description  des  trois  pièces  principales  : 
le  bandeau  en  or,  le  seau  en  bronze,  l'œnochoé.  »  Suit  celte 
description,  qu'il  est  inutile  de  répéter  ici. 

«  La  Commission  partage  l'opinion  de  M.  Schuermans 
et  regarde  ces  objets  comme  rentrant  dans  la  catégorie  de  ceux 
qui  ont  été  confectionnés  sous  une  influence  étrusque  très  pro- 


(i)  C'est  peut-être  un  peu  forcor  la  note  :  l'auteur  du  présent  article  a  marché 
précisément  dans  la  même  voie  de  Damas  que  le  savant  baron  de  Witte  a  suivie 
ilcpuis;  il  a  procédé  du  romain  à  l'étrusque,  et  de  l'étrusque  k  l'anté-roraain. 
Voir  comme  témoignage  de  cette  évolution,  Bulletin  monumental,  de  M.  de 
Caumont,  1871,  p.  G 12,  auquel  il  avait  adressé  une  note  sur  une  sépulture 
romaine  découverte  à  Eygenbilsen. 

L'évolution  de  l'auteur  lui  est  commune  non  seulement  avec  M.  de  Witte, 
mais  encore  avec  le  D""  Kenner,  le  professeur  Desou,  l'illustre  Virchow  et  le 
[)'  LiNDENsciiMiT  lui-mémc,  qui  tous  ont  commencé  par  douter  du  caractère 
anté-romaiu  et  étrusque  des  objets  en  question,  trouvés  au  nord  des  Alpes,  mais 
auxquels  l'évidence  a  successivement  dessillé  les  yeux. 


—  105  — 

noncée,  et  appartenant  à  une  époque  sensiblement  antérieure 
à  la  conquête  romaine.  » 

La  Commission  a  depuis  persisté  dans  cette  conclusion  ; 
car  voici  l'opinion  d'un  de  ses  membres,  d'une  date  toute 
récente. 

M.  Alfred  Maury,  membre  de  l'Institut,  résume  de  la 
manière  suivante  le  dernier  état  de  nos  connaissances  sur  la 
matière  (i)  : 

Il  s'agit  de  sépultures  anté-romaines  découvertes  récem- 
ment aux  environs  d'Esle  (a).  L'auteur  discute  les  différentes 
hypothèses  qui  peuvent  se  présenter  (sépultures  gauloises? 
id.  ombriennes?)  et  il  continue  : 

a  Les  Gaulois  écartés  comme  les  Ombriens,  l'idée  la  plus 
naturelle  est  de  rapporter  aux  Étrusques  l'origine  de  la 
métropole  d'Esté;  car  c'est  précisément  dans  la  partie  de 
l'Italie  septentrionale  oh  s'est  étendue  pendant  des  siècles  leur 
domination,  que  de  telles  tombes,  que  le  mobilier  funéraire 
qui  les  caractérise,  ont  été  découverts.  A  l'arrivée  des  Gau- 
lois conduits  par  Bellovèse,  les  Étrusques  s'avançaient  non 
seulement  jusqu'à  la  région  du  Pô  et  del'Adige,  mais  jusque 
sur  les  bords  du  Tessin....  » 

Gela  pour  répondre,  avec  l'autorité  des  auteurs  anciens  (0), 
à  ceux  qui  seraient  tentés  de  considérer  comme  étrusques 


(1)  Journal  des  Savants,  1882  (avril),  p.  193. 

(2)_Benvenuti,  //  museo  euganeo  di  Este  (Bologne,  1880).  Aless.  Prosdocimi, 
Le  necropoli  eiiganee  di  Este,  e  loro  caratterl  gênerait  désunit  degli  scavi 
eseguiti  nel  1876-1877-1878;  Id.,  Le  necropoli  di  Este;  Scoperte  euganeo- 
romane  faite  nal  1877  neisobborghi  Canevedo  e  Morlungo;  Pigorini  et  Strobel, 
Bullelino  di  palelnologia  italiana,  etc. 

(3)  Liv.,  V,  34,  33;  Justin,  XX,  5;  cfr.  Polyb.,  xlix,  17;  Plutarque, 
Marius,  xi. 


—  i04  — 

les  seules  conlrées  de  la  Toscane,  etc  ,  où  les  Étrusques 
se  sont  repliés  et  concentrés,  après  l'invasion  de  Bellovèse. 

Or,  M.  Alf.  Maury  fait  remarquer  que  les  antiquités  pro- 
venant des  sépultures  d'Esté,  ou  des  tombes  du  Bolonais,  de 
la  Vénétie  et  du  Tyrol,  présentent  un  air  de  parenté  avec 
certains  produits  de  l'art  étrusque  exportés  de  ce  côté-ci  des 
Alpes,  notamment  avec  ceux  qiion  a  découverts  à  Magny- 
Lambert. 

Et  à  Magny-Lambert,  ce  qui  avait  principalement  attiré 
l'attention  est  une  ciste  à  cordons  horizontaux  à  laquelle 
MM.  Anal,  de  Barthélémy,  Alex.  Bertrand,  Flouest,  etc.  (i), 
ont  fait  allusion  dans  les  passages  cités  ci-dessus. 

La  ressemblance,  ajoute  M.  Maury,  s'explique  d'autant 
plus  facilement  que  ce  devaient  être  surtout  les  Étrusques  du 
nord  qui  exportaient  au  delà  des  Alpes  des  ustensiles, des  bijoux 
et  des  armes. 

L'auteur  étudie  dans  leurs  détails  les  ressemblances  frap- 
pantes qu'il  rencontre  dans  la  comparaison  des  antiquités 
anlé-romainesde  l'Italie  circumpadane  avec  celles  de  IJallslatt 
et  autres,  découvertes  au  nord  des  Alpes. 

Il  y  ajoute  même  des  aperçus  très  frappants  sur  la  parenté 
des  sépultures  de  l'Étrurie  du  nord  avec  l'Étrurie  centrale, 
et  notamment  avec  celles  de  Caere,  en  démontrant  que  les 
habitants  de  la  première,  plus  éloignés  de  la  Grèce,  conser- 
vèrent plus  longtemps  la  manière  et  le  goût  archaïque, 
tandis  que  ceux  de  la  seconde  imprimèrent  à  leurs  œuvres 
un  caractère  de  plus  en  plus  original,  tout  en  s'imprégnant 
des  traditions  de  la  Grèce. 


(i)  Voy.  notamment  ci-dessus,  Bull.,  XH,  pp.  2'2S  et  suiv.,  avec  la  planche  de 
la  p,  230,  où  celte  ciste  est  représentée, 


—  105  — 

Mais  là  n'est  pas  l'intérêt  pour  la  détermination  des  objets 
d'Eygenbilsen. 

Il  sufiit  de  montrer  que,  antérieurement  à  l'ère  chrétienne, 
il  y  a  eu  dans  le  nord  de  l'Italie  une  civilisation  qui  a  été  en 
contact  avec  le  nord  des  Alpes. 

Or,  cela  est  aujourd'hui  démontré  ;  il  suffirait  à  cet  égard, 
de  la  trouvaille  faite  à  Bologne,  citée  plus  haut,  d'un  dépôt 
de  fonderie  d'instruments  en  bronze,  contenant,  entre  autres, 
plus  de  2,000  haches  de  bronze  dites  kelts,  paalstabs,  etc., 
qui  bien  certainement  n'étaient  plus  en  usage  en  Italie  au 
commencement  de  l'ère  chrétienne.  Si  on  les  a  fabriqués  à 
Bologne  antérieurement,  ce  ne  peut  avoir  été  que  dans  l'in- 
tention de  les  exporter  au  nord  des  Alpes,  et  voilà  démontrée 
par  le  fait  l'existence  du  commerce  anté-romain  des 
Etrusques  du  nord  de  l'Italie  avec  les  barbares,  par  les  nom- 
breuses routes  vers  le  nord,  à  travers  les  Alpes,  par  les  lacs, 
par  les  fleuves,  dont  le  tableau  fidèle  a  été  présenté  plus 
haut  (i),  tableau  auquel  il  n'y  a  rien  absolument  à  retran- 
cher. Il  n'y  a  rien  non  plus  à  modifier  dans  ce  qui  a  été  dit 
quant  à  la  spécialité  de  ce  commerce  :  l'ambre  de  la  Bal- 
tique. Si  certain  éléphant  d'ambre  trouvé  à  Oranien- 
burg  (2),  façonné  par  des  mains  italiennes,  est  retourné  aux 
contrées  d'où  la  matière  première  avait  été  extraite  et  où  le 
modèle  faisait  certes  défaut,  c'est  une  preuve  du  commerce 


(i)  Bull,  des  Comm.  roi/,  d'arl  et  d'archéol.,  XI.  p.  vïU  et  suiv.,  et  XllI, 
p.  418. 

(2)  Centre,  Veber  den  etruski&chen  Tauschhandel  nach  dem  Norden,  p.  26. 

On  se  borne  ici,  pour  le  surplus,  à  renvoyer  quant  au  commerce  de  l'ambre  de 
la  Baltique,  aux  ouvrages  de  Conestabile,  Sovra  due  dischi,  p.  T6\  Helbic, 
Osservazione  sopra  il  commercio  delT  ambra,  Acad.  dei  Lincei,  1870-77,  p.  415. 


—  106  — 

de  l'Kalie  avec  la  Baltique,  même  dans  l'hypothèse  invrai- 
semblable où  il  s'agirait  d'ambre  tiré  du  sol  italien. 

Enfin,  en  attendant  la  publication  de  l'énoncé  des  con- 
quêtes de  la  tlièse  étrusque  dans  ces  dernières  années,  à  côté 
de  l'opinion  de  M.  Maury,  qui  représente  l'Institut  de  France, 
plaçons  celle  de  ALM.  Gonze  et  Ilirschfeld,  membres  de  l'Aca- 
démie de  Berlin  (j),  pour  nous  tenir  au  courant  de  l'adhésion 
(alléguée  ci-dessus)  des  savanis  de  France  el  d'Allemagne: 

a  Les  sépultures  de  Hallstatt,  fouillées  au  nombre  de  plus 
d'un  millier,  où  l'on  trouve  une  grande  quantité  d'armes,  de 
vases  et  d'ornements,  marquent  une  importante  étape  des 
relations  commerciales  des  Etrusques  :  les  objets  découverts 
portent  des  signes  incontestables  d'une  fabrication  italique, 
cl  d'absolument  pareils  ont  été  découverts  récemment  dans 
les  environs  de  Bologne,  Les  trouvailles  de  Hallstatt  sont 
d'une  importance  sans  pareille  pour  l'étude  de  la  propagation 
(et  de  l'imitation)  des  produits  de  l'industrie  étrusque  dans 
le  nord,  au  temps  de  la  République  romaine.  » 


Terminons  cet  avant-propos  par  quelques  nouvelles  décou- 
vertes d'objets  analogues  à  ceux  d'Eygenbilsen. 

En  Italie,  on  a  encore  trouvé  une  ciste  à  cordons  (com- 
binés avec  une  zone  ornementale,  dans  le  style  étrusque 
proprement  dit),  à  Tolentino,  dans  les  Marches  (2).  Celle 
ciste  était  accompagnée  d'objets  de  l'époque  archaïque. 


(i)  Archaeolofjisch-epigraphische  Mitlheilungen  nus  Oesterreich,  III,  p.  148. 
(î)  Annali  dell'  Insliluto  dl  corr.  arclieologica,  1881,  p.  218,  pi.  P. 
Voy.  aussi  ibid.,  1880,  p.  225,  pour  une  autre  trouvaille  semblable. 


—  107  — 

On  sait  par  ce  qui  a  élé  dit  plus  haut,  que  deux  cistes  à 
nervures  horizontales  du  même  genre  ont  élé  découvertes 
à  Gumes  et  à  Nocera,  en  pleine  Élrurie  centrale  et  dans  le 
midi  de  l'Italie  (i). 

Le  D'  r.indenschmit  a,  en  outre,  fait  connaître  récem- 
ment la  découverte  à  Klein-Aspergic  (environ  de  Ludwigs- 
burg),  d'une  ciste  semblable,  avec  une  œnochoé  à  bec  relevé 
(deux des  objets  d'Eygenbilsen),  plus  des  vases  de  style  grec, 
et,  en  outre,  il  a  énuméré  plusieurs  trouvailles  de  vases  peints 
d'origine  italique,  faites  au  nord  des  Alpes  (2). 

Enfin,  la  Revue  archéologique  de  Paris  a  rendu  compte 
naguère  (5)  des  fouilles  opérées  dans  trois  tombes  à 
Mercey-sur-Saône,  où  l'on  a  trouvé  entre  autres  une  œno- 
choé à  bec  relevé,  analogue  à  celle  d'Eygenbilsen. 

On  reviendra  plus  loin  sur  la  conséquence  à  tirer  de 
toutes  ces  trouvailles;  mais  ce  qui  présente  dès  à  présent  un 
intérêt  majeur  dans  la  présente  discussion  et  ce  sur  quoi  il 
convient  d'attirer  tout  particulièrement  l'attention,  est  la 
trouvaille  faite  à  Oppeano  (4),  aux  environs  de  Vérone,  d'un 
objet  conique,  absolument  de  la  même  matière,  de  la  môme 
forme,  de  la  même  façon  technique  et  des  mêmes  dimensions 
que  l'objet  conique,  de  la  forme  des  abat-jour  de  nos  lampes 
modernes,  découvert  avec  l'œnochoé,  la  ciste  à  cordons  et  le 
bandeau  d'or  d'Eygenbilsen.  Sur  l'objet  d'Oppeano,  se  trouve 


(1)  Bull,  des  Comm.  roy.  d'art  et  d'arcMoL,  XI,  p.  253. 

(î)  Die  Alterthumer  miserer  heidnischen  Vorzeit,  III,  Heft  VU  et  Vlli, 
pi.  I;  Heft,  XII,pl.  IV,  p.  61. 

Voy.  au  surplus,  Bull,  ci-dessus,  XVIII,  pp.  73  et  suiv. 

(a)  Livraison  de  février  1882. 

(tj  Bulleltino  di  Paleinologia  italiana,  IV,  juillet  et  août  1878.  L,  Pigorim, 
Oggelti  délia  prima  et  à  del  ferro  scoperti  in  Oppeano  ne!  Veronese,  pi.  vi. 


—  108  — 

représentée  une  série  d'animaux  mylhiques,  dontun  ailé  et  à 
face  humaine,  que  Pigorini  n'hésite  pas  à  attribuer  à  !'«  an- 
tichissima  arle  ilalica  di  carattere  orientale.  » 

Pigorini  estime  que  cet  objet,  unique  d'après  kii,  est  un 
casque;  c'est  possible,  quoique  des  objections  se  présentent. 
Mais  là  n'est  pas  l'intérêt  pour  nous  ;  il  est  dans  cette  cir- 
constance qu'un  objet  unique,  de  style  archéo-étrusque 
{sensu  stricto),  a  trouvé  son  congénère  à  Eygenbilscn  :  il 
ne  manque  à  celui-ci  que  les  dessins  d'ornement  du 
«  casque  »  d'Oppeano. 

Oenochoé,  seau  a  nervures  horizontales,  bandeau  d'or, 
ET  casque  (?),  tous  les  objets  d'Eygenbilsen  peuvent  donc 
désormais  être  attribués  à  la  civilisation  des  contrées  qu'ont 
habitées  les  anciens  Étrusques. 

Disons-le  hardiment  :  le  paradoxe  est  aujourd'hui  du  côté 
des  rares  archéologues,  de  plus  en  plus  clairsemés,  qui 
soutiennent  encore  que  les  objets  d'Eygenbilsen  ne  sont 
pas  d'origine  italique  et  anté-romaine. 

Liège,  mai  1884. 

H.  Schuermans. 

(Four  être  conl'umé.J 


NOUVELLES  ACQUISITIONS  DU  MUSÉE  DE  BRUXELLES. 


Le  Musée  de  Bruxelles  s'est  enrichi,  dans  ces  derniers 
temps,  de  plusieurs  œuvres  remarquables;  mais  avant  de 
les  passer  en  revue,  parlons  du  travail  qui  se  fait  actuelle- 
ment et  qui  a  pour  objet  la  reproduction  photographique 
des  chefs-d'œuvre  de  notre  galerie  nationale.  La  plupart  des 
grands  musées  de  l'Europe  ont  fourni  matière  à  des  publi- 
cations semblables,  par  lesquelles  se  répand  la  connaissance 
des  éléments  de  l'histoire  de  l'art,  qu'on  n'étudiait  jadis  que 
dans  les  livres,  à  moins  d'avoir  de  la  fortune  et  des  loisirs 
pour  voyager,  et  dont  on  se  procure  aujourd'hui  facilement 
les  pièces  justificatives,  consistant  en  copies  fidèles  des  pro- 
ductions des  maîtres.  Deux  grands  établissements,  celui  de 
Braun ,  à  Dornach,  et  celui  de  Hanfstaengl,  à  Munich,  se  parta- 
gent l'exploitation  de  cette  nouvelle  et  riche  veine.  Il  faut  de 
vastes  ateliers,  pourvus  d'un  matériel  coûteux,  pour  exécuter 
de  tels  ouvrages,  et  des  relations  européennes  pour  en 
opérer  le  placement,  deux  choses  qui  manquent  à  nos  pho- 
tographes et  qui  les  empêchent  de  se  lancer  dans  de  grandes 
entreprises.  C'est  la  maison  Hanfstaengl  qui  a  proposé  de 
faire  du  Musée  de  Bruxelles  une  publication  photographique 
comme  celle  des  galeries  d'Allemagne,  d'Angleterre,  d'Es- 
pagne, de  Russie,  etc..  On  comprend  que  cette  offre 
ait  été  favorablement  accueillie.  Notre  galerie  nationale  n'est 


—  140  — 

qu'imparfaitement  connue  à  l'étranger.  La  publication  dont 
il  s'agit  la  classera  au  rang  qui  lui  appartient  légitimement. 
Elle  se  composera  d'environ  240  planches,  de  moyen  et  de 
grand  format.  La  maison  de  Munich  a  envoyé  un  atelier 
tournant  sur  des  rails  pour  suivre  le  soleil  dans  sa  marche, 
et  d'habiles  opérateurs  sont  actuellement  occupés  à  prendre 
les  clichés  de  tous  les  tableaux  transportables.  En  ce  qui 
concerne  les  grandes  toiles,  les  opérations  se  feront  néces- 
sairement dans  les  galeries.  Disons  que  le  maniement  des 
tableaux  est  exclusivement  confié  à  des  employés  du  Musée, 
tant  pour  le  déplacement  que  pour  la  surveillance  pendant 
la  durée  de  l'exposition  devant  l'objectif. 

Parlons  maintenant  des  dernières  acquisitions  du  Musée, 
en  commençant  par  les  tableaux  appartenant  à  la  série  dite 
des  gothiques.  La  collection  des  œuvres  des  maîtres  pri- 
mitifs du  Musée  de  Bruxelles  excite,  nous  pouvons  le  dire, 
l'étonnement  et  l'admiration  des  amateurs  qui  pénètrent 
pour  la  première  fois  dans  ce  sanctuaire  de  l'art  ancien. 
Aucune  occasion  de  l'enrichir  de  morceaux  intéressants  ne 
doit  être  négligée.  Ceux  qui  viennent  d'être  acquis  sont 
absolument  dignes  d'y  figurer.  Le  Martyre  de  saint  Sébas- 
tien,  de  Thierry  Bouts  (précédemment  appelé  Stuerbout  et 
plus  anciennement  Dirk  Van  Harlem),  est  une  œuvre  de 
premier  ordre.  Le  saint  est  admirable  comme  type,  comme 
expression,  comme  attitude,  comme  dessin,  comme  modelé. 
Au  naturalisme  flamand  il  joint  une  distinction  de  caractère 
et  un  sentiment  élevé  de  la  forme  que  les  meilleurs  mailres 
italiens  du  xv^  siècle  n'ont  pas  surpassés.  Il  a  une  souplesse 
qu'ont  bien  rarement  les  figures  des  peintres  de  notre  an- 
cienne école.  Adossé  à  un  arbre,  il  a  le  bras  droit  attaché  à 


—  m  — 

une  branche  élevée,  tandis  que  Je  gauche  pend  le  long  du 
corps.  Le  visage  est  calme,  résigné,  indifférenlà  la  souffrance  ; 
c'est  celui  d'un  homme  attendant  la  mort,  mais  ne  la  bravant 
pas,  ce  qui  serait  un  signe  d'orgueil,  car  les  vieux  maîtres  se 
montraient  sur  tous  les  points  vraiment  pénétrés  du  sens  le 
plus  raffiné  des  idées  chrétiennes.  Le  martyr  est  percé  de  cinq 
flèches,  aux  deux  bras,  à  la  cuisse  droite,  au  côté  et  à  la  jambe 
gauche.  La  naïve  légende  veut  qu'il  ait  servi  de  cible  à  tout 
le  régiment  des  gardes  de  Dioclélien.  Le  peintre  s'est  abstenu 
de  ce  déploiement  de  mise  en  scène.  Tout  le  régiment  est 
représenté  par  deux  archers  exécuteurs  des  ordres  de 
l'Empereur.  L'un  d'eux  vient  de  lancer  un  trait  que  son 
regard  paraît  suivre  encore;  à  ses  pieds  est  un  paquet  de 
flèches  dont  il  se  propose,  sans  doute,  d'épuiser  la  provi- 
sion. L'autre,  un  jeune  homme  de  belle  figure  et  bien  bâti, 
est  occupé  à  tendre  son  arc  avec  une  grande  vérité  de 
mouvement.  Ces  deux  figures  rappellent,  pour  le  caractère 
et  pour  les  ajustements,  certains  personnages  des  deux  ta- 
bleaux de  la  Légende  de  l'empereur  Othon  du  Musée  de 
Bruxelles.  Il  faut  remarquer  le  riche  vêtement  de  brocard 
rouge  et  or  jeté  à  terre,,  aux  pieds  de  saint  Sébastien,  qui 
est  nu  jusqu'à  la  ceinture,  ayant  les  jambes  couvertes 
de  chausses  collantes  d'étoffe  brune.  Ce  vêtement  est  là 
(car  les  primitifs  ne  mettaient  rien  d'inutile  dans  leurs 
compositions)  pour  rappeler  quelle  était  la  condition  du 
principal  personnage  de  l'action  légendaire.  En  effet,  saint 
Sébastien  n'était  pas  le  premier  venu,  comme  on  dit  au- 
jourd'hui. Il  jouissait  de  la  faveur  de  l'Empereur,  qui  lui 
avait  donné  le  commandement  d'une  compagnie  de  ses 
irardes.  Avant  embrasse  secrètement  le  christianisme,  il 


—  112  — 

usait  de  son  crédit  à  la  cour  pour  servir  ses  co-réligion- 
naires,  ce  qui  mit  Dioclélien  dans  une  grande  colère,  quand 
on  découvrit  le  secret  de  son  abjuration,  et  fut  cause  de  sa 
condamnation.  Entre  deux  rochers,  au  second  plan,  se  tient 
un  personnage  coiffé  d'un  turban,  la  poitrine  ornée  d'une 
chaîne  d'or  et  paraissant  èlre  un  témoin  officiel  de  la  scène. 
Quel  est  ce  personnage?  Est-ce  un  lieutenant  de  l'Empereur 
chargé  de  veiller  à  l'exécution  de  ses  ordres?  Est-ce  peut- 
être  Dioclélien  venant  s'assurer  par  lui-même  qu'il  est  obéi? 
A  la  vérité,  la  légende  ne  fait  pas  mention  de  la  présence  de 
l'Empereur  au  supplice  de  saint  Sébastien.  Jacques  de  Vo- 
raginedit  simplement,  après  avoir  parlé  d'un  interrogatoire 
subi  par  saint  Sébastien  :  «  Alors  Dioclétien  ordonna  qu'il 
fût  conduit  au  milieu  d'un  champ  et  qu'il  fût  percé  de 
flèches.  Et  alors  on  lui  lança  tant  de  flèches  qu'il  en  fut  tout 
rempli  comme  un  hérisson.  »  Quoi  qu'il  en  soit,  le  turban  du 
témoin  de  l'action  n'a  rien  qui  doive  nous  étonner.  Pour  les 
peintres  primitifs  de  notre  école,  c'était  la  coiffure  caractéris- 
tique des  mécréants  de  tous  les  temps  et  de  tous  les  pays,  des 
empereurs  romains  aussi  bien  que  des  sultans  de  Turquie. 
Il  reste  à  parler  du  lieu  où  se  passe  l'action.  C'est  un 
paysage  très  accidenté  :  au  premier  plan,  des  terrains  gar- 
nis d'une  herbe  touffue,  parsemés  de  fleurettes  et  de  plantes 
vigoureuses;  au  second  plan,  un  site  mouvementé  où  sont 
tracés  des  chemins  sinueux;  ici  un  cours  d'eau  traversé  par 
un  petit  ])ont,  là  un  moulin  où  va  entrer  le  meunier  perlant 
un  sac  sur  les  épaules  ;  plus  loin  une  nappe  d'eau,  fleuve  ou 
mer,  où  se  balance  un  joli  navire  ;  dans  le  fond  une  ville  avec 
plusieurs  grands  édifices  et  une  roule  moulante  conduisant 
à  la  porte  d'une  forteresse. 


—  H5  — 

Outre  le  grand  caraclèro  des  ligures,  lu  fermclé  du  dessin 
et  l'entente  du  pittoresque  dans  l'ensemble  de  la  composi- 
tion, cette  œuvre  remarquable  a  pour  mérite  une  grande 
puissance  de  coloration,  avec  ce  fini  d'exécution  qui,  cbcz 
nos  Flamands  du  xV  siècle,  était  exempt  de  sécheresse. 

En  même  temps  que  ce  précieux  morceau  qui  soutient  la 
comparaison  avec  les  meilleures  pages  de  la  collection  des 
gothiques,  le  Musée  de  Bruxelles  a  acquis  un  très  beau  et 
très  intéressant  tableau  de  Palinier  :  Repos  dans  la  fuite  en 
Egypte.  II  n'y  a  pas  longtemps  qu'on  ne  savait  rien  de  la  vie 
de  ce  peintre  qui  était  considéré  comme  le  père  des  paysa- 
gistes flamands;  aujourd'hui  on  ne  sait  pas  encore  grand'- 
chose  de  ses  œuvres.  On  n'est  même  pas  encore  absolument 
fixé  sur  son  nom  et  c'est  un  peu  sa  faute,  car  les  signa- 
tures de  ses  tableaux  ne  sont  pas  identiques.  On  l'appelait 
jadis  Patenier  et  cette  orthographe  a  été  conservée  dans 
beaucoup  de  catalogues.  Un  tableau  du  musée  de  Vienne 
est  signé  :  opus  Joachim  D,  Patinier,  tandis  qu'un  autre, 
du  musée  d'Anvers,  porte  cette  suscription  :  opus  Joachim 
D.  Patinir  (sans  e).  Le  plus  embarrassant  pour  la  fixation 
définitive  du  nom,  ce  n'est  pas  l'absence  dans  l'une  des 
signatures  de  I'e  qui  se  trouve  dans  l'autre,  car  on  peut 
très  bien  supposer  que  l'omission  de  cette  lettre  a  été  le  fait 
d'une  distraction  de  l'artiste  ;  c'est  l'interprétation  duD,  placé 
entre  le  prénom  et  le  nom.  A  Vienne  on  suppose  que  c'est 
l'initiale  du  nom  de  la  ville  natale  de  Patinier  :  D  voudrait 
dire  Dionatensis  (de  Binant).  A  Anvers  on  veut  que  ce  soit 
la  première  lettre  de  la  particule  de,  et  l'on  appelle  notre 
peintre  De  Patinir,  en  le  plaçant,  dans  l'ordre  alphabétique 
du  catalogue,  au  D,  où  l'on  n'irait  jamais  le  chercher.  M.  Pin- 


—  1 14  — 

charl  a  proposé  une  autre  inlcrprélalion  du  D  énigmatique, 
en  le  prenant  pour  la  première  lettre  du  mot  dicti.  S'il  faut 
l'avouer,  nous  n'adoptons  aucune  de  ces  trois  explications, 
qui  n'expliquent  rien,  suivant  nous.  D'une  part,  il. n'est  guère 
admissible  que  Palinier  ait  eu  l'intenlion  de  placer  l'indica- 
tion (en  abrégé)  du  lieu  de  sa  naissance  entre  son  prénom 
et  son  nom.  Il  eût  plutôt  mis...  Joachim  Palinier  D,  et  l'on 
aurait  lu  sans  difficulté  Dionalensis.  En  second  lieu,  s'il 
s'était  appelé  De  Patinier  ou  De  Patinir,  il  aurait  écrit  la 
particule  entière,  au  lieu  de  faire  la  ridicule  économie  d'une 
lettre.  Enfin,  pour  admettre  l'interprétation  du  D  par  dictus, 
il  faudrait  supposer  que  l'artiste  avait  un  autre  nom  que  celui 
de  Patinier;  mais  alors,  il  aurait  mis  son  vrai  nom,  en  ajou- 
tante^// Palinier.  Le  mot  diclus  ou  dil^  entre  le  prénom  et  le 
nom,  n'a  aucune  signification.  Après  avoir  déclaré  purement 
arbitraire  et  nullement  plausible  l'explication  de  celte 
malencontreuse  initiale,  si  gauchement  placée  au  milieu 
des  deux  signatures  de  Vienne  et  d'Anvers,  nous  confessons 
que  nous  n'en  avons  pas  une  meilleure  à  proposer,  en  ajou- 
tant, si  nous  l'osons,  que  nous  ne  tenons  que  médiocrement 
à  ce  que  ce  mystère  soit  éclairci.  Les  questions  de  dates 
sont  très  importantes  dans  l'histoire  des  artistes,  parce  qu'un 
peintre  ne  peut  être  jugé  que  relativement  à  l'état  de  l'art 
à  l'époque  où  il  a  vécu  et  que,  faute  de  connaitre  exactement 
cette  époque,  on  est  exposé  à  le  considérer  comme  ayant 
subi  certaine  influence,  tandis  qu'elle  aurait  été,  au  contraire, 
exercée  par  lui,  ce  qui  est  fort  différent,  puisqu'au  lieu 
d'être  un  imitateur,  il  serait  un  initiateur.  Quant  aux  autres 
questions  d'état  civil,  elles  nous  laissent  assez  indifférents. 
Tliiorry  lîouls,  dont  nous  parlions  (oui  à  l'heure,  s'est  ap- 


—  nb  — 

pelé  Stuerboul  jusque  dans  ces  dernières  années,  el  nous 
lui  eussions  volontiers  conservé  ce  nom  consacré  par  l'usage. 
Si  quelqu'un  s'avisait  de  découvrir  que  Rubcns  n'était  pas 
Rubens,  mais  Vanden  Broeck,  il  nous  en  coulerait  beau- 
coup de  devoir  désormais  nommer  ainsi  l'auteur  de  la 
Descente  de  croix.  Moins  illustre,  Jérôme  Bosch  a  conservé 
son  nom  d'artiste,  bien  que  M.  Pinchart  ait  prouvé  qu'il 
s'appelait,  en  réalité,  Van  Aken.  Pour  en  revenir  au  peintre 
dinantais,  appelons-le  Patinier,  conformément  à  la  plus 
vraisemblable  de  ses  deux  signatures  ;  n'ajoutons  que  médio- 
crement foi  à  ce  que  Van  Mander  et  après  lui  tous  les 
biographes  ont  dit  de  ses  habitudes  d'ivrognerie,  accusation 
banale  portée  contre  tant  de  peintres  de  l'ancien  temps,  et 
occupons-nous  de  ses  œuvres. 

On  a  été,  jusqu'ici,  presque  aussi  mal  renseigné  sur  les 
travaux  de  l'artiste  que  sur  les  particularités  de  sa  vie.  Pui- 
sant à  des  sources  d'information  d'une  exactitude  très  dou- 
teuse, Waagen  a  dit,  dans  son  Manuel  dliisloire  de  la 
peinture,  que  :  «  Dans  les  premiers  temps,  il  peignit  des 
tableaux  historiques  dans  le  goût  de  l'école  de  Van.Eyck; 
plus  tard,  il  adopta  celui  de  Lucas  de  Leyde.  Son  habitude 
de  peindre  des  figures  très  petites,  relativement  aux  dimen- 
sions de  ses  paysages,  ont  fait  de  lui  le  fondateur  du  pay- 
sage, comme  genre  spécial  dans  les  Pays-Bas.  »  Tout  cela 
est  très  arbitraire  et  fort  inexact.  Où  sont  donc  les  œuvres 
de  Patinier  desquelles  on  puisse  conclure  qu'il  fût  imitateur 
des  Van  Eyck  et  de  Lucas  de  Leyde?  Les  peintures  qu'on  a 
de  lui  donnent  un  démenti  à  cette  double  affirmation.  Tous 
les  historiens  de  l'art  flamand  ne  signalent  pas  cette  pré- 
tendue conformité  de  manière  avec  deux  maîtres  dont  il 


—  110  — 

diffère  essenliellemenl;  mais  tous,  ou  presque  tous,  parlent 
des  petites  figures  qu'il  plaçait  dans  de  grands  paysages,  ce 
qui  faisait  de  l'accessoire  le  principal  de  ses  tableaux.  Le 
paysage  a  incontestablement  une  grande  importance  dans 
les  compositions  de  Palinier;  mais  il  s'en  faut  de  beaucoup 
que  l'action  et  les  |)ersonnages  qui  y  prennent  part  soient 
aussi  sacrifiés  qu'on  veut  bien  le  dire. 

Patinier  avait  un  sujet  de  prédilection,  sujet  qu'il  a  traité 
avec  quelques  différences,  dans  la  plupart  de  ses  tableaux,  et 
qui  est  également  mis  en  action  dans  l'œuvre  dont  le  iMusée 
de  Bruxelles  a  fait  l'acquisition.  C'était  le  Repos  de  la  sainte 
famille  dans  la  fuite  en  Egypte.  Sur  sept  tableaux  de  lui 
qui  sont  au  musée  de  Madrid,  il  y  en  a  trois  qui  reprodui- 
sent celte  donnée  affectionnée.  En  voici  la  description  : 

N"  1519  du  catalogue  :  Repos  de  la  sainte  Famille  dans 
la  fuite  en  Egypte.  Marie  est  assise  sur  un  monticule  avec 
son  divin  fils  entre  les  bras.  Saint  Joseph  s'approche  par  la 
gauche,  portant  un  vase  plein  de  lait;  l'âne  est  au  second 
plan,  paissant  en  liberté.  Au  fond,  beau  paysage  avec  un 
rocher  d'un  côte,  et  dans  le  lointain,  en  épisode,  la  scène 
du  Massacre  des  innocents. 

N°  1520,  Paysage  avec  le  Rejws  de  la  sainte  Famille. 
Marie,  avec  son  divin  fils  dans  les  bras,  et  saint  Joseph  sont 
assis,  se  reposant  sur  un  monticule,  au  pied  d'un  arbre; 
à  côté  est  un  petit  âne;  au  fond,  campagne  agréable  et 
variée. 

N°  1521.  Repos  dans  la  fuite  de  la  sainte  Famille  en 
Egypte.  Marie  donne  le  sein  à  son  divin  fils,  assise  dans 
l'herbe  au  milieu  d'une  campagne  délicieuse;  de  différents 
côtés  des  rochers,  des  groupes  d'arbres  et  des  chaumières. 


—  117  — 

Ces  trois  tableaux  se  trouvaient  dans  le  monastère  de 
l'Escurial,  d'où  ils  furent  tirés,  en  même  temps  que  beaucoup 
d'autres,  pour  enrichir  le  musée  du  Prado.  Il  est  à  remar- 
quer que  si  le  sujet  est  le  même,  la  composition  est  différente; 
il  se  renouvelle  par  la  variété  des  épisodes.  L'artiste  s'inspi- 
rait d'une  même  donnée  ;  mais  il  ne  se  répétait  pas  textuel- 
lement. De  ces  épisodes,  l'un  des  plus  piquants,  l'un  des 
plus  charmants  est  celui  où  saint  Joseph  est  allé,  pendant 
que  la  Vierge  se  reposait,  chercher  un  bol  de  lait  à  la  ferme 
voisine  pour  rafraîchir  ses  chers  fugitifs.  Les  personnes  à 
cheval  sur  la  vérité  de  la  couleur  locale,  vous  diront  qu'il 
n'y  a  pas  de  fermes  en  Egypte  et  qu'en  représentant  un 
village  flamand,  une  route  flamande,  des  arbres  flamands, 
le  peintre  s'est  rendu  coupable  d'un  mensonge.  S'il  a  commis 
une  faute  au  point  de  vue  de  l'archéologie,  il  a  été  bien 
inspiré  sous  le  rapport  des  sentiments  humains  et  nous 
aimons  son  naïf  épisode.  Patinier  s'est  placé  dans  un  tout 
autre  ordre  d'idées  et  a  employé  des  moyens  d'effet  absolu- 
ment différents  en  peignant  une  Tentation  de  saint  Antoine 
où  l'on  remarque,  outre  la  vérité  d'expression  et  de  mouve- 
ment du  saint,  de  charmantes  figures  de  jeunes  femmes 
dont  l'apparition  est  bien  faite  pour  troubler  le  pieux 
anachorète.  Voici  comment  Viardot  s'exprime  au  sujet 
de  ce  tableau  dans  la  première  édition  de  ses  Musées 
d'Espagne  :  «  Il  faut  placer,  je  crois,  à  l'époque  des  Brueghel 
ou  même  avant,  une  admirable  Tentation  de  saint  Antoine, 
où  l'on  voit  le  saint  anachorète  livré  aux  agaceries  de  trois 
jeunes  filles  qu'excite  une  horrible  vieille;  un  singe  tire  son 
capuchon  par  derrière  pour  l'obliger  à  voir  les  charmants 
émissaires  du  démon.  Ce  sujet,  en  petites  figurines,  est  placé 


—  H8  — 

dans  un  vaste  et  riche  paysage.  Je  n'ose,  même  par  conjec- 
ture, en  indiquer  l'auteur,  qui  est  à  coup  sûr  un  mailre 
important,  mais  dont  la  manière  s'éloigne  assez  des  maîtres 
les  plus  connus,  pour  qu'on  ne  puisse  lui  attribuer  son 
ouvrage.  »  Dans  une  édition  suivante  de  son  livre,  Viardot 
ajoute  la  note  que  voici  :  «  Il  est  reconnu  maintenant  que 
celte  belle  et  curieuse  page  est  de  Joachim  Patinier,  lequel 
florissait  au  temps  d'Albert  Durer,  qui  a  fait  son  portrait  en 
1520,  et  de  Rabelais,  qui  l'a  cité  dans  le  Pantagruel.  « 

De  même  que  les  trois  Repos  de  la  fuite  en  Egypte  et  la 
Tentation  de  saint  Antoine,  un  Saint  Jérôme  étant  une  épine 
de  la  patte  du  lion,  qui  se  trouve  au  musée  de  Madrid,  pro- 
vient de  l'Escurial.  Il  n'y  avait  donc  pas  moins  de  cinq 
tableaux  de  Patinier  dans  le  sombre  monastère  fondé  par 
Philippe  II,  qui  paraît  avoir  eu  un  goùl  prononcé  pour  les 
productions  du  peintre  dinantais.  On  voit  encore  deux  autres 
tableaux  de  celui-ci  dans  la  galerie  du  Prado  :  un  saint 
François  d'Assise  dans  le  désert  et  une  composition  très  ori- 
ginale du  Paradis  A  l'Enfer.  Le  lieu  de  la  scène  est  un 
paysage  divisé  en  deux  parties  par  le  Styx.  On  pourrait 
s'étonner  de  la  présence  de  ce  fleuve  mythologique  dans  une 
composition  inspirée  par  l'idée  chrétienne,  si  l'on  ne  savait 
que  les  anciens  maîtres  se  souciaient  aussi  peu  de  l'exac- 
titude géographique  que  de  bien  d'autres  choses.  D'un  côté 
est  le  séjour  des  bienheureux,  au  milieu  d'un  site  garni 
d'arbres  chargés  de  beaux  fruits  et  où  coulent  des  fontaines 
aux  eaux  limpides  ;  de  l'autre  côté  est  le  séjour  des  réprouvés, 
dans  une  contrée  privée  de  toute  végétation  et  où  l'on  voit 
une  forteresse  qui  sert  "d'entrée  à  l'enfer.  Ce  dernier  tableau 
provient  de  la  collection  particulière  du  roi  Philippe  IV. 


—   119  — 

Au  musée  de  Berlin  il  y  a,  de  Patinier,  un  Repos  de  la 
faile  en  Egypte,  dans  un  riche  paysage;  au  fond,  la  repré- 
scnlalion  du  Massacre  des  Innocents,  comme  dans  l'un  des 
tableaux  de  Madrid. 

A  Munich,  un  Repos  de  la  fuite  en  Egypte  est  attribué 
hypothéuquement  au  peintre  dinantais  :  «  Marie,  vêtue 
d'une  robe  gris-violel  avec  un  manteau  rouge-cerise  et 
assise  dans  un  charmant  paysage  de  printemps  et  animé  par 
divers  épisodes,  regarde  avec  délice  l'enfant  Jésus  auquel 
elle  présente  le  sein,  tandis  que  saint  Joseph  revient  de  la 
forêt  avec  de  la  nourriture.  »  Dans  la  même  galerie,  on 
donne  comme  étant  de  la  manière  de  Patinier  une  Fuite 
en  Egypte  où  saint  Joseph  conduit  l'àne  sur  lequel  la  Vierge 
Marie  est  assise  avec  l'enfant.  A  Vienne  aussi  il  y  a  un 
Repos  de  la  fuite  en  Egypte  dans  la  manière  de  Patinier. 

Dans  la  collection  Van  Ertborn,  du  musée  d'Anvers,  se 
trouve  une  Fuite  en  Fgypte  de  Patinier,  ainsi  décrite  dans  le 
catalogue  :  «  A  droite,  au  moyen-plan  d'un  paysage  mon- 
tueux,  deux  rochers  abruptes  et  à  pic.  A  gauche,  quelques 
maisons  dans  un  vallon  au  centre  duquel  est  un  étang  où 
nagent  deux  cygnes.  A  l'avant-plan,  quelques  arbres  devant 
lesquels  passe  un  petit  groupe  représentant  la  fuite  en 
Egypte.  Une  idole  tombe  de  son  piédestal  à  l'approche  de  la 
sainte  famille.  A  l'arrière-plan,  un  lac  dans  les  montagnes; 
ciel  charge  de  légers  nuages;  signé  Opus.  Joachim. 
D.  Patinir.  » 

Le  Repos  de  la  fuite  en  Fgypte  acquis  par  le  Musée  de 
Bruxelles  va  représenter  de  la  manière  la  plus  authentique 
et  la  plus  caractéristique,  dans  notre  galerie  nationale,  un 
peintre  dont  la  grande  valeur,  jadis  reconnue,  n'était  plus 


—  120  — 

suiïisammenl  appréciée  dans  son  pays,  sans  doute  à  cause 
de  la  rareté  de  ses  œuvres.  Le  tableau  qui  figurait  précé- 
demment au  Musée  sous  le  nom  de  ce  maitre  et  dont  l'attri- 
bution était  l'ondée  seulement  sur  une  ancienne  tradition, 
n'est  pas  de  nature  à  donner  une  juste  idée  de  son  mérite. 
Voici  quelle  est  la  composition  du  Repos  de  la  fuite  en 
Éc/ypte,  qui  le  met  actuellement  à  sa  véritable  place  : 

Au  centre  du  premier  plan,  la  Vierge  est  assise  sur  un 
tertre,  donnant  le  sein  à  l'enfant  Jésus,  Charmant  type  de 
Marie,  plein  de  suaveté  et  de  grâce  naturelle;  des  mains 
d'une  finesse  exquise  ;  robe  grise  et  manteau  rouge,  étofTes 
moelleuses  supérieurement  drapées.  A  la  gauche  de  la 
Vierge,  le  tertre  sur  lequel  elle  est  assise  est  terminé  par  une 
souche  d'arbre  dont  les  racines  enchevêtrées  sont  une  mer- 
veille d'exécution.  Du  même  côté,  par  terre,  devant  la 
Vierge,  est  posé  un  panier  fermé  par  un  cadenas  près  duquel 
une  double  besace  de  voyage  et  le  bâton  noueux  de  saint 
Joseph.  Ces  deux  accessoires  caractéristiques  sont  textuelle- 
ment reproduits  dans  l'un  des  tableaux  du  musée  de  Madrid. 
A  la  droite  de  la  Vierge  une  fontaine  dont  les  eaux  limpides 
coulent  abondamment  et  s'épanchent  sur  le  sol,  en  arrosant 
de  belles  plantes  aquatiques.  Au  centre,  derrière  la  Vierge,  un 
monticule  garni  d'un  épais  bouquet  d'arbres  où  l'on  voit  saint 
Joseph  attirant  à  lui  les  branches  supérieures  d'un  arbre  pour 
y  cueillir  des  fruits.  Cet  épisode  est  une  interprétation  de 
l'un  des  passages  du  récit  de  la  fuite  en  Egypte  donné  dans 
les  Évangiles  apocryphes,  lequel  est  ainsi  conçu  :  «  Il  arriva 
que  le  troisième  jour  de  la  roule,  Marie  fut  fatiguée  dans  le 
désert  par  la  trop  grande  chaleur  du  soleil.  En  voyant  un 
arbre,  elle  dit  à  Joseph  :  «  Reposons-nous  un  peu  sous  son 


—   121   — 

ombre.  Et  Joseph  s'empressa  de  la  conduire  auprès  de  l'arbre 
et  il  la  fit  descendre  do  sa  monture.  Et  Marie  s'étant  assise, 
jeta  les  yeux  sur  la  cîme  du  palmier  et  la  voyant  couverte  de 
fruits,  elle  dit  à  Joseph  :  «  Mon  désir  serait,  si  cela  était  pos- 
sible, d'avoir  un  de  ces  fruits.  »  Et  Joseph  lui  dit  :  «  Je 
m'étonne  que  tu  parles  ainsi,  lorsque  tu  vois  combien  sont 
élevés  les  rameaux  de  ce  palmier.  Alors  l'enfant  Jésus,  qui 
était  dans  les  bras  de  sa  mère,  dit  au  palmier  :  «  Arbre  incline 
les  rameaux  et  nourris  ma  mère  de  tes  fruits.  »  Aussitôt  à 
sa  voix  le  palmier  incline  sa  cîme  jusqu'aux  pieds  de  Marie,  » 
Ce  n'est  pas  tout  à  fait  ainsi  que  les  choses  se  passent  dans  le 
tableau  de  Patinier.  L'arbre,  qui  n'est  point  un  palmier,  ne 
s'incline  pas  devant  Marie,  mais  devant  saint  Joseph.  L'épi- 
sode est  le  même  avec  celle  variante.  Ce  n'est  pas,  du  reste, 
le  seul  point  sur  lequel  l'artiste  se  soit  écarté  de  la  légende. 
Rien  ne  ressemble  moins  au  désert  que  le  paysage  où  se 
passe  l'action  ;  Marie  n'a  pas  lieu  d'être  fatiguée  par  la  cha- 
leur, comme  il  est  dit  dans  le  livre  apocryphe,  car  la  contrée 
où  elle  se  trouve  est  ombreuse  et  fraîche,  et,  si  elle  a  soif,  la 
source  limpide  près  de  laquelle  elle  est  assise  la  désaltérerait 
mieux  que  ne  le  pourraient  faire  les  fruits  de  l'arbre. 

Quoi  qu'il  en  soit,  oublions  le  désert  et  prenons  le  paysage 
de  Patinier  pour  ce  qu'il  est,  charmant  dans  son  caractère 
européen;  aux  divers  plans,  à  gauche,  une  belle  masse  de 
rochers  percée  d'ouvertures  par  lesquelles  on  aperçoit  un  site 
pittoresque  au  possible,  une  pièce  d'eau  baignant  les  murs 
d'un  château  seigneurial  et  que  longe  une  route  où  chemine 
un  cavalier  ;  au  fond,  de  ce  côté,  groupe  de  maisons,  prairies, 
rivière  coulant  entre  des  bords  verdoyants.  A  droite,  des 
terrains  accidentés,  une  gorge  profonde  au  fond  de  laquelle 


—  122  — 

estime  pièce  d'eau  ;  plus  loin,  un  monticule  couronné  par  des 
rochers  au  sommet  desquels  se  profilent  les  ruines  d'un 
château  fort.  Le  ciel  est  d'un  bleu  verdàtre  légèrement  nua- 
geux. Un  coloris  plein  de  fraîcheur  et  de  transparence,  une 
exécution  d'une  souplesse  en  même  temps  que  d'une  préci- 
sion remarquable,  une  observation  delà  perspective  aérienne 
surprenante  pour  l'époque  où  vivait  le  maître,  telles  sont  les 
qualités  techniques  qu'on  admire  dans  le  Repos  de  la  fuite 
en  Egypte  de  Patinier.  Ajoutons  que  le  tableau  est  d'une 
conservation  parfaite,  dont  on  s'étonne  moins  lorsqu'on  sait 
qu'il  provient  d'une  collection  d'Italie,  où  le  climat  est  essen- 
tiellement conservateur. 

Nous  ne  pouvons  pas  nous  dispenser  de  revenir  sur  les 
calomnies  dont  Joachim  Patinier  a  été  l'objet,  ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  dit,  de  la  part  de  ses  biographes.  Si,  comme  on 
le  suppose  par  la  date  de  son  admission  à  la  maîtrise  (1S15), 
il  est  né  vers  1490,  il  est  mort  jeune,  puisqu'il  résulte  de 
documents  dont  la  découverte  est  due  à  M.  Génard,  que  sa 
veuve  vendit  en  1  j24  une  maison  provenant  de  son  héritage. 
Comment  aurait-il  trouvé  le  temps  de  produire  les  œuvres 
nombreuses  qu'on  connaît  de  lui,  sans  compter  celles  dont 
on  ignore  l'existence,  s'il  avait  eu,  comme  on  l'a  dit  et  répété 
partout,  la  triste  habitude  de  passer  ses  journées  au  cabaret 
et  s'il  avait  été  dans  un  étatd'ébriété  quasi-perpétuel?  Ni  les 
sujets  qu'il  traitait,  ni  son  mode  d'exécution  ne  justifient  la 
supposition  des  mœurs  dissolues  qu'on  lui  prête.  Il  faut 
avoir  l'esprit  libre  et  la  main  ferme  pour  faire  une  peinture 
aussi  finement,  aussi  délicatement  traitée  que  la  sienne.  En 
voyant  les  œuvres  de  Frans  Hais,  d'Adrien  Brouwer,  de 
Craesbeek,  on  comprend  que  ces  maîtres  coloristes  aient  pu 


—  123  — 

n'être  pas  tout  à  fait  des  modèles  de  sobriété  et  d'existence 
régulière;  mais  le  genre  même  du  talent  de  Patinier  inspire 
de  tout  autres  idées.  On  a  également  accusé  le  peintre  dinan- 
tais  d'avoir  introduit  dans  toutes  ses  œuvres  une  particularité 
ignoble,  dégoûtante  qui  lui  servait  de  signature.  Il  n'est 
pour  ainsi  dire  pas  une  biographie  d'artistes  ou  une  histoire 
de  là  peinture  flamande  où  ne  se  trouve  cette  affirmation. 
Elle  est  absolument,  matériellement  fausse  cependant,  car 
aucun  des  tableaux  de  Patinier  que  nous  avons  décrits,  et 
aucun  de  ceux  que  nous  pourrions  mentionner  encore,  n'offre 
le  détail  en  question. 

Biirger,  qui   voyait  si  juste,   qui   faisait  l'histoire   des 
peiiitres  d'après  leurs  œuvres,  a  le  premier  constaté  le  mal 
fondé  des  accusations  lancées  contre  Patinier  par  ses  premiers 
biographes  et  par  leurs  nombreux  copistes.  Voici  comment 
il  s'exprime  à  cet  égard  dans  son  livre  des  Trésors  d'art  à 
Manchester  :  «  Patinier  est,  en  général,  bien  faussement 
apprécié  par  les  critiques  d'art.  Le  peintre,  dans  ses  tableaux, 
n'est  point  ordurier  comme  on  a  dit  qu'il  le  fut  dans  les  habi- 
tudes de  sa  vie.  Presque  toutes  ses  compositions  sont  de  petits 
sujets  religieux  ajustés  dans  des  paysages  d'une  extrême  déli- 
catesse. Il  y  en  a  qu'on  pourrait,  au  premier  coup,  prendre 
pour  des  Memling.  »  A  cette  exposition   de  Manchester 
parurent  quatre  tableaux  de  Patinier  :  une  Madeleine,  un 
saint  Christophe,  un  saint  Jean  dans  l'île  de  Pathmos  et  un 
Calvaire,  appartenant  tous  quatre  au  prince  Albert,  qui  avait, 
comme  on  le  sait,  des  goûts  d'artiste  et  n'admettait  dans  ses 
collections  que  des  œuvres  choisies.    Il  aurait  fallu  que 
Patinier  fût  absolument  fou  pour  introduire  l'épisode  qu'il 
ne   nous  est  même  pas  possible  d'indiquer  ici   dans   des 


—   124  — 

tableaux  religieux  que  ses  clients  n'eussent  pas  manqué  de 
refuser  s'il  s'était  permis  celte  grossière  incartade. 

Ceux  qui  douteraient  que  Palinier  fut  un  peintre  soigneux 
de  la  dignité  de  son  art,  capable  de  donner  le  caractère  qui 
leur  convient  aux  œuvres  dans  lesquelles  il  traitait  des  sujets 
d'un  ordre  élevé,  étant,  quoiqu'on  en  dise,  plus  qu'un  paysa- 
giste,  n'ont  qu'à  voir  son  Baptême   de  Jésus -Christ  par 
saint  Jean  du  musée  de  Vienne.  Devant  cette  composition,  on 
comprend  qu'on  art  pu,  en  parlant  de  lui,  se  souvenir  de 
Memling.  Au  premier  plan  est  Jésus  debout  dans  le  fleuve, 
dont  l'eau  lui  vient  presque  jusqu'aux  genoux.  Il  est  nu, 
avec  une  draperie  nouée  à  la  ceinture;  beau  type,  austère 
en  même  temps  que  bon;  les  mains  jointes  à  la  hauteur  de 
la  poitrine.  Plus  d'un  peintre  d'histoire  serait  incapable  de 
dessiner  une  figure  comme  celle-ci.  Saint  Jean,   couvert 
d'un  manteau  fendu  sur  les  côtés,  est  agenouillé  au  bord  du 
fleuve,  appuyant  sa  main  gauche  sur  le  sol  et  versant  de  la 
main  droite  l'eau  du  baptême  sur  la  tête  du  Christ.  Au  milieu 
du  neuve,  un  grand  rocherdont  la  cime  louche  à  une  région 
nuageuse  où  a  lieu,  dans  une  éclaircie,  l'apparition  de  Dieu 
le  Père,  sons  lequel  plane  le  Saint-Esprit.  Vers  la  gauche,  au 
second  plan,  est  représenté,  comme  épisode,  la  Prédication 
de  saint  Jean-Baptiste  devant  un  auditoire  composé  de  per- 
sonnages faisant  cercle,  partie  assis,  partie  debout,  et  la 
plupart  coiffés  de  turbans.  La  droite  est  remplie  par  le  cours 
sinueux  du  fleuve  entre  des  rives  bordées  de  rochers  et 
d'arbres.  Les  fonds  sont  remarquables  par  les  belles  lignes 
des  terrains  dont  l'aspect  sévère  contraste  avec  les  riantes 
perspectives  que  l'artiste  se  plaisait  habituellement  à  ouvrir. 
Ces  figures  sont  d'assez  grande  dimension,  comparativement 


—  125  — 

au  milieu  dans  lequel  elles  se  meuvent.  Ce  tableau  n'est  pas 
un  paysage  animé  ou  étoffé,  comme  on  dit,  par  des  person- 
nages; c'est  un  tableau  d'histoire  dans  un  fond  de  paysage. 

On  a  vu,  par  ce  qui  précède,  quelle  était  la  prédilection 
de  Patinier  pour  le  sujet  de  la  Fuite  en  Egypte.  II  est  impos- 
sible de  ne  pas  se  souvenir,  à  ce  propos,  de  la  singulière 
entreprise  d'un  peintre  aujourd'hui  très  à  la  mode  et  qui 
témoigna  d'une  manière  peut-être  encore  plus  significative  de 
son  goût  pour  ce  même  sujet.  Nous  voulons  parler  d'une  série 
de  vingt-sept  compositions  gravées  à  Teau-forte  par  Tiepolo  et 
publiée  par  lui  en  1753,  sous  ce  titre  :  Idée pillor esche  sopra 
la  Fugga  in  Egillo  di  Giesu,  Maria  e  Gioseppe.  L'auteur  de 
cette  œuvre  bizarre  a  représenté  tous  les  incidents  du  voyage 
de  la  sainte  Famille  rapportés  par  la  tradition  et  il  en  a  ajouté 
beaucoup  d'autres  de  son  invention.  Ses  esquisses  ne  sont 
certes  pas  des  modèles  de  style  religieux  ;  mais  on  ne  saurait 
nier  que  ses  idées  sont  souvent  ingénieuses,  qu'il  a  montré  là, 
comme  il  l'a  fait  dans  ses  sujets  mondains,  un  vif  sentiment 
de  la  grâce  et  de  l'élégance  des  figures,  avec  un  remarquable 
goût  d'arrangement  décoratif,  et  qu'il  a  traité  l'eau-forte  de 
main  de  maître. 

Le  remarquable  portrait  dont  nous  allons  nous  occuper 
renferme  une  double  énigme  :  on  ne  connaît  ni  le  nom  du 
peintre,  ni  celui  du  personnage.  Maintenant  que  le  voici  tiré 
de  la  quasi-obscurité  des  cabinets  d'amateurs  et  mis  au  grand 
jour  d'une  galerie  publique,  il  va  pouvoir  être  étudié  sérieu- 
sement par  les  critiques  et  par  les  historiens  de  l'art.  D'autres, 
plus  heureux  que  nous,  parviendront  peut-être  à  percer  le 
mystère  qu'il  ne  nous  a  pas  été  donné  de  pénétrer,  mystère 
d'autant  plus  irritant,  que  l'œuvre  est  de  premier  ordre  et 


—  li>G  — 

qu'elle  émane  certainement  d'un  maître.  Les  attributions 
ne  manqueront  pas,  on  doit  s'y  attendre;  il  en  surgira 
de  différents  côtés  et  de  plus  ou  moins  arbitraires.  Bienvenue 
sera  celle  qui  s'appuiera  sur  des  preuves  authentiques,  et 
qu'on  sera  dûment  fondé  à  inscrire  au  catalogue  du  Musée, 
non  comme  une  hypothèse,  mais  comme  une  certitude. 

Avant  d'indiquer  les  très  intéressantes  particularités  qui 
signalent  ce  portrait  à  l'attention  des  amateurs,  indépen- 
damment du  mérite  supérieur  de  l'exécution,  nous  allons  le 
décrire  :  Le  personnage  est  un  homme  d'environ  cinquante 
ans,  aux  cheveux  grisonnants,  coiffé  d'une  espèce  de  toque 
de  velours  noir;  tourné  vers  la  droite  (la  gauche  du  tableau); 
visage  mince,  nez  droit,  lèvres  serrées;  le  regard  fixe,  sans 
vivacité;  caractère  grave,  austère.  Ajustement  très  compli- 
qué :  tunique  en  velours  rouge  doublée  de  fourrure  fauve; 
sur  la  poitrine  une  bande  de  soie  brune  doublée  de  four- 
rure blanche,  pardessus  noir  doublé  de  fourrure  blanche 
à  taches  rousses,  dont  les  revers  s'ouvrent  sur  la  poitrine, 
laissant  voir  une  chemise  plissée,  serrée  au  cou  par  un 
petit  galon  d'or.  Les  mains,  gantées  de  blanc,  tiennent 
un  chapelet  de  grains  noirs  attachés  par  un  fil  de  soie  à  une 
bague  posée  sur  un  coussin  où  s'appuient  les  mains  du  per- 
sonnage, qui  est  debout  devant  un  balcon  en  pierre  cachant 
la  partie  inférieure  du  corps.  Le  coussin,  fond  rouge,  est 
richement  brodé  de  soie,  d'or  et  de  perles;  aux  deux 
coins  supérieurs  sont  les  lettres  A  et  G  de  forme  gothique. 

Derrière  le  personnage  se  dresse  un  large  pilastre  décoré 
d'arabesques  en  forme  de  feuillages  blancs  sur  fond  rouge.  Sur 
le  chapiteau  de  ce  pilastre  sont  cinq  enfants  nus;  les  deux 
premiers  soutenant  un  écu  d'or  au  lion  de  gueules  armé  et 


—  127  — 

lampassé  d'azur;  deux  autres  portanl  un  cimier  d'or  et  le  cin- 
quième tenant  une  lance,  les  armes  du  chevalier.  A  la  droite 
du  second  plan,  on  voit  l'avant-corps  d'un  château  féodal,  à 
l'une  des  fenêtres  duquel  se  montrent  deux  personnages,  un 
jeune  homme  et  une  jeune  femme,  regardant  avec  admira- 
tion une  apparition  qui  a  lieu  dans  le  ciel,  à  la  gauche  du 
spectateur,  et  dont  il  sera  parlé  tout  à  l'heure. 

Au  second  plan,  sur  une  terrasse,  sont  sept  personnages 
regardant  l'apparition  :  un  empereur  agenouillé,  ayant 
devant  lui,  déposés  sur  le  sol,  sa  couronne,  son  sceptre  et 
un  vase  à  encens  avec  la  cuiller  ;  trois  femmes,  dont  l'une, 
richement  vêtue,  lève  la  main  vers  l'apparition  pour  la  mon- 
trer à  l'empereur;  un  cardinal,  un  héraut  ayant  les  armes 
impériales  brodées  en  noir  sur  la  poitrine,  tenant  une 
épée  à  la  main  et  causant  avec  un  autre  personnage. 
Au  troisième  plan,  à  droite,  et  faisant  suite  cà  un  ensemble 
de  bâtiments,  une  tour  carrée  ayant  à  moitié  de  sa  hauteur 
un  balcon  surmonté  d'un  berceau  de  verdure,  où  sont  deux 
femmes  les  regards  également  dirigés  vers  l'apparition  ;  au 
sommet  de  la  tour  plusieurs  personnages  contemplent  le 
miracle  en  donnant  des  marques  d'admiration. 

L'apparition,  c'est  celle  de  la  Vierge  qu'on  voit  dans  une 
gloire  d'anges,  au  plus  haut  du  ciel,  à  gauche,  assise  sur  un 
trône,  ayant  sur  ses  genoux  l'enfant  Jésus  armé  de  la 
croix;  sous  le  trône  de  la  Vierge  plane  un  ange  tenant 
déployée  une  charte  scellée  de  trois  sceaux  de  cire  rouge  et 
sur  lequel  on  lit  ces  mots  tracés  en  caractères  minuscules  : 
Hec  est 

Adroite,  sur  un  mur  d'appui,  un  singe  enchaîné  occupé 
à  manger  une  noix;  à  gauche,  sur  la  terrasse,  un  chien 


—  128  — 

lévrier  assis  et  une  grue  ;  fond  de  paysage  très  riche  et  très 
accidenté  :  à  gauche,  au  delà  d'un  petit  mur  sur  lequel  un 
paon  est  perché,  un  cours  d'eau  où  nagent  des  cygnes,  et  sur 
la  rive  éloignée  un  moulin;  plus  loin,  un  pont  que  traverse 
un  chariot  trainé  par  un  attelage  de  six  chevaux;  vers  la 
droite,  au  même  plan,  une  route  où  cheminent  un  cavalier 
et  deux  piétons;  rochers  surmontés  de  châteaux,  groupes 
d'arbres,  lointains  bleuâtres. 

L'œuvre  dont  nous  nous  occupons  est  double  ;  il  y  a  un 
portrait  d'abord  et  il  est  hors  de  doute  que  c'est  le  principal  ; 
il  y  a  aussi  un  sujet  de  tableau,  une  action  qui  est  Tacces- 
soire,  quelque  importance  que  l'auteur  lui  ait  donnée.  Ces 
deux  parties  sont-elles  connexes  ?  C'est  ce  que  nous  allons 
examiner. 

Le  sujet  de  l'action  représentée  au  second  plan  du  tableau, 
c'est  la  Sibylle  Tiburtine  montrant  à  l'empereur  Auguste 
l'apparition  de  la  Vierge  et  de  l'enfant  Jésus  dans  le  ciel. 
Voici  la  tradition  dont  s'est  inspiré  l'artiste  :  le  Sénat  romain 
avait  décidé  qu'en  reconnaissance  des  services  qu'il  avait 
rendus  à  la  patrie.  Octave  (Auguste)  serait  élevé  au  rang 
des  dieux.  Averti  de  cette  flatteuse  démarche,  Auguste 
voulut,  par  un  reste  de  modestie,  consulter  les  dieux  avant 
de  l'autoriser  et  fit  venir  la  Sibylle,  à  laquelle  il  demanda 
s'il  était  à  sa  connaissance  qu'il  y  eût  dans  le  monde  quel- 
qu'un de  plus  grand  que  lui.  C'était  précisément  le  jour 
de  la  naissance  du  Sauveur.  La  Sibylle  dit  à  Auguste  de 
s'agenouiller,  et  se  tournant  vers  l'Orient,  lui  montra  dans 
le  ciel  un  cercle  d'or  et  dans  ce  cercle  une  Vierge  très  belle 
tenant  un  enfant  entre  ses  bras.  Alors,  dit  la  tradition, 
l'Emperour,  admirant  une  vision  si  extraordinaire,  entendit 


—  12î>  — 

une  voix  qui  lui  disail  :  Haec  est  ara  cœli.  Hic  puer  major 
le  est,  ideo  ipsiim  adora;  et  il  offrit  de  l'encens  à  la  Vierge  et 
à  sa  mère.  La  tradition  veut  que  l'église  de  Sa  in  te- Marie 
connue  sous  le  nom  d'Ara  cœli,  à  Rome,  ait  été  élevée  sur 
l'emplacement  même  du  palais  d'Auguste.  Dans  cette  église, 
les  religieux  de  l'ordre  de  Saint-François  célèbrent  chaque 
année,  le  jour  de  Noël,  une  espèce  de  mystère  de  la  Nativité. 
Une  chapelle  est  transformée  en  étaJjle  ;  des  figures  de  cire 
de  grandeur  naturelle  et  richement  vêtues  sont  groupées  de 
manière  à  former  un  tableau  vivant  de  la  scène  évangélique. 
On  y  voit  une  Sibylle  montrant  l'enfant  Jésus  à  l'Empereur, 
qui  s'agenouille  et  adore  le  nouveau  né. 

Ce  sujet  de  l'apparition  de  la  Vierge  montrée  par  la  Sibylle 
à  Auguste,  a  été  maintes  fois  traité  par  les  artistes  du  moyen 
âge  et  de  la  renaissance,  sous  toutes  les  formes  :  en  peinture, 
en  sculpture,  en  tapisserie,  en  gravure.  L'une  des  plus 
naïves  représentations  de  cette  donnée  qui  ait  été  faite  est 
celle  qu'on  voit  dans  le  Spéculum  humanae  salvalionis.  Au 
premier  plan,  Auguste  est  agenouilé,  la  couronne  en  tète, 
son  sceptre  déposé  à  terre  devant  lui  ;  les  mains  jointes,  les 
yeux  tournés  vers  le  ciel;  son  altitude  exprime  l'étonnement 
et  la  vénération;  au  second  plan,  la  Sibylle,  vêtue  d'une 
longue  robe,  se  tourne  vers  l'empereur  et,  élevant  la  main 
droite,  lui  montre,  dans  le  ciel,  l'apparition  de  la  Vierge 
tenant  l'enfant  Jésus.  La  scène  se  passe  dans  un  paysage 
d'une  extrême  simplicité  :  à  gauche,  un  arbre;  au  fond,  un 
monticule  agrémenté  de  trois  arbres  et  un  château  à  tou- 
relles. Au  bas  l'inscription  :  Sibilla  vidit  virginemcum  puera, 
laquelle  est  inexacte,  puisque  c'est  Auguste  qui  voit  la 
Vierge  que  lui  montre  la  Sibylle. 


—   130  — 

Dans  un  excellent  article  publié  par  la  Revue  de  l'art  chré- 
tien en  1870,  M.  X.  Barbier  de  Monlault  cite  plusieurs 
représentations  de  l'apparition  de  la  Vierge  à  Auguste,  Dans 
le  nombre  se  trouve  une  tapisserie  du  xv''  siècle,  faisant 
partie  du  musée  de  Cluny  et  qui  sort  des  ateliers  fla- 
mands :  «  La  Vierge,  avec  son  enfant  dans  les  bras,  appa- 
raît au  milieu  d'une  vive  lumière  qui  refoule  les  nuages.  Au 
premier  plan,  derrière  lequel  fuit  un  horizon  boisé,  la  Sibylle, 
coiffée  d'un  escoffion  et  suivie  de  ses  compagnes,  montre  à 
Octave  le  soleil  mystérieux.  L'Empereur,  qu'escorte  sa  cour 
étonnée,  dépose  sa  couronne  et  son  sceptre  et  s'agenouille 
humblement.  Près  de  là  on  dislingue  son  palais,  dont  le 
pavillon  est  surmonté  d'une  horloge;  une  porte  hersée 
s'ouvre  à  l'une  des  extrémités.  »  Cette  tapisserie  n'est  sans 
doute  pas  la  seule  où  la  tradition  de  la  Sibylle  Tiburtine  ait 
été  représentée.  Il  n'est  pas  de  sujet  que  n'aient  traité  les 
haut-lissiers  flamands. 

Un  précieux  document  pour  l'iconographie  de  la  Sibylle 
Tiburtine  qui  a  échappé  à  M.  X.  Barbier  de  Montaultet  qui 
est,  comme  art,  de  la  plus  grande  valeur  :  c'est  la  peinture 
de  l'un  des  volets  du  triptyque  de  la  Xativilé  du  Christ  de 
Vander  Weyden  que  possède  le  musée  de  Berlin.  Diverses 
interprétations  inexactes,  et  dont  l'une  est  fort  étrange,  ont 
été  données  de  cette  composition  avant  que  la  vraie  signi- 
fication en  fût  indiquée.  Décrivant  une  copie  de  l'œuvre  de 
Vander  Weyden  qui  se  trouve  dans  l'église  de  Middelbourg, 
M.  J.-J.  De  Smet  s'exprime  ainsi  (Messager  des  sciences  el 
des  arls  de  Gand,  1856,  p.  348)  :  «  Un  second  sujet  est  peint 
sur  une  partie  du  môme  tableau  qui  est  à  la  gauche  du 
spectateur;  il  est  des  personnes  qui  pensent  qu'elle  repré- 


—   131   — 

sente  la  famille  do  Bladelin  (le  donateur).  Cette  conjecture 
nous  paraît  peu  admissible;  cependatit  nous  devons  avouer 
que  nous  n'en  connaissons  pas  de  plus  vraisemblable.   » 

Suivant  MM.  Crowe  et  Cavalcasellc  (Les  anciens  peinlres 
flamands)  :  «  sur  l'un  des  volets  sainte  Marie  et  l'enfanl  Jésus 
apparaissent  à  un  empereur,  ce  qui  signifie  l'accomplisse- 
ment de  la  prophétie  de  la  Sibylle.  Malheureusement  l'Empe- 
reur est  vêtu  comme  le  duc  de  Bourgogne  » .  Ce  mallieu- 
remement  nous  étonne  de  la  part  d'auteurs  qui  ont  fait  une 
étude  particulière  des  maîtres  primitifs  et  qui  devaient,  par 
conséquent,  savoir  que  les  anachronismes  de  costume  étaient 
absolument  dans  leurs  habitudes.  Waagen  a,  le  premier, 
pénétré  dans  leur  ensemble  les  idées  mystiques  développées 
par  Vander  Weyden  dans  son  œuvre,  lorsqu'il  a  dit  :  «  Le 
volet  droit  représente  la  révélation  et  l'avèneinent  du  Christ 
à  l'Occident,  personnifié  dans  la  Sibylle  de  Tibur  qui,  à 
genoux  et  l'encensoir  à  la  main,  montre  à  l'empereur 
Auguste  Marie  apparaissant  dans  les  airs  avec  l'enfant  Jésus 
dans  son  giron.  Le  volet  gauche  montre  l'annonciation  du 
Christ  à  l'Orient,  figuré  par  les  trois  mages  adorant  l'étoile 
au  milieu  de  laquelle  apparaît  le  Christ  enfant.  »  En  effet,  la 
naissance  du  Christ,  ainsi  que  l'annonce  de  ce  grand  événe- 
ment à  l'Orient  et  à  l'Occident,  tel  est  le  sens  de  la  triple 
conception  du  maître. 

Ayant  à  décrire  une  composition  dont  le  sujet  était  sem- 
blable à  celui  qui  nous  occupe,  M.  Nieuwenhuys  s'est 
complètement  mépris.  Il  s'agissait  d'un  tableau  attribué  à 
Quentin  Metsys  et  qui  faisait  partie  de  la  collection  du  roi 
de  Hollande  Guillaume  IL  Le  sujet  du  tableau  était  le  cou- 
ronnement de  la  Vierge,  œ  A  gaucho  (est-il  dit  dans  la  des- 


—   132  — 

criplion)  est  agenouillé  Salomon;  il  a  la  tète  découverte;  il 
tient  d'une  main  une  toque  surmontée  de  la  couronne  royale 
et  de  l'autre  il  porte  le  sceptre;  tandis  qu'une  jeune  per- 
sonne de  distinction  lui  fait  observer  au  ciel  une  gloire  dans 
laquelle  apparaît  la  Vierge  tenant  l'enfant  Jésus,  entourée  de 
quatre  anges  dont  un  joue  du  violon  et  un  autre  de  la  gui- 
tare. »  Pour  l'auteur  de  cette  description,  l'empereur  Auguste 
était  Salomon,  et  la  Sibylle  Tiburtine  devenait  une  jeune 
personne  de  distinction. 

Le  sujet  d'Auguste  et  la  Sibylle  a  été  traité  par  Jean 
Mostaert  dans  l'un  des  volets  d'un  triptyque  que  possède 
l'église  Saint-Jacques,  à  Bruges.  La  Sibylle  montre  à  l'em- 
pereur Auguste  la  Vierge  dans  les  cieux  et  l'oblige  à  se 
prosterner.  Parmi  les  témoins  de  la  scène,  on  remarque  un 
personnage  qui  se  voile  les  yeux  de  la  main,  comme  étant 
ébloui  par  l'éclat  de  l'apparition  céleste.  Au  fond,  au  sommet 
d'une  montagne,  un  temple  où  l'on  voit  la  Sibylle  et  l'empereur 
agenouillés  devant  un  autel.  Cette  double  action,  où  les  mêmes 
personnages  apparaissent  deux  fois,  par  une  de  ces  licences 
familières  aux  anciens  maîtres,  donne  une  interprétation 
complète  du  texte  :  «  Tune  Sibylla  ha^c  impcralori  ostcndit 
qui,  tam  insolitam  visionem  admirans,  audivlt  vocem  dicen- 
tem  sibi  :  llacc  est  ara  cœli.  Hic  puer  major  le  est  et  ideo 
ipsum  adora.  Statim  hanc  aram  construxit  ac  Ghristo  ma- 
trique  ejus  thura  obtulit.  » 

Il  y  avait  des  détails  par  lesquels  les  peintres  primitifs 
savaient,  en  les  tirant  de  leur  imagination  ou  de  la  nature, 
renouveler  l'intérêt  des  sujets  dont  les  dispositions  générales 
étaient  prescrites  par  la  tradition.  C'est  ainsi  que  l'auteur 
d'une  verrière  de  l'église  de  Saint-Alpin,   à   Chàlons-sur- 


—  135  — 

Marne,  s'inspiranl  de  la  donnée  tant  de  fois  trailce,  a  élabli 
sa  composition  de  la  manière  que  voici  :  «  Auguste  allait 
offrir  un  sacrifice  à  Jupiter,  dont  le  temple  était  ouvert  ; 
le  maître  de  l'Olympe,  ayant  l'aigle  à  ses  côtés,  s'ap- 
prêtait à  lancer  la  foudre,  quand  la  Sibylle  Tiburtine  arrê- 
tait l'empereur  et  lui  montrait  la  Vierge  apparaissant  dans 
le  ciel  avec  l'enfant  Jésus  ;  et  le  sceptre  s'échappait  des  mains 
d'Auguste,  et  il  tombait  à  genoux  comme  dominé  par 
une  force  supérieure  à  sa  volonté.  »  C'est  ainsi  également 
que  le  peintre  du  portrait  dont  il  est  ici  question  a  introduit 
dans  sa  composition  quantité  d'épisodes  de  son  invention, 
mais  si  conformes  à  la  nature,  si  vraisemblables,  qu'on  se 
dit  involontairement  :  «  C'est  ainsi  que  les  choses  ont  dû  se 
passer.  »  On  est  frappé  de  la  vérité  des  expressions  et  des 
attitudes  des  personnages  qui,  aux  différents  plans,  contem- 
plent l'apparition  et  manifestent  avec  spontanéité,  avec  élan,' 
leur  surprise,  leur  admiration.  Rien  d'apprêté,  rien  de  froid, 
rien  de  conventionnel;  un  incident  de  la  vie  réelle  ne  don- 
nerait pas  Heu  à  des  mouvements  plus  libres  et  plus  vifs.  Toutes 
ces  petites  figures  sont  charmantes  de  grâce  aisée  et  d'élé- 
gance, en  même  temps  que  de  nature.  Une  des  choses  qu'on 
remarque  le  plus  dans  cette  œuvre  distinguée  à  tant  de 
titres,  c'est  la  gloire  d'anges  qui  entoure  la  Vierge  ;  les  en- 
tants ailés  qui  voltigent  dans  l'espace  autour  des  personnages 
divins  sont  véritablement  portés  par  l'air;  dans  des  pro- 
portions minuscules,  ils  ne  sont  inférieurs  aux  anges  de 
Rubens  ni  pour  la  variété  des  poses,  ni  pour  la  légèreté,  ni 
pour  la  souplesse.  Du  reste,  toutes  les  parties  de  l'exécution 
attestent  un  talent  de  premier  ordre.  Dans  le  portrait,  la 
tête  du  personnage  est  dessinée  et  modelée  à  merveille  ; 


—  154  — 

ce  n'était  pas  la  faute  du  peintre  si  elle  n'était  ni  sympa- 
thique, ni  spirituelle;  les  ajustements  sont  traités  avec  une 
habileté  qui  a  su,  tout  en  ne  négligeant  aucun  détail,  éviter 
la  sécheresse.  Nos  peintres  d'étofTes  et  d'accessoires  les  plus 
vantés  auraient  là  des  leçons  à  prendre.  Dans  le  tableau,  car 
nous  avons  dit  que  l'œuvre  est  double  dans  son  unité,  outre 
le  mérite  de  la  vérité  des  mouvements  et  des  expressions  des 
figures  sur  lequel  nous  venons  d'insister,  il  y  a  celui  de  la 
virtuosité  du  pinceau  qui  s'est  hautement  signalée  à  tous  les 
plans  et  dans  toutes  les  parties.  Le  paysage  est  admirable; 
rien  de  plus  parfait,  en  ce  genre,  dans  les  productions  des 
plus  renommés  de  nos  maîtres  primitifs,  héritiers  et  con- 
tinuateurs des  excellents  miniaturistes  de  la  cour  de  Bour- 
gogne. 

S'il  ne  nous  est  pas  possible  de  désigner  l'auteur  du  por- 
trait, pas  plus  que  le  nom  du  personnage,  malheureusement, 
nous  pouvons  affirmer  que  la  peinture  est  d'un  maître  dont 
le  musée  possédait  déjà  deux  tableaux,  deux  portraits,  vrai- 
semblablement des  volets  détachés  d'un  triptyque.  Nous 
voulons  parler  des  portraits  inscrits  au  catalogue  sous  les 
n"  107  et  108  :  un  portrait  d'homme  et  un  portrait  de 
femme,  tous  deux  agenouillés  devant  des  prie-dieu  et  ac- 
compagnés de  leur  patron  debout  derrière  eux  :  saint  Pierre 
pour  l'homme  et  saint  Paul  pour  la  femme.  Dans  le  fond  du 
poriraitde  femme  est  représenté  l'épisode  de  la  conversion 
de  saint  Paul.  Quant  au.  sujet  de  l'action  qui  se  passe  au 
fond  du  portrait  d'homme,  elle  n'avait  pas  été  reconnue, 
à  cause  de  deux  circonstances.  On  voulait  trouver  dans  le 
panneau  où  figure  saint  Pierre  un  épisode  tiré  de  la  légende 
du  prince  des  apôtres,  pour  faire  pendant  à  la  conversion  de 


—  1Ô5  — 

saint  Paul  de  l'autre  panneau,  et  les  recherches  poursuivies 
dans  cette  voie  n'avaient  pas  abouti  naturellement.  Le  sujet 
est  le  même  que  celui  qui  anime  le  fond  du  portrait  nouvel- 
lement acquis  par  le  Musée  ;  c'est  la  Sibylle  Tiburtine  mon- 
trant à  Auguste  l'apparition  de  la  Vierge.  L'empereur  est 
vêtu  comme  dans  l'autre  composition  et  dans  une  attitude 
semblable;  la  Sibylle,  même  type,  mêmes  ajustements,  est 
pareille  également  pour  le  mouvement;  là  se  trouve  aussi, 
entre  d'autres  témoins  de  la  scène,  le  héraut  aux  armes 
impériales  sur  la  poitrine.  Ce  qui  a  empêché  de  reconnaître 
le  sujet,  c'est  l'absence  de  l'épisode  principal,  c'est-à-dire  de 
l'apparition  de  la  Vierge,  absence  due  à  une  mutilation 
qu'on  a  fait  évidemment  subir  au  panneau,  ainsi  qu'à  son 
pendant.  Ces  deux  panneaux,  qui  avaient  originairement  la 
forme  contournée  de  volets  d'un  triptyque  cintré,  ont  été 
indubitablement  sciés  par  le  haut.  Dans  la  partie  supprimée 
du  portrait  d'homme,  on  voyait  l'apparition  de  la  Vierge,  de 
même  qu'au  sommet  du  panneau  du  portrait  de  femme. 
Dieu  apparaissait  dans  les  nuages,  faisant  entendre  la  voix 
qui  effraya  saint  Paul  et  fut  cause  de  sa  chute.  On  aura  re- 
tranché la  partie  supérieure  et  contournée  des  volets  pour 
leur  donner  une  forme  plus  régulière,  sans  penser  que  cette 
suppression  rendait  les  deux  actions  du  fond  inintelligibles 
par  l'omission  de  l'épisode  principal  de  chacune  d'elles, 
omission  que  n'aurait  jamais  commise  un  maître  primitif. 
D'ailleurs  les  deux  panneaux  ont  une  forme  carrée  qui 
n'était  pas  celle  des  volets  de  triptyques- 

Il  reste  à  démontrer  que  le  volet  n"  107  et  le  portrait 
nouvellement  acquis  sont  des  œuvres  du  même  maître;  c'est 
chose  facile,  et  nous  sommes  ccriain  que  le  rapprochement 


—   136  — 

des  deux  peintures  ne  laissera  de  doute,  à  cet  égard,  dans 
l'esprit  de  personne.  Nous  venons  de  signaler  comme  ca- 
ractéristiques l'identité  des  personnages  qui  prennent  part 
à  l'action  mystique  commune  aux  deux  tableaux.  Il  y  a 
bien  d'autres  identités  à  constater  :  le  ton  gris  clair  de  la 
terrasse  sur  laquelle  se  passe  l'action  ;  un  chien  lévrier,  le 
même,  et  dans  la  même  attitude  des  deux  côtés  ;  un  paon 
sur  le  mur  à  gauche,  la  pièce  d'eau  avec  les  cygnes,  la 
nature  du  site  et  la  facture  du  paysage.  Il  y  a  encore  un 
témoignage,  irrécusable  celui-ci,  de  la  communauté  d'ori- 
gine des  deux  peintures  :  le  personnage  du  nouveau  por- 
trait a  les  mains  appuyées,  nous  l'avons  déjà  dit,  sur  un 
coussin  richement  brodé;  aux  deux  coins  supérieurs  de  ce 
coussin  sont  marqués,  comme  on  l'a  vu  plus  haut  dans  la 
description,  les  lettres  A  et  G  en  caractères  gothiques.  Dans  le 
portrait  n°  107,  les  mains  du  personnage  agenouillé  sont  éga- 
lement appuyées  sur  un  coussin  tout  à  fait  semblable  ;  un  seul 
coin  du  coussin  qui  est  visible,  l'autre  étant  retourné,  et 
sur  ce  coin  se  trouve  le  même  A  gothique.  Après  les  autres 
preuves  que  nous  venons  d'indiquer,  celle-ci  est  concluante. 
Quelle  est  la  signification  de  ces  deux  lettres  A  et  G?  Est-ce 
la  marque  de  l'artiste?  Sont-ce  les  initiales  des  noms  du 
personnage?  Gette  dernière  supposition  doit  être  écartée 
par  la  raison  que  l'A  se  retrouve  également  dans  l'autre 
portrait,  et  que  c'eût  été  une  rencontre  fort  bizarre  si  deux 
personnes  dont  le  peintre  eût  à  reproduire  les  traits 
avaient  eu  les  mêmes  initiales.  Ge  n'est  pas  non  plus, 
très  vraisemblablement,  la  marque  de  l'artiste.  Les  maîtres 
primitifs  de  l'école  llamande  ne  signaient  guère  leurs  œuvres, 
on  le  sait.  Pour  quelques  tableaux  de  cette  époque  qui  por- 


—  137  — 

taient  une  marque  d'origine,  combien  de  productions  ano- 
nymes parmi  celles  de  tout  premier  ordre!  Où  sont  les 
œuvres  signées  de  Vander  Weyden,  de  Bouts  (Stuerbout),  de 
Gérard  David,  de  Vander  Goes,  de  Memling?  D'ailleurs  ce 
n'est  pas  aux  deux  coins  opposés  d'un  coussin  que  le  peintre 
eût  (racé  ses  initiales.  Et  si  c'eût  été  sa  marque,  il  l'eût  mise 
en  entier  sur  l'autre  coussin  et  ne  se  fût  pas  borné  à  y 
inscrire  un  A.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  vraisemblable,  peut-être, 
c'est  que  l'artiste  s'étant  servi  deux  fois,  comme  accessoire, 
du  même  coussin  brodé  et  décoré  des  initiales  du  possesseur 
quelconque,  l'aura  reproduit,  dans  les  deux  circonstances, 
avec  la  conscience  que  les  peintres  du  temps  apportaient  à 
tous  leurs  travaux. 

La  question  des  armoiries  du  nouveau  portrait  nous  a 
beaucoup  occupé.  Il  semble,  au  premier  abord,  que  ce 
soit  un  moyen  presque  certain  d'arriver  à  la  connaissance 
du  personnage.  Malheureusement,  ces  armoiries,  qui  sont, 
nous  le  répétons,  de  gueules  au  lion  d'or,  armé  et  lam- 
passé  d'azur,  ont  appartenu  à  plusieurs  familles  :  Berghes 
Saint-Winoch,  Brederode,  Langerack,  Du  Chàtel,  et  l'on 
a  cherché  vainement  quel  personnage  de  l'une  ou  de  l'autre 
de  ces  familles  pouvait  avoir  été  l'original  de  notre  portrait. 
Une  particularité  curieuse  à  rapprocher  des  nombreuses  ana- 
logies offertes  par  les  deux  peintures  que  nous  venons 
d'analyser,  c'est  la  sculpture  de  l'un  des  côtés  du  prie-dieu 
sur  lequel  est  agenouillé  le  personnage  du  portrait  n"  107, 
et  qui  a  pour  motif  un  lion  héraldique.  Etait-ce  le  rappel  d'un 
blason  ou  un  simple  ornement  de  fantaisie?  Ces  deux  per- 
sonnages étaient-ils  de  la  même  famille,  ou  bien  toutes  les 
particularités  qui  leur  sont  communes  dans  les  deux  pein- 


—  138  — 

lures,  sont-elles  de  pures  inventions  de  l'artiste?  Voilà  des 
problèmes  dont  il  ne  nous  est  pas  donné  de  trouver  la  solu- 
tion. 

Encore  une  question  :  le  nouveau  portrait  était-il,  comme 
l'ancien,  un  volet  de  triptyque?  On  serait  tenté  de  le  sup- 
poser, car  ce  n'était  pas  l'usage  des  maîtres  primitifs,  qui 
faisaient  un  portrait  séparé,  offrant  l'effigie  d'un  personnage 
pris  dans  la  vie  civile,  de  représenter  celui-ci  dans  l'attitude 
de  la  prière,  un  chapelet  entre  les  mains,  ni  surtout  de 
grouper  autour  de  ce  personnage  les  éléments  d'une  com- 
position religieuse.  11  est  tout  à  fait  probable  que  nous  avons 
ici  l'un  des  volets  d'un  triptyque  offrant  l'effigie  du  dona- 
teur, tandis  que  sur  l'autre  volet  figurait  la  donatrice. 

Une  peinture  de  Pierre  Franchoys  vient  remplir  une  des 
lacunes  de  notre  galerie  nationale,  qui  doit  s'attacher  non 
seulement  à  offrir  les  productions  capitales  des  grands 
maîtres  à  l'admiration  des  visiteurs,  mais  encore  à  réunir  de 
bons  spécimens  du  talent  des  peintres  de  second  ordre,  de 
manière  à  former  des  annales  de  l'art  flamand  en  quelque 
sorte  vivantes,  et  plus  instructives  que  les  meilleurs  livres 
pour  ceux  qui  veulent  acquérir  une  connaissance  réelle  du 
style  des  maîtres.  Pierre  Franchoys  est  un  des  artistes  qui, 
après  avoir  été  tenus  en  grande  estime  par  leurs  contempo- 
rains, sont  tombés  dans  un  injuste  oubli.  Que  savait-on  de 
lui?  Les  biographies  nous  disent  qu'il  est  né  à  Malines  et 
que  les  années  1606  et  1654  sont  les  dates  extrêmes  de  sa 
carrière;  qu'il  fut  élève  de  son  père  d'abord,  puis  de  Gérard 
Seghers;  qu'il  commença  par  orner  de  petites  figures 
les  paysages  de  plusieurs  spécialistes;  qu'il  fut  renommé 
comme  portraitiste  et  lutta  avec  Gonzalès  Coques  dans  les 


—  139  — 

effigies  de  petite  dimension;  qu'il  fut  dans  les  bonnes  grâces 
de  l'archiduc  Léopold,  alla  passer  quelque  temps  à  Paris,  où 
il  exécuta  de  nombreux  portraits,  puis  revint  dans  sa  ville 
natale.  On  connaît  moins  le  peintre  quand  on  a  lu  tout  cela 
que  lorsqu'on  voit  le  tableau  intitulé  :  Rubis  sur  l'ongle, 
actuellement  au  Musée  de  Bruxelles.  Est-ce  un  portrait, 
est-ce  une  simple  étude  de  fantaisie?  Il  serait  difficile  de 
répondre  à  cette  question.  Le  plus  probable,  c'est  qu'il  y  a 
de  l'un  et  de  l'autre  dans  cette  toile,  où  le  personnage,  ami 
de  l'artiste  sans  doute,  tout  en  étant  pris  dans  la  vie  réelle, 
pose  comme  s'il  devait  figurer  dans  un  tableau  de  genre.  Il 
s'agit  d'un  buveur,  mais  d'un  buveur  qui  n'a  rien  de  com- 
mun avec  ceux  de  Brouwer,  de  Van  Ostade  et  de  Teniers  ; 
c'est  un  beau  jeune  homme  à  la  figure  ouverte,  intelligente, 
représenté  en  buste,  de  grandeur  naturelle,  qui  vient  de  vider 
un  verre  de  vin  dont  il  verse  la  dernière  goutte  sur  le  revers 
du  pouce  de  sa  main  gauche,  ce  qui  a  fait  donner  au  tableau 
le  titre  de  Rubis  sur  l'ongle.  Distinction  et  vérité  du  type, 
dessin  excellent,  coloris  gras  et  chaud,  facture  magistrale, 
voilà  les  qualités  qu'on  remarque  dans  cette  œuvre  distinguée. 
Pierre  Franchoys  fut  du  très  petit  nombre  de  peintres  de  son 
temps  qui  ne  subirent  pas  l'influence  de  Rubens  et  surent 
rester  originaux.  Il  fut,  il  est  vrai,  l'élève  de  Gérard  Seghers 
qui,  lui  aussi,  avait  conservé  une  sorte  d'indépendance,  alors 
que  le  style  de  l'illustre  chef  de  l'école  flamande  s'imposait 
à  tous  ses  contemporains.  Rubis  sur  l'ongle  a  fait  partie  de 
l'exposition  rétrospective  organisée  en  1882  par  la  Société 
Néerlandaise  de  bienfaisance  et  il  y  fut  très  remarqué.  Il 
appartenait  à  M.  le  comte  Alb.  de  Beaufîort,  qui  vient  de 
le  céder  au  Musée.  Ce  tableau  est  signé  et  daté  Petrus  Fran- 


—  140  — 

choys  1039.  C'est  donc  une  œuvre  de  la  jeunesse  de  l'arlisle, 
(jui  l'exécuta  à  l'âge  de  35  ans  :  on  le  devinerait,  d'ailleurs, 
sans  la  date  qu'elle  porte,  à  la  joyeuse  humeur  du  person- 
nage et  à  la  franchise  de  la  peinture,  qui  est  habile  assuré- 
ment, mais  qui,  avant  tout,  est  jeune.  On  voit,  de  Pierre 
Franchoys,  au  musée  de  Lille  un  portrait  de  GisbertMutzarts, 
prieur  de  l'abbaye  de  Tongerloo,  signé  Peeler  Franchoys, 
\  G4S,  c'est-à-dire  de  six  ans  antérieur  au  tableau  de  Bruxelles  ; 
dans  la  galerie  de  Dresde,  le  portrait  d'un  guerrier  tenant  un 
pistolet  et  signé  également,  mais  non  daté  ;  dans  le  petit  musée 
de  la  ville  de  Malines,  un  portrait  du  sculpteur  Luc  Fayd'herbe, 
signalé  par  M.  Em.  Neefs,  dans  son  Histoire  de  la  peinture 
et  de  la  sculpture  à  Malines,  comme  ayant  été  attribué  par 
erreur  à  Luc  Franchoys  le  jeune;  enfin,  à  l'abbaye  de  Ton- 
gerloo, le  portrait  d'une  prieure  du  Jardin  reclus  de  Notre- 
Dame  d'Hérentals  qui,  au  dire  de  M.  Neefs,  suffirait  pour 
faire  la  réputation  d'un  peintre.  Que  sont  devenues  les  autres 
productions  de  Pierre  Franchoys  qui  existaient  jadis  en 
grand  nombre  dans  les  églises  et  dans  les  couvents  de 
Malines?  Quant  à  ses  petits  portraits,  semblables  à  ceux  de 
Gonzalès  Coques  suivant  les  biographes,  il  est  aisé  de  deviner 
quel  fut  leur  sort.  On  les  a  débaptisés  pour  les  attribuer  à 
son  émule  plus  célèbre. 

Le  Musée  de  Bruxelles  n'avait  rien  d'Hoeckgeest,  un  des 
maîtres  hollandais  qui  ont  excellé  dans  la  représentation  des 
intérieurs  d'église;  il  vient  d'acquérir  une  petite  page  remar- 
quable de  ce  peintre,  qui  est  du  groupe  des  Van  Sleenwyck. 
des  Van  Vliet,  des  De  Witte,  supérieur  à  ceux-là  et,  dans  ses 
meilleurs  œuvres,  l'égal  de  celui-ci.  Comme  toujours  Gérard 
Iloeckgeest  a   reproduit  ici  une  vue  de  l'église  neuve  de 


—  111  — 

Deift.  C'était  là  l'aniquo  sujet  de  ses  études,  l'unique  objet 
de  son  exploitation  picturale.  Il  déplaçait  son  point  de  vue, 
montrait  tantôt  la  nef  principale,  tantôt  un  des  bas-côtés  de 
l'édifice;  mais  c'était  toujours  l'église  neuve  de  Delft.  Tout 
en  rendant  hommage  au  talent  déployé  par  l'artiste,  on 
s'étonne  de  la  patience  qu'il  a  eue  de  se  répéter  ainsi.  Quoi 
qu'il  en  soit,  l'architecture  de  l'intérieur  d'église  dont  nous 
parlons  est  supérieurement  dessinée;  ameublement,  boise- 
ries, lustres,  blasons  funéraires  accrochés  aux  piliers  du 
temple,  tout  est  de  main  de  maître;  la  lumière  est  abondam- 
ment répandue  dans  toutes  les  parties  de  l'édifice.  Il  y  a,  aux 
différents  plans,  trois  groupes  de  figures  qui  sont  peut-être 
la  partie  la  plus  excellente  de  l'œuvre.  Le  monogramme  du 
peintre,  formé  d'un  G  et  d'un  H,  avec  la  date  de  1654,  se 
trouve  sur  une  boiserie  à  gauche.  En  examinant  deux 
tableaux  d'Hoeckgeest,  qui  sont  au  musée  de  La  Haye,  Biirger 
avait  pris  le  G  pour  un  D.  Kramm,  ayant  vu  un  G  dans  cette 
même  initiale,  veut  que  le  prénom  du  peintre  ait  été  Corneille 
et  c'est  celui  qu'ont  adopté  les  rédacteurs  du  catalogue  du 
musée  d'Anvers,  qui  possède  un  intérieur  de  l'église  de  Delft 
par  Hoeckgeest.  Cependant  il  fut  inscrit  sous  le  nom  de 
Geeraerd  van  Hoeckgeest  dans  la  gilde  de  saint  Luc  à  Delft 
en  1639  et  les  rédacteurs  du  catalogue  du  musée  de  La  Haye 
font  remarquer,  en  outre,  qu'il  existe  dans  la  galerie  d'Alden- 
bourg  un  tableau  très  visiblement  signé  G.  Hoeckgeest.  Une 
étrange  particularité  est  rapportée  à  propos  de  l'un  des  deux 
intérieurs  de  l'église  de  Delft  du  musée  de  La  Haye.  Landon, 
qui  en  a  publié  une  reproduction  gravée  dans  ses  Annales 
du  Musée,  l'attribue  à  Emmanuel  De  Witte,  en  disant  ceci 
dans  la  notice  :  «  Ce  tableau  était  attribué  à  un  peintre 


—  142  — 

nommé  Hookgeet,  peu  ou  point  connu,  et  portait  la  signa- 
ture G.  H.   A"  1G21.   Néanmoins  les  administrateurs  du 
musée  Napoléon  n'ont  point  hésité  à  le  reconnaître  pour  être 
de  la  main  d'Emmanuel  De  Witte.  »  Les  rédacteurs  du 
catalogue  du  musée  de  La  Haye  font  suivre  cette  note  d'un 
point  d'exclamation  justifié  par  la  singularité  de  la  façon 
d'agir  des  experts  parisiens,  qui,  sans  tenir  compte  de  la 
signature  d'un  tableau  et  de  la  tradition  de  son  origine,  l'attri- 
buaient arbitrairement  à  un  peintre  connu,  mettant  de  côté 
celui  dont  le  nom  n'était  point  parvenu  jusqu'à  eux;  mais 
on  est  surpris  que  certaines  différences  entre  les  signatures 
et  les  dates  n'aient  pas  attiré  leur  attention,  ou  du  moins 
qu'ils  n'en  aient  point  parlé.  Le  tableau  décrit  par  Landon 
était  signé,  paraît-il,  G.  H.  (en  lettres  séparées)  A"  1621. 
Celui  de  La  Haye  porte  le  monogramme  du  G  et  de  l'H 
réunis  et  la  date  de  16S0.  D'une  autre  part,  la  date  de  1621 
est  étrange,  puisqu'on  sait  que  Gérard  Hoeckgeest  ou  Van 
Hoekgeest  fut  inscrit  seulement  en   1659  dans  la  gilde  des 
peintres  de  Delft.  Si  ces  particularités  ne  peuvent  pas  être 
expliquées  dans  l'ignorance  où  l'on  est  des  incidents  de  la 
carrière    de    l'artiste,   elles    méritaient    du    moins    d'être 
signalées.  II  y  a  au  musée  d'Anvers  deux  intérieurs  d'église, 
provenant  de  la  collection  Van  den  Hecke  Baut  de  Rasmon, 
attribués  à  Hoeckgeest  et  qui  ne  sont  pas  signés,  bien  que 
l'artiste  eût  pour  habitude  d'apposer  sur  ses  œuvres  sa  marque 
et  une  date. 

Une  lacune  des  collections  du  Musée  de  Bruxelles  vient 
également  d'être  comblée  par  une  œuvre  absolument  capi- 
tale des  frères  Berckheyde,  Gerrit  et  Job;  celui-là  pour 
l'architecture,  celui-ci  pour  les  figures  :  une  rue  de  Harlem 


—  i43  — 

aux  maisons  de  briques  à  pignons,  auxquelles  pendent  des 
enseignes  en  fer  mouvantes  et  grinçantes  au  moindre  vent, 
ainsi  qu'une  autre  très  caractéristique  formée  d'un  bras  hu- 
main qui  sort  de  la  muraille,  tenant  une  grappe  d'or  sur- 
montée d'une  couronne.  Sur  le  seuil  des  maisons,  des 
messieurs  en  conversation  ;  d'autres,  traversant  la  chaussée 
avec  la  gravité  hollandaise,  coiffés  de.  l'ample  perruque  du 
xvii*  siècle  et  la  canne  à  la  main;  au  fond,  de  nombreux 
groupes.  A  gauche,  sur  toute  la  hauteur  du  tableau,  se 
dresse  l'angle  d'un  mur  en  briques,  avec  un  balcon  en 
saillie,  très  hardi  et  très  pittoresque  d'effet.  Au  fond,  la 
vieille  église  surmontée  d'une  flèche  élancée.  Deux  grandes 
parties,  l'une  de  lumière  et  l'autre  d'ombre,  divisent  le 
tableau.  La  figure  principale,  une  dame  vue  de  dos,  au  pre- 
mier plan,  et  marchant  vers  le  fond,  est  précisément  au 
point  de  contact  des  deux  masses;  éclairée  par  des  rayons 
lumineux  d'un  éclat  singulier,  elle  s'enlève  vivement  sur 
le  fond  de  l'ombre  où  elle  va  pénétrer.  La  partie  ensoleillée 
de  la  rue  est  vraiment  étincelante.  La  partie  ombreuse  est 
d'une  transparence  remarquable.  Voilà  le  vrai  plein  air, 
celui  qui  place  l'ombre  à  côté  de  la  lumière,  comme  dans 
la  nature,  et  non  le  plein  air  conventionnel  de  nos  prétendus 
réalistes,  qui  suppriment  jusqu'aux  demi-teintes  pour  placer 
les  objets  sous  un  jour  monotone  et  faux,  qui  non  seulement 
enveloppe  les  objets,  mais  les  pénètre  et  supprime  d'un 
même  coup  saillies  et  profondeurs.  Nous  ne  croyons  pas 
qu'il  existe  une  œuvre  plus  parfaite  de  Gerrit  et  de  Job 
Berckheyde  ;  l'architecture  est  traitée  avec  précision  en 
même  temps  que  grassement  peinte,  et  les  figures  sont  tou- 
chées très  spirituellement. 


—  144  — 

Le  musée  a  maintenant  au  complet  Aart  Van  der  Neer, 
représenté  par  des  spécimens  de  ses  trois  sujets  favoris  : 
clair  de  lune,  hiver,  incendie.  C'est  ce  dernier  genre  qui 
lui  manquait.  Les  incendies  ont  joué  un  grand  rôle  dans  la 
carrière  de  Van  der  Neer,  comme  dans  celles  de  son  com- 
patriote Egbert  Van  der  Poel  et  de  notre  flamand  Van  Heil. 
Il  était  naturel  que  les  incendies  occupassent  les  peintres 
à  une  époque  où  ils  avaient  de  fréquentes  occasions  d'étudier 
de  tels  sujets  d'après  nature.  Le  feu  prenait  souvent  jadis 
aux  maisons  dans  la  construction  desquelles  le  bois  entrait 
pour  une  large  part,  et  les  moyens  d'éteindre  les  incendies 
étaient  fort  peu  perfectionnés,  ce  qui  faisait  qu'il  n'était  pas 
rare  de  voir  des  quartiers  entiers  s'embraser.  Aart  Van  der 
Neer  peignait  donc  les  incendies  et  il  y  excellait.  Le  tableau 
qui  le  montre  actuellement,  au  Musée,  dans  sa  troisième 
spécialité  est  tout  petit  de  dimension,  mais  fort  grand  de 
qualité.  Au  premier  plan,  des  terrains  marécageux  où  pais- 
sent des  vaches;  plus  loin,  un  canal  avec  des  barques;  au 
fond,  un  vaste  incendie  projetant  de  vives  lueurs  qui  lut- 
tent contre  celles  du  soleil  couchant.  Ce  double  effet  est 
beaucoup  moins  usité  et  beaucoup  moins  facile  à  rendre  que 
celui  des  gerbes  de  feu  jaillissant  dans  la  nuit  noire.  Il  est 
ici  merveilleusement  exprimé. 

Jacques  Ruysdael  était  représenté  au  Musée  par  trois 
œuvres,  savoir  :  IMe  grand  paysage,  avec  figures  d'Adrien 
Vande  Velde,  acquis  en  1850  à  la  vente  du  roi  de  Hollande, 
Guillaume  II;  ''2"  le  paysage  à  la  tour  en  ruine,  œuvre  de 
la  jeunesse  du  peintre,  intéressante  à  ce  titre,  mais  d'une 
importance  secondaire;  5"  le  Lac  de  Harlem,  très  bon 
spécimen  de  son  talent  de  marinislc.  Une  quatrième  page 


—  1/1-5  — 

du  maiire  vient  d'èlrc  acquise.  Inférieure  aux  Irois  aiilres 
pour  la  dimension,  elle  leur  est  supérieure  pour  la  qualilé 
de  la  peinture.  C'est  un  joyau  des  plus  précieux  :  un  char- 
mant coin  de  nature,  un  nid  de  verdure  d'une  fraiclieur 
extrême.  Une  cabane  en  planches  dans  un  bouquet  d'ar- 
bres, un  bout  de  prairie  plantureuse  et  au  fond,  près  d'une 
haie  vive,  un  villageois  et  une  campagnarde  en  conversa- 
tion,'^voilà  toute  la  composition.  Nous  ne  connaissons  du 
maître  aucune  peinture  plus  grasse,  plus  exquise.  Au  pre- 
mier aspect,  on  pourrait  douter  si  l'œuvre  qu'on  a  sous  les 
yeux  est  de  Ruysdaelou  d'Hobbéma,  tant  elle  offre  d'ana- 
logie, en  plusieurs  parties,  avec  la  manière  caractéristique 
de  ce  dernier.  On  sait  que  les  deux  ma-îtres  se  ressemblent 
parfois  à  ce  point  qu'à  l'époque  où  Hobbéma  était  beaucoup 
moins  connu  que  Ruysdael,  bon  nombre  de  ses  œuvres  ont 
pu  être  attribuées  à  celui-ci,  tandis  que  depuis  que  la  faveur 
des  amateurs  s'est  plus  particulièrement  attachée  à  Hob- 
béma, des  tableaux  de  Ruysdael  ont  été  débaptisés  à  son 
profit.  En  ce  qui  concerne  le  petit  paysage  que  vient  d'ac- 
quérir le  musée,  toute  incertitude  cesse  lorsqu'on  découvre, 
au  bas  de  la  droite,  le  monogramme  bien  connu  de  Ruys- 
dael tracé  dans  la  pâte. 

Tous  les  amateurs,  tous  les  artistes  et  particulièrement  les 
animaliers  s'arrêtent  devant  une  toile  de  Snyders,  réunissant 
une  belle  et  intéressante  collection  de  tètes  de  cerfs  et 
de  biches  admirablement  étudiées  sur  le  vif,  et  peintes 
avec  une  maestria  étonnante.  Comme  interprétation  de  la 
nature  et  comme  force  d'exécution,  c'est  un  vrai  chef- 
d'œuvre. 

Le  Musée  a  reçu  un  legs  important.  Il  n'est  pas  habilué  à 


—  146  — 

de  telles  bonnes  fortunes.  Dans  les  pays  étrangers,  en  Angle- 
terre et  en  France  notamment,  on  donne  beaucoup  aux  éta- 
blissements publics;  la  National  Gallery,  le  Louvre  et  le 
musée  Gluny  en  savent  quelque  chose.  Chez  nous,  on  ne  fait 
guère  de  libéralités  de  ce  genre.  Il  serait  difficile  de  dire 
pourquoi.  Ce  n'est  pas  l'usage;  il  y  a  là  une  nouvelle  habi- 
tude à  prendre  :  voilà  la  seule  explication  qu'on  puisse 
donner  de  l'absence  de  ces  legs  généreux  au  profit  du 
public.  On  donne  bien  aux  institutions  de  bienfaisance, 
pourquoi  ne  donnerait-on  pas  aux  musées  et  aux  biblio- 
thèques? L'esprit  ne  mérite  pas  moins  que  le  corps  qu'on 
pense  à  lui.  M.  Gisler,  l'ancien  président  de  la  Cour  des 
comptes,  aura  été  de  cet  avis  lorsqu'il  a  dicté  des  dispositions 
testamentaires  en  faveur  du  Musée.  D'après  ses  dernières 
volontés,  le  Musée  est  entré  en  possession  de  la  collection 
de  tableaux  anciens  qu'il  avait  formée.  Cette  collection  se 
composait  principalement  de  portraits  de  l'école  hollandaise 
du  xvii*  siècle.  La  plus  remarquable  de  ces  œuvres,  qui 
toutes  sont,  d'ailleurs,  intéressantes  à  des  degrés  diffé- 
rents, est  un  portrait  de  femme  de  Van  der  Helst  acquis 
par  M.  Gisler,  dans  ces  derniers  temps,  à  la  vente  Nieuwen- 
huys,  où  il  fut  très  disputé.  Le  Musée  a,  depuis  longtemps, 
deux  portraits  de  Van  der  Helst  parfaitement  authentiques, 
dûment  signés  et  datés  (1664),  L'un  passe  pour  être  celui 
de  l'artiste  lui-môme  et  ce  sont  bien,  en  effet,  les  traits  que 
nous  offrent  d'autres  peintures  où  il  s'est  également  repré- 
senté. Quant  au  second  portrait,  qui  est  donné  comme  celui 
de  sa  femme  et  qui  a,  on  doit  en  convenir,  toute  l'apparence 
de  faire  pendant  au  premier,  il  est  difficile  d'y  reconnaître 
la  belle  Constance  Reinst,  plus  tard   M"*  Van  der  Helst, 


—  147  — 

dont  les  charmes  ont  été  célébrés  par  le  poète  Jean  Vos.  Si 
c'est  elle,  le  mariage  l'a  bien  changée.  Dans  tous  les  cas,  les 
deux  portraits  sont,  comme  peinture,  d'une  qualité 
médiocre,  tandis  que  celui  qui  provient  du  legs  Gisler  est 
de  la  plus  belle  manière  du  maître.  Nous  venons  de  dire 
que  c'est  un  portrait  de  femme  :  la  dame,  en  grande  toilette, 
robe  noire  ornée  sur  le  devant  d'une  large  broderie  d'or, 
guimpe  et  manches  blanches,  est  assise  près  d'un  balcon,  sur 
l'appui  duquel  sont  posés  ses  gants  et  son  éventail.  La  tète 
et  les  mains  sont  d'une  grande  finesse  de  ton  et  de  modelé, 
les  ajustements  sont  superbes  de  couleur  et  d'exécution.  Du 
même  legs  proviennent  deux  portraits  en  pied,  mari 
et  femme,  de  Nicolas  Maes,  d'une  grande  tournure,  un  peu 
emphatiques,  un  peu  maniérés  comme  toujours,  mais  traités 
avec  une  remarquable  virtuosité.  C'est  un  singulier  peintre 
que  ce  Maes  :  il  a  eu  deux  manières  si  différentes,  qu'on 
hésite  à  croire  que  les  œuvres  de  la  première  partie  de  sa 
carrière  soient  de  la  même  main  que  celles  de  la  seconde. 
Dans  celles-là  il  conserve  toutes  les  traditions  de  l'atelier  de 
Rembrandt;  dans  celles-ci,  il  cherche  la  pompe,  le  luxe, 
l'éclat  et  tombe  dans  le  maniéré.  Toutefois,  bien  qu'il  ait 
encore  quelque  chose  d'un  peu  théâtral  dans  l'attitude,  le 
portrait  d'homme  de  la  collection  Gisler  a  une  gravité  d'ex- 
pression et  une  fierté  d'allure  qu'il  n'est  pas  dans  l'habitude 
de  l'artiste  de  donner  à  ses  personnages.  Le  portrait  de 
femme  a  de  la  distinction  et  de  la  grâce  sans  affectation  ; 
les  ajustements  sont  d'un  peintre  qui  s'entendait  à  rendre 
toutes  les  élégances  de  la  toilette  féminine  de  son  temps. 
Après  ces  œuvres  capitales,  il  faut  encore  citer  comme  entrés 
au  Musée,  grâce  aux  libéralités  de  M.  Gisler,  de  très  beaux 


—  148  — 

portraits  de  J.  De  Bray,  de  P.  Moreelse  et  de  Lutlichuys. 
Tous  les  collectionneurs  ont  un  goût  dominant,  une  spé- 
cialité comme  on  dit  aujourd'hui;  mais  tous  font  de  temps 
en  temps  une  infidélité  à  leur  genre  favori.  M.  Gisler 
n'était  pas  tellement  voué  au  portrait  qu'il  n'eût  parfois  la 
fantaisie  de  se  donner  des  tableaux  degenre  ou  des  paysages  : 
c'est  ainsi  que  dans  son  legs  généreux  se  trouvent  un  inté- 
rieur de  Jean  Molenaer  et  deux  paysages  de  Bout  et  Boude- 
wyns,  spécimens  agréables  de  deux  peintres  habituellement 
associés  et  dont  le  Musée  n'avait  rien. 

Ed.  Fétis. 


ÉPiGRiiPiiiE  mmm  m  l\  belgiûue 

SUITE    (l) 

LES    DIPTYQUES    CONSULAIRES    DE    LIÈGE 
BIBLIOGRAPHIE 


WiLTHEiM,  Dipft/choii  leodiense  ex  consulari  factum  episicopale  (1659). 

Id.,  Appendix  ad  diptychon  leodiense  (1660). 

Id.,  Adnotationes  ad  diptyclm  leodiemia  (1677). 

(Ces  trois  publications  réunies  dans  l'exemplaire  de  la  Bibl.  de  Liège, 
ia-4°,  IX,  5,  207.) 

SiRMOND,  Opem  varia  (éd.  de  1796),  I,  p.  1393. 

RoswEYDus,  Onomasticum  (Migne,  Patr.  lat.,  LXXIV,  437). 

MiRAEUS,  Fast.  belg.  et  hurgund.  (1622),  p.  463. 

GoEius,  Thésaurus  veterum  diptychorum  (1759),  I,  xvii,  58,  131; 
II,  12,  105. 

Salig,  De  diptycMs  tam  sacris  quamprofanis  (1781),  1  à  14. 

Graevius,  Thésaurus  antiquiiafum  romanaruni  (1697),  V,  1084. 

Perraeius,  Analeda  de  re  vestiaria,  pp  61  à  63,  pi.  d  (1642). 

Reinesius,  Syntagma  inscriptionum  antiquarum  (1682),  1.  xx,  n"  57, 
412,  n»  38. 

DoNATi,  Ad  novuni  thesaurum  veterum  inscriptionum  Muratorii supple- 
mentum  (1765),  195,  199. 

Mapfei,  Muséum  Veronense  (1749),  ex. 

Chifflet,  Anastasis  Childerici  régis,  p.  231. 

Martène  et  Durand,  Voyage  littéraire,  I,  p.  177. 


(()  Voy.  Bull,  des  Comm.  roij.  d'art  et  cVarchéol.,  VI,  90,  97;  VU,  TU,  lOO, 
b43,  îi62;  VllI,  293;  IX,  217,  37i,  078;  X.  33;  XI,  73;  XV,  70;  XVI,  68, 
336;  XVIII,  63,  298,  397;  XX,  58;  XXI,  39;  XXII,  301. 


—  150  — 

Beaudelot  de  Dairval,  De  Vutilité  des  voyages,  1  (l"  édit.),  p.  366; 
(2'  édit.),  p.  428. 

De  MONTFAUCON,  L'antiquité  dévoilée,  111,  p.  89,  pi.  lui.  Suppl.  III, 
220  et  suiv. 

(Saumery),  Délices  du  pays  de  Liège,  1,  253. 

Journal  des  sr.avants,  1700  (XXVllI),  p.  282. 

MiLUN,  Magasin  encyclopédique,  1802,  IV,  444. 

Papebroch,  Acta  SS.  Maii,  1,  p.  lx. 

Art  de  vérifier  les  dates  (après  l'ère  chrétienne),  IV  (1818),  165,  168. 

FouLLON,  Historia  popiili  leodiensis,  I,  ]).  64. 

Labarte,  Histoire  des  arts  industriels  (l"  édit  ),  I,  p.  195, 1)1.  III. 

Lenormant,  etc..  Trésor  de  numismatique  et  de  glyptique,  XVII,  13, 

pi.  XVII. 

Reusens,  Éléments  d'archéologie  chrétienne,  2*=  édit.,  I,  pp.  25,  244; 
II,  418. 

Martigky,  Dictionnaire  des  antiquités  chrétiennes,  2\b. 

Westwood,  Proceedings  {\e  la  Société  d'architecture  d''Oxford,\^Ç)2,  127. 

Id.,  Gentlemen' s  magazine,  II  (1863),  143. 

W.  Maskell,  a  description  ofthe  ivories  ancient  and  mediaeval  in  the 
South  Kensington  muséum  (1872). 

Oldfielc,  Catalogue  of  sélect  exemples  ofivory  carvingsfroïn  the  second 
to  the  sixteenth  century. 

PuLZKY,  Catalogue  of  te  Fejervary  ivories  in  the  muséum  of  Jos. 
Mayer{\mÇ>),Q,l2. 

Catalogue  des  moulages  de  la  société  Arundel,  de  Londres,  classe  II,  F. 

Comte  van  den  Steen  de  Jehay,  La  cathédrale  de  St-Lamber't  et  son 
chapitre  de  tréfonciers,  341. 

Chabouillet,  Revue  des  sociétés  savantes,  VI  (1873),  299. 

Jahrbiicher  des  Vereins  von  A  Iterthumsfreunden  im  liheinlande,Nl\l,  156. 

Bull,  des  comm.  roy.  d'art  et  d'archéol.,  VIII,  70. 

Bull.  inst.  archéol.  liég.,  II,  157. 


La  description  des  diptyques  de  Liège,  célèbres  dans  le 
monde  archéologique,  devait  nécessairement  faire  partie  des 
études  sur  lEpigraphie  romaine  de  la  Belgique. 

Mais  on  a  tant  écrit  sur  ces  diptyques  et  sur  les  diptyques 
en  général,  que  l'auteur  se  proposait  de  faire  des  deux 
doubles  inscriptions  de  ceu.\  d'Asiyrius  et  d'Anastasius 
l'objet  d'une  simple  mention,  avec  renvoi  aux  auteurs  pour 
le  surplus. 


—  \n\  — 

Cependant,  en  rassemblant  ses  noies  préparées  depuis 
longtemps,  l'auteur  s'est  aperçu  qu'il  circule  au  sujet  de  ces 
diptyques  des  notions  complètement  fausses  ;  mieux  que  cela, 
que  des  représentations  fidèles  des  objets  n'ont  pas  été  pré- 
sentées jusqu'ici  au  public;  de  plus,  il  lui  a  été  donné  de 
réunir  des  dessins  exacts,  d'après  des  photographies,  pour 
trois  des  feuillets,  et  pour  le  quatrième,  de  mettre  la  main 
sur  une  copie  du  xvi*  siècle,  la  seule  qui  ait  été  faite  de  visu 
et  qui,  tout  en  étant  inexacte,  se  rapproche  beaucoup  plus 
de  l'original  qu'aucune  des  restitutions  hypothétiques  effec- 
tuées jusqu'ici. 

Dès  lors,  il  y  avait  lieu  de  publier  un  travail  d'ensemble, 
résumant  tout  ce  qui  a  été  écrit  au  sujet  des  diptyques  de 
Liège  et  y  ajoutant  plusieurs  détails  inédits  tirés  des  manu- 
scrits liégeois. 

On  le  sait,  on  appelle  diptyques,  ôi-tuç  de  ir-ikjw,  deux 
feuilles  d'ivoire  ou  d'autre  matière,  se  repliant  l'une  sur 
l'autre  comme  la  reliure  d'un  livre. 

Les  diptyques  d'ivoire  ont  eu  le  privilège  d'attirer  plus 
spécialement  l'attention  des  savants. 

On  en  faisait  usage  dans  l'église  chrétienne  des  premiers 
temps  ;  on  y  insérait  les  noms  des  saints  qu'on  récitait  aux 
fidèles,  comme  on  en  lit  encore  une  série  au  canon  de  la  messe 
après  le  Sanclus,  et  on  y  ajoutait  parfois  les  noms  des 
défunts  dont  on  faisait  alors  une  commémoration  spéciale  : 

Nomina  vestra  légat  patriarcliis  atque  prophetis 
Cui  hodie  in  templo  diptyclms  edit  ebur  (1). 


[i)   FORTUNATUS,  X,  lO. 


—  152  — 

Des diplyques  consulaires  furenl,  par  la  suite  des  temps, 
consacrés  à  cet  usage  religieux. 

D'autres  diptyques  consulaires  furent  insérés  dans  la  cou- 
verture de  livres  religieux  :  évanû:éliaires,  etc. 

Les  deux  diptyques  de  Saint-Martin  et  de  Saint- Lambert,  à 
Liège,  tous  deux  consulaires,  furent  de  l'une  ou  de  l'autre 
manière  consacrés  au  culte,  et  c'est  ce  qui  fit  leur  célébrité 
tout  en  assurant  pendant  longtemps  leur  conservation. 

Quand  l'importance  du  consulat  fut  réduite  à  des  préro- 
gatives honorifiques,  quand  le  consul  ne  fut  plus  choisi  que 
pDi'ini  les  plus  riches  citoyens,  à  la  condition  de  répandre 
des  largesses  sur  le  peuple  et  de  lui  donner  à  ses  frais  des 
spectacles,  dans  lesquels  on  lui  permettait  de  paraître 
revêtu  des  insignes  anciennement  réservés  aux  triompha- 
teurs, l'obligation  des  consuls  d'envoyer  des  dons  au  loin 
devint  de  plus  en  plus  rigoureuse. 

Les  diptyciues  consulaires,  qui  forment  la  partie  la  plus 
caractéristique  de  ces  dons,  constituaient  ainsi  des  monuments 
de  la  première  magistrature  romaine  réduite  à  une  afTaire  do 
vanité  (i);  ils  étaient  envoyés  non  seulement  aux  parents  et 
amis  du  consul,  mais  aussi  aux  hauts  fonctionnaires  de 
l'empire,  tels  que  les  gouverneurs  des  provinces  les  plus 
éloignées. 

Claudien  (2)  rapporte  la  coutume  de  la  manière  suivante  : 

Tuin  virulos  parJos  et  caetera  collegit  Austri 
Prodigia,  iiiiinanesque  sinml  Latonia  dentés, 
Qui  secti  i'erro  in  tabulas,  auroque  niicantes, 
Inscripti  rutiluni  caelato  coiisule  noinen 
Per  proceres  et  vulgus  eant. 


(1)  Trésor  de  numism.  et  de  glypt.,  XVII,  p.  Il 
(î)  De  lamliO.  Sliliconis,  III. 


—    15,-  — 

Une  loi  du  code  Théodosien,  de  l'an  384,  interdisait  h  tous 
autres  qu'aux  consuls  ordinaires  l'honneur  de  faire  pareilles 
gratifications  (i). 

Le  premier  janvier,  le  cérémonial  de  l'installation  du 
consul  commençait  avant  le  jour.  Le  nouvel  élu,  revêtu  de  la 
trabea  et  assis  dans  la  chaise  curule,  faisait  distribuer  de 
l'argent  aux  nombreux  assistants.  C'est  alors  qu'il  donnait 
ou  envoyait  à  ses  amis  les  tablettes  portant  son  nom  et  son 
image.  Le  cérémonial  se  terminait  par  un  compliment  fort 
long,  débité  par  un  des  plus  habiles  avocats  ou  citoyens  (2). 

On  sculptait  ordinnirem;^ntsur  les  deux  faces  du  diptyque 
l'image  du  consul  revêtu  de  tous  les  ornements  de  sa  dignité, 
et  tenant  d'une  main  la  mappa  clrcensis,  rouleau  d'étoffe 
qu'il  jetait  dans  l'arène  pour  donner  le  signal  des  jeux  (0)  et 
de  l'autre  hscipio  ou  sceptre  consulaire,  surmontédes  figures 
d'empereurs  régnants;  on  voyait  souvent,  dans  le  bas  du 
tableau,  la  représentation  des  jeux  de  l'amphithéâtre  et  du 
cirque  dont  le  consul  avait  gratifié  le  peuple  lors  de  son 
installation.  Les  noms  et  les  qualités  du  titulaire  se  trouvaient 
le  plus  souvent  en  relief  à  la  partie  supérieure. 

Avant  la  loi  de  l'an  384,  les  simples  questeurs  envoyaient 
aussi  des  diptyques  à  leurs  amis,  comme  on  peut  le  voir  par 


(i)  L.  IX,  De  expensis  ludorum  :  «  llliid  constitiitura  solidamus,  ut  exceptis 
consiilibus  ordinariis,  nalli  prorsus  alteri  .  .  .  diptydia  ex  cbore  dandi  facilitas 
sit  ». 

(2)  Ms.  du  doyen  de  Vaulx,  intitulé  Mémoires  pour  servir  ii  l'hisloire  ecclé- 
siastique du  pays  et  dudiocèse  de  Liège,  I,  pp.  109.  161  (Bibl.  de  l'Université 
deLiège,n°  823  [1013]). 

(s)  On  peut  lire  chez  Wiltheih  les  passages  d'auteurs  anciens  sur  l'usage  de 
la  mappa  circensis,  que  les  uns  font  remonlei'  a  Néron,  d'autres  même  au  roi 
Tarquin. 


—  \u  — 

plusieurs  lettres  de  Symmaque  (i).  Mais  comme  Symmaque 
était  tombé  en  disgrâce  à  l'époque  de  celle  loi,  il  n'est  pas 
impossible  de  se  figurer  que  l'abus  fait  par  lui  de  l'envoi  de 
diptyques  aurait  été  pour  quelque  chose  dans  les  motifs  de  la 
décision  impériale  :  en  tout  cas,  celle-ci  empêcha  à  l'avenir 
le  retour  de  l'abus. 

I.   Diptyque  d'Aslyrius. 

L'église  collégiale  de  Saint-Martin,  à  Liège,  possédait 
autrefois  un  diptyque  d'ivoire  représentant  sur  ses  deux 
feuillets  l'inauguration  d'un  consul  avec  l'inscription  : 

N°  450,  i"  feuillet  :  fl.  astyrivs.  v.  c.  ettni  com  ex. 

2^  feuillet  :  mag  vtrivso  mil  cons  oed. 

Ce  qui  doit  être  lu,  avec  quelques  rectifications  :  (F/avius 
Astyrius  vir  chrissmus  et  fn/ustris  cornes  ex mag'istrow/nusque 
mî/itiae  consul  ordinarius). 

Ce  diptyque  représente  un  consul  romain  émettant  le 
signal  des  jeux  donnés  par  lui  au  peuple. 

Le  consul  est  figuré  dans  une  chaise  curule  d'ivoire;  il 
est  revêtu  de  la  tofja  picta,  d'une  tunique  dite  palmata,  enfin 
de  ce  qu'on  appelait  \q  subarmalis  profundus. 


(i)  Episl.  vil  in  auctario  :  «  Offero  vobis  cburneum  diptychuni  filii  inei  Domine 
(|ui  quaextorium  munus  exhibuit.  » 

Ibid.  II,  epist.  xxi  k  Flavianus  :  «  Fllius  noster  offert  tibi  dona  quaestoria; 
quaeso  igitur  ut  ejiis  noininc  diptycha  susciperc  digncmini.  Domino  et  principi 
nostro  auro  cirruindalum  diplychum  misi;  cacterosquc  amicos  eburneis  piigilla- 
ribus  .  .  .  honoravi.  » 

Ibid.  V  cpist.  Lvi  k  Salentus  :  «  Ad  te  diptycbuni  candidat!  .  .  .  misimus.  n 
(Les  qnaeslores  candidati  étaient,  comme  on  le  sait,  une  sorte  de  secrétaires  de 
l'empereur.) 


—  iS5  — 

Il  tient  dans  la  main  droite  une  mappa  circensis  et  dans 
l'autre  un  sceptre  (i). 

Il  est  accosté  de  deux  personnages  subalternes,  l'un  por- 
tant une  corbeille  oblongue  ou  sporta  qui  renferme  la  spor- 
tula,  c'est-à-dire  les  pièces  de  monnaies  distribuées  en  don 
ou  jetées  au  peuple  lors  de  l'inauguration;  l'autre  est  un 
licteur,  revêtu  du  costume  militaire  ou  paludamentiim,  et 
portant  les  faisceaux  consulaires  surmontés  d'un  instru- 
ment qui  conserve  peu  de  ressemblance  avec  la  hache 
antique. 

Quant  aux  têtes  qui  figurent  au  haut  du  sceptre  dans  le 
feuillet  de  Darmstadt  et  que  Wiltheim  a  suppléées  dans  le 
premier  feuillet,  mais  qui  font  défaut  dans  certain  dessin  de 
Langius,  dont  il  sera  reparlé  ci-après,  ces  têtes  sont,  à  n'en 
pas  douter,  celles  des  empereurs  Théodose  le  jeune  et  Va- 
lenlinien  III. 

En  effet,  c'est  sous  le  règne  de  ces  empereurs  qu'Asty- 
rius,  nommé  dans  l'inscription,  fut  consul  pour  l'Occidenl, 
et  avait  pour  collègue  Protogène,  consul  d'Orient;  il  ne  faut 
pas  le  confondre,  comme  l'avait  fait  Sirmond,  avec  Aslerius, 
collègue  de  Praesidius,  consul  en  494. 

Une  raison  particulière  d'exclure  ce  dernier,  est  l'aboli- 
tion de  l'usage  de  la  sportula,  entre  le  consulat  de  ces  deux 
Astyrius  ou  Asterius,  par  une  loi  inscrite  au  code  de  Jusiinien 
(XII,  5);  d'où  la  conséquence  que  la  corbeille  o\i  sporta,  qui 
rappelle  l'ancien  usage,  doit  être  attribuée  au  consul  de  l'an 
449  et  ne  peut  se  rapporter  à  celui  de  l'an  494. 


(i)  Vopiscus,  In  Atireliano,  15,  parle  de  ces  différents  accessoires  du  consulat  : 
«  Tiinicam  palmatan,  togam  pictam,  subarmalem  profondum,  sellani  eboratani. .  . 
scipioneni,  fasces  ...  » 


—  156  — 

Les  premières  qualités  mentionnées  dans  le  diptyque  sont 
des  dénominations  de  vir  clarissimus  et  de  vir  illuslris  que 
portaient  les  personnages  marquants  de  l'époque,  comme 
consuls,  anciens  consuls,  gouverneurs  de  province,  etc. 
On  trouve  même  des  femmes  décorées  de  ce  titre  :  nevia 
GALLiA  c(larissima)  et  iNL(ustris)  FE(mina). 

Astyrius,  le  consul  de  l'an  449,  est  un  personnage  histo- 
rique qui  nous  est  connu  par  plusieurs  passages  de  la  chro- 
nique d'idace  (i). 

«  Wandali  Suevorum  obsidione  dimissa,  instante  Astérie 
Hispaniarum  com«7e,  aliquantis  Bracarae,  in  exitu  suo  occisis, 
relicta  Gallaecia,  ad  Baeticam  transierunt... 

»  Asturius  dux  utrmsque  militiae  ad  Ilispanias  missus, 
Tarraconensium  caedit  multitudinem  Bacaudarum... 

»  Asturio  magistro  utriusque  iniUtiae  gêner  ipsius  suc- 
cessor  ipsi  mittitur  Merobaudes...  frangit  insolenliam 
Bacaudarum... 

»  Asturius,  vir  iUustns,  ad  honorem  provehitur  consu- 
latus...  B 

Ces  passages  font  connaître  loules  les  dignités  dont  fut 
revêtu  Asiyrius,  d'après  le  diptyque  de  Saint-Martin  :  vir 
illuslris,  cornes,  rnagisler  uiriusque  militiae,  consul. 

Il  est  possible  qu'il  ait  encore  été  revèlu  du  titre  de 
Patrice;  mais  celte  dignité  suprême  ne  se  conférait  qu'après 
le  consulat  (2);  d'ailleurs  on  la  lui  attribue  sur  la  foi  d'un 
manuscrit  de  Reims,  relatif  à  un  Asiyrius  portant  les  pré- 


(1)  Kdit.  (ic  SiK.Mo.Mi,  Opira  raria,  11,  |)|>.  298,  299,  o0'2  el  504. 
[i)  Quoiqu'on  iciicoiitrc  des  innijhtri  mUiliim  passant  direCcement  ii  la  dignité 
do  I»atiice  :  «  Félix  ratriiius  oïdinalur  ex  luagistro  niiiituuj.  »  {Ibid.,  p,  iJ99.) 


—  157  — 

noms  de  Turcius  Rufius,  qui  fut  «  vir  clarissimus,  consul 
ordinarius  et  patricius;  «  mais  il  y  a  controverse  sur  le  point 
de  savoir  si  ce  dernier  ne  fut  pas  plutôt  Asterius,  qui  re- 
cueillit les  œuvres  du  poète  Sedulius,  et  qui  aurait  été, 
en  l'an  494,  le  collègue  de  Praesidius  au  consulat. 

Il  s'est  établi  à  cet  égard  une  discussion  qui  ne  rentre  pas 
dans  le  cadre  du  présent  article  (i). 

Sidoine  Apollinaire  (2)  parle  de  notre  consul  à  propos 
d'un  orateur  dont  il  rapporte  le  fait  suivant,  qui  démontre 
qu'Astyrius  fut  inauguré  dans  une  ville  des  Gaules,  proba- 
blement Arles  où,  depuis  Valentinien  et  Honorius,  tout 
consul  nouvellement  nommé  pour  l'Occident  revêtait  pour 
la  première  fois  les  insignes  de  sa  dignité. 

Voici  le  fait  rapporté  par  Sidoine  Apollinaire;  on  y  ren- 
contre en  même  temps  la  narration  des  cérémonies  de  l'inau- 
guration :  «  J'étais  enfant,  mon  père  était  préfet  du  prétoire 
en  Tannée  où  le  consul  Astyrius  fut  inauguré;  j'avais  été 
admis  dans  le  plus  proche  entourage  du  consul.  Celui-ci, 
après  avoir  accompli  la  cérémonie  de  la  sporlula  et  donné 
les  fastes  de  l'année,  fut  proclamé  par  l'assemblée  des  prin- 
cipaux personnages  de  la  Gaule...  Ceux-ci,  par  un  vote 
spontané  e(  unanime,  désignèrent  pour  prononcer  la  ha- 
rangue l'orateur  Nicetius,  qui,  après  un  exordc  modeste, 
prononça  son  discours,  «  disposite,  graviter,  ardenter, 
magna  eum  acrimonia,  majore  facundia,  maxima  disci- 
plina... »,  etc. 


(i)  0.  Jahn,  Ber.  (1er  Sachs.  Ges.  der  Wissensoh.,  III  (ISol),  p.  548;  Rossi, 
Inscripiiones  cltristianae,  I,  pp.  325,  404;  Huemeh,  de  Sedulii  poêla  vila  e 
scriptis,  pp.  31  etsuiv.;  Hartel,  Ennod'ms  (Vienne,  1882),  p.  G16. 

(2)  Epist.,y\\\,  6. 


—  158  — 

—  L'inscription  du  diptyque  a  clé  roproduile  fidèlement 
ci-dessus,  de  même  que  dans  le  catalogue  de  l'Exposition  de 
Liège  (i),  et  c'est  à  tort  que  le  même  catalogue,  un  peu  plus 
loin  (2),  attribue  les  textes  ettni  et  oed  à  des  fautes  typogra- 
phiques rendant  l'inscription  inintelligible. 

On  ne  pourrait  à  cet  égard  s'appuyer  sur  le  témoignage 
de  Sirmond  : 

Le  jésuite  Sirmond,  né  en  1550  et  mort  on  1051,  est  le 
premier  auteur  qui  ait  publié  l'inscription  du  diptyque  de 
Saint-Martin,  dans  ses  annotations  sur  les  lettres  d'Enno- 
dius  (3). 

Voici  comment  il  la  présente  : 

FL  .  ASTVRIVS  .  V  .  G  .  ET  INL  COM  .  ET  MAG  .  VTRIVSQ  .  MIL  . 
CONS  ORD  . 

Mais  c'est  à  tort  que  Reinesius,  reproduisant  l'inscription 
d'après  Sirmond,  dit  que  celui-ci  l'avait  vue  :  «  Sirmondus 
vidit...  » 

Aucune  trace,  en  effet,  n'existe  d'un  séjour  quelconque  de 
Sirmond  à  Liège;  s'il  y  était  allé,  Wiltheim  n'eût  pas  mani- 
festé à  diverses  reprises  le  regret  que  Sirmond  n'avait  pas 
vu  l'inscription  :  «  Sirmondus  de  hoc  diptycho  aliquid  inau- 
dierat...  si  diptychi  hujus  sculpturas  contemplatus  fuisset... 


(1)  Haute  antiquité,  p.  16,  n"  106.  Cette  énonciation  est  signée  D"- Alexandre, 
chaii.  Henrotte  et  H.  Sciiuermans  :  les  signataires  avaient  eu  soin  de  rétablir  le 
texte,  quelque  vicieux  qu'il  fût,  d'après  les  descripteurs  de  visu,  en  faisant 
abstraction  des  corrections,  même  les  mieux  fondées,  proposées  par  des  savants. 

(î)  Ivoires,  V"  section,  p.  23,  n"  116. 

(j)  Elles  ont  été  imprimées,  entre  autres,  dans  les  Opéra  varia  de  Sirmond, 
I,  p.  1393. 

A  l;j  lin  de  la  table  du  volume,  sous  la  rubrique  des  auteurs,  etc.,  publiés  pour 
la  première  fois  par  Sirmond,  se  trouve  l'inscription  du  consul  Aslyrius,  éditée 
nn  1011. 


—  159  — 

si  Sirmondus  diptychon  ipsum  vidisset...  Sic  legebatSirmon- 
dus,  vel  (i)  is  qui  Sirmondo  titulum  diplychi  nostri  Leodio 
misit... 

Or,  Alex.  Willheim  a  été  en  correspondance  directe 
avec  Sirmond  (2)  et  il  était  au  courant  des  excursions  scien- 
tifiques de  ce  dernier.  Mais  ce  qui  tranche  la  question,  est  le 
dicitur  qui  se  trouve  dans  le  passage  même  des  notes  de 
Sirmond  :  «  Asturius  cujus  anliquac  pietatis  monumcntum 
hodiequc  apud  Leodicos  servari  dicitur  in  cburneo  sacri 
Evangeliorum  libri  operculo...  » 

On  a  donc  fait  connaître  à  Sirmond  l'existence  de  l'inscrip- 
tion dont  on  lui  a  envoyé  copie;  mais  il  n'a  pas  eu  l'original 
sous  les  yeux. 

Sirmond,  recevant  la  copie  du  texte,  aura  pensé  avec  la 
science  profonde  qui  le  caractérisait,  qu'il  était  impossible 
d'admettre  les  lectures  ettni,  oed  ;  il  les  a  considérées 
comme  des  fautes  et  les  a  reclifiées  d'office.  Mieux  que  cela, 
la  lecture  comex  rîe  lui  disait  rien  ;  il  n'a  pas  songé  à  rat- 
tacher la  préposition  ex,  le  dernier  mot  du  premier  feuillet, 
au  premier  mot  mag  du  second,  ce  qui  est,  en  effet,  une  ano- 
mahe,  et  il  a  étendu  ses  corrections  à  ce  mot  qu'il  a  lu  et  : 
ce  qui  aurait  certes  été  une  restitution  téméraire,  s'il  avait 
vu  l'inscription  où  ex  ne  peut  pas  laisser  de  doute. 

Comment  admettre  que  Sirmond  aurait  proposé  des  modi- 
fications aussi  radicales,  devant  l'inscription  elle-même,  sans 
donner  un  mot  d'explication?  Il  pouvait,  au  contraire,  s'abs- 
tenir de  faire  étalage  d'une  érudition  déplacée,  devant  une 


(0  Vel  a  ici  le  sens  de  ou  plutôt. 

(î)  Sirmond,  Opéra  varia,  IV,  pp.  693  et  suiv.  (LeUres  de  l'année  1649). 


—  160  — 

lranscri|)lion  qu'il  a  pu  considérer  comme  fautive  :  on  traite 
plus  cavalièrement  la  copie  d'un  correspondant  qui  n'a  pas 
toujours  les  connaissances  requises,  que  l'original  même  de 
l'inscription  quand  on  l'a  eu  devant  soi. 

Recourons  donc,  en  l'absence  de  cet  original,  aux  copies 
qui  en  ont  été  faites  de  visu  pour  le  premier  feuillet. 

Il  n'y  en  a  qu'une  seule  aujourd'hui  conservée... 

Langius,  au  xvi'  siècle,  a  copié  l'inscription  pour  la  pre- 
mière face,  et  c'est  un  fac-similé  de  sa  copie  qui  est  présenté 
ici  au  lecteur  (i)  pour  le  premier  feuillet  (pi.  I  en  regard)  : 
ce  premier  feuillet  porte  bien  e-ni. 

Quant  au  deuxième  feuillet,  qui  existe  encore,  il  ne  laisse 
pas  prise  au  doute  sur  la  lecture  o  e  d,  comme  on  le  verra 
ci-après. 

Mieux  que  cela  ;  ce  second  feuillet  n'a  pas  depuis  été  altéré, 
à  un  moment  donné,  et  I'r  de  ord  n'a  pas  été  transformé  en  e, 
pour  faire  o  e  d  par  une  amputation  intentionnelle  ou  acci- 
dentelle de  la  partie  courbe  de  la  lettre  r. 

En  effet,  dès  1729,  époque  où  ce  feuillet  était  dans  les 
mains  du  baron  de  Crassier,  il  portait  bien  oed;  car  une 
annotation  manuscrite  d'un  jésuite  sur  l'exemplaire  deWilt- 
heim,  à  la  bibliothèque  de  Liège  (exemplaire  ayant  appar- 


(i)  Ms.  (ie  Langius,  copie  faite  en  l58i,  appartenant  au  comte  d'Ouitt'eraont 
de  Warfusée,  p.  9o. 

Le  fac-similé,  d'après  Langius,  est  plus  grand  que  l'original,  qui  est  de  0'"I7S 
de  haut  sur  0'"l-2iide  large. 

Il  importe  peu  que  le  manuscrit  de  Languis,  d'où  ce  fac-similé  a  été  pris,  ne 
soit  qu'une  copie  posthume  faite  en  158i  seulement;  c'est  toujours  une  reproduc- 
tion du  monument  faite  au  temps  où  l'original  existait  à  Saint-Martin;  l'auteur 
de  l'enluminure  a  dû  suivre  ponctuellement  l'image  du  manuscrit  original,  et  il  a 
pu,  du  reste,  se  mettre  en  présence  dudiptytiuc  lui-même. 


—   ICI    — 

tenu  dopnis  1077  (i)  au  collège  des  jésuites  en  la  même 
ville),  porte  formellement  à  la  p.  5  de  ['Appendice  :  «  men- 
dose  scribitur  ord;  inscribi  debuit  oed,  significalquc  ut 
existimat  D.  Baro  de  Crassier  ;  cons(uI)  o(rdinarius)  E(st) 
D(esignalus).  » 

Le  docteur  Lersch,  de  nos  jours,  sans  connaître  la  suppo- 
sition émise  par  le  baron  de  Crassier,  a  émis  la  môme  idée  : 

«  J'ai  fort  bien  lu,  tout  comme  le  docteur  Walther,  oed 
au  lieu  de  ord  ;  aussi  ai-je  songé  un  instant  à  une  abrévia- 
tion, comme  o(rdinarius)  E(st)  D(esignalus)  ». 

Il  ajoute  aussitôt  qu'il  considère  comme  beaucoup  plus 
naturel  de  croire  qu'il  y  a  une  faute  dans  le  texte. 

iC'était,  en  effet,  lors  de  l'inauguration  et  non  lors  de  la 
nomination,  que  le  consul  désigné  envoyait  ses  diptyques  au 
loin;  avant  l'entrée  eiïcctive  en  fonctions,  cet  envoi  eût  été 
prématuré  et  sans  signification,  puisque  les  diptyques  ont 
précisément  pour  but  de  consacrer  le  souvenir  des  jeux 
célébrés  à  cette  occasion. 

L'explication  du  baron  de Crassier(éditée  depuis  par  Lersch) 
n'est  donc  pas  acceptable;  mais  elle  constate  l'état  du  dip- 
tyque en  17:29,  et,  comme  aujourd'hui,  il  faut  y  lire  oed. 

La  preuve  que  Wiltheim  avait  bien  lu  lui-même  e^m  et 
oed,  résulte  de  son  texte. 

D'abord,  parlant  en  général  du  diptyque  d'Astyrius,  il 
s'exprime  comme  voici  : 

«  Titulus  per  sculptoris  inscitiam  litteras  habet  incultas  ; 
quin  et  voces  maie  distinctas,  quas  légère  imperitis  quidem 
diflicile,  eruditis  lamen  facillimum  est.  » 

(i)  Le  premier  feuillet  de  garde  porte,  en  effet,  la  mention  que  l'exemplaire  a 
été  donné  en  1677  au  collège  de  la  sociiHé  de  Jésus  à  Liège,  par  P.  (iuill.  de  Brouck, 


'  —  162  — 

Puis  il  parle  spécialement  des  deux  corrections  proposées 
par  lui. 

ET  INL  (pour  E-Ni)  :  «  Sic  quippe  juvanda  et  corrigenda 
est  tabolla  quœ  apices  lilleraruni  dctruncal,  ul  in  t  altéra 
liltera  conjunclionis  et.  » 

ORD  (pouroED)  :  «  Ita  enira  legendum  el  juvanda  sculptons 
in  litteris  formandis  imperitia.  » 

Mieux  que  cela,  on  remarque  sur  la -planche  de  Wiltheim 
des  «  repentirs  »  bien  marqués,  au  moins  aux  mots  et  .  inl, 
comme  si  l'auteur  avait  voulu  faire  disparaître  le  malencon- 
treux R-Ni,  qu'il  considérait  comme  une  «  coquille.  » 

La  vérité  est  donc  la  lecture  présentée  au  premier  passage 
du  catalogue  de  l'Exposition  de  Liège  ;  la  seconde  lecture  en 
est  la  très  juste  rectification  ;  mais  il  convenait  de  rétablir 
le  texte,  tel  qu'il  existe,  tant  pour  constater  l'état  de  l'art  au 
v'  siècle,  avec  les  erreurs  commises  par  les  lapicides  ou  qua- 
dralaires^  que  pour  favoriser  les  études  de  ceux  qui,  non 
satisfaits  de  l'interprétation  de  Wiltheim,  voudraient  un  jour 
y  proposer  i\cs  modifications. 

Au  moment  où  Langius  les  a  vus,  les  deux  feuillets  du 
diptyque  d'Astyrius  étaient  possédés  tous  les  deux  par  l'église 
de  Saint-Martin,  à  Liège. 

Voici  la  note  qui  accompagne  le  dessin  du  premier  feuillet 
qu(3  Langius  a  inséré  dans  son  manuscrit  cité  ci-dessus  : 

a  Entre  les  choses  remarquables  qui  se  voient  en  la  tré- 
sorerie de  l'église  Saint-Martin,  sont  gardées  deux  anciennes 
lammes  d'ivoir  engravées,  comme  dessus  est  au  plus  prés 
despeint,  servant  de  couverture  à  un  ancien  évangéliaire. 

»  Et  sur  la  première  d'un  costé  est  représenté  un  consul 
romain,  assis  en  la  chaire,  avec  inscription  dessus  (voir  plus 


—  163  — 

haut),  à  la  deuxième  lamme  est  le  mesme  consul  assis  comme 
dessus,  et  y  at  écrit  (le  deuxième  feuillet),  laquelle  inscrip- 
tion se  peut  lire  en  ceste  façon  tout  au  loing  :  Flavius 
Asturius  vir  consularis  er.ni  cornes  extraordinarius  magister 
utriusque  mililiœ  consul  ordinarius.  » 

Abry,  dans  un  de  ses  manuscrits  (i),  parle  également  du 
diptyque  de  Saint-Martin,  en  ces  termes  qu'il  est  utile  de 
reproduire  : 

«  A  Saint-Martin  collégiale.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  remar- 
quable à  Saint-Martin,  sont  deux  anciens  lames  d'ivoire  qui 
sont  agalhés  (sic),  servant  autrefoys  à  deux  couverts  d'un 
ancien  évangéliaire.  Sur  le  premier  est  représenté  un  consul 
romain,  assis  en  sa  chaire,  et  le  même  derrière  avec  celte 
inscription,  Flavius  Ashjrius  vir  consularis  emp  cornes  extraor- 
dinarius magister  utriusque  militiœ  consul  ordinarius  :  fl. 

ASTYRIVS  V  .  C  .    ENNI  GOMES  MAIBVTRIVS  MIL  COS  ORD.  » 

Abry  a  écrit  le  manuscrit  cité  de  1670  jusqu'à  1697,  et 
l'a  même  continué  depuis  en  y  insérant  des  notes  posté- 
rieures :  on  pourrait  donc  supposer  que  de  son  temps 
les  deux  feuillets  existaient  encore  à  Saint-Martin,  tout  en 
ayant  cessé  d'être  réunis  comme  couverture  de  l'évan- 
géhaire. 

Mais  sa  lecture,  fautive  sur  bien  des  points,  est  très  cor- 
recte sur  d'autres,  notamment  sur  le  oed  discuté  ci-dessus. 

De  plus,  son  texte,  comparé  à  celui  de  Langius,  semble 
n'en  être  qu'une  copie,  où  le  mot  engravé  a  été  estropié  et 
transformé  en  agalhé. 

(i)  Ce  Ms.  porte  le  n"  60;  il  appartient  également  au  comte  d'Oultremont. 
C'est  le  n»  69  des  manuscrits  historiques  sur  le  pays  de  Liège,  dont  parle 
M.  PoswiCK,  Société  des  Bibliophiles  liégeois,  Bulletin,  I,  p.  (39. 


—  \u  — 

Seulement  Abry  a  ajouté  au  texte  le  mot  autrefois,  qui 
démontre  que  de  son  temps  les  deux  feuillets  étaient  séparés, 
un  soûl  restant, comme  aujourd'hui,  attaché  à  l'évangéliaire. 

Voici  qui  ne  laisse  prise  à  aucun  doute  à  ce  sujet  :  Wilt- 
heim,  dans  son  Appendice,  publié  en  1G60,  seize  ans  avant 
le  commencement  du  manuscrit  cité  d'Abry,  constate  qu'un 
seul  des  feuillets  du  diptyque  d'Astyrius  était  encore  à 
Saint-Martin  :  il  décrit  l'autre  feuillet  d'après  l'ouvrai^e  d'un 
<(  amateur  de  choses  de  ce  genre,  »  ouvrage  que  lui  a  fait 
connaître  son  confrère  le  jésuite  André  de  Tornaco  (i). 

Mais  Wiltheim  ne  précise  pas  :  tout  en  parlant  du  feuillet 
de  l'amateur  cité  en  premier  lieu,  il  laisse  du  doute  sur  celui 
des  deux  feuillets  qu'il  a  vu.  Le  jésuite  annotateur  de  l'exem- 
plaire cité  de  Wiltheim  s'(;mpresse  d'ajouter  cette  observa- 
tion :  «  N.  B.  quod  diclo  codici  pars  posterior  (non  prior), 
diptyci  pra3dicti  adhuc  exstet  prasfixa.  » 

Le  premier  feuillet  doit  donc  avoir  disparu  de  l'église 
Saint-Martin  depuis  le  xv!*"  siècle  jusqu'au  xvii%  entre  Lan- 
ffius  et  Wiltheim. 

Quant  au  premier  feuillet,   aujourd'hui  perdu,   la  seule 


(i)  Kt  lion  André  de  Tournay,  comme  on  pourrail  être  tenté  de  traduire  le 
passage  de  Wiltheim  :  «  D'abord,  Wiltheim,  pailunt  de  ce  confrère,  l'appelle 
souvent  jtosler  a  Tornaco,  sans  prénom  (notamment  Dipt.,  p.  52);  ailleurs 
iAppendix,  p.  21),  il  l'appelle  civis  leodiemis  :  Tornaco  est  donc  le  nom  même  du 
personnage,  et  en  effet  «(  le  père  André  de  Tornaco  est  mentionné  deux  fois  dans 
la  Bibliothèque  des  écrivains  de  la  compagnie  de  Jésus  (par  Dk  IBackeh),  dans  le 
corps  de  l'ouvrage  et  dans  le  supplément.  Il  professait  la  philosophie  à  Oouay  en 
■1640  et  il  a  laissé  des  manuscrits  conservés  à  Douay.  Il  esl  aussi  fait  mention 
de  lui  dans  une  thèse  soutenue  en  sa  présence,  dans  je  ne  sais  plus  quel  collège  ». 
(Rens.  de  ^\.  le  chanoine  Henrotte.) 

M.  le  comte  van  den  Steen  parle  donc  ermuéinent  du  P.  de  Tournay. 


—  165  ~ 

chose  que  le  public  en  connaisse  est  la  restilulion  tic  Will- 
heim,  reproduite  ponctuellement  par  plusieurs  auteurs. 

Mais  cette  restitution  est  absolument  hypothétique  :  en 
effet,  il  avait  sous  les  yeux  seulement  une  peinture  du  pre- 
mier feuillet  d'après  l'ouvrage  de  l'amateur  cité  ci-dessus  (et 
sur  lequel  on  reviendra  ci-après),  et  en  second  lieu,  le  dessin 
du  second  feuillet  qu'il  avait  fait  prendre  à  Saint-Martin. 

Et  il  a  fait  composer  par  son  dessinateur,  sur  le  môme 
type,  un  pendant  du  deuxième  feuillet,  en  y  introduisant 
certains  détails  indiqués  par  la  peinture  en  question,  et  en 
complétant,  par  compensation,  la  planche  enluminée  à  l'aide 
de  détails  empruntés  au  premier  feuillet. 

Or,  si  l'on  compare  la  planche  faite  de  visu,  pour  l'ouvrage 
deWiltheim,  avec  la  planche  reproduisant  le  premier  feuillet 
encore  existant  aujourd'hui,  on  se  convainc  immédiatement 
de  l'infidélité  absolue  du  type,  et  dès  lors  aussi  de  celle  du 
pendant. 

La  seule  chose  qui  soit  exacte  chez  Wiltheim  est  la  dimen- 
sion des  feuillets,  qui  a  été  vérifiée  au  musée  de  Darmsladt 
sur  le  deuxième  de  ces  feuillets  et  qui  est  de  0™175  sur 
0"^125. 

Déjà  Passeri  (i)  s'écriait  en  voyant  les  planches  de  Wil- 
theim :  «  declinantis  jam  tum  graphica?  artis  spécimen 
redolet,  ut  ejus  imago  evincit.  » 

Pulzky  (2)   dit  de  son  côté,  en  parlant  des  dessins  du 


(0  GORi,  p.  7. 

(2)  «  The  original  ivory  tablets  haviiig  desappeared,  wc  are  scarcely  able  fairly 
to  jiuige  their  style  of  art,  known  only  by  liie  coarse  and  evidently  inacciiratc 
print  of  the  learned  jesuit  Alexander  VVilthem.  Gori  's  print  being  a  reproduc- 
tion of  tbe  original  of  Wiltheim,  we  can  only  say  thaï  the  print  differs  in  style 


—  166  — 

diptyque  d'Aslyrius,  qu'en  l'absence  des  originaux  qu'il 
croyait  complètement  perdus,  on  ne  |)eut  plus  juger  de  leur 
style  d'après  les  gravures  évidemment  mal  soignées  de 
Wiltheim. 

On  pourrait,  selon  lui,  en  conclure  seulement  que  les  feuil- 
lets du  diptyque  diffèrent  complètement  de  tous  les  autres 
diptyques  connus,  ce  qu'on  peut  attribuer  à  leur  origine 
gauloise.  (Cette  dernière  observation  touche  aussi  au  sujet 
représenlé  où,  à  la  différence  du  plus  grand  nombre  des  dip- 
tyques connus  et  notamment  de  ceux  d'AnasIasius,  on  ne 
voit  point  les  médaillons  représentant  l'empereur  et  la  famille 
impériale,  non  plus  que  des  scènes  de  jeux  et  d'affranchisse- 
ment.) 

Il  a  donc  paru  indispensable  de  reproduire  ici  non  seule- 
ment la  peinture  du  premier  feuille!,  mais  encore  le  dessin 
du  deuxième  d'après  la  photographie  (voir  la  pi.  II,  en 
regard). 

L'«  amateur  de  choses  de  ce  genre  »  est,  en  effet,  Langius 
lui-même,  et  Wiltheim  a  eu  sous  les  yeux  la  peinture  de 
celui-ci  :  il  se  trouve  ainsi  que  le  seul  dessin  qui  ail  passé 
jusqu'à  nous  est  peut-être  le  seul  (jui  ait  jamais  été  fait  sur 
l'original. 

Wiltheim,  en  effet,  parle  d'abord  de  l'heureuse  chance 
qui  lui  i)crmet  de  faire  sortir  des  ténèbres  un  second  dip- 
tyque :  «  et  aliud  sese  e  lenebris  cfferret.  » 


and  coslume  from  ail  Ihe  othcr  Diplycha  ;  slill,  liie  Gaiilisli  origin  of  the  tabiet 
may  account  for  ail  Uie  différences.  )* 

Wiltheim  avait  confié  les  planches  de  son  Diptychoit  leodiense  au  célèbre 
(rravour  Natalis;  c'est  à  une  autre  main  bien  infi^rienre  qn'i!  remit  le  soin  de 
dessiner  celles  de  son  Ajipemlid. 


—  167  — 

Le  livre  que  son  confrère  André  de  Tornaco  a  trouvé  el 
où  l'un  des  feuillets  est  peint,  n'est  donc  pas  un  ouvrage  qui 
a  vu  la  lumière,  un  livre  qui  a  été  édité,  comme  nous  dirions  : 
«  Invenit  illud  Andréas  a  Tornaco  noster  una  parle  pictiun 
in  libro  hominis  cujusdam  talium  rerum  amanlis...  » 

C'était  si  bien  un  manuscrit  (un  codex,  comme  on  disait), 
que  le  jésuite  annotateur,  déjà  cité,  ajoute  en  note  :  «  Homo 
talium  rerum  amans,  dequo  supra  menlio,  fuit  nobilisquan- 
dam  D.  Hermannus  a  Wachtendonc  cujus  librum  simul  ac 
codicein  evangeliorum  ab  authore  memoratum  possidet 
nunc  (1729)  D.  Guillelmus  baro  de  Crassier,  i» 

Ce  dernier  détail  est  erroné  :  le  manuscrit  de  Herman  de 
Wachtendonck,  qui  a  appartenu  au  baron  de  Crassier,  est 
aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles  (i)  et  ne 
contient  pas  la  moindre  mention  du  diptyque  d'AsIyrius,  non 
plus  qu'une  peinture  d'un  des  feuillets. 

11  n'est  pas  impossible  cependant  qu'Herman  de  Wachten- 
donck ait  tenu  le  dessin  du  diptyque  de  son  oncle  Arnold 
de  Wachtendonck  et  l'ait  passé  à  Langius.  Voici,  en  effet, 
une  mention  extraite  du  manuscrit  de  de  Vaulx  (2)  :  «  Du 
temps  de  Langius,  le  collège  de  Saint-Martin  était  orné  de 
rares  esprits,  surtout  M.  Arnold  de  Wachtendonck,  »  Et  le 
manuscrit  reproduit  cette  déclaration  de  Langius  lui-même  : 
«  M.  Arnold  de  Wachtendonck,  homme  doctissime,  très 
grand  antiquaire  el  singulièrement  versé  dans  les  histoires, 
avec  l'assistance  duquel  j'ai  osé  travailler  ce  qui   est  ici 


(i)  Voy.  sur  ce  manuscrit  :  Bull,  des  Comm.  roij.  d'art  et  d'archéol.,  VIF, 
p.  66. 

C'était  le  n"  3448  de  la  bibliothèque  du  baron  de  Crassier,  ainsi  intitulé  ; 
«  Appendices  variae  et  propria  mana  conscriptae  ...»  terminé  en  1608, 

(8)  IV,  p.  327. 


—  168  — 

contenu,  lo  reconnaissant  comme  le  seul  maître  de  mon 
labeur.  » 

Peut-être  donc  la  copie  enluminée  de  Langius,  que 
celui-ci  a  insérée  dans  son  manuscrit,  lui  venait-elle  réelle- 
ment d'Arnold  deWaclUendonck;  la  tradition  a  pu  conserver 
la  mémoire  de  celte  origine  et  la  confusion  a  pu  se  faire  entre 
les  manuscrits  de  Wachtendonck  et  de  Langius,  d'autant 
plus  facilement  que  le  baron  de  Crassier  en  possédait  tant  de 
l'un  que  de  l'autre  (i). 

Le  manuscrit  où  le  jésuite  de  Tornaco  a  vu  la  peinture 
du  diptyque,  doit  donc  être  le  manuscrit  de  Langius,  dont 
voici  les  possesseurs  successifs  : 

Après  la  mort  de  Langius,  en  1575,  plusieurs  de  ses 
manuscrits  passèrent  à  Laevinus  Torrenlius,  qui  les  légua 
à  l'Université  de  Louvain  (2)  ;  le  manuscrit  avec  la  mention 
du  diptyque  de  Saint-Martin  doil  n'avoir  pas  fait  partie  du 
legs  :  on  le  retrouve,  en  effet,  en  170G,  dans  les  mains  de 
Laurent  de  Cocq,  préposé  aux  édifices  royaux  et  à  l'église 
de  Saint-Géry,  à  Bruxelles.  Gisbert  Cuper,  célèbre  anti- 
quaire hollandais,  prit  le  titre  de  ce  manuscrit  :  Origine, 
commencement  de  la  ville  et  cité  de  Liège;  Leodium  Caroli 
Langiiad  D.  Lamberti  canonici,  et  il  en  copia  l'extrait  relatif 
au  diptyque  de  Saint-Martin,  extrait  qui  est  la  reproduction 
textuelle  de  l'inscription  telle  que  l'a  lue  Langius  (3). 


(1)  De  Theux,  le  Chapitre  de  Saint- Lambert,  III,  p.  120.  Les  inaïuiscrits  de 
Lant.ius  que  possédait  le  twi'un  de  Crassier  portaient  dans  sa  bibliothèque  les 
n"*  5474  et  3i7j 

(2)  Bull,  des  Coinin.  royales  d'art  et  d'archùoL,  X,  p.  457. 

(ï)  Les  manuscrits  de  Gisb.  Cuper  ont  été  donnés  k  la  bibliothèque  de  La  Haye, 
par  M.  bossciiA,  de  Dcventer.  (Fonds  Cuper,  Suppl.  dont  l'auteur  de  la  présente 
notice  a  obtenu  communication  par  la  voie  diploniaticiuc.; 


—  IfiO  — 

«  J'ay  remarqué,  dit  Cupcr,  à  la  p.  95,  un  diptychum  où 
estoit  pcinl  un  consul  romain,  à  barbe  large,  lenanl  un  vo- 
lume dans  sa  droile,  el  un  bàlon  ou  sceptre  sur  la  sommité 
duquel  étoit  une  couronne  ouverte,  dans  sa  gauche.  De 
chaque  côté,  une  personne  ou  huissier,  dont  l'un  lient  un 
papier,  l'autre  un  glaive,  et  au-dessus  il  y  a  cette  inscrip- 
tion : 

FL.   ASTYRIVS  VC  EttM    COMEX. 

»  L'on  y  en  parle  ainsi  :  Entre  les  choses  remarquables 
qui  se  trouvent  dans  la  thresaurie  de  l'église  de  Saint-Martin, 
furent  gardées  deux  anciennes  lames  d'ivoir,  engravées 
comme  dessus,  est  au  plus  près  dépeint...  »  (La  .suite  fait 
défaut.) 

Le  feuillet  de  garde  du  manuscrit  de  Langius  porte,  en 
outre,  qu'il  a  appartenu  à  un  moment  donné  au  doyen  de 
Saint-Paul,  Faes,  puis  à  de  Libollon,  seigneur  de  Stevoort, 
et  au  chanoine  Jalheau,  de  qui  il  est  passé  dans  les  mains 
du  comte  d'Oultremont,  au  commencement  de  ce  siècle  (i), 
dont  les  descendants  se  sont  partagé  les  manuscrits,  le  comte 
d'Oultremont  de  Warfusée  conservant  aujourd'hui  tous  ceux 
qui  sont  relatifs  à  l'histoire  de  Liège,  dont  celui  de  Langius. 

Il  résulte  de  tout  cela  que,  dès  le  xvii*  siècle,  le  premier 
feuillet  du  diptyque  d'Astyrius,  dont  Langius  a  présenté  le 


(i)  De  Thecx,  loc.  cit. 

Comme  il  était  possible  qu'une,  autre  copie  de  ce  Ms.,  celle  qu'a  possédée  Laurent 
de  Cocq,  fût  celle  qui  est  aujourd'hui  conservée  ii  l'abbaye  d'Averbode,  des 
renseignements  ont  été  demandés  à  cet  égard. 

Il  résulte  de  ces  renseignements  que  la  copie  du  manuscrit  de  Langu's  que 
possèdent  les  Prémontrés  d'Averbode,  émane  de  l'un  d'eux  qui  l'a  effectuée  au 
xvii^  siècle. 


—  170  — 

dessin  enluminé,  avait  disparu  du  trésor  de  l'église  Saint- 
Martin, 

Quant  au  second  (éuillet,  le  chanoine  de  Vaulx  (i)  rap- 
porte que  M.  de  Crassier  avait  rendu  service  aux  chanoines 
de  Saint-Martin,  qui  avaient  peut-être  un  procès  à  soutenir, 
et  que  le  chapitre  lui  demanda  par  quel  moyen  il  pourrait 
lui  témoigner  sa  reconnaissance.  Le  savant  archéologue 
répondit  :  «  Vous  avez  dans  votre  sacristie  un  évangéliaire 
qui  ne  vous  est  d'aucune  utilité;  il  me  serait  agréable  de  le 
recevoir.  »  Il  le  reçut  en  effet  (2). 

M.  de  Crassier  n'a  jamais  possédé  d'autre  feuillet  de  dip- 
tyque que  celui-là,  comme  il  sera  dit  plus  loin  à  propos  du 
diptyque  d'Anastasius. 

Le  feuillet  du  baron  de  Crassier,  qui  se  trouve  aujourd'hui 
à  Darmsladl  (voy.  plus  loin),  était  déjà  alors  dans  l'état  où 
on  le  voit  en  ce  musée. 

Voici  comment  Wiltheim  le  décrit  exactement,  sauf 
(comme  on  l'a  vu)  à  substituer  aux  mots  prior  et  prima, 
ceux  de  posterior  ou  altéra.  D'après  le  style  des  ornements 
dont  est  entouré  le  feuillet,  Wiltheim  conjecture  que  depuis 
longtemps  il  était  attaché  à  l'évangéliaire. 


(1)  De  Vaulx,  dans  le  Ms.  fiéjà  cité,  I,  p.  8l9i>is  v",  s'exprime  en  ces  termes  : 
«  Celte  belle  pièce  est  passée  au  cabinet  de  feu  M.  le  liaron  de  Crassier,  comme 
plusieurs  autres  anticpiités  qu'il  a  trouvé  le  moyen  d'obtenir  des  autres  collé- 
giales. » 

(2)  Le  !)'■  Walther,  ouvrage  cite  ci-après,  parle  d'une  fondation  que  le  baron 
DE  Crassieh  aurait  faite  en  l'église  Saint-.Marlin,  et  qui  lui  aurait  valu  en  échange 
le  don  du  diptyque.  (Voy.  aussi  Joltrli.  de  Itonn,  YIII,  p.  ISG.) 

Comme  on  le  verra  plus  haut,  le  baron  de  Crassier  possédait  déjà  le  feuillet 
du  diptyque  de  Saint-Murlin  en  1715,  Or,  son  lils  fut  installé  comme  chanoine  de 
Saint-Martin  en  175-i  seulement  (Bull.  Iiislil.  archéol.  liégeois,  II,  p.  405); 
rentrée  de  ce  dernier  au  chapitre  de  cette  collégiale  est  donc  tout  à  fait  étrangère 
au  don. 


__   171   — 

«  Prior  tabula  nunc  c\(al  praefixa  cxloriori  faciri  codicis 
Evangelioriim  cum  multo  olim  aiiri  gemma  ru  mquc  ornalu... 

»  Tabolla  prima  affixa  esl  fronli  libri  Evangcliorum  cl 
prout  ex  ornatu  adjecto  et  reipsa,  apparet  multis  rclro  lem- 
poribus  eo  loco  posita  est  »  (i). 

El  le  baron  de  Crassier  décrivait  de  la  manière  suivante 
son  diptyque,  en  une  lettre  adressée  le  10  septembre  1715 
au  célèbre  bénédictin  Bern.  de  Monlfaucon  (2). 

»  Un  lectionnaire  en  latin  des  Évangiles  pour  toute  l'an- 
née, ancien  de  800  ans  :  sa  couverture  est  ornée  d'un  dip- 
tyque d'ivoire,  qui  est  la  deuxième  face  de  celui  d'Astyrius, 
consul  en  449,  duquel  le  révérend  père  Wiltheim  a  fait  la 
description  dans  son  Appendix  ad  diplychon  leodiense,  p.  2. 
Le  dessus  et  les  côtés  sont  enricbis  de  pierreries  et  au-dessous 
est  enchâssée  une  relique  de  saint  Denis,  dans  un  ovale  de 
cristal  avec  celte  inscription  sur  l'enveloppe  :  de  ossibus 
S"-Dionysii  martyris.  » 

Voici  maintenant  la  description  du  diptyque  dans  son 
état  actuel  au  musée  de  Darmstadt  (3). 

«  Lectionnaire  évangélique,  en  écriture  du  ix*  siècle. 
Dans  la  couverture  est  une  moitié  d'un  diptyque  consulaire 
avec  l'inscription  mag  vtrivsq  mil  gons.  oed  (suit  la  descrip- 
tion des  détails).  La  couverture  esl  encadrée  dans  une  gar- 


{^)  Appendix,  pp.  1  et  15. 

(2)  Bull.  Inst.  archéol.  Itég.,  U,  p.  337.  Voy.  ibid.  la  réponse  de  son  corres- 
pondant :  «  Le  lectionnaire  dont  vous  me  parlez  est  curieux.  »  [Ibid  ,  p.  562.) 

(5)  Walther,  Die  Sammlumien  des  Alterthiims,  der  Kiinsl,  der  Yolkerskunde 
und  von  Waffen  in  Grossherzoglichen  Mnscitm  zu  Darinstadl,  p.  66,  ii''()85; 
ScHAEfER,  Die  Denlmâler  der  Elfenbeinplastik  der  Grossherzoglichen  Mnseiims 
zu  Darmstadt  in  Kiinslgeschichtiicher Darslellung  {\ST2).  p.  2-2  ;  Monalsberichle 
des  Kônigl.  Preuss.  Akad.  der  Wissemch.  zu  Berlin,  I8G0,  p.  577;  Klein, 
Inscriptiones  latinae  provinciae  Hassiae  transriienanae,  n»  79. 


—  <72  — 

niluro  dorée,  où  des  figures  sont  gravées.  Dans  l'autre  partie 
de  la  couverture  se  trouve  un  médaillon  contenant  des 
reliques  de  saint  Denis.  » 

Il  existait  à  la  fin  du  siècle  dernier,  dans  le  duché  de 
F.imbourg,  un  certain  Jean-Guillaume-Ch. -Adolphe  Honvlez, 
([ui  prit  le  nom  de  baron  de  Hiipsch,  de  Hoizeraedern,  de 
Lonizen  et  Krickelshausen  ;  il  avait  des  relations  très  éten- 
dues (i). 

Ce  personnage  s'appliqua  spécialement  à  l'archéologie  et 
à  l'histoire  naturelle,  sciences  qui  firent  l'objet  de  publi- 
cations diverses,  comme  son  Epigrammatographia,  recueil 
d'inscriptions  où  il  eut  le  tort  d'accueillir  des  fabricats  du 
faussaire  Clotten  d'Echternach  ;  ces  sciences  furent  aussi 
pour  lui  l'occasion  d'un  cabinet  «  chaotique  »  (comme  le  dit 
Walthcr),  cabinet  qu'un  voyageur  du  siècle  dernier  qualifia 
de  «  vrai  quodlibet  philosophique  (2).  » 

Se  rattachant  par  son  origine  à  nos  contrées,  il  parvint, 
sans  doute,  après  la  mort  du  baron  de  Crassier,  en  1744,  à 
obtenir  de  ses  héritiers  plusieurs  objets  (dont  le  feuillet  du 
diptyque  de  Saint-Martin),  et  transporta  le  tout  en  sa  collec- 
tion, rassemblée  à  Cologne,  ville  où  il  avait  fait  ses  études. 


(i)  Walthek,  ibid.,  p.  ix,  et  Quix,  Kreis  Eiipen,  p.  :236. 

(2)  Il  a  paru  k  Cologne,  en  1792,  par  C.-L.-i.  de  Buion,  une  Relation  du 
fameux  cabinet  et  de  la  bibliotttèque  rassemblés  et  consacrés  à  l'usage  du  public 
par  M.  le  baron  de  Hupsch,  membre  des  Académies  électorales  de  Mannhcim  et 
Munich,  des  Académies  liollaiula'scs  de  Harlem,  Flessingue  et  d'Utrccht,  de 
rAcadémie  de  IJalavIa  aux  Indes  orientales,  de  l'Académie  américaine  des  sciences 
et  des  arls,  de  la  Société  d'antiquités  de  Cassel,  de  la  Société  physique  de  Berlin 
et  de  plusieurs  autres  sociétés  littéraires,  etc.  » 

A  la  p.  5,  on  lit  :  «  Un  diptyque  romain,  probablement  du  iv"  [sic)  siècle,  de  la 
plus  grande  rareté,  v 

Ses  colleclions  étaient  ii  Cologne,  en  l'hôtel  de  Mulheim,  rue  Saint-Géréon 
Voy.  Kolni.siiie  ZeUung  du  1.3  sept.  187."));  Quix  dit  qu'il  habitait  Johannissirasse. 


—  175  — 

A  sa  mort,  le  1"  janvier  180;),  il  légua  le  diptyque  avec 
une  grande  partie  de  ses  collections,  au  grand  duc  Louis  I" 
de  Hesso,  et  c'est  ainsi  que  la  moitié  du  diplyque  d'Astyrius 
est  aujourd'hui  au  musée  de  Darmstadt. 

Gori,  d'après  les  dimensions  du  diptyque  représenté  par 
Wiltheim  —  dimensions  qui  sont  exactes  —  ne  peut  admettre 
que  ce  diptyque  ait  servi  au  môme  usage  que  celui  d'Anas- 
lasius,  et  dit  que  sans  doute,  comme  cela  a  eu  lieu  pour  un 
diptyque  de  Besançon,  les  planches  d'ivoire  entourées  d'or 
et  de  [)ierreries,  ont  servi  de  couverture  à  quelque  manuscrit 
sur  parchemin,  où  était  inscrit  l'éloge  du  consul  Astyrius  ou 
de  quelque  membre  de  sa  famille,  ou  bien  quelque  ouvrage 
copié  sous  les  auspices  de  ce  consul  (i). 

L'hypothèse  de  Gorius  est  présentée  simplement  pour 
mémoire;  or  il  est  piquant  de  remarquer  qu'elle  s'est  réalisée, 
non  pas  avant,  mais  apiès  l'arrivée  des  deux  feuillets  réunis 
à  l'église  Saint-Martin. 

C'est  ce  que  démontre  l'affirmation  de  Langius,  d'où  il 
résulte  que  les  deux  feuillets  ornaient  ensemble  la  couverture 
d'un  ancien  évangéliaire. 

Mais  quaiid  le  diptyque  est- il  arrivé  à  Liège,  et  spéciale- 
ment quand  est-il  entré  dans  le  trésor  de  Saint-Marlin,  où 
les  deux  feuillets  auraient  été  appliqués  à  la  reliure  de  cet 
évangéliaire? 

Il  serait  aisé  de  fixer  l'époque  de  l'arrivée  à  Liège,  s'il 
fallait  en  croire  les  auteurs  qui  identifient  Mérovée  et  Me- 
robaudes,  le  gendre  d'Astyrius  et  son  successeur  dans  le 


(i)  On  a  vu  plus  haut  que  c'est  précisément  un  Astyrius  consul  (|ui  a  sauvé  de 
'oubli  les  œuvres  de  Sedulius. 


—  174  — 

gouvcrnemont  de  l'Espagne,  en  44-3;  rien  de  plus  simple 
alors  que  d'expliquer  confiment ,  ayant  succédé  à  Clodion 
en  448,  comme  roi  des  Franks,  Mérovée  aurait  reçu  l'an 
d'après  un  diptyque  consulaire  que  lui  aurait  transmis  son 
beau-père  et  comment  lui  ou  l'un  de  ses  descendants  en 
aurait  l'ait  don  à  quelque  personnage  de  Liège. 

On  peut  ajouter  h  cela  le  fait  analogue  de  l'envoi  par 
l'empereur  Anastase  à  Clovis,  l'un  des  successeurs  immé- 
diats de  Mérovée,  de  présents  avec  les  iiisignes  du  consulat 
ordinaire  (i). 

Malheureusement,  il  est  dilïicile  d'admettre  que  Mero- 
baudes,  maître  de  la  milice  romaine,  en  Espagne,  en  443, 
soit  devenu  maître  de  la  milice  de  Clodion  (titre  que  lui 
attribue  le  «  fabuleux  »  Jacques  de  Guyse),  et  ce  pour  suc- 
céder à  ce  dernier  cinq  ans  plus  tard,  si  tant  est  môme 
qu'au  témoignage  des  chroniques  de  Saint-Denis,  il  ne  fût 
pas  déjà  roi  des  Franks  en  440. 

Aujourd'hui  on  a  renoncé  à  cette  assimilation ,  et  la 
transmission  du  diptyque  d'Astyrius  à  Liège  est  restée  in- 
certaine quant  à  sa  date;  aucune  inscription  intérieure  n'a 
été  signalée  et  ne  favorise  à  cet  égard  les  conjectures  comme 
celles  qu'on  a  faites  h  propos  du  diptyque  d'Anastasius. 
(Voy.  plus  loin.) 

Il  n'est  pas  permis  de  supposer  non  plus  que  le  diptyque 
d'Astyrius,  fabriqué  dans  les  Gaules,  soit  arrivé  seulement 
dans  nos  contrées  avec  les  croisés,  qui  en  1^15  l'auraient 
rapporté  de  Gonstantinople. 


(0  Trésor  de  iiumism.  et  de  gltjpf.,  I.  ci/  ,  d'après  Grégoire  de  Tours,  cité 
aussi  par  Wh.tbeim,  \k  28. 


—  i7n  — 

Il  faudrait,  en  ciïcl,  fournir  d'abord  l'explicalioii  de  ce 
détour  :  un  diptyque  fabriqué  à  raison  d'un  évcncnfient  (jui 
a  eu  lieu  dans  les  Gaules,  l'inauguration  d'Astyrius,  puis 
transporté  à  Gonslantinoplc  cl  de  là  rctransporté  dans  nos 
contrées. 

Mais  un  indice  permet  de  remonter  plus  haut  :  lorsque 
l'évéque  Éracle  fonda  l'église  de  Saint-Martin,  à  Liège,  au 
X*  siècle,  il  s'inspira,  sans  doute,  de  l'exemple  de  saint 
Hubert,  lors  de  la  fondation  de  l'église  Saint-Lambert.  Or, 
s'il  est  vrai,  comme  le  suppose  Wiltheim,  que  le  diptyque 
d'Anastasius  aurait  été  transmis  à  cette  dernière  église  par 
son  fondateur,  pourquoi  n'en  aurait-il  pas  été  de  même  du 
diptyque  d'Astyrius  donné  également  à  l'église  Saint-Martin 
par  celui  qui  l'avait  établie? 

Voici  que  le  D'  Walther,  le  conservateur  du  musée  de 
Darmstadt,  nous  apprend  une  circonstance  que  Wiltheim 
nous  avait  laissé  ignorer  :  l'évangéliaire  encore  revêtu  d'un 
des  feuillets  du  di|)lyque  d'Astyrius,  est  en  écriture  du 
IX®  siècle,  et  c'est  également  l'affirmation  du  baron  de  Cras- 
sier qui,  au  xvfii^  siècle,  dans  sa  lettre  adressée  à  B.  de 
Montfaucon,  déclarait  que  l'écriture  de  l'évangéliaire  était 
vieille  de  800  ans  (i)- 

Cette  date  concorde  parfaitement  avec  la  supposition  que, 
au  siècle  suivant,  date  de  la  fondation  de  l'église,  la  collé- 
giale de  Saint-Martin  aurait  reçu  le  diptyque  et  l'aurait 
employé  à  revêtir  un  évangéliaire  d'une  époque  de  peu 
antérieure. 


(()  C'est  aussi  l'opinion  de  Klein,  /.  cil.  :  «  biptychi  consu'aris  eburnei  altéra 
pars  opercule  evangelici  lectionarii  ex  saecuto  nono  alTixa....  » 


—  176  — 

Seulement,  il  s'ogira,  en  éliidiaiit  de  i)liis  |)rès  les  orne- 
ments de  la  plaque  métallique  au  musée  de  Darmstadt,  de 
fixer  ultérieurement  la  date  où  le  premier  travail  a  été  fait  : 
un  examen  de  l'objet  même,  fait  sur  place,  n'a  pas  laissé  à 
l'auteur  du  présent  travail  des  souvenirs  assez  précis  pour 
lui  permettre  de  conclure  avec  quelque  certitude.  Ce  n'est 
du  reste  qu'un  détail  secondaire;  mais  il  convient  de  l'indi- 
quer pour  permettre  de  rechercher  ultérieurement  à  quelle 
époque  entre  le  xi*  siècle  et  le  xvi',  les  deux  feuillets  ont  été 
affectés  à  la  reliure  de  l'évangéliaire. 

Ce  dont  il  ne  faut  pas  douter,  en  toute  hypothèse,  c'est 
l'antiquité  de  l'enluminure  reproduite  sur  la  planche  de 
Langius,  puisque  celui-ci  a  vu  et  décrit  les  deux  feuillets 
sur  l'évangéliaire. 

Cette  enluminure  ne  date  pas  pourtant  de  l'époque  même 
du  diptyque  :  En  effet,  Claudien,  dans  les  vers  cités  plus 
haut,  nous  parle  bien  de  lettres  rouges  pour  les  inscriptions 
des  diptyques,  et  de  dorures;  mais  il  était  d'usage  d'enduire 
de  minium  les  seules  lettres  des  inscriptions  (i),  à  tel  point 
que  Wiltheim  signale  des  inscriptions  de  Trêves  dont  les 
caractères  apparaissaient  encore  rouges  de  son  temps,  et, 
quant  à  l'or,  c'est  sans  doute  aux  marges  seules  qu'il  était 
réservé;  aucun  passage  d'auteur  n'autorise  à  affirmer  qu'on 
aurait  polychrome  les  diptyques  d'ivoire,  et  ainsi  dissimulé 
aux  yeux  la  matière  précieuse  dont  on  les  confectionnait. 

C'est  donc  après  l'application  des  feuillets  à  l'évangéliaire 
que  l'un  d'eux  aura  été  enluminé  par  quelque  chanoine,  ou 


(i)  Pline,  XXIII,  7  :   «  Minium...  tlaiiores  littcnis  in  iiiiiniiorc  o(i;iiii  in 
scalpliiras  fai:i(.  »  Claidikn  dit  :  nitiliini  nomen. 


—   177  — 

plutôt  par  quelque  subalterne  de  l'église  Saint-Marliu,  et  c'est 
peut-être  aussi  la  disparate  engendrée  par  cette  polychromie 
nialcnconlreusc  qui,  lors  de  la  Renaissance,  sous  l'inspira- 
tion d'un  goût  plus  épuré,  aura  engagé  à  supprimer  le 
feuillet  mal  à  propos  peinturluré  et  à  le  remplacer  par  les 
reliques  de  saint  Denis. 

Malheureusement,  par  suite  de  cette  modification  à  l'état 
du  diptyque,  le  feuillet  enluminé  a  été  égaré,  et  toute  trace  en 
est  perdue,  depuis  Langius  et  le  correspondant  de  Sii'mond. 

C'est  ce  qui  donne  un  intérêt  particulier  à  la  reproduction 
de  la  planche  enluminée  de  Langius. 

Le  lecteur  n'aura  pas  de  peine,  en  comparant  celte  planche 
au  feuillet  conservé,  de  lui  restituer  en  imagination  son  ca- 
ractère archaïque,  et  l'impression  qui  résultera  de  cette  com- 
paraison sera  infiniment  préférable  à  celle  que  produisent 
les  dessins  gravés  dans  VAppendix  de  Willheim,  dessins 
absolument  incorrects. 

Espérons  qu'un  jour  le  feuillet  aujourd'hui  égaré  se 
retrouvera  et  permettra  de  se  faire  une  idée  plus  complète 
du  diptyque  d'Âslyrius  avec  ses  particularités  exception- 
nelles. 

II.   Diptyque  d'Anastasius. 

L'église  cathédrale  de  Saint-Lambert,  à  Liège,  démolie 
lors  de  la  révolution  française,  a  possédé  un  diptyque  repré- 
sentant, comme  celui  de  Saint-Martin,  l'inauguration  d'un 
consul,  avec  l'inscription  : 

N°  45t. 

i"  feuillet   :    fl.  .^nastasivs   pavl   puovs    |    sAviNiAPivs 

POMP.    ANAST. 


—  ils  — 

2'  feuillet  : 

VIR  INL.   CO.M.    DU.MKST  KOVIT   ]    KT  GO.NS  OKD 

{ F làw'ius  Anaslasius  Paulus  Probus  Savinianus  Powpeius 
Awai'/asius  vir  m/uslris  cornes  domeslicorum  equitum  et 
consul  on/inan'us.) 

Aucune  difficullé  d'interprétation  ne  s'élève  au  sujet  de 
l'inscription  ;  elle  reproduit  tous  les  prénoms  fort  nombreux 
d'un  consul  du  nom  d'Anastasius. 

Le  consul  est  représenté  assis  dans  une  chaise  curule, 
revêtu  des  habits  consulaires  de  l'époque,  plus  riches  que 
ceux  du  temps  d'Astyrius,  notamment  avec  Vomophorion  en 
sus  :  ces  vêtements  ont  été  décrits  et  discutés  longuement 
par  les  auteurs,  et  il  suffit  de  renvoyer  à  leurs  œuvres  les 
lecteurs  curieux  de  ces  détails.  Ils  étudieront  notamment  si 
le  costume  d'Anastasius  est  triple,  comme  le  disaitWiltheim, 
ou  quadruple  comme  l'a  soutenu  Foullon, 

De  môme  qu'Astyrius,  Anastasius  tient  d'une  main  la 
tnappa  circensis  et  le  sceptre  de  l'autre.  Il  n'est  pas  accosté 
de  deux  serviteurs;  mais  la  partie  supérieure  contient  en 
plus  des  médaillons,  et  la  partie  inférieure  des  scènes  de 
jeux  publics,  etc.(Voy.  pi.  III,  en  regard.) 

On  a  conservé  jusqu'à  nos  jours  au  moins  trois  diptyques 
du  consul  Anastasius  : 

Un  premier  à  la  cathédrale  de  Bourges,  actuellement  à  la 
bibliothèque  nationale  de  Paris. 

Il  a  été  décrit  par  Willheim  et  comparé  par  lui  au  dip- 
tyque de  Liège,  pour  compléter  celui-ci. 

Un  deuxième  au  musée  de  Vérone,  où  l'on  en  possède 
seulement  le  deuxième  léuillel. 


—  179  — 

En(iii  le  diptyque  de  Liège;  ce  dernier  est  aujourd'liui 
divisé  :  le  deuxième  feuillet  ne  se  trouve  pas,  comme  on  l'a 
soutenu,  au  Musée  britannique,  auquel  le  possesseur  nommé 
Webb  l'avait  présenté  il  y  a  quelques  années,  et  qui  n'avait 
pas  accepté  l'offre.  Il  est  passé  avec  la  collection  Webb 
dans  le  South  Kensington  Muséum,  dirigé  par  sir  Philipp 
Gunliffe  Owen  (i). 

Le  premier  feuillet  est  à  la  Kunst-Kammer  de  Berlin  (2)  et 
lorsque  cette  collection  a  été  récemment  fondue  dans  le 
Gewerbe  Muséum  de  Berlin,  le  feuillet  du  diptyque  est  néan- 
moins resté  au  Musée  royal,  qui  a  bien  voulu  le  laisser  figurer 
à  l'Exposition  de  l'art  ancien  au  pays  de  Liège,  en  1881,  et 
qui  a  reçu,  en  échange  de  sa  gracieuseté,  une  médaille  frap- 
pée en  son  honneur. 

C'est  par  erreur  que  certains  auteurs  considèrent  le  feuillet 
du  Musée  de  Kensington  comme  étant  la  réplique  de  celui 
de  Vérone;  ce  sont  deux  seconds  feuillets  contenant  l'un  et 
l'autre,  d'une  manière  absolument  identique,  la  deuxième 
partie  de  l'inscription,  et  ne  pouvant  pas,  dès  lors,  se  com- 
pléter l'un  l'autre. 

Quel  était  l'Anastasius,  titulaire  de  ce  diptyque? 

Jusqu'à  la  publication  du  diptyque  de  Saint-Lambert, 
on  avait  rapporté  à  l'empereur  Anastase,  déjà  trois  fois  consul 
et  qui  vivait  encore  en  5i7,un  quatrième  consulat  mentionné 
en  cette  année  par  une  loi  du  code  de  Justinien, 


(0  Renseignements  contenus  en  une  lettre  de  M.  Augustus-W.  Fuanks,  direc- 
teur du  British  Muséum,  lettre  datée  du  2  juillet  1881. 
On  a  donc  tort  de  croire  que  ce  feuillet  est  enlièrenient  perdu. 
(2)  N"  758  du  catalogue  de  ce  musée. 


—  i80  — 

Les  prénoms  du  diptyque  de  Liège  ne  laissent  aucun 
doute  sur  la  nécessité  d'assigner  le  consulat  de  l'an  517  non 
à  l'empereur,  mais  à  un  homonyme  de  celui-ci. 

C'était,  de  plus,  un  de  ses  parents  :  l'usage  était  à  cette 
basse  époque  de  faire  précéder  le  nom  du  personnage,  de 
divers  prénoms  (i)  correspondant  à  ceux  de  ses  ancêtres. 

Or,  si  le  dernier  des  prénoms  indique  Pompeius,  le  père 
du  consul,  lequel  était  fils  d'Hypace,  frère  de  l'empereur 
Anastase,  un  autre  des  prénoms  A.nastasius,  distinct  du  nom 
final,  pourrait  bien  indiquer  le  père  de  l'empereur,  de  qui 
descendait  peut-être  Anastasie,  mère  du  consul  qui  aurait  été 
ainsi  à  la  fois  le  petit-neveu  paternel  et  maternel  de  l'empe- 
reur. 

Pompeius  et  Anastasie,  sa  femme,  avaient  pris  une  part 
active  à  la  lutte  de  l'église  orthodoxe  contre  l'empereur  :  de 
là  des  discussions  de  famille  et  aussi  une  réconciliation  qui 
fut  scellée  sans  doute  par  la  nomination  du  jeune  Anaslasius 
au  consulat. 

C'est,  en  effet,  un  homme  très  jeune  que  représentent  les 
diptyques  de  Liège  et  de  Bourges;  les  usages  de  l'époque 
comportaient  de  semblables  nominations  :  Félix,  qui  fut 
consul  d'Occident  sous  Théodoric,  fut  promu  à  cette  dignité 
étant  encore  enfant,  ex  ipso  pueritiae  flore. 

Il  est  donc  probable  qu'il  ne  faut  pas  voir  dans  l'un  des 
portraits  qui  ornent  le  fronton  du  djplyque,  l'épouse  d'Anas- 
tasius.  Quoi  de  plus  naturel  d'ailleurs  que  de  chercher  dans 


(«)  Celui  de  l-'lnvius  réparait  pour  ainsi  dire  sur  tous  les  diptyques  (en  voir  la 
liste  chez  Pul/ky;  voir  aussi  Bull,  des  Coinm.  roij.  d'art  et  d'archcol.,  XXII, 
p.  33o,sur  l'emploi  général  de  ce  nom,  par  les  familles  impériales  de  la  décadence). 


—   181    — 

le  portrait  tlu  milieu,  celui  de  l'empereur  régnant,  grand- 
oncle  du  consul,  et  dans  les  deux  portraits  placés  en  attique 
dans  la  perpendiculaire  des  colonnes  latérales,  à  un  rang 
inférieur  (comme  il  convenait),  Pompeius  et  Anastasie,  le 
père  et  la  mère  du  lilulaire,  membres  de  la  famille  impériale? 

Wiltheim  ne  trouve  pas  de  ressemblance  entre  le  portrait 
supérieur  et  la  face  de  l'empereur  Anastase  d'après  ses 
monnaies  et  médailles;  d'autres  y  ont  vu  le  portrait  d'une 
femme,  à  cause  d'une  apparence  de  boucles  d'oreilles  : 
cependant  le  costume  ne  peut  laisser  de  doute. 

Le  personnage  est,  en  effet,  revèlu  du  manteau  impérial  ; 
ce  n'est  donc  pas  le  père  d'Anastasius,  bien  que  le  revers  du 
diptyque  de  Bourges  le  représente  diadème  (mais  sans  le 
manteau  impérial). 

Quant  aux  prétendues  boucles  d'oreilles,  ce  sont  simple- 
ment les  glands  qui  terminent  les  bandelettes  pendantes  du 
diadème. 

Le  diptyque  de  Liège,  à  la  différence  de  celui  de  Bourges, 
qui  place  le  portrait  de  l'empereur  seul  au  haut  du  sceptre, 
y  répète  la  représentation  de  l'empereur  entre  celles  de 
Pompeius  et  d'Anastasie. 

Quant  aux  deux  portraits  placés  aux  bras  de  la  chaise 
curule,  ce  sont  au  premier  feuillet,  peut-être  un  frère  et  une 
sœur  d'Anastasius;  au  second  feuillet,  deux  génies  repré- 
sentés sous  la  forme  des  vents  dans  les  zodiaques. 

On  ignore  quels  sont  les  autres  ancêtres  auxquels  Anas- 
tasius  a  emprunté  le  surplus  de  ses  prénoms,  Paulus,  Probus, 
Sabinianus.  Wiltheim  a  cependant  émis  à  cet  égard  quelques 
conjectures  non  dénuées  de  probabilité. 

Gomme   Astyrius,  Anastasius  était  vir  iUusiris  et  consul 


—  182  — 

ordinarius;  il  jiorle,  en  outre,  la  qualité  de  cornes  domesti- 
corum  equilum,  comte  commandant  les  cavaliers  de  la  garde 
du  corps,  de  la  garde  palatine  :  l'expression  de  comte  des 
domestiques  à  cheval,  qu'un  auteur  a  employée,  est  de  nature 
à  être  mal  interprétée,  et  il  convient  de  l'éviter,  parce  que 
domestique,  pris  substantivement,  ne  s'entend,  en  français, 
que  de  la  valetaille. 

De  tous  les  diptyques  connus,  ceux  d'Anastasius  sont 
signalés  comme  les  meilleurs.  Ils  se  font  remarquer,  dit 
Labarte,  j^ar  une  grande  délicatesse  d'exécution.  Les  règles 
de  la  perspective  sont  complètement  méconnues,  il  est  vrai, 
dans  les  bas-reliefs;  mais  les  petites  figures  de  ces  bas- 
reliefs  sont  d'un  dessin  assez  correct;  elles  ont  du  mouve- 
ment et  de  l'expression. 

Un  point  important  pour  l'histoire  de  l'art  est  le  sui- 
vant (i)  : 

En5!7,  époque  de  l'exécution  de  ce  monument;  le  col- 
lègue d'Anastasius  pour  l'Occident  était  Agapit,  préfet  de 
Rome,  sous  Théodoric,  qui  à  la  tète  de  ses  Goths  en  était 
alors  maître.  On  peut  donc  affirmer  avec  certitude  que  les 
diptyques  d'Anastasius  ont  été  exécutés  à  Constantinople 
môme,  où  le  consulat  d'Orient  s'est  ouvert,  et  sont  par  con- 
séquent un  produit  pur  de  l'art  byzantin  au  vi'  siècle. 

Le  diptyque  de  Bourges  représente  au  bas  du  premier 
feuillet  une  scène  dont  les  acteurs  déploient  différentes  ruses 
pour  échapper  à  l'atteinte  de  lions  et  de  panthères;  des 
boucliers  d'osier,  des  trappes  pivotantes  leur  prêtent  se- 
cours, pendant  que  d'autres  personnages  tiennent  des  nœuds 

(t)  Trésor  du  numism.  et  de  glypt.,  XVII,  p.  13. 


—  185  — 

coulants  pour  ressaisir  les  animaux  féroces;  cependant  un 
des  acteurs  a  été  atteint  par  une  panthère. 

A  la  place  correspondante,  le  diptyque  de  Liège  repré- 
sente des  spectateurs  autour  d'un  amphithéâtre,  et  dans 
l'arène,  une  chasse  à  l'ours;  des  mannequins  sont  disposés 
pour  donner  le  change  aux  animaux  déchaînés  ;  au  moment 
où  ceux-ci  s'approchent,  deux  personnages  hissent  (à  l'aide 
de  poulies?)  des  tonneaux  attachés  à  un  pilier,  dans 
lesquels  ils  se  sont  hloltis  (i);  un  autre  se  soustrait  à  la  pour- 
suite de  l'ours  qui  va  l'atteindre,  en  s'appuyant  sur  un  hàton 
et  en  faisant  par-dessus  l'animal  une  cabriole  de  saltim- 
banque (2)  ;  un  autre  fait  la  roue  devant  les  ours;  un  autre 
encore  se  précipite  vers  une  loge  dont  la  porte  tenue  ou- 
verte, va  l'intercepter  en  se  refermant  sur  la  bête  lancée 
vers  lui;  enfin  un  dernier  monte  sur  une  roue,  se  dispose 
à  lancer  un  nœud  coulant  au  col  d'un  ours  qui  menace  d'autres 
acteurs  de  la  scène. 

A  cela  le  feuillet  de  diptyque  de  Vérone  ajoute  un  spec- 
tacle de  jonglerie. 

C'est  que  l'empereur  Anastase  avait  aboli  dans  l'amphi- 
théâtre les  combats  sanglants  d'hommes  et  d'animaux,  qui 
figurent  encore  sur  un  diptyque  d'Ariobindus,  de  l'an  506  : 
il  ne  s'agit  plus  en  517  de  tuer  les  animaux,  mais  d'élu- 
der leurs  atteintes  ;  c'est  le  rire  du  spectateur,  et  non  sa 
terreur  que  l'on  veut  exciter. 

(i)  WiLTHErM  y  voit  plutôt  une  sorte  de  balançoire,  en  invoquant  le  témoignage 
des  auteurs  anciens. 

(2)  C'est  précisément  la  description  de  Cassiodore,  Variarum,  Mb.  V,  epist. 
42  :  «  Primus  fragili  ligno  confisus  currit  ad  ora  belluanini...  Tune  in  acre  sallu 
corporis  elevato...  supinata  niembra  jaciuntur  et  quidam  arcus  supra  belluam 
libratus  dum  moras  descedendi  facit,  sub  ipso  velocitas  ferina  discedit.  » 


—  184  — 

On  en  est  revenu  aux  sauts  de  tout  genre  qui  figurent  déjà 
dans  l'Iliade  au  xviii'  chant,  ))our  la  description  du  bouclier 
d'Achille,  et  au  iv*  de  l'Odyssée,  pour  les  fêles  données  par 
Ménélas,  et  qui  aujourd'hui  sont  relégués  parmi  les  exer- 
cices des  bateleurs,  avec  les  jongleries  alors  en  honneur. 
C'était  par  des  spectacles  aussi  vils  que  Théodora,  depuis 
femme  de  Justinien,  s'était  signalée  devant  le  peuple  assem- 
blé et  avait  conquis  la  faveur  de  la  populace  (i). 

Mais  ce  qu'aujourd'hui  nous  appellerions  un  comble, 
est  le  spectacle  figuré  au  second  feuillet  du  diptyque  de 
Liège,  dans  sa  partie  inférieure  :  deux  hommes,  les  mains 
liées  derrière  le  dos,  se  font  saisir  le  nez  par  des  crabes, 
et  puis  s'efforcent  de  se  dégager  des  pinces  de  ces  crus- 
tacés (2).  (Voy.  pi.  IV  en  regard.) 

Du  temps  de  Galba,  on  allait  jusqu'à  dresser  des  éléphants 
à  danser  sur  la  corde  (0).  Un  savant  du  xviii"  siècle  a  dé- 
montré que  toutes  ces  jongleries,  tous  ces  jeux,  étaient  fort 
appréciés  des  Romains  (4). 

D'un  goùl  plus  relevé  sont  les  autres  scènes  représentées 
sur  les  trois  diptyques  du  consul  Anaslasius  :  le  registre 
supérieur  du  second  feuillet  de  chacun  d'eux  représente  des 
chevaux  de  course  empanachés  et  ornés  d'un  riche  collier; 
les  coursiers  des  deux  factions,  Venela  et  Prasina,  qui  vont 


(1)  Procope,  Anecdotes,  cdil.  de  16G4(avec  noies  J'Enchel),  p.  5-4. 

(2)  WiLTiiEiM  pense  que  celle  scène  représente  symboliquemjnl  l'esclavage 
opposé  à  l'aiïraiicliissement  représenté^ur  le  même  fenillet. 

(s)  MiLLiN,  Mci(/(idn  encyclopédique,  1810,  V,  p.  il.  Voy.  aussi  Spon,  Recher- 
ches curieuses  d'antiquité,  p.  'i07,  au  sujet  d'une  médaille  deCaracalla,  représen- 
tant des  danseurs  de  corde. 

[i]  Peig.ne-Delacoukt,  Note  sur  quelques  objets  d'église  (séance  du  comité 
archéologique  de  Noyon  du  9  octobre  1860). 


—  185  — 

se  disputer  la  palme,  sont  coiuhiils  par  deux  j)crson- 
nages  porleurs  d'une  hasie  surmontée  d'un  cartel  carre 
pareil  à  celui  de  la  Libéralité  sur  les  monnaies  des  empe- 
reurs; ce  cartel,  sur  le  diptyque  de  Liège,  à  la  différence 
des  deux  autres,  se  signale  par  une  croix  grecque  semblable 
à  celle  du  labarum. 

Sur  le  diptyque  de  Vérone,  on  voit  en  outre  une  scène 
de  théâtre,  où  plusieurs  chanteurs,  accompagnés  d'un 
orgue  hydrauli(iue,  permettent  à  un  groupe  de  danseurs  de 
cadencer  leurs  pas. 

Enfin,  sur  les  diptyques  de  Liège  et  de  Bourges,  on  voit 
au  second  feuillet  des  scènes  de  manumission  :  des  esclaves 
sont  affranchis  par  l'apposition  surleur  lêtedelamainde  leurs 
maîtres  :  les  auteurs  anciens  nous  apprennent,  en  effet,  que 
les  consuls,  lors  de  leur  inauguration,  avaient  l'habitude  de 
faire  don  de  la  liberté  à  des  esclaves  ayant  mérité  cette  faveur. 

Le  diptyque  d'Anastasius  est-il  parvenu  à  Liège  à  sa  date, 
ou  ultérieurement?  Aucun  document  positif  ne  permet 
d'éclaircir  cette  question  et  le  champ  est  ouvert  aux  conjec- 
tures. 

Si  le  diptyque  a  été  envoyé  par  Anastasius,  en  517,  à 
l'évéque  qui  occupait  alors  le  siège  de  Tongres,  celui-ci  était 
Euchère  ou  Eucharius,  nom  grec  latinisé,  de  formation 
identique  à  celle  du  nom  d'Anastasius  lui-même.  Il  est  pos- 
sible aussi,  comme  le  pense  Foullon,que  lediplyqueauraitété 
donné  quelques  années  plus  tard  par  Théodebert,  neveu  de 
Clovis,  à  Domitien,  successeur  d'Euchère,  à  l'occasion  du 
concile  d'Auvergne  de  535,  où  cet  évêque  assista. 

Mais  voici  qui  permet  plus  de  précision  : 

Le  diptyque  de  Liège  porte  de  l'écriture  ancienne  sur  les 


—  486  — 

deux  pages  intérieures,  au  revers  des  reliefs  qui  consti- 
tuaient les  feuillets  extérieurs,  quand  le  diptyque  était 
fermé. 

La  première  de  ces  pages  contenait  les  noms  des  saints 
(le  la  prière  dite  communicanles  :  apôtres,  confesseurs,  mar- 
tyrs, dont  le  nom  se  lit  encore  au  canon  de  la  messe;  or 
la  liste  s'arrête  au  temps  de  Gharlemagne. 

La  deuxième  page  intérieure  portait  ce  qu'on  appelait  le 
mémento  des  morts  :  elle  commençait  par  les  mots  «  mé- 
mento Domine,  famulorum  tuorum  X  et  X  »,  et  les  noms 
suivaient  au  génitif.  Or,  les  seuls  noms  complets  qu'on  ail 
pu  lire,  semblent  être  ceux  de  deux  évèques  de  Tongres  : 
EBREGisi  (618-630)  et  amandi  (i)  (637-650). 

Gomme  l'usage  de  ce  mémento  disparut  dans  presque 
toutes  les  églises  de  la  Gaule,  au  temps  même  de  Gharle- 
magne, les  inscriptions,  si  elles  datent  du  ix"  siècle,  comme 
elles  en  ont  toute  l'apparence  au  point  de  vue  paléogra- 
pliique,  seraient  la  copie  à  nouveau  d'inscriptions  anciennes, 
ce  qui  constaterait  qu'à  la  différence  du  restant  de  la  Gaule, 
l'église  de  Liège,  comme  du  reste  celle  de  Reims,  aurait 
persisté  à  suivre,  en  deçà  du  temps  de  Gharlemagne,  l'usage 
romain  encore  en  vigueur  aujourd'hui. 

Quant  au  texte  primitif  de  celte  écriture  intérieure,  il 
daterait  de  la  fondation  de  l'église  Saint-Lambert,  par  saint 
Hubert  (G99-728),  lequel  aurait  compris  le  diptyque  dans 
les  nombreux  dons  qu'il  fit  à  ce  temple,  et  sous  Gharle- 
magne, on  y  aurait,  en  outre,  fait  quelques  additions. 


(i)  La  mention  asiandi,  qui  n'a  pas  été  relevée  par  Wiltheim,  a  été  recueillie 
l';ir  M.  le  comte  van  den  Steen. 


—  187  — 

Quoi  qu'il  en  soil,  il  résulle,  au  moins,  des  éléments  qui 
servent  à  établir  ces  suppositions  que,  dès  le  temps  de 
Charlemagne,  le  diptyque  d'Anastasius  servait  à  un  usage 
religieux,  et,  par  une  conséquence  presque  nécessaire,  qu'il 
était  déjà  dans  le  trésor  de  Saint-Lambert. 

Les  seules  mentions  du  diptyque  d'Anastasius  que  l'on 
rencontre  avant  l'ouvrage  de  Wiltheim  se  trouvent  dans  YOno- 
maslicum  du  P.  Héribert  Rosweyde,  qui  fit  partie  de  la 
Compagnie  de  Jésus,  de  1589  à  1629,  et  dans  les  fastes 
d'Aubert  Miraeus. 

Mais  à  peine  en  disent-ils  quelques  mots,  et  il  ne  faut 
peut-être  pas  prendre  au  pied  de  la  lettre  l'affirmation 
du  premier  que  les  feuillets  intérieurs  portaient  des  «  in- 
scriptions de  noms  de  quelques  saints  et  de  quelques  évéques,  » 
ni  du  second  que  le  diptyque  portait  «  des  noms  d'évéques  de 
Tongres,  presque  effacés.  » 

En  effet,  que  vaut  cette  affirmation,  du  reste  absolument 
vague,  devant  celle  de  Wiltheim,  que  le  P.  de  Tornaco  dut 
mettre  bien  des  heures  à  retrouver  quelques  noms  sur  le 
premier  feuillet  et  qu'il  n'a  lu  sur  le  deuxième  que  quel- 
ques syllabes...  igisi... 

Il  n'est  pas  probable  qu'un  demi-siècle  entre  la  visite  de 
Rosweyde  et  de  Wiltheim,  l'élat  du  diptyque  se  soit  telle- 
ment aggravé,  que  ce  qui  était  encore  lisible  vers  IGOO 
ait  cessé  de  l'être  vers  1650,  à  moins  que  les  caractères 
n'aient  été  frottés  et  usés,  ce  qui  est  possible,  lors  de  l'addi- 
tion de  l'armature  en  bois  qui  existait  du  temps  de  Wilt- 
heim et  qui  a  peut-être  été  ajoutée  depuis  que  Rosweyde 
et  Miraeus  avaient  vu  le  diptyque  (à  découvert?). 

En  1657,  Wiltheim  demanda  l'autorisation  d'avoir  corn- 


—   188  — 

niunicalion  du  diptyque  cl  voici  à  cet  égard  deux  décisions 
capilulaires  (i). 

«  1C)57,  \\)  octobris.  Proposilione  facla  an  capitulo  pla- 
ceatcburncarum  labularum  anliquarum  quac  in  tbesauraria 
iiujus  ccclesiae  asscrvantur,  cxplicatio  etsludium  cujusdam 
patris  societalis  Jcsu,  dominis  meis  dedicanda  (2),  respon- 
sum  fuit  placere,  et  in  sumptus  dominos  meos  consentire. 

«  !Go7,  24  octobris  :  Relecta  fuerunt  décréta  capituli  19, 
dominorum  directorum  25,  dominorum  vero  dcpulalorum 
cleri  20,  necnon  depulalorum  ordinum  23  (bujus  mensis), 
quae  dominis  meis  piacuerunt,  excepto  uno  quo  de  tabulis 
eburneis  Anastasii  consuiis  romani  bac  in  occlesia  asser- 
valis;  hinc  iHud  decretum  circumductum  fuit.  » 

Quel  que  soit  le  sens  de  cette  décision  (0),  Wiltheim  pu- 
blia, en  1659,  la  description  du  diptyque,  et  il  dit  en  termi- 
nant son  œuvre  :  «  Et  toi,  noble  basilique  de  Liège,  conserve 
encore  pendant  de  longs  âges  pour  toi  et  pour  In  postérité, 
ce  diptyque  que  son  poids  d'or  ne  payerait  pas  (auro  contra 
non  aestimandum).  » 

Depuis  l'époque  de  Wiltbeim,  on  recueille  plusieurs  men- 
tions dans  les  inventaires  ou  les  descriptions,  de  la  custode 


(i)  Regisire  des  conclusions  capilulaires,  n"  1o63.  (Renseignements  de  M.  l'ar- 
chiviste S.  BOUMANS.) 

(•})  L'ouvrage  de  Wm.tiieim  l'ut,  en  effet,  dc'dit^  a  Laurent  de  Méan,  grand 
écolâtre  du  chapitre  de  Saint-Lambert  et  archidiacre  de  Hainaut. 

(s)  Circumdiicere  legem,  c'est  l'annuler. 

Or,  Wiltheim  obtint  la  communication  sollicitée,  car,  p.  2,  il  dit  :  «  Leodiense 
diptychon  cum  nobis  ostendi  rogassemus,  cimeliarchue  tabellas  geminas  eburneas 
protulcre,  asseri  ligueo  junctim  affixas...  » 

FI  est  même  certain  que  Wiltheim  obtint  l'.intorisation  de  détacher  le  diptyque 
de  l'arniature  en  bois  qui  en  enserrait  les  feuillets  :  «  Rogavi  Andraeam  a  Tornaco 
ut  tabellas  («sscri  enini  affixac  sunt)  refigi  impctraret.  »  (Ibid.,  p.  31) 


—    180  — 

en  bois,  capsa  (i),  dans  laquelle,  suivant  un  usage  ancien, 
était  enfermé  le  diptyque  avec  les  objets  les  plus  précieux 
(lu  trésor.  Un  manuscrit  d'Abry  (2)  cite  aussi  dans  le  trésor 
de  la  cathédrale  de  Liège  :  «  une  image  antique  d 'yvoire  à 
deux  figures  d'hommes  à  la  romaine  bien  entretaillécs.  » 

Il  est  difficile  de  déterminer  l'époque  où  le  diptyque 
d'Anastasius  a  disparu  de  la  cathédrale  Saint-Lambcrl  :  ce 
doit  être  au  plus  tard  en  1794,  lors  de  la  destruction  de 
l'église  elle-même.  En  toute  hypothèse,  il  n'est  pas  ))crmis 
de  maintenir  l'affirmation  que  le  diptyque  est  encore  conservé 
aujourd'hui  dans  l'église  de  Saint-Lambert,  puisque  celle-ci 
elle-même  n'existe  plus.  C'est  là  une  erreur  des  auteurs  qui 
en  sont  encore  aujourd'hui  aux  renseignements  puisés  chez 
Wiltheim. 

—  Le  diptyque  d'Anastasius  a  donné  lieu  à  un  procès 
célèbre  dans  les  fastes  de  la  curiosité  :  il  importe  de  rétablir 
les  faits  sous  leur  véritable  jour;  car  la  version  erronée,  qui 
a  paru  dans  les  journaux  de  l'époque,  a  été  insérée  dans  des 
ouvrages  sérieux  d'archéologie,  comme  l'ouvrage  du  comte 
van  den  Steen  sur  la  cathédrale  de  Saint-Lambert,  et  même 
elle  a  été  accompagnée  de  détails  absolument  de  fantaisie, 
dans  les  Documents  et  rapports  de  la  Société  paléontologique 
et  archéologique  de  Charleroi,  IX,  p.  40j,  où  il  est  dit  no- 
tamment que  le  diptyque  a  été  acheté  40,000  francs  par  le 
Gouvernement  belge  et  a  figuré  à  une  place  d'honneur  dans 
les  vitrines  de  la  porte  de  Hal. 

De  plus,  le  Catalogue  des  œuvres  publiées  par  la  Société 

(i)  RoswEYDE,  /.  cil  ,  cite  lin  passage  iiilérossant  d'Eklicliard  (moine  de  Saint- 
Gall)  sur  ces  cnpsae. 
(2)  Ms.  n"  9i  (649),  appartenant  ii  M.  le  comte  d'OnUremont,  p.  ôlO. 


—  190  — 

royale  belge  de  plwlographie  (société  Fierlants),  p.  58, 
Première  série  des  reproductions  du  Musée  royal  d'anti- 
quités, d'armures  et  d'artillerie  de  Bruxelles,  porte,  n°  509  : 
«  Le  diptyque  de  Liège,  ivoire  du  viii®  siècle.  Dimensions 
0™3iiXO'"28.  Ce  diptyque  ayant  été  reconnu  faux  ne  se  trouve 
plus  au  Musée.  »  C'est  là  une  triple  erreur;  le  diptyque 
de  Genoels-Elderen  (et  non  de  Liège)  auquel  cela  s'applique 
est  du  vil*  siècle  et  c'est  l'une  des  pièces  les  plus  importantes 
du  Musée  de  Bruxelles,  où  n'a  jamais  figuré  le  diptyque  de 
Liège  que  depuis  qu'il  a  été  reconnu  faux,  mais  présenté 
comme  faux  (voir  plus  loin). 

Rétablissons  les  faits  : 

M.  Weale,  sujet  anglais,  résidant  à  Bruges,  avait  été 
nommé  membre  correspondant  de  la  Commission  royale 
des  monuments. 

Cette  Commission  se  réunissait  alors  en  assemblée  géné- 
rale annuelle  à  Bruxelles,  et  M.  Weale,  à  l'une  de  ces 
séances,  en  décembre  1863  (i),  s'écria  : 

«  Je  passe  à  une  autre  observation  et  j'appelle  sur  ce 
point  l'attention  de  la  Commission. 

»  Il  y  a  environ  un  siècle,  a  disparu  de  la  cathédrale  de 
Liège  un  objet  d'une  grande  importance  :  le  célèbre  diptychon 
leodiense,  publié  en  gravure  par  le  père  Wiltheim  en 
1659...  Le  diptyque,  un  monument  national  important,  est 
à  vendre;  un  de  mes  collègues  vient  de  me  dire  que  l'Uni- 
versité de  Liège  n'a  pas  de  fonds  pour  l'acquérir.  Je  signale 
cette  circonstance  pour  que  le  Gouvernement  belge  puisse 
l'acheter.  Si  le  Gouvernement  belge  ne  l'achète  pas,  je  pré- 

(i)  Bull,  (les  Comin.  roij.  d'art  et  (l'nrchéol.,  MF,  p.  I6i. 


—  lOi   — 

fère  qu'il  soi!  dans  un  musée  public,  et  pour  cela,  je  vais 
engager  un  archéologue  de  Londres,  avec  qui  je  suis  en 
correspondance,  à  en  faire  l'acquisition  pour  le  Musée  bri- 
tannique. » 

De  plus,  M.  Weale  avait  parlé  à  la  Commission  des  mo- 
numents, en  même  temps  que  du  diptyque,  d'un  évangé- 
liaire  récemment  vendu  à  un  Anglais  pour  6,000  francs, 
et  l'on  savait  à  Liège  que  M.  de  Crassier  avait  réellement 
vendu  à  M.  Boone,  de  Londres,  un  évangéliaire  pour  0,000 
francs. 

L'appel  d'un  étranger  qui  passait  pour  connaisseur  et 
qui  n'avait  pas  ménagé  ses  critiques  à  l'administration  belge, 
ne  pouvait  manquer  d'attirer  l'attention  de  celle-ci;  immé- 
diatement les  fonctionnaires  compétents,  croyant  M.  Weale 
sur  parole  —  ce  fut  leur  seul  tort  —  se  mirent  en  relation 
avec  le  possesseur  du  diptyque,  M.  X...,  de  Liège,  avec 
d'autant  plus  d'empressement  que  MM.  Hagemans  et  Ulysse 
Capitaine,  des  archéologues  connus,  avaient  écrit  à  M.  Juste, 
-conservateur  du  Musée  de  Bruxelles,  que  M.  le  baron  de 
Crassier,  mort  en  1863,  avait  conservé  des  objets  provenant 
de  son  aïeul,  et  que  le  possesseur  du  diptyque  afiirmait  le 
tenir  de  la  famille  de  Crassier  :  or,  celle-ci,  le  fait  était"  de 
notoriété,  avait  possédé  au  moins  un  des  feuillets  d'un  des 
diptyques  de  Liège. 

La  négociation  allait  se  conclure,  et  le  prix  de  20,000 
francs  allait  être  payé,  lorsque  l'attention  fut  opportunément 
appelée  par  des  savants  étrangers  sur  la  circonstance  que 
les  deux  feuillets  du  diptyque  de  Saint-Lambert  existaient 
encore  et  étaient,  l'un  à  Berlin,  l'autre  à  Londres. 

L'exactitude  de  ce  renseignement  fut  vérifiée  et  le  marché 


—  102  — 

fut  ronipu  :  jamais  le  diptyque  n'a  figuré  comme  vrai  dans 
I«s  vitrines  du  Musée. 

Une  poursuile  pour  escroquerie  fut  dirigée  contre  le  ven- 
deur, qui  prétendait  tenir  depuis  18G2  le  diptyque  des  mains 
d'un  descendant  du  baron  de  Crassier,  le  collectionneur  du 
xviii"  siècle. 

Un  des  témoins,  M.  Schaepkens,  de  Maastricht,  fondateur 
de  la  Société  archéologique  du  Limbourg,  affirma  que 
M.  Weale  lui  avait  dit  avoir  vu  le  diptyque  chez  M.  de 
Crassier  (i),  «  //  m'a  même,  ajoutait-il,  désigné  l'endroit  où  il 
était  placé  chez  M.  de  Crassier;  la  conversation  a  eu  lieu  en 
présence  de  M.  de  Bleser,  chanoine  de  la  cathédrale  et 
secrétaire  de  l'Exposition  archéologique  du  Congrès.  » 

M.  Weale,  interrogé  lui-même,  dit  être  allé  une  seule  fois 
chez  M.  de  Crassier  :  «  il  ne  m'a  pas,  dit-il, parlé  du  diptyque; 
mais  il  m'a  entretenu  d'un  évangéliaire,  et,  je  pense,  d'un 
diptyque  de  Saint- Lambert.  » 

Sur  cette  équivoque  d\m  diptyque  et  du  diptyque,  et  sur 
ce  fait  que  le  baron  de  Crassier,  le  collectionneur  du 
xviii*  siècle,  avait  réellement  possédé  le  diptyque  d'Asty- 
rius,  le  tribunal  de  Liège,  par  jugement  du  2;2juin  1866, 
renvoya  le  prévenu  des  poursuites  :  ce  jugement  fut  depuis 
réformé  par  arrêt  de  la  Cour  d'appel,  en  date  du  31  janvier 
1867,  et  le  prévenu  fut  condamné  du  chef  non  d'escro- 
querie, mais  de  tromperie  sur  la  nature  de  l'objet  par  lui 
vendu,  à  six  mois  d'emprisonnement,  peine  qui  fut  com- 
muée en  une  peine  de  2,000  francs  d'amende. 


(()  A  la  vérité,  un  autre  témoin  disait  avoir  la  conviction  que  M.  Weale  avait 
vu  pour  la  première  fois  le  diptyque  au  musée  de  la  porte  de  liai.  Mais  alors  que 
devient  l'atTirmation  de  M.  Weale  à  l'assemblée  de  la  Commission  des  monuments? 


—  195  — 

Un  des  éléments  de  l'instruction  avait  été  une  expertise 
judiciaire  pour  vérifier  si  le  diptyque  offert  en  vente  était 
authentique. 

Cette  expertise,  confiée  à  des  archéologues  émériles,  révéla 
par  la  comparaison  de  moulages  des  originaux,  que  le  gra- 
veur Natalis,  auteur  des  planches  de  l'ouvrage  de  Willheim, 
avait  mis  du  sien  (comme  on  dit  vulgairement)  dans  la 
copie  du  diptyque,  en  y  imprimant  le  style  du  xvii*  siècle, 
et  en  formant  un  dessin,  non  pas  tel  que  l'artiste  de  Gon- 
stanfinople  l'avait  conçu,  mais  tel  que  lui,  Natalis,  l'aurait 
exécuté  si  on  lui  avait  commandé  le  diptyque  à  lui-même. 

De  plus,  Natalis  avait  négligé  certains  détails,  comme  la 
claire-voie  des  portes  de  l'amphithéâtre,  par  où  on  pouvait 
voir  ce  que  se  passait  dans  l'arène. 

Enfin,  Natalis  avait,  pour  l'effet,  exagéré  les  omhres. 

Or,  le  faussaire  moderne  avait  imité  avec  une  exactitude 
scrupuleuse  le  dessin  de  Natalis,  dont  son  œuvre  était  un 
fac-similé  absolu  qui  exagérait  encore  en  l'accentuant  le 
cachet  personnel  mis  par  le  graveur  à  son  œuvre. 

L'expertise  révéla,  en  outre,  que  la  teinte  de  vétusté  de 
l'œuvre  y  avait  été  donnée  par  un  enduit  de  gomme  arabique 
et  de  terre  de  Gassel;  que  quelques-unes  des  fendilles  étaient 
artificielles  et  n'intéressaient  que  la  superficie;  qu'elles 
avaient  été  faites  à  l'aide  d'un  outil,  et  qu'elles  étaient  dans 
une  direction  contraire  à  celle  des  fibres  de  l'ivoire. 

Il  y  avait  donc  falsification  évidente. 

De  plus,  depuis  le  procès  X...,  le  nom  du  falsificateur 
a  été  révélé  à  la  justice. 

Un  Allemand  nommé  Esser,  s'occupait  à  Liège,  avec  une 
habileté  incomparable  —  et  digne  certes  d'un  meilleur  em- 


—  194  — 

ploi  —  à  fabriquer,  pour  tromper  les  collectionneurs,  des 
reproductions  d'objets  antiques,  dont  plusieurs,  assure-t-on, 
ont  trouvé  place  dans  des  collections  célèbres. 

Il  avait  eu  des  démêlés  avec  Silvie  Mardaga,  épouse 
Lepaffe,  revendeuse  à  Liège,  qui  le  signala  au  parquet,  par 
dénonciation  en  due  forme,  comme  auteur  du  faux  dip- 
tyque. 

Une  instruction  fut  ouverte  contre  la  signataire  de  la 
dénonciation  et  Silvie  Lepaffe,  dont  c'était  précisément  le 
but,  démontra  par  de  nombreux  témoins,  qu'en  effet  Esser 
avait  un  jour  fait  scier  des  plaques  d'ivoire  de  la  grandeur 
des  feuillets  du  diptyque,  et  qu'après  avoir  travaillé  pendant 
plusieurs  mois  à  l'imitation  des  gravures  de  Willheim,  il 
avait  mouillé  les  plaques,  les  avait  exposées  à  un  soleil 
ardent,  pour  les  fendiller,  puis  les  avait  fait  entre  auîres 
traîner  pendant  longtemps  parmi  les  poussières  et  des  toiles 
d'araignée,  dont  il  avait  pris  soin  d'activer  l'action  par  le 
frottement,  etc. 

L'épouse  Lepaffe  fut  renvoyée  des  poursuites. 

L'instruction  n'a  pas  révélé  si,  cette  fois,  Esser  avait 
travaillé  sur  commande  d'un  tiers,  et  il  allait,  sans  doute, 
être  poursuivi  lui-même  quand  il  vint  à  décéder,  de  ma- 
nière qu'on  n'est  pas  parvenu  à  connaître  la  relation  que 
cette  affaire  pouvait  avoir  avec  la  précédenle,  et  notamment 
si  le  prévenu  X...  avait  trempé  dans  la  falsification. 

L'auteur  du  présent  article,  lors  du  premier  procès,  était 
chef  du  parquet  de  l'arrondissement  de  Liège,  il  suggéra 
l'idée  de  ne  pas  laisser  mettre  aux  enchères  parmi  les  «  pièces 
de  conviction  »  vendues  périodiquement,  l'instrument  du 
délit  pour  lequel  X...  avait  été  condamné,  et  le  département 


—  195  — 

des  finances,  propriétaire  du  faux  diptyque,  à  titre  d'objet 
confisqué,  consentit  à  se  dessaisir  de  la  pièce  fausse  au  pro'fit 
du  Musée  royal  d'antiquités,  où  l'on  peut  voir  aujourd'hui 
l'œuvre  d'Esser,  non  pas  exposée  comme  objet  véritable, 
mais  dans  une  série  spéciale  formée  de  surmoulages,  imi- 
tations, etc.  (i). 

Il  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt  de  faire  remarquer  qu'à 
l'époque  même  où  se  vidait  devant  la  justice  belge  l'inci- 
dent (lu  faux  diptyque  de  Liège,  un  autre  diptyque  d'ivoire, 
également  faux  et  également  reproduit  d'après  une  ancienne 
gravure,  était  signalé  par  M.  Passy  à  la  Société  des  anti- 
quaires de  France  (2)  :  M.  de  Longpérier  appelait  alors 
l'attention  sur  les  faussaires  qui,  croyant  les  originaux  per- 
dus, imitaient  d'anciennes  gravures  avec  leurs  défauts,  el 
lançaient  dans  la  circulation  des  fac-similé  pour  tromper 
les  collectionneurs. 

Le  compte  rendu  qui  précède  est  un  indice  tendant  à 
faire  croire  que  Liège  pourrait  bien  avoir  été  un  centre  de 
fabrication  de  fausses  antiquités,  et  spécialement  d'ivoires, 
dont  des  diptyques. 

H.   SCHUEP.MA.NS. 

Liège,  juin  1884. 


(1)  On  voudra  bien  leojarqucf  qac  !'uuleiii-,  en  priiscnlaut  la  rectificalion  des 
faits  ci  (icssiis,  est  absobment  désintéressé  :  il  ne  faisait  pas,  en  186i,  partie 
de  la  Commission  du  musée  royal  d'antiquités. 

{•î)  Bulletin,  1866,  p.  4b. 


—  190  — 

P.  S.  Dans  sa  dernière  séance,  la  Commission  du  Musée 
royal  danliquités,  à  qui  j'avais  donné  connaissance  de  la 
partie  finale  de  cet  article,  a  cru  qu'il  était  enfin  temps  de 
rectifier  la  «  légende  du  diptyque  de  Liège  »  reproduite 
récemment  encore,  non  plus  dans  des  articles  de  journaux, 
mais  dans  un  ouvrage  imprimé  d'environ  4I)()  pages(i).  Elle 
a  pense  (|u'il  y  avait  lieu  de  rétablir  les  faits  et  elle  m'a 
chargé,  dans  cette  intention,  de  prendre  connaissance  du 
dossier.  Il  s'agissait  notamment  de  mettre  bien  en  lumière 
le  point  important  que,  dès  le  début,  avant  toute  intervention 
de  savants  étrangers ,  la  Commission  avait  manifesté  le  désir 
de  détacher  de  leur  armature  les  revers  du  diptychon  leo- 
diense  pour  y  vérifier  les  inscriptions  constatées  par 
Wiltheim  :  à  défaut  de  procès-verbaux  que  la  Commission 
ne  tenait  pas  alors,  il  y  avait  lieu  surtout  d'apjiuyer  de 
preuves  formelles  les  souvenirs  très  précis  de  ceux  des 
membres  de  la  Commission  d'alors,  qui  sont  encore  en 
fonctions  aujourd'hui. 

Malheureusement  le  dossier  ne  contient  de  traces  que  de 
la  correspondance  avec  les  savants  étrangers  et  ne  constate 
pas  les  pourparlers  qui  avaient  eu  lieu  directement  avec  le 
prévenu  X.... 

Mais  un  témoin  précieux  est  ce  prévenu  lui-même,  qui, 
d'après  la  sténographie  de  l'audience,  publiée  par  un  journal 
de  Liège,  la  Meuse  (n°  du  22  juin  1806),  fit  la  déclaration 
que  je  vais  reproduire  textuellement. 

Après  avoir  rapporté  les  négociations,  le  prévenu  ajoutait  : 

tt  Considérant  cet  objet  comme  une  relique,  je  ne  voulus 


{^)  Cet  ouvrage,  à  sa  p.  32,  aspire  à  être  lu  encore  au  xx<  siècle  .:  il  est  donc 
bon  de  prendre  ses  précautions  contre  la  légende. 


—   197  — 

pas  qu'on  le  tirât  de  son  enveloppe  afin  d'y  voir  les  iuscrin- 
tions,  parc«^  que  je  craignais  (m'on  ne  le  brisât.  Du  reste, 
celui  qui  l'a  fabriqué  aurait  pu,  me  semble-t-il,  faire  aussi 
les  inscriplions  qui  doivent  se  trouver  au  dos  du  vrai  dij)- 
tyque.  Ayant  entendu  formuler  des  soupçons  sur  l'aulben- 
ticité  du  diptyque,  j'écrivis  à  M.  Juste,  pour  le  prier  de  sus- 
pendre le  mandat. 

»  M.  Juste  m'informa  qu'un  Anglais  qui  avait  vu  !e  dip- 
tyque lui  avait  dit  qu'à  Londres  il  y  avait  une  partie  en  tons 
points  semblable  de  ce  diptyque.  Là  dessus,...  jeAni  donnai 
une  décharge  par  laquelle  je  l'autorisais  à  faire  sortir  les 
plaques  d'ivoire  de  leur  cadre,  afin  de  s'assurer  de  l'authen- 
ticité des  inscriptions.  » 

Il  résulte  de  la  série  des  circonstances  de  cette  narration 
que  l'autorisation  fut  accordée  quand  il  n'y  avait  plus  moyen 
de  la  refuser,  mais  qu'elle  avait  été  demandée  dès  le  début, 
tant  la  Commission  considérait  la  vérification  comme  déter- 
minante :  or,  la  légende  ici  réfutée  va  jusqu'à  la  représenter 
comme  s'y  étant  opposée. . . , 

En  tout  cas,  le  prévenu,  par  sa  déclaration,  contredit  une 
énonciation  du  jugement  du  tribunal  de  Liège,  qui  semble 
critiquer  l'abstention  de  toute  vérification  des  revers. 

—  L'examen  du  dossier  m'a,  en  outre,  révélé  une  série 
de  détails  intéressants  : 

4"  Le  feuillet  de  Berlin  laisse  apparaître  à  son  revers, 
contenant  des  inscriptions  religieuses,  des  traces  de  lettres 
et  même  de  mots  que  le  jésuite  de  Tornaco  n'y  a  pas  aper- 
çues; il  en  est  de  même  d'un  ou  deux  mots  du  feuillet  de 
Londres.  (Renvoyé,  comme  rentrant  dans  sa  spécialité,  au 
collègue,   le  chanoine  Reusens,  qui  vérifiera  si  la  photo- 


—  198  — 

graphie  des  deux  revers  ne  permellrait  pas  de  reconstituer  les 
inscriptions  tout  entières.  On  sait  que  ce  procédé  a  été 
employé  eflicacement  pour  de  vieilles  écritures  sur  parche- 
min :  là  où  l'encre  avait  pâli,  elle  n'en  avait  pas  moins  rendu 
mate  la  surface  jadis  couverte  de  caractères,  et  cette  surlace 
reparaissait,  distincte  de  la  partie  reluisante,  à  l'aide  de  la 
reproduction  photographique.) 

2"  Le  procès  a  révélé  la  présence  à  Liège  de  l'usine  de 
contrefaçons  indiquée  ci-dessus.  Le  numéro  de  la  Meuse 
cité  ci-dessus  donne  un  narré  des  circonstances  qui  ont  pré- 
cédé la  poursuite  ;  «  C'est  à  la  suite  de  ces  faits  et  sur  un 
bruit  qui  avait  couru  qu'on  fabriquait  à  Liège,  depuis  assez 
longtemps  déjà,  de  faux  objets  d'antiquité,  qui  étaient  vendus 
ensuite  comme  authentiques  et  à  des  prix  élevés,  que  l'au- 
torité judiciaire  fut  saisie  de  l'affaire.  » 

Le  premier  témoin,  M.  Ulysse  Capitaine,  disait  en  effet  : 
«  Au  commencement  de  l'année  186.i,  M.  Simonis,à  propos 
du  jirocès  relatif  à  la  statue  de  Godefroid  de  Bouillon, 
m'avait  dit  qu'il  y  avait  à  Liège  une  fabrique  d'objets  d'an- 
tiquilé  et  que  la  statuette  représentant  Godefroid  de  Bouil- 
lon qui  avait  été  la  cause  du  procès,  sortait  de  cette 
fabrique.  » 

Or  celte  statuette,  qoe  M.  Mouriau  avait  exposée  à  Malines 
(et  qui  est  aujourd'hui  dans  la  colleclion  de  M.  Gielen,  à 
Maeseyck),  est  en  ivoire... 

Cela  tend  à  confirmer  l'hypothèse  ci-dessus  rapportée  (i). 


(<)  Une  lettre  du  7  novembre  18Gi,  de  M.  UE  I.ongpéiuer,  cité  ci-dessus 
a  propos  d'un  faux  diptyque  d'ivoire,  fait  voir  que  ce  savant  distingué  est  allé  k 
Bruxelles  vériûer  le  diptyque  faux,  sans  doute  pour  étudier  la  relation  des  deux 
afîaires. 


—  19t)  — 

5"  Quant  à  Esscr,  sculpleur  à  Lièg(3,  il  av;iil  coii)|iaru 
comme  témoin  au  procès  X...  ;  il  y  avait  déclaré  :  «  Il  y  a 
lieux  ans,  X. . .  m'a  remis  ce  diptyque  qui  était  sale  et  couvert 
de  poussière,  comme  s'il  était  resté  longtemps  dans  un  gre- 
nier. Il  me  l'a  remis  pour  le  laver  sans  me  faire  de  recom- 
mandation ;  je  l'ai  lavé  avec  de  l'eau  de  savon  et  un  pinceau 
et  je  suis  prêt  à  le  laver  encore  si  on  le  désire.  » 

C'est  du  chef  de  cette  déposition,  reproduisant  une  alléga- 
tion du  prévenu  X...,  que  Sylvie  Lepaffe  dénonça  Essor 
comme  faux  témoin  :  la  poursuite  contre  la  dénonciatrice 
est  du  mois  de  février  1868. 

A\  M.  le  chevalier  de  Theux  de  Monjardin  possède, 
comme  étant  de  Natalis,  non  seulement  le  dessin  de  la  gra- 
vure d'un  des  feuillets  du  diptyque  d'Anastasius,  mais  aussi 
d'un  des  feuillets  de  celui  d'Aslyrius  :  si  l'attribution  faite 
à  Natalis  de  ce  dernier  est  fondée,  il  y  a  à  corriger  une  des 
énonciations  ci-dessus.  Mais  il  n'en  reste  pas  moins  vrai  que 
l'exécution  de  la  gravure  du  diptyque  d'Aslyrius  est  infé- 
rieure et  de  beaucoup  à  celle  de  l'autre. 

5"  Le  fôuillet  de  Berlin  du  diptyque  d'Anastasius  apparte- 
nait, avant  1852,  à  la  collection  de  M.  le  capitaine  de  Rosen- 
berg,  à  Berlin  ;  il  passa  dans  les  mains  de  l'antiquaire  Arnold, 
qui,  en  1853,  le  céda  aux  musées  royaux  de  Berlin  (Ren- 
seignements de  M.  d'Olfers,  directeur  de  ces  musées).  Le 
27  janvier  1857,  ce  feuillet  fut  transféré  de  V Antiquarium 
de  Berlin  à  la  Kunst-Kammer  de  la  même  ville.  (Rens.  de 
M.  Franks); 

G"  Le  premier  feuillet  de  ce  diptyque,  celui  qui  est  actuel- 
lement à  Londres,  doit  avoir  été  acheté  par  M.  Webb  pour 
12,000  francs  des  mains  de  M.  Carraud,  qui  parait  avoir  été 


—  200  — 

un  simple  intermédiaire  agissant  au  nom  de  M.  Eug.  Piol, 
de  Paris  :  mais  ce  dernier  détail  n'est  articulé  que  comme 
ouï-dire  et  s'établit  sur  certaines  coïncidences  plutôt  que 
sur  des  faits  positifs. 

7"  La  déposition  de  M.  Schaepkens  est  encore  plus  précise 
d'après  la  sténographie  de  la  Meuse  que  d'après  le  procès- 
verbal  d'audience  :  «  Lors  de  l'exposition  de  Malines,  M.  Wée 
(Weale)  m'a  dit  qu'il  avait  vu  ce  diptyque  chez  M.  de 
Crassier,  dans  un  petit  grenier  au-dessus  d'un  cabinet.  Il 
m'a  tenu  ce  propos  en  présence  de  plusieurs  personnes.  » 

8"  Enfin,  un  détail  du  dossier  donne  lieu  d'espérer  qu'on 
pourrait  bien  retrouver  le  premier  feuillet  du  diptyque 
d'Astyrius. 

«  Un  archéologue  distingué  a  dit  avoir  vu  dans  le  trésor 
de  la  cathédrale  d'Aoste  (en  Piémont),  un  diptyque  consu- 
laire ayant  environ  un  tiers  de  moins  que  le  diptyque  d'Anas- 
tasius,  et  n'ayant  pas  de  sujet  au-dessous  :  il  ne  s'y  trouve 
que  le  portrait.  » 

Cette  description  concorde  parfaitement  avec  celle  du  dip- 
tyque d'Astyrius,  et  le  détail  est  d'autant  plus  intéressant 
que  les  dimensions  et  les  dispositions  de  ce  diptyque  sont 
tout  à  fait  exceptionnelles. 

Dès  que  la  publication  du  présent  article  avec  ses  planches 
sera  achevée,  un  exemplaire  sera  envoyée  à  Aoste  pour 
vérifier  celte  indication,  qui  semble  importante. 

H.  S. 


COMMISSION  ROYALE  DES  MONUMENTS, 


BESUME    DES     PROCES-VERBAUX. 


SjlANCES 
des  .s,  10,  17,  24  et  31   mai;  des  7,  14,   21   et  28  juin  1884. 


ACTES    OFFICIELS. 

Par  arrêté  royal  du   14  mai  1884,  M.  Louis  Van  Bics-      ^"■^'^T  , 

•'  '  coriespon'Iant. 

broeck,  statuaire,  professeur  à  rAcadéniie  royale  des 
Beaux-Arts  de  Gand  et  à  l'Ecole  industrielle  de  la  même 
ville,  est  nommé  membre  correspondant  de  la  Commission 
royale  des  monuments  pour  la  Flandre  orientale,  en  rem- 
placement de  M.  Cil.  Onghena,  démissionnaire. 

PEINTURE  ET  SCULPTURE. 

La  Commission  a  émis  des  avis  favorables  sur  : 

i"  La  proposition  de  M.  Primen,  restaurateur  de  tableaux,  pJli^î'LëoH'i. 
pour  le  rentoilage,  aux  frais  de  l'Etat,  du  tableau  de  Van 
Brée,   représentant  Godefroid    de    Bouillon  déposant  son 
épée  sur  le  tombeau  du  Clirist.  Ce  tableau  est  placé  dans 
l'église  de  Bourg-Léopold  (Limbourg); 


—  205  

"io'Lo'lfvàln.*'  2"  Les  nouveaux  encadrements  projetés  pour  les  pein- 
tures de  la  salle  gothique  de  l'hôtel  de  ville  de  Louvain 
(Drabanl);  auteur,  M.  Van  Ysendyck.  Tout  en  donnant 
celle  approbation,  le  Collège  persiste  à  penser  que  le  prin- 
cipe admis  pour  la  décoration  générale  de  la  salle  n'est  pas 
celui  qui  convenait  ; 

de  Mclei'^Dies.  5°  Le  projct  relatif  à  la  décoration  du  chœur  de  l'église 
de  Mévorgnies  (Hainaul). 

de  la^Naîion  —  ^^^  délégués  OUI  cxamlué ,  dans  les  ateliers  de 
M.  Fraikin,  la  maquette  de  la  statue  de  Léopold  P',  destinée 
au  Palais  de  la  Nation.  Ils  ont  été  d'avis  qu'il  y  a  lieu  d'ap- 
prouver ce  travail. 

COiNSTRUCTIONS  CIVILES. 

La  Commission  a  approuvé  : 
Aiicieune  Halle      j •'  i^'octroi  d'uu  Houvcl  acomptc  de  20,000  francs  sur 

aux  draps  i  ' 

de  Tournai.  Jq  sn^j^jj^.  iq(^1  Jq  1  "20,000  fraucs  accordé  par  l'Etat  pour 
les  travaux  effectués  présentement  pour  la  restauration  de 
l'ancienne  Halle  aux  draps  de  Tournai  (Hainaut); 

"ifBruxXl'''  2"  Le  projet  dressé  par  le  seivice  des  bâtiments  civils 
pour  l'appropriation  en  musée  d'histoire  naturelle  des  locaux 
du  Parc  Léopold,  à  Bruxelles; 

^  «"^'^''m"  ,        3"  Le  projet  relatif  à  la  construction  d'une  habitation  de 

de  Middeikurke.  '        •• 

directeur  à  l'hospice  des  enfants  rachiliques  à  Middelkerke 

(Flandre  occidentale)  ;  architecte,  M.  Beyaert; 
a"ilVtembour*|;      ^^  ^^'  P'^jcl  drcssé  par  M.  l'architecte    Baclène   pour 

l'appropriation   en  hôtel  de  ville   de  l'ancien  bâtiment  dit 

VArse?ud,  à  Mariembourg  (Namur); 
Êcoienormaie      5«  j^es  plaus  dc  l'écolc  nomialc   à   ériu:er   à   Jodoiffne 

i  Jodoigoe.  '  o  c5 

(Brabant);  architecte,  M.  Blandot; 


—  203  — 

6"  La  proposilion  du  Gomilé  provincial  des  corrcspon-Q"»j,»;'«^'"^^''»'"- 
dants  d'Anvers  tendante  à  faire  lever  le  plan  et  exécuter  le 
dessin  architectural  du  Steen  et  du  Bourg  d'Anvers,  actuel- 
lement dégagés  par  suite  des  travaux  qu'a  nécessite  l'éta- 
blissement des  quais  de  l'Escaut. 

—  Des  délégués  se  sont  rendus,  le  13  mai  1884,  à  Ypres  luues  dvprcs. 
(Flandre  occidentale),  pour  procéder  à  l'examen  des  tra- 
vaux de   restauration  et  d'ameublement  exécutés  dans  le 
bâtiment  des  Halles  de  celte  ville. 

Ces  travaux  comprennent  :  à  l'étage,  dans  la  grande 
salle  :  le  placement  de  bancs  en  chêne  du  côté  des  peintures 
murales  de  M.  Pauwels  ;  au  rez-de-chaussée  :  le  déblaie- 
ment et  la  restauration  de  la  partie  sud  et  ouest,  où  l'on 
a  établi  un  marché  couvert,  et  qui  pourra  servir  également 
de  lieu  de  réunion  dans  des  cas  donnés  :  fêtes,  réjouissances 
publiques,  etc. 

Les  délégués  ont  été  d'avis  qu'on  ne  saurait  approuver 
l'exécution  des  bancs  placés  dans  la  salle  de  l'étage  et  dont 
les  assemblages  sont  mal  combinés.  Chaque  dossier  est 
composé  de  panneaux  formés  chacun  de  dix  planchettes  et 
encadrés  dans  une  moulure  terminale.  Les  dix  planchettes 
d'un  panneau  sont  collées  l'une  à  l'autre  et  chaque  panneau 
est  indépendant.  Il  résultera  inévitablement  de  ce  mode 
d'exécution  un  retrait  entre  les  panneaux.  Ce  retrait  ne 
pouvant,  par  suite  de  la  jonction  des  |)lanchettes,  se  répartir 
imperceptiblement  entre  chacune  d'elles,  deviendra  la 
somme  de  tous  les  retraits  partiels  avortés  et  pourra  at- 
teindre la  dimension  de  1 ,  2  centimètres  d'ouverture, 
peut-être  davantage.  Pour  obvier  à  cet  inconvénient,  il  sera 
nécessaire  de  rendre  les  planchettes  indépendantes  l'une 


—  204  — 

de  l'autre  et  de  les  assembler,  en  les  assujélissanl  au  moyen 
de  tenons  placés  un  en  haut  et  un  en  bas  de  chacune  d'elles. 
On  a  constaté,  en  outre,  qu'il  conviendrait  de  placer  un 
banc  supplémenlaire  au-dessous  de  la  dernière  composition 
de  M.  Pauwels.  Ce  banc,  qui  ne  pourrait  occuper  toute  la 
largeur  de  la  travée,  par  suite  de  la  porte  et  de  l'escalier 
qui  s'y  trouvent,  serait  placé  entre  cet  escalier  et  cette  porte, 
de  manière  à  laisser  un  espace  égal  libre  de  part  et  d'autre, 
et  soutiendrait  avantageusement  la  grande  composition 
précitée. 

La  bande  continue  ménagée  au  bas  des  peintures  pour 
recevoir  une  traduction  française  des  inscriptions  flamandes 
qui  se  déroulent  au-dessus  des  compositions,  a  été  peinte 
à  tort  dans  un  ton  différent  et  avec  des  inscriptions  de  ca- 
ractères plus  petits,  resserrés  entre  des  ornements  inutiles. 
On  obtiendra,  à  la  fois,  plus  d'effet  et  de  caractère  en  re- 
nonçant à  toute  ornementation  parasite  et  en  adoptant,  pour 
le  bas  comme  pour  le  haut,  des  inscriptions  sur  fond  rou- 
geâtre  uni,  disposées  sur  plusieurs  lignes. 

Les  délégués  ont  ensuite  visité  le  rez-de-chaussée  des 
Halles  et  ils  ont  émis  l'avis  que  la  restauration  en  avait  été 
exécutée  d'une  façon  très  satisfaisante,  La  mise  à  nu  de  l'ap- 
|)arcil  (le  la  construction  produit  partout  l'effet  le  plus 
heureux.  Il  est  à  regretter  que  les  étagères  destinées  à  rece- 
voir les  objets  de  consommation  aient  été  ornées  de  décou- 
pures en  bois  d'une  coquetterie  inopportune  et  qui  jure 
avec  la  simplicité  du  lieu.  Des  formes  robustes  et  sans 
ornoinonts,  comme  celles  qui  distinguent  toute  la  char- 
pente des  Halles,  eussent  mieux  convenu. 

Dans  le  môme  ordre  d'idées,  on  doit  eriti(|uer  la  boiserie 


—  20'i  - 

du  bas  des  fenêtres  qui  a  paru  mince  et  les  châssis  de 
plomb  des  verrières,  dont  l'épaisseur  est  insuffisante. 

Ces  réserves  faites,  les  délégués  ont  émis  l'avis  qu'il  y  a 
lieu  de  recevoir  les  travaux  et  de  donner  à  la  demande  de 
l'administration  communale  la  suite  qu'elle  comporte  quant 
à  la  liquidation  du  solde  du  subside  accordé  par  l'Etat. 

M.  le  bourgmestre  s'est  entretenu  avec  les  délégués  au 
sujet  du  genre  de  décoration  qui  pourrait  convenir  à  la 
suite  des  galeries  de  l'étage  des  Halles.  On  a  d'abord  désap- 
prouvé l'idée  de  boucher  les  fenêtres  donnant  sur  la  cour, 
pour  ne  conserver  que  celles  qui  ouvrent  sur  la  place  ; 
toutes  les  baies  devront  rester  libres.  Mais  la  lumière 
provenant  de  deu.x  côtés  à  la  fois,  on  ne  pourra  exécuter 
ici,  comme  dans  la  galerie  contiguë  des  tableaux,  que  ce 
double  éclairage  ferait  miroiter. 

Des  motifs  de  sculpture,  disposés  entre  les  fenêtres  et  en 
d'autres  endroits  de  la  galerie,  ont  permis  de  constater 
qu'une  décoration  sculpturale,  dont  il  avait  été  aussi  ques- 
tion, devrait  être  également  rejetée;  elle  n'aurait  à  celte 
place  ni  accent,  ni  effet. 

Les  délégués  préféreraient  une  décoration  qui  prendrait 
pour  type  le  pavement  de  la  cathédrale  de  Sienne.  Elle 
consisterait,  comme  à  Sienne,  en  silhouettes  découpées  et 
remplies  par  un  ton  uni  que  fourniraient  soit  des  plaques 
de  marbre,  soit  des  ciments  colorés.  Le  travail  serait  com- 
plété par  des  contours  très  écrits  et  les  hachures  usitées 
dans  les  sgraffti.  On  pourrait  encore  trouver  moyen  de 
varier  cette  ornementation  par  des  nielles  et  des  incrusta- 
tions de  cuivre,  etc.,  telles  que  celles  des  pierres  tombales 
du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance. 


—  206  —  , 

Des  compositions  de  ce  genre,  bien  conçues  et  exécutées 
avec  goût  par  des  artistes  compétents,  seraient  certainement 
d'un  grand  effet  décoratif  et  auraient  au  moins  le  mérite  de 
sortir  de  la  banalité. 


ÉDIFICES  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈRES. 

Ont  été  approuvés  : 
Pnsbytere        40  ^çg  travaux   d'entretien   à    exécuter  au  presbytère 

d'Eynthout  (Anvers)  ; 
Prpsbvièrc        2°  Leproiet  relatif  à  la  construction  d'un  presbytère  pour 
^  *""'''•     la  paroisse  de  Saint-Willebrord,  à  Anvers. 

ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES. 

La  Commission  a  émis  des  avis  favorables  sur  : 
BoisSRaLrt.     1°  Lcs  plBHs  rclatlfs  à  l'achèvement  de  l'église  de  Bois- 
sous-Ransart  (Hainaut);  architecte,  M.  Tirou; 
saime-Mario.      2"  La  pTopositiou  dc  reprendre' les  travaux  de  construc- 
à  sci.aer  eo .  ^.^^^^  dcpuis  longtcmps  suspendus,  à  l'église  de  Sainte-Marie, 
à  Schaerbeek  lez  Bruxelles,  et  de  les  conduire  jusqu'à  leur 
entier  achèvement; 
Monfv-Amand.     ^^  ^cs  modificatious  apportées  dans  le  cours  de  l'exécu- 
tion aux  travaux  de  construction  de  l'église  de  Mont-Saint- 
Amand  (Flandre  orientale)  ;  architecte,  M.  Iloste  ; 
de  crSvernas.    "^^  Lc  projct  relatif  à  la  construction  d'un  jubé  dans  l'église 

de  Cras-Avernas  (Liège)  ; 
de  litre      S"  Les  dessins  relatifs  au  projet  d'ameublement  dc  l'église 
dc  La  Ilestre  (Hainaut);  auteur,  M.  Bonnet; 


—  207    - 


IIS  Liiiii'U'tlo. 


6°  La  demande  d'autorisalion  soumise  par  le  conseil  de 
fabrique  de  l'église  de  RolTesart-sous-Limcleltc  (Bral);inl) 
et  relative  au  placement  d'un  buffet  d'orgue  el  d'une  cloche, 
dons  d'un  particulier  ; 

7°  Les  plans  de  deux  autels  latéraux  destinés  à  l'éLdise,.  .^kI'^i;'"  , 

r  o  N.  D.  (le  l'aini-le, 

de  Notre-Dame  de  Pamele,  à  Audenaerde  (Flandre  orien-  ''  '^""•="'"'^''- 
taie);  architecte,  M.  Van  Assche; 

8"  Le  projet  relatif  à  la  construction  d'un  beffroi  à  l'église''*^"^'"'''  °""'^ 
de  Desnié,    commune    de   la    Reid   (Liège);    architecte, 
M.  Hansen. 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 

La  Commission  a  approuvé  : 

1"  Le  devis  estimatif  des  travaux  à  effectuer  à  la  tour    .nStm.t. 
de  l'église  d'Eynthout  (Anvers);  architecte,  M.  Taeymans; 
'2'^  Le  nouveau  devis  estimatif  des  réparations  à  exécuter      Eguse 

'l'Hcriniies. 

à  l'église  d'Hérinnes  (Brabant),  remplaçant  l'évaluation  pré- 
cédemment adoptée; 

3"  Le  projet  modifié  pour  la  restauration   complète  de EgUsdie Fumai, 
l'église  de  Fumai  (Liège);  architecte,  M.  Jamar; 

A°  Le  projet  dressé  par  xVL  l'architecte  De  Gurte  pour  la      ^giise 

•        •'  '  f  de  Sainl-Bavon, 

restauration  de  la  quatrième  tourelle  du  Iransept  de  l'église     *^"''^' 
de  Saint-Bavon,  à  Gand,  et  l'exécution  des  flèches  d'amor- 
tissement des  quatre  tourelles  dudit  transept; 

5''  Le  devis  estimatif  des  réparations  projetées  à  une  purlie.      lît^nse 

Saint-I'icrre, 

des  toitures  de  l'église  de  Saint-Pierre,  à  TurnJiout  (Anvers)  ;    ^  r'-rui'om. 
architecte  M.  Taeymans; 

6°  Le  devis  estimatif  des  réparations  projetées  aux  toitures  RgUs,- 
de  l'éfflise  des  SS.-Picrre-et-Paul,  h  Malines,  architecte,  '  •■iP''"!- 
M.  Meyns; 


—  208  — 

de  M^eerendré,  7°  Le  plan  (Igs  travaux  supplémenlaires,  exécutés  sous  la 
direction  de  M.  Van  Assche,  pour  compléter  la  restauration 
de  l'église  de  Meerendré  (Flandre  orientale); 

de  Marguerite-     8°  Lc  uouveau  projet  dressé  par  M.  l'architecte  Frische 

laFicre. 

pour  la  restauration  de  la  chapelle  de  Marguerite-la-Fière, 
édicule  adossé  au  chevet  de  l'église  de  Saint-Pierre,  à 
Louvain  ; 

de  saS-Queniin,  *^°  ^c  comptc  dcs  travaux  de  restauration  exécutés  en 
1883  à  l'église  de  Saint-Quentin,  à  Hasselt,  ainsi  que  la 
proposition  de  continuer,  par  voie  de  régie,  les  ouvrages 
restant  à  faire  pour  compléter  la  restauration  de  l'édifice. 

dcSafifi-Hubeii.  —  La  Commlssiou  émet  également  un  avis  favorable  sur 
la  demande  du  conseil  de  fabrique  de  l'église  abbatiale  de 
Saint-Hubert  (Luxembourg),  tendante  à  obtenir  l'autorisa- 
tion de  poursuivre  les  travaux  de  restauration  de  cet  édifice 
et  d'en  confier  la  direction  à  M.  Helleputte,  professeur 
d'architecture  à  l'Université  de  Louvain.  Il  y  aura  lieu, 
toutefois,  ainsi  que  le  recommande  le  conseil  communal  de 
Saint-Hubert,  de  dresser  au  préalable  un  devis  complet  des 
travaux  qui  doivent  assurer  la  restauration  du  monument. 

,  ,'r8'*s«   .       —  Des  délé2;ués  se  sont  rendus  à  Yprcs,  le  15  mai  1884, 

de  Saïut-Marlin,  ^  ' 

^^^'^''  pour  y  inspecter  la  façade  sud  de  l'église  de  Saint-Martin, 
dont  l'état  de  détérioration  élait  signalé  par  le  bureau  des 
marguilliers  et  par  un  rapport  à  l'appui  de  M.  Ileynincx, 
architecte  communal.  Les  dégradations  sont  fort  apparentes 
et  ne  font  que  s'aggraver  de  jour  en  jour;  des  clochetons 
entiers  ont  dû  cire  enlevés  d'office  pour  éviter  des  accidents  ; 
les  crochets  des  pinacles  sont  en  maints  endroits  détériorés 
ou  détruits,  et  des  pinacles  mêmes  menacent  ruine.  Il  sera 
donc  nécessaire  de  prendre  des  mesures  immédiates  en  vue 


—  :2()9  — 

(l'une  reslauralioii.  A  cet  effel,  on  devra  enlever  les  parties 
ruinées  ou  menacées  et  les  réiablir  dans  l'élat  ancien,  en 
remplaçant  dans  la  construction  la  pierre  de  France  dont  on 
s'était  servi  pour  le  travail  précédent  par  de  la  pierre  dure 
du  pays. 

—  Des  délégués  ont  inspecté,  le  3  juin  1884,  l'église  et   ^e  v^iusan. 
le  presbytère  du  hameau  de  Vieusart,  commune  de  Corroy- 
le-Grand  (Brabant),  afin  d'en  vérifier  l'état  de  construction. 

Ils  ont  constaté  que  le  mortier  employé  dans  toute  la 
construction  est  de  fort  mauvaise  qualité  et  qu'il  se  désagrège 
de  lui-même  aux  endroits  exposés  aux  vents  d'ouest  et  à  la 
pluie.  Le  sable  qui  entre  dans  sa  composition  est  du  sable 
doux,  qui  a  été  pris  sur  place  lorsqu'on  a  creusé  les  fonda- 
tions, tandis  qu'on  aurait  pu  se  procurer  du  sable  rude  de 
Mont-Saint-Guibert,dont  l'excellence  est  reconnue.  Il  résulte 
de  ce  procédé  que  la  cohésion  des  briques  n'est  nullement 
assurée. 

A  la  toiture  de  l'église,  les  ardoises  affectent  la  forme 
hexagonale  et  sont  placées  de  manière  à  présenter  un  pureau 
de  15  1/2  cenlimèlres.  Mesurant  ainsi  par  leurs  bords  une 
étendue  plus  considérable  que  ne  le  feraient  des  ardoises  de 
forme  rectangulaire,  il  est  évident  qu'elles  doivent  donner 
un  accès  plus  facile  à  la  pluie  et  a  la  neige.  L'humidité, 
gagnant  ainsi  les  combles,  arrive  à  saturer  le  plafonnage  des 
voûtes.  C'est  peut-être  à  cette  cause  qu'il  y  a  lieu  d'attribuer 
la  chute  d'une  des  rosaces  du  plafond  de  la  nef  principale  : 
l'ornement  s'est  détaché  et  s'est  écrasé  sur  le  pavement  de 
l'église.  Celle-ci  étant  alors  heureusement  déserte,  il  n'y  a 
pas  eu  d'accident  à  déplorer.  11  est  vrai  qu'un  autre  motif  à 
cette  détérioration  serait  aussi  plausible  :  si,  comme  tout 


—  Clo- 
porte à  le  croire,  les  rosaces  ont  été  fixées  au  moyen  de 
plâtre  sur  un  enduit  qui  n'a  pas  une  consistance  suffisante, 
il  est  à  craindre  que  le  fait  ne  se  renouvelle  avec  des  consé- 
quences peut-être  plus  sérieuses. 

Une  lézarde  d'une  insignifiance  relative  existe  à  la  façade 
delà  tour  de  l'église;  elle  n'est  probablement  due  qu'aux 
infiltrations  qui  se  produisent  par  les  joints  des  pierres  de 
bordure  de  l'oculus,  auxquelles  il  n'a  pas  été  donné  d'incli- 
naison permettant  aux  eaux  pluviales  de  s'éconler  instantané- 
ment 

La  façade  du  presbytère,  située  à  l'ouest,  est  exposée  par 
suite  de  cette  orientation,  aux  vents  et  aux  pluies.  L'humi- 
dité y  est  en  quelque  sorte  permanente  et  ses  traces  se  mani- 
festent 011  ne  peut  plus  visiblement  à  l'intérieur  des  pièces 
d'habitation  situées  de  ce  côté. 

Le  sol  du  jardin  du  presbytère  est  en  déclivité  et  toutes 
les  pentes  sont  ramenées  contre  les  murs  du  bas,  ce  qui 
occasionne,  lors  des  grandes  pluies,  une  poussée  des  terres 
et  par  suite  une  tendance  à  se  disjoindre  pour  les  matériaux 
composant  les  murs;  de  là  les  crevasses  et  lézardes  qui  se 
sont  produites  uniquement  vers  celte  partie  basse  de  la 
clôture. 

Pour  parer  aux  diverses  dégradations  et  défectuosités 
signalées,  il  conviendra  de  prendre  les  mesures  suivantes  : 

Pour  les  constructions  : 

Après  avoir  préalablement  nettoyé  les  joints  le  plus  pro- 
fondément possible,  on  procédera  à  un  rejoinloiement  pour 
lequel  on  se  servira  de  mortier  composé  par  moitié  de  chaux 
hydraulique  de  Tournai,  n"  5,  et  de  sable  rude  de  Mont- 
Suint-Guibcrt,  gâché  avec  le  plus  grand  soin.  Ce  rejointoie- 


—  211   — 

menl  devra  s'(*lendre  à  loules  les  surfaces  bàlies,  tant  de 
l'église  que  du  presbylèrc  et  des  murs  de  clôture.  Ce  n'est 
qu'après  celte  opération  que  l'on  pourra  ardoiscr  la  façade 
ouest  du  presbytère  pour  la  proléger  contre  riiuniidilé. 
Dans  son  état  actuel,  les  clous  destinés  à  fixer  les  ardoises 
ne  tiendraient  pas  au  mur. 

Il  y  aura  lieu,  ainsi  que  le  propose  l'architecte,  de  couvrir 
l'entrée  de  la  cave  du  presbytère  pour  empêcher  l'entrée 
des  eaux. 

La  lézarde  de  la  façade  de  l'église  sera  bouchée  et  les 
joints  de  l'oculus  fermés  au  moyen  d'un  mortier  spécial  ;  le 
bas  de  l'oculus  devra  èlre  taillé  en  pente  débouchant  sur  un 
larniicr  qui  rejette  l'eau  en  saillie  sur  la  façade. 

Le  pureau  des  ardoises  de  la  toiture  devra  être  réduit  et 
les  rosaces  de  l'intrados  de  la  voûte  de  la  nef  principale 
seront  consolidées  d'urgence. 

Quant  aux  moyens  qu'il  faudra  employer  pour  préserver 
les  murs  de  clôture  du  jardin  des  lézardes  et  des  déchire- 
ments, il  y  aura  lieu  d'établir,  à  r^50  ou  2  mèlres  des  murs, 
des  contre-pentes,  afin  d'en  écarter  les  eaux  pluviales. 

M.  l'architecte  Coulon  a  soumis,  le  26  avril  1884,  un  devis 
estimatif  des  réparations  projetées  à  l'église  et  au  presbytère 
de  Vieusart,  au  montant  de  (320  francs,  faisant  suite  à  un 
autre  devis,  à  la  date  du  28  août  1885,  pour  ardoiser  la 
façade  du  presbytère.  Ce  devis,  pour  les  postes  (ju'il  signale, 
a  paru  pouvoir  être  approuvé.  On  a  toutefois  fait  remarquer 
que,  par  suite  des  mesures  indiquées  pour  parera  la  poussée 
des  terres  contre  les  murs  de  clôture,  un  ancrage  serait 
superflu  à  l'angle  S.-E.  du  jardin  de  la  cure.  Le  devis  a 
paru,  en  outre,  insuffisant  quant  aux  surfaces  à  rejointoyer. 


—  212  — 

La  porte  principale  de  l'église  a  déjà  été  réparée;  ce  poste 
devra  donc  être  supprinfié. 

Le  Secrétaire  Général, 

J.  Rousseau. 
Vu  en  conformité  de  l'article  25  du  règlement. 

Le  PrésiJ&?ii, 

Wellens. 


DE  L^INFLUENGE  DE  L'ART  FLAMAND 

SUR  LES  ORIGINES  DE  L'ART  ESPAGNOL  («) 


I 

Il  est  assez  difficile  d'étudier,  non  seulement  au  musée  du 
Prado,  à  Madrid,  mais  dans  la  Péninsule  tout  entière,  les 
origines  exactes  de  l'art  espagnol.  Avant  le  xvi^  siècle,  l'art 
espagnol  hésite  et  tâtonne;  c'est  la  barbarie;  on  en  est 
réduit,  si  on  veut  le  suivre,  à  des  documents  insuffisants, 
à  des  conjectures ,  ou  à  des  témoignages  incomplets  de 
contemporains.  Sa  marche  et  ses  développements,  surtout 
pour  la  peinture,  sont  laborieux  ;  il  lui  faut  l'aide  de  l'étranger 
pour  trouver  sa  voie,  et  nous  verrons  que,  môme  à  l'époque 
de  sa  plus  grande  originalité,  il  n'a  jamais  su  ou  n'a  jamais 
voulu  se  passer  absolument  de  cette  aide,  qui  lui  fut  si 
précieuse. 

Et  pourtant  jamais  pays  ne  fut,  aussi  bien  que  l'Espagne, 
dans  une  situation  de  nature  à  faire  éclore  spontanément  l'art 
chez  lui,  dans  ses  propres  entrailles,  s'il  était  vrai  que 
l'art  pût  naître  par  génération  spontanée.  Séparée  par  un 
océan  profond  du  monde  où  rayonnait  toute  lumière,  de 
cette  Italie  fortunée,  dernier  foyer  des  splendeurs  païennes, 
elle  semblait  condamnée  à  devoir  vivre  de  ses  seules  forces, 


(i)  Fragment  inédit  d'un  ouvrage,  qui  paraîtra  prochainement,  sur  VArt 
espagnol. 


—  214  — 

à  puiser  dans  son  sang  la  vigueur  el  la  santé.  Et  qu'elle  eût 
été  douce  et  glorieuse,  cette  condamnation,  si  les  forces  de 
l'Espagne,  abandonnée  ainsi  à  elle-même,  eussent  été  suffi- 
santes, si  son  sang  eût  été  assez  riche  pour  n'avoir  pas 
besoin  d'artificiels  expédients!...  Mais  le  courage  et  la 
santé  lui  ont  manqué  dans  cette  tâche.  Jamais  l'antiquité  ne 
lui  avait  apporté  les  grâces  de  son  sourire  et  la  cadence  har- 
monieuse de  sa  blanche  beauté.  La  Grèce  ne  l'avait  jugée 
digne  que  du  rôle  prosaïque  de  marchande,  réservant  à 
d'autres,  telles  que  la  Sicile,  la  poésie  de  son  art  sans  rival. 
Les  colonies  établies  sur  les  côtes  ibériques  bornaient  aux 
seules  choses  du  commerce  leurs  relations  avec  elle.  Là, 
aucun  marbre  ne  s'anima  sous  un  ciseau  d'artiste;  aucun 
temple  ne  surgit,  superbe  et  divin,  dans  la  majesté  de  ses 
mystères.  Les  mâts  des  navires,  les  cris  des  matelots,  les 
chansons  des  soldats,  furent  tout  ce  que  l'Espagne  put  voir, 
tout  ce  qu  elle  put  entendre  de  ces  contrées  rêvées,  dont  elle 
ne  devina  jamais  l'immortelle  séduction.  Elle  grandit  dans 
la  rudesse  de  ses  instincts,  dans  la  matérialilé  de  son  exis- 
tence de  trafics  et  de  batailles.  Les  jouissances  rares  de  la 
civilisation,  le  rhythme  caressant  des  belles  formes,  tout  ce 
que  ressentent  d'admirations  émues  les  esprits  domptés  et 
raffinés,  elle  les  ignora,  livrée  tout  entière  aux  appétits 
furieux  de  ses  conquérants,  Romains,  Carthaginois,  Goths, 
—  jusqu'à  ce  qu'une  autre  civilisation,  radieuse  aussi,  mais 
bien  difl'érenle  par  le  caractère,  les  goûts  et  le  tempérament, 
vînt  lui  mettre  aux  poings  une  lourde  chaîne  d'or. 

Au  contact  de  celte  civilisation  nouvelle,  l'Espagne  resta 
barbare,  et  elle  resta  chrétienne.  Les  Arabes  vainqueurs 
étaient  hérétiques;    un  mur  infranchissable   s'éleva  entre 


—  '^I^  - 

eux  el  les  vaincus.  Mais  bien  iraulres  choses  encore  que  les 
croyances  religieuses  les  séparaient.  Ce  n'est  point  aux  sources 
de  l'art  musulman,  qui  bannit  toute  représentation  de  la 
figure  humaine,  toute  image  quelconque  d'un  être  vivant, 
que  l'Espagne  pouvait  puiser  l'inspiration.  Les  élégances  ina- 
nimées de  l'architecture  arabe  restèrent  donc,  en  dehors  de 
leurs  éléments  purement  archilecloniques,  lettre  morte  pour 
elle.  Peut-être,  cependant,  la  magie  de  ces  colorations  cha- 
toyantes, la  somptuosité  de  ces  tons  tins  chantant  dans  la 
lumière,  furent-elles  la  véritable  cause  qui  fît  plus  tard  les 
peintres  espagnols  coloristes,  comme  le  furent  les  peintres 
vénitiens,  soumis,  eux  aussi,  aux  influences  orientales  Par 
contre,  cette  autre  branche  de  l'art,  la  sculpture,  dont  le 
règne  précède  toujours  celui  de  la  peinture,  n'eut  point  en 
Espagne  l'efUorescence  magnifique  qu'elle  avait  eue  sur  le  sol 
béni  de  l'Italie,  sœur  de  l'Espagne  par  la  nature  et  par  le 
climat.  Cette  terre  d'exil,  trop  bien  cachée  dans  ses  rochers, 
n'avait  pas  eu  la  lente  initiation  de  la  forme  antique, qui  s'était 
sans  cesse  dérobée  à  ses  yeux,  el,  lorsqu'elle  la  connut,  igno- 
rante qu'elle  avait  été  jusqu'alors  de  ses  secrets,  en  vain 
aurait-elle  tenté  de  l'interpréter  et  de  la  rajeunir;  quand  elle 
s'y  hasardait,  même  avec  les  plus  grands,  Alonso  Berruguete, 
Gaspard  Becerra  et  d'autres,  l'interprétation,  si  adroite 
qu'elle  fût,  n'était  la  plupart  du  temps  que  de  seconde  main  ; 
le  cachet  de  l'individualité  ne  la  marquait  point. 

Elle  eut  pourtant  des  sculpteurs  renommés  à  l'époque  de 
la  Renaissance,  ceux-là  mêmes  que  nous  venons  de  nommer, 
Becerra  (1520-1370)  et  Alonso  Berruguete  (148G-1oGI),  en 
tète.  Mais  plus  encore  que  les  artistes  étrangers  qui  travail- 
lèrent en  Espagne  et  dont  les  plus  illustres  étaient  Jean  de 


~  2IG  — 

Bourgogne  et  Philippe  de  Bourgogne,  ils  ne  faisaient  que 
suivre  des  traditions  italiennes  et  n'y  ajoutaient  rien  qui  trahit 
le  caractère  spécial  de  leur  nationalité.  L'ouvrage  le  plus 
considérable  de  Bcrruguetc  sont  les  stalles  du  Coro  de  la 
cathédrale  de  Tolède;  la  moitié  a  été  sculptée  par  lui,  l'autre 
moitié  par  Philippe  de  Bourgogne.  Le  Bcrruguete  apparaît 
là  très  nettement  comme  un  disciple,  plus  servile  qu'il  ne 
faudrait,  de  son  maitrc  Michel-Ange;  il  s'épuise  dans  une 
continuelle  recherche  de  poses  contorsionnées  et  violentes; 
il  a  la  science,  et  plusieurs  de  ses  figurines  sont  d'une 
remarquable  allure;  c'est  très  fort  et  parfois  très  puissant; 
malheureusement,  ce  n'est  pas  original,  La  partie  de  la 
Siikria  sculptée  par  Philippe  de  Bourgogne  est  plus  person- 
nelle, avec  plus  de  simplicité,  dans  l'esprit  de  la  belle  Renais- 
sance. Presque  toutes  les  figurines^  celles  qui  sont  taillées  dans 
le  bois  et  celles  qui  sont  taillées,  au-dessus,  dans  la  pierre, 
ont  une  grâce  charmante.  La  grâce  est  le  signe  distinclif  du 
talent  de  Philippe  de  Bourgogne ,  et  cette  grâce  n'a  rien 
d'affecté;  elle  reste  pure,  classique,  dirais-je,  jusqu'en  ses 
élégances  les  plus  raffinées. 

Les  musées  n'ont  presque  rien  des  sculpteurs  espagnols; 
à  peine  quelques  rares  héritages  d'églises  ou  de  couvents 
sont-ils  venus  y  échouer.  L'un  des  mieux  partagés,  le  musée 
deValladolid,  possède  quelques  statuettes  de  Berruguete,  de 
Hernandez,  d'Alonso  Cano,  le  peintre,  cl  de  son  maître  Mar- 
tinez  Montanez,  dont  on  voit  aussi  à  Scville  un  Christ  et  un 
sainl  Dominique  tout  à  fait  bizarres  et  intéressants.  Presque 
seuls,  les  chapelles  des  cathédrales  et  les  trésors  des  sacristies 
ont  conservé  les  œuvres  sorties  des  mains  des  sculpteurs 
espagnols,  mêlées  aux  œuvres  sorties  de  mains  étrangères. 


—  ^217  — 

L'habileté  ou  la  naïvelé  des  artistes  s'appliquaient  plus  volon- 
tiers à  construire  pour  les  autels  d'église  des  retables  dont 
ils  étaient  à  la  fois  les  architectes,  les  peintres  et  les  sculp- 
teurs, à  tailler  des  figures  de  saints  et  de  saintes  dans  la 
pierre  des  cathédrales  gothiques,  qu'à  se  livrer  à  des  fan- 
taisies et  des  études  profanes.  Toutes  ces  œuvres  éparses  ne 
sont  pas  également  admirables,  et  plus  d'une  jouit  d'une 
réputation  au  moins  surfaite  :  les  deux  tombeaux  élevés  dans 
la  Capilla  réal  de  la  cathédrale  de  Grenade  et  contenant  la 
dépouille  d'Isabelle  de  Caslille  et  Ferdinand  d'Aragon,  de 
Philippe-le-Beau  et  de  Jeanne  la  Folle,  ont  été  énormément 
vantés;  mais  s'ils  sont  remarquables,  c'est  assurément  moins 
par  leur  valeur  artistique  réelle  que  par  le  mauvais  goût  de 
leur  luxe  excessif;  la  statuaire  élevée  au  rang  de  pâtisserie 
décorative  n'a  jamais  été  considérée  comme  de  la  grande 
statuaire. 

En  revanche,  je  ne  connais  rien  d'aussi  saisissant  que  la 
statue  tombale  de  don  Inigo  Lopez,  dans  la  chapelle  de 
Saint-Ildephonse,  à  Tolède;  le  sentiment  de  la  paix  dans 
la  mort  n'a  jamais  été  exprimée  dans  une  forme  plus  pure, 
avec  plus  d'élévation,  d'émolion  et  d'éloquente  simplicité. 
De  qui  est  ce  chef-d'œuvre?  Je  l'ignore.  Faut-il  en  rapporter 
l'honneur  à  l'Espagne?  Qui  sait?  Quand  l'histoire  des  monu- 
ments ne  nous  fournit  pas  de  renseignements  précis,  il  est 
bon  d'apporter  quelque  circonspection  dans  l'attribution  que 
l'on  serait  tenté  de  faire  exclusivement  à  des  artistes  indi- 
gènes de  tous  les  détails  qui  la  composent. 

Avant  même,  en  effet,  que,  pour  la  peinture,  l'Espagne 
songeât  à  appeler  à  elle  les  secours  de  l'étranger  et  allât 
chez  lui  en  chercher,  déjà  elle  les  appelait  pour  ses  travaux 


-  218  — 

(le  sculpture  cl  surtout  pour  ses  travaux  d'archileclure. 
Les  architectes  flamands,  qui  étaient  en  même  temps  des 
sculpteurs,  jouèrent  un  rôle  considérable  en  Espagne,  par- 
ticulièrement à  Tolède.  Le  Bruxellois  Annequin  de  Egas,  ou 
plus  exactement  Ilantje  Van  der  Eycken,  l'ut  pendant  qua- 
rante ans,  de  1159  à  1494,  directeur  des  travaux  de  la 
cathédrale  de  cette  ville,  et  il  y  exécuta  tout  entière  la 
magnifique  porte  des  Lions,  dans  la  façade  du  Sud.  Son 
fils,  Enriquc  ou  Henri  de  Egas,  prit  à  son  tour,  après  la 
mort  de  Annequin,  la  direction  des  travaux,  de  149o  à 
1534,  et  fit  le  tombeau  du  cardinal  de  Mcndoza.  D'autres 
encore  :  François  de  Arenas  (Van  de  Sande),  Nicolas  de 
Vergara,  ses  fils  Juan  et  Nicolas,  Pierre  Guas  ou  Was,  et 
Juan  Guas,  l'auteur  de  l'église  et  du  merveilleux  cloitre  de 
Sailli- Jean  des  Rois,  tous  Flamands  (i).  Plus  d'une  fois  même. 


(i)  iM.  Alphonse  Wauters,  dans  une  intéressante  éUule  intitulée  :  A  propos 
(le  l'Exposition  nalioniile  d'arcliileclure  (linixelles,  1885),  donne  les  renseigne- 
ments suivants  sur  Juan  Guas  :  «  Ce  fut  à  lui  que  la  reine  Isabelle  de  Castille 
et  son  mari,  le  roi  Ferdinand  d'Aragon,  s'adressèrent,  en  1477,  pour  avoir  le 
plan  du  temple  qu'ils  avaient  l'intention  d'élever  en  l'honneur  de  saint  Jean, 
comme  souvenir  de  leur  victoire  de  Toro  sur  les  Portugais.  Lorsque  l'architecte 
présenta  ses  dessins  à  Isabelle,  elle  n'en  fut  pas  satisfaite  et,  ajouta-t-on,  elle 
adressa  ii  l'ariiste  cette  observation  désobligeante  :  «  La  belle  merveille  que  vous 
»  m'avez  faite  là!  ».  C'est  alors  que  Guas,  outré  de  dépit,  aurait  conçu  l'idée 
magnifi(iue  qu'il  mil  à  exécution  dans  le  temple  dédié  à  Saint-Jean  des  Hois 
(San  Juan  de  Los  lleies).  Isabelle  en  pressa  l'achèvement  avec  ardeur  et,  si  l'on 
en  croit  une  allégation  évidemment  exagérée,  y  lit  travailler  jusqu'à  1,226  uiaîlres 
tailleurs  de  pierre.  » 

(;e  chiffre  est,  en  effet,  inexact.  Il  faut  lire  :  122,  au  lieu  de  1,226. 

Une  inscription  qui  se  lit  dans  une  des  chapelles  de  l'église  Saint-Juste,  rappel  e 
en  termes  précis  l'œuvre  de  Juan  Guas,  en  mémoire  de  qui  cette  chapelle  fut 
élevée  :  «  Celte  chap.  Ile  fut  faite  par  l'ordre  d'honoré  sieur  Jean  Guas,  maître 
I)  principal  de  la  première  église  de  Tolède  et  maître  mineur  (ou  en  second) 
»  (les  Geuvres  du  mi  ddii  Ferdinand  et  de  la  reine  doua  Isabelle,  lequel  fit  San 


—  2!î)  — 

Charles-Quint  eut  à  supporlor  les  reproches  qu'on  lui  faisait 
d'employer  avec  trop  de  complaisance  ces  étrangers,  dont 
les  services  étaient  de  nature  à  porter  ombrage  aux  artistes 
du  pays. 

Les  sculpteurs  proprement  dits  étaient  arrivés,  hionlùt 
après,  aussi  nombreux  :  Philippe  de  Bourgogne,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  de  son  vrai  nom  Philippe  Vigarni, 
venu  de  Bourgogne,  selon  les  uns,  mais  né  en  Flandre, 
selon  les  autres,  —  le  Flamand  De  Jonghe,  qui  collabora 
avec  l'Espagnol  Grcgorio  llernandez  au  calvaire  de  Valla- 
dolid,  —  Pompeio  Leoni,  fils  du  Milanais  Leone  Leoni,  et 
Juani  de  Juni,  tous  deux  Italiens,  et  jusqu'au  célèbre  Tor- 
rignano,  célèbre  surtout  par  le  formidable  coup  de  poing 
qu'il  appliqua,  au  début  de  sa  carrière,  sur  le  nez  de  son 
trop  heureux  rival  Michel-Ange.  On  sait  comment  ce  Tor- 
rignano,  arrivé  en  Espagne,  après  de  longues  pérégrina- 
tions, y  mourut  misérablement  en  prison,  victime  de  l'In- 
quisition, pour  avoir  brisé  de  colère  une  statue  de  la  Madone 
qu'un  duc  d'Arcos,  par  raillerie,  s'était  amusé  à  lui  payer  en 
maravédis.  Crime  énorme!  Celait  j)lus  mal  finir  encore  que 
mal  commencer.  Le  bris  du  nez  de  Michel-Ange  avait  amené 
son  exil,  mais  im  exil  fécond  en  œuvres  de  haute  valeur, 
non  indignes  de  celui  qu'il  avait,  par  dépit,  si  fort  maltraité; 
le  bris  de  sa  Madone  était  plus  grave,  parait-il;  on  le  lui  lit 


»  Juan  de  Los  Reyes,  et  cette  chapelle  fit  construire  Marine  Juarès,  sa  femme.  » 
»  La  chapelle,  dite  autrefois  de  la  Purification  et  depuis  de  la  Trinité,  avait,  ajoute 
M.  Wauters,  un  bénéfice  qui  était  à  la  collation  de  la  famille  de  la  fondatrice. 
Sa  petite-fille  Anne,  fille  de  François  Guas,  légua  celte  collation  a  un  habitant  de 
Madrid,  dont  le  nom  trahit  l'origine  fiamande,  don  Francisco  de  Rosas  Vau 
Onchem.  En  mourant,  en  1597,  cette  dame  fonda  trois  messes  par  semaine,  que 
ilisail  le  titulaire  du  bénéfice  de  Jésus  à  la  Colonne.  » 


—  2i0  — 

Ijioii  voir.  Il  est  bon  d'ajouter  que  le  chagrin  de  perdre  le  tra- 
vail d'un  artiste  aussi  distingué  ne  fut  pas  la  raison  détermi- 
nante dos  rigueurs  de  la  sainte  Inquisition,  mais  bien  plutôt 
l'émotion  qu'avait  causée  l'impiété  de  cet  acte,  jugé  sacrilège 
envers  la  personne  de  Notre-Dame  la  Sainte- Vierge  Marie 

Tandis  que  les  artistes  étrangers,  sculpteurs,  architectes 
et  bientôt  après  peintres  aussi,  comme  nous  le  constaterons 
plus  loin,  étaient,  avant  et  après  la  Renaissance,  en  haute 
faveur  en  Espagne,  où  ils  donnaient  à  la  fois  la  leçon  et 
l'exemple,  les  artistes  espagnols  s'en  allaient  de  leur  côté  à 
l'étranger  exécuter  des  travaux  importants.  Le  fait  est  qu'ils 
ont  laissé  dans  l'art  des  nations  qu'ils  visitèrent  des  traces 
souvent  considérables.  Je  parle  exclusivement  ici  des  archi- 
tectes et  des  sculpteurs.  L'organisation  spéciale,  franc-maçon- 
nique, des  arts  et  métiers  au  moyen  âge  supprimait  les  fron- 
tières et  transportait  partout  où  il  y  avait  une  aune  de  pierre 
et  de  granit  à  élever  ceux  qu'unissait  la  fraternité  du  travail. 
Ainsi  s'explique  tout  naturellement  cette  espèce  d'échange 
mutuel  de  bons  services,  ces  influences  réciproques  qui  sont 
frappantes  çà  et  là,  dans  l'architecture  de  l'Espagne  et  des 
Pays-Bas.  C'est  par  l'Espagne,  et  non  par  l'Italie  comme  on 
le  croit  généralement,  que  la  Renaissance  pénétra  directe- 
ment, à  la  fin  du  w"  siècle,  dans  les  Pays-Bas,  où  elle  s'im- 
planta avant  de  s'implanter  en  France  et  en  Allemagne.  Et  ce 
qui  le  prouve,  ce  ne  sont  pas  seulement  les  dates,  mais  c'est 
aussi  le  style  des  premières  constructions  de  celte  époque, 
élevées  dans  ces  provinces  soumises  au  sceptre  de  Charles- 
Quint  et  de  Philippe  II. 

En  s'emparant,  comme  venait  de  le  faire  l'Italie,  des  tra- 
ditions greco-romaines,  l'Espagne  avait  su    tout   d'abord. 


—  221      - 

dans  son  architecture,  ne  pas  s'en  inspirer  servilement.  Elle 
les  avait  combinées  avec  la  fantaisie  et  la  richesse  des  tra- 
ditions arabes,  dont  elle  avait  sous  les  yeux,  dans  les  mos- 
quées transformées  en  temples  chrétiens,  de  si  splendidcs 
spécimens;  et  les  traditions  arabes  lui  avaient  servi  déjà,  au 
XV* siècle,  à  créer  un  style  en  quelque  sorte  original,  parle 
mélange  des  éléments  mauresques  et  des  éléments  gothiques, 
le  style  Mudejar.  Ce  style  Mudejar  se  rencontre  à  chaque 
pas,  dans  les  basiliques  espagnoles;  la Sa/a  capilulare  de  la 
cathédrale  de  Tolède,  avec  son  portail  et  son  plafond  poly- 
chromes, dorés,  roussis  par  le  temps  et  d'une  finesse  de 
broderie  éblouissante,  en  est  peut-être  le  plus  précieux  chef- 
d'œuvre.  Plusieurs  églises  de  Tolède  ont,  en  guise  de  tours, 
de  vrais  minarets,  copiés  littéralement   sur  les   minarets 
arabes.    Quand    vint   ensuite  la    Renaissance,  ces  grâces 
exquises  s'allièrent  aux  sévérités  des  principes  nouveaux,  et 
de  cette  alliance  naquit  le  style  Plaleresque,  répandu  d'un 
bout  à  l'autre  de  l'Espagne.  Eh  bien,  en  plein  Pays-Bas, 
nous  retrouvons,  vivants  et  triomphants,  ces  deux  styles  ; 
le  style  Mudejar,  dans  la  colonnade  de  la  cour  intérieure  du 
palais  épiscopal  de  Liège,  dans  la  chapelle  du  Saint-Sang,  à 
Bruges,  dans  l'ancienne  Bourse  d'Anvers,  — le  style  Plate- 
resque,  avec  ses  hardiesses  et  ses  caprices  excessifs,  dans  la 
plupartdes bâtiments  construits  pendant  lexvi^siècle,  dans  plus 
d\me\)dir[[edeysidm\r?ih\eClieihinéedu  Franc  de  Bruges,  dans 
le  mausolée  du  cardinal  de  Croy,  élevé  en  1d24,  à  Heverlé, 
près  de  Louvain  (dans  l'église  des  Capucins)  et  auquel,  avant 
M.  Schoy  (i),  qui  en  a  démontré  le  caractère  exact,  on  avait 


(<)  Voir  sa  substantielle  et   savante  Histoire  de  l'influence  italienne  sur 
l'architecture  dans  les  Pays-Bas. 


—  222  — 

toujours  attribué  une  origine  italienne.  Ces  deux  styles 
régnent  presque  souverainement  dans  les  Pays-Bas  jus- 
f|u'aux  premières  années  du  xvii*  siècle,  au  moment  où 
l'architeclure  flamande,  par  l'action  puissamment  fatale  des 
jésuites,  s'inspire  exclusivement  des  traditions  romaines 
abâtardies. 

Il  est  juste  cependant  d'ajouter  à  ces  considérations  un 
léger  correctif.  Certes,  l'influence  de  l'Espagne  fut  grande 
dans  les  provinces  qui  lui  étaient  soumises,  l'architecture  de 
cette  époque,  connue  aujourd'hui  môme  sous  l'appellation 
d'architecture  hispano-flamande,  se  ressent  des  exemples  que 
les  artistes  flamands  étaient  allés  chercher  en  Espagne  et 
(jue  les  artistes  espagnols  étaient  venus  apporter  dans  les 
Flandres;  on  ne  saurait  expliquer  autrement  maint  détail 
incompatible  avec  les  nécessités  de  nos  climats  humides  : 
par  exemple,  les  sombres  patios  entourés  de  colonnades, 
que  l'on  voit  encore  dans  plusieurs  maisons  de  la  Grand'- 
Place  de  Bruxelles,  et  les  toitures  plates  de  certaines  con- 
structions semblables.  Mais  cette  architecture  hispano- 
flamande  ne  fut  pas  non  plus  une  imitation  littérale,  une 
copie  maladroite,  dénuée  de  tout  sentiment  original.  Elle 
eut  une  physionomie  à  elle,  bien  distincte,  robuste,  mou- 
vementée, lourde  même,  d'accord  avec  l'esprit  de  la  nation; 
les  pignons  aigus  des  toits,  la  profusion  de  festons,  de  gar- 
gouilles, de  bustes,  de  figurines  accrochés  de  tous  côtés  aux 
façades,  l'ingéniosité  naïve  de  l'ornementation  des  édifices 
aux  silhouettes  tourmentées  et  compliquées,  tout  cela  lui 
appartient,  avec  ses  qualilés  et  ses  défauts,  à  elle  seule.  Et 
elle  se  gardait  bien  de  |)rendre  à  ses  initiateurs  du  Midi  sans 
rien  leur  domicr  en  retour.  IS'est-ce  pas  elle  (jui  leur  dictait 


—  223  — 

ces  innombrables  miradors,  mystérieux  observatoires  de  la 
curiosité  et  d(;  l'amour,  (jue  l'on  voit  suspendus,  dans  les 
villes  de  Castille  et  d'Andalousie,  le  long  des  liabilalions, 
à  toutes  les  fenêtres,  à  tous  les  étages?  Et  d'où  l'idée  en 
aurait-elle  i)u  venir,  si  ce  n'est  de  ces  balcons  saillants  en 
verre  et  en  bois  des  vieilles  demeures  flamandes,  de  ces 
brélèches  audacieuses  si  en  honneur  dans  les  cités  du 
Nord,  depuis  le  xiv'  siècle,  et  qui,  tout  en  rompant  la  mo- 
notonie des  façades,  mettaient  en  quelque  sorte  la  vie  do- 
lente des  intérieurs  en  communication  directe  avec  la  vie 
animée  du  dehors,  en  lui  demandant  un  peu  de  sa  joie  et  de 
sa  lumière? 

II 

Nous  venons  de  voir  à  quels  éléments  la  sculpture  et  l'ar- 
chitecture espagnoles  ont  eu  recours  pour  se  développer,  et 
quel  parti  elles  en  ont  tiré.  La  peinture,  venue  au  monde 
plus  tard  qu'elles,  a  suivi  à  peu  près  la  même  marche  et  les 
mêmes  développements.  Inhabile  à  se  former  d'elle-même, 
comme  l'avaient  fait  l'école  italienne  et  l'école  flamande,  c'est 
au  dehors  qu'elle  va  demander  la  nourriture  qui  doit  la  faire 
vivre.  Jusque-là  elle  végète  dans  les  ténèbres  ;  son  enfance 
est  pénible.  Elle  n'a  pas  les  grands  éclairs  de  prédestination 
des  Giotto  et  des  Gimabue.  Elle  est  chétive  et  bégaie  avec 
effort  ses  premières  paroles. 

Et  comment  d'ailleurs  pouvait-il  en  être  autrement?  Com- 
ment la  peinture,  cet  art  délicat,  l'art  de  la  paix,  du  luxe  et 
du  bien-être,  pouvait-elle  fleurir  au  milieu  des  secousses 
qui,  pendant  huit  siècles,  ébranlèrent  l'Espagne  alTolée? 
Quelle  épopée  furieuse,  gigantesque!  La  mort  promène  sa 


—  22i  — 

faulx  impitoyable  ;  les  fleuves  roulent  des  flots  de  sang  ;  dans 
les  lueurs  terrifiantes  de  l'incendie,  la  terre,  inculte  et 
désolée,  apparaît  semée  de  ruines  et  couverte  de  cadavres. 
La  pairie  s'est  levée  contre  ses  oppresseurs  ;  l'étendard  chré- 
tien et  le  croissant  hérétique  sont  en  présence,  dominant  la 
mêlée  formidable.  Oui,  pendant  huit  cents  ans,  toutes  les 
forces  du  pays  s'épuisent  dans  cette  lutte  énorme.  Pied  à 
pied,  l'Espagne  dispute  à  ses  ennemis  cha(|ue  ville,  chaque 
bourgade,  chaque  forteresse,  et  elle  ne  respire  enlin  que 
lorsque,  aux  dernières  années  du  xv"  siècle,  la  grande 
œuvre  est  définitivement  accomplie  :  les  Arabes  chassés  pour 
jamais. 

Les  quelques  vestiges  d'art  qui  nous  sont  parvenus, 
enfouis  dans  des  manuscrits  enluminés  de  cette  époque  trou- 
blée et  de  celle  qui  la  précède,  ne  sauraient  sulïîre  à  notre 
admiration.  Les  portraits  des  souverains  Golhs  du  Codex 
Vifjilano  de  la  bibliothèque  de  l'Escorial  ont  la  naïveté  des 
premiers  essais  d'une  main  d'enfant;  et  jusque  bien  long- 
temps après  on  ne  voit  point  que  l'art  ait  avancé  d'un  pas. 

On  a  conservé  des  noms  de  peintres  vivant  au  xiii' et 
au  XIV*  siècles.  Alors  déjà  une  quiétude  commençait  à  naître 
dans  les  esprits,  la  délivrance  n'était  pas  complète,  mais  on 
avait  l'espérance  de  la  saluer  bientôt.  Peintres  bien  inha- 
biles pourtant  et  dont  il  n'est  resté  guère  que  les  noms  : 
à  Valence,  MarzaI,  Guillermo  Arnaldo;  en  Aragon,  Pedro 
de  Zuera,  Raymon  Torrent,  Guillen  Tort;  en  Catalogne, 
Juan  Gasilles,  Luis  Borrasa.  Au  xv'  siècle,  l'astre  commence 
à  grandir;  la  faveur  royale  s'en  mêle.  Ferdinand  V  le  Catho- 
lique attache  à  sa  personne  en  qualité  de  peintre  particulier 
en  litre  Pedro  de  Aponte;  cela  se  passe  en   1470.  Valence 


—  2!2ri  — 

cite  avec  honneur,  vers  14jG,  Juan  Reixals;  la  Catalogne, 
LuisDalman;  l'Aragon,  Orliga,  parmi  bien  d'autres.  Mais 
surloul  la  Gastille,  muette  et  stérile  avant  ce  temps,  donne 
tout  à  coup  le  signal  d'un  branle-bas  d'art  général.  El  tout 
de  suite,  chez  elle,  nous  rencontrons  l'application  du  système 
d'«  importation  étrangère  »,  comme  on  l'a  appelé,  auquel 
l'architecture  et  la  sculpture  avaient  eu  recours  et  qui 
devait  élre  si  utile  à  la  peinture.  Tant  qu'elle  avait  essayé  de 
se  soutenir  par  elle-même,  la  peinture  n'avait  obtenu  que 
des  résultats  très  médiocres.  Nous  avons  indiqué  plus  haut, 
en  commençant,  les  raisons  pour  lesquelles  l'art  espagnol 
porte  la  marque  de  tant  d'influences  extérieures  et  n'a  dû 
qu'à  ces  influences  de  pouvoir  prendre  ensuite  son  élan.  Ce 
qu'il  avait  produit  était  encore  bien  peu  de  chose  à  l'époque 
où,  en  Italie,  en  Flandre,  en  Allemagne,  des  chefs-d'œuvre, 
signés  de  noms  à  jamais  illustres,  resplendissaient  déjà  d'un 
éclat  que  les  siècles  n'ont  pas  effacé.  Qu'étaient-ce  que  les 
informes  essais  des  artistes  obscurs  que  nous  avons  cités, 
vivant  en  plein  xv^  siècle,  et  de  ceux  dont,  en  Gasiille, 
on  salue  la  mémoire  avec  vénération,  tels  que  Juan  Alfort, 
qui  peignait  vers  1418  les  retables  de  la  chapelle  delSagran'o 
et  de  la  chapelle  de  los  Reys,  niievos  dans  la  cathédrale  de 
Tolède,  et  Jorge  Ingles,  l'auleur  du  relable  de  l'hôpital  de 
Buytrago,  en  comparaison  de  ce  qui,  alors  el  bien  avant, 
exislait  ailleurs?...  Ailleurs  régnaient  Giovani  de  Fiesole, 
Jean  et  Hubert  Van  Eyck,  Hugo  Vander  Goes,  Roger  Vander 
Weyden...  L'art  en  Espagne  n'eut  pas  de  ces  belles  aurores. 
Sa  splendeur  fut  celle  d'un  midi  rayonnant  entre  un  malin 
brumeux  et  un  soir  appesanti  par  des  lassitudes  d'orage. 
Cette  fois  encore,   l'Espagne   cria   à  l'aide!  Et  l'on  vit 


—  ^20  — 

arriver  à  In  cour  de  Jean  1"  un  élève  d'Anlonio  Venezanio, 
le  Florentin  Glieranio  Starnina,  —  non  pas  vers  1415,  comme 
l'a  dit  M.  Louis  Viardot,  ce  qui  eût  été  impossible,  attendu 
que  Jean  P""  mourut  en  1590  et  Starnina  en  1405,  mais 
vraisemblahlemenl  plus  loi,  dans  les  dernières  années  de  ce 
prince;  en  1584,  Starnina  n'avait  que  trente  ans;  —  puis,  ;i 
la  cour  de  Jean  II,  un  autre  Florentin,  Dello,  que  le  roi  créa 
chevalier  et  qui  mourut  en  li"}!.  Après  les  Italiens,  les 
Flamands.  Mais  ici  les  incertitudes  commencent,  non  dans 
la  généralité  des  faits,  mais  dans  leurs  détails.  Des  noms  sont 
cités  dans  les  archives  de  xMailrid  et  de  Lisbonne  :  Gil 
Eannes,  Christophe  d'Ulrecht,  Antoine  de  Hollande,  Olivier 
de  Gand,  Juan  Flamenco,  de  1465  à  1499  (i),  sans  que  l'on 
sache  bien  exactement  leur  valeur  et  le  rôle  qu'ils  jouèrent. 
Pour  ce  qui  regarde  les  chefs  d'école,  on  en  est  réduit  aux 
conjectures.  On  a  prétendu  que  Roger  Vander  Weyden  vint 
à  Madrid,  où  il  était  connu  sous  le  nom  de  Maestro  Rogel. 
Il  est  possible  que,  au  retour  de  son  voyage  à  Rome,  en 
1450,  Vander  Weyden  passa  par  h),  comme  avait  fait  vingt 
ans  auparavant  Jean  Van  Eyck  en  revenant  de  Lisbonne  (2); 

(0  Cités  par  M.  A.-J.  Wauters,  dans  son  excellent  livre  sur  la  Peinture 
jlumande,  p.  111. 

(2)  M.  Alfi'ctl  MiciiiELs,  dans  sa  prélcnliouse  et  inexacte  Histoire  de  la 
Peinture  flamande,  a  donné  k  ce  voyage  de  Jean  Van  Eyck  dans  la  Pcoinsuie  une 
importance  risible.  D'après  lui,  ce  simple  passage,  en  touriste,  du  grand  peintre, 
qui  revenait  d'avoir  été  faire  le  portrait  d'Isabelle  de  Portugal,  aurait  eu  des 
conséquences  extraordinaires  et  aurait  sulli  pour  créer,  du  jour  au  lendemain, 
l'art  espagnol!...  Ce  serait  vraiment  miracle  qu'un  séjour  de  quelques  jours  k 
peine  d'un  peintre  dans  un  pays  où  il  n'a  certes  pas  eu  le  temps  de  travailler, 
si  peu  que  ce  soit,  ni  de  distribuer  ses  conseils,  ni  de  prêcher  par  son  exemple, 
(fit  pu  avoir  une  vertu  si  prompte  et  si  mirifique. 

Mais  ce  n'est  pas  la  seule  illusion  que  les  historiens,  par  un  amour-propre 
national  très  ma!  entendu,  aient  caressée,  à  propos  de  ces  sortes  d'inilucnces 
toujours  fort  difliciles  d'ailleurs  a  bien  déterminer. 


—  227  — 

rien  cependant  ne  prouve  ce  passage  el  il  n'en  existe  de 
trace  nulle  part.  Quoi  qu'il  en  soit,  si  l'action  directe,  per- 
sonnelle de  ces  chefs  d'école  n'est  pas  prouvée,  la  présence 
de  leurs  œuvres  et  le  crédit  dont  elles  jouirent  ne  sauraient 
être  mis  en  doute.  On  en  découvrirait  certainement  un  crrand 
nombre  dans  les  coins  perdus  de  la  vieillie  Gastille,  où  elles 
sont  enfouies.  Le  gouvernement  en  a  rassemblé  au  Prado 
plusieurs  qui  se  trouvaient  disséminées  dans  les  couvents, 
loin  de  tout  œil  curieux  Je  ne  parlerai  que  des  principales, 
et  celles-là  seules  ont  excité  bien  des  discussions. 

La  plus  disculée,  sans  aucun  doute,  est  le  Triomphe  de 
l'Église  sur  la  Synagogue  (n"  2188  du  catalogue),  que  l'on  a 
attribué  tour  à  tour  aux  deux  Van  Eyck,  à  Jeati  seul,  à 
Hubert  seul,  assistés  ou  non  de  leur  sœur  Marguerite.  Je 
serais  assez  tenté  d'admettre  l'opinion  que  M.  Pedro  de 
Madrazo  a  longuement  développée  dans  le  Museo  espahol  de 
antiguedades  (liv.  XXXI,  t.  IV),  si  elle  avait  pour  objet  un 
tableau  d'un  mérite  transcendant.  Ce  que  M.  Madrazo  dé- 
montre fort  clairement,  c'est  que  l'œuvre  n'est  pas  de  Hubert 
Van  Eyck,  comme  certains  critiques  se  plaisent  à  le  croire 
avec  Passavant.  Il  compare  le  Triomphe  de  l'Église  à  la  partie 
supérieure  du  polyptyque  de  Y  Agneau  m,ystique;  cette  partie 
supérieure,  que  l'on  peut  voir  à  Gand  en  l'église  de  Saint- 
Bavon,  est  très  vraisemblablement  de  la  main  de  Hubert; 
car  les  restes  de  l'œuvre,  conservés  en  originaux  au  musée 
de  Berlin,  el  qui  sont  de  Jean,  ont  un  caractère  réaliste  fort 
différent  du  caractère  hiératique  et  byzantin  de  celte  partie-là. 
Or,  le  Triomphe  de  l'Eglise  est,  lui  aussi,  empreint  tout 
entier  d'un  sentiment  réaliste  prononcé.  Hubert  ne  peut 
donc  pas  l'avoir  peint.  Si  l'on  y  retrouve  des  analogies  frap- 


—  2-28  — 

parités  de  composition  avec  la  partie  supérieure  du  polyp- 
tyque de  Gand,  on  on  peut  simplement  conclure  que  Jean 
Van  Eyck  —  et  personne  que  lui,  n'était  capable,  à  celte 
époque,  d'y  apporter  une  aussi  grande  perfection  de  travail, 
—  l'a  exécutée  a  peu  près  au  moment  où  son  frère,  surpris 
par  la  mort,  venait  d'achever  les  panneaux  de  [Wyneau 
mystique  qui  sont  de  sa  main.  Sous  l'impression  de  l'œuvre 
fraternelle,  il  aura  voulu,  —  délicat  hommage  rendu  à  sa 
Riémoire,  —  rappeler  dans  le  Triomphe  de  CF.glise  la 
composition  et  l'ordonnance  de  ces  panneaux,  tout  en  y 
imprimant  son  cachet  personnel  bien  reconnaissable.  Le 
mouvement  et  le  groupement  de  la  scène  sont  semblables, 
l'expression  ne  l'est  pas.  Tes  personnages  divins  ont  dépouillé 
leur  divinité;  plus  d'auréoles,  plus  d'ailes,  plus  rien  qui  dise 
qu'ils  appartiennent  au  ciel;  le  naturalisme  de  l'école  de 
Bruges  s'affirme  et  triomphe  sur  l'aulfîl  mi;me  du  hijzanlisme. 

Ce  raisonnement,  pour  être  parfois  un  pou  subtil,  ne 
manque  pas  de  poids.  La  date  probable  de  l'œuvre  et  les 
circonstances  qui  l'amenèrent  en  Espagne,  après  le  voyage 
de  Jean  Van  Eyck,  c'est-à-dire  après  l'année  1428,  viennent 
encore  l'appuyer.  En  1428,  Ilubort  était  moi-l  depuis  deux 
ans.  Il  est  assez- naturel  que,  à  son  passage  par  Madrid,  Jean 
reçût  du  roi  Juan  II  la  commande  de  ce  Triomphe  de  l'Iùjlise 
.sur  la  Synayofjue,  — /jui  était  un  sujet  vraiment  national  el 
d'actualité;  —  Henri  IV,  le  fils  de  ce  monarque,  l'offrit 
ensuite  au  monastère  du  Parral,  à  Ségovie,  où  l'on  constate 
sa  présence  vers  l'an  14j4;  il  n'en  soitit  (pjo  pour  |)rendrc 
place  dans  les  galeries  du  Prado. 

Seulement,  un  giave  inconvénient  s'oppose  à  la  solution 
de  la  (juestion  dans  ce  sens.  C'est  que,  si  le  Triomphe  o'e 


—  229  — 

l'Église  possède  tous  les  signes  chronologiques  et  caractéris- 
tiques d'une  œuvre  de  Jean  Van  Eyck,  authentique,  il  n'a 
rien,  au  point  de  vue  artistique  pur,  de  ce  qu'il  lui  faudrait 
pour  légitimer  une  pareille  attribution.  La  coloration,  tou- 
jours si  riche  et  si  souple  chez  le  maitre  brugeois,  est  ici  d'une 
indigence  rare;  le  modelé  est  sec,  la  facture  pleine  de  du- 
retés. Non,  il  n'est  pas  possible  que  la  main  qui  a  peint  les 
admirables  volets  de  l'Agneau  mystique  soit  la  même  qui 
ait  peint,  fût-ce  quelques  années  auparavant,  cette  curieuse 
mais  pâle  imagerie.  L'attribuer  à  Hubert  Van  Eyck,  ce  serait 
enlever  du  même  coup  à  ce  dernier  le  mérite  d'avoir  exé- 
cuté les  panneaux  supérieurs  de  l'Agneau  mystique,  qui 
sont  d'un  vrai  coloriste,  et  M.  Madrazo  a  démontré  victo- 
rieusement qu'Hubert  n'y  fut  jiOLir  rien.  Nous  soutenons, 
de  notre  côté,  que  Jean  n'y  saurait  avoir  pris  part  non  plus. . . 
Qui  donc  alors? 

Des  critiques  sceptiques  vont  nous  mettre  sur  la  voie. 
«  Le  sujet  et  la  composition,  disent  M.  Gruzada  Vilaamil  et 
le  docteur  Waagen,  sont  de  Hubert  Van  Eyck;  l'exécution 
est  de  deux  de  leurs  disciples.  »  Ceci  paraît  plus  vraisem- 
blable, bien  qu'il  soit  permis  de  douter  que  Jean  ou  Hubert 
Van  Eyck  aient  envoyé  au  roi  d'Espagne,  qui  le  leur  avait 
commandé,  un  tableau  indigne  d'eux  et  exécuté  par  d'au- 
tres. Une  probabilité  plus  sérieuse  encore  serait  celle-ci  :  le 
Triomphe  de  l'Église  du  Prado  est  simplement  une  copie, 
défectueuse  évidemment;  l'exemplaire  authentique,  perdu 
depuis,  aurait  été  gardé  par  le  roi  Juan  H  et  par  son  fils 
Henri  IV,  qui  n'en  auraienldonné  au  couvent  du  Parral qu'une 
répétition.  L'explication  —  contre  laquelle  s'élève  vivement 
M.  de  Madrazo—  n'a  rien  d'extraordinaire.  La  coutume  de 


—  ^250  — 

reproduire  une  œuvre  d'art  plusieurs  fois  était  fort  commune 
jadis  ;  et  elle  avait  ce  grand  avantage  de  pouvoir  concilier 
l'cgoïsme  des  propriétaires  avec  leur  générosité  (i). 

C'est  à  cette  coutume  que  l'on  doit  l'embarras  où  l'on  s'est 
trouvé  pendant  longtemps,  et  où  l'on  se  trouve  encore, 
de  savoir  quel  est,  des  trois  exemplaires  de  la  Descente  de 
Croix  de  Roger  Vander  Weyden  qui  existent  en  Espagne, 
l'original.  L'histoire  de  l'art  présente  peu  de  faits  aussi  cu- 
rieux que  celui-là.  Celle  Descente  de  croix  est  assurément 
un  chef-d'œuvre,  —  le  chef-d'œuvre  du  maître  que  Tournai 
et  Bruxelles  se  disputent  «  l'honneur  d'avoir  vu  naitre.  » 
Mais  où  est  ce  chef-d'œuvre?  Est-il  au  Prado  ou  à  l'Esco- 
rial?  —  Au  Prado,  proclament  tous  les  critiques,  au  Prado, 
où  il  en  existe  deux  exemplaires...  Mais  on  sait  que  l'un 
a'eux  (n^StyS'),  celui  qui  a  passé  successivement  du  couvent 
des  Anges  au  musée  du  Fomento  (alias  de  la  Trinité),  et 
enfin  dans  les  salles  basses  du  Prado,  est  une  copie  ancienne. 
Toute  la  discussion  porte  sur  l'exemplaire  qui  se  trouve  dans 
«  le  salon  de  la  Reine  »  (n'^  1818)  et  sur  celui  qui  se  trouve 
dans  la  sacristie  de  San  Lorenzo,  à  l'Escorial.  L'un  est 
l'original;  l'autre  est  la  copie,  postérieure  d'un  siècle,  de 
Michel  Goxie.  Hélas  !  on  a  si  bien  mêlé  l'une  et  l'autre,  et 
Goxcie  s'acquitta  si  adroitement  de  son  ouvrage,  que  l'on  n'a 


(i)  Ce  qui  prouve  encore  qu'il  a  existé  plus  d'un  exemplaire  de  ce  tableau,  c'est  la 
lettre  adressée  de  Paris,  au  mois  d'avril  1863,  par  M.  lUirgcr  à  M.  de  Madrazo  : 


l'ar  hasard,  il  y  a,  eu  ce  moment, 
tableaux  M.  Haro  une  ancienne  copit 


e  -y<  S 


exposée  chu/,  le  restaurateur  de 
de  la  Fontaine  mystique  de  Van 


Jiyck  et  signée  du  monogramme  IrV  A  ,  Lancelot  Blondeel  probablement, 
lequel  a  beaucoup  étudié  les  Van  Eyck  et  a  même  restaui'é  au  xvi<=  siècle  l'Agneau 
de  Saint- Bavon,  a  Gand.  > 


plus  su  distinguer  quel  est  l'original  et  quelle  est  la  copie! 
Dans  cette  indécision,  on  a  pris  un  parti  énergique  :  on  s'est 
tourné  avec  respect  vers  le  Prado  et  l'on  a  oublié  l'Escorial. 

C'est  le  contraire  qu'il  aurait  fallu  faire. 

Roger  Vander  Wcyden  avait  peint  sa  Descente  de  croix 
en  1440,  pour  le  Grand  Serment  des  Arbalétriers  de  Lou- 
vain  ;  elle  avait  pris  place  dans  la  chapelle  de  la  Gilde 
Notre-Dame-hors-Murs,  lorsque,  en  looo,  Philippe  II,  qui 
la  convoitait,  chargea  la  gouvernante  des  Pays-Bas,  Marie 
de  Hongrie,  de  l'acquérir  pour  lui.  Le  marché  fut  conclu  ;  la 
Gilde  abandonna  son  tableau  contre  échange  d'un  orgue  de 
500  florins  et  d'une  copie  du  retable  par  Michel  Coxcie. 
Seulement,  quand  "la  copie  fut  faite,  elle  ne  tarda  pas  à  suivre 
le  même  chemin  que  le  modèle. 

Or,  le  retable  acquis  par  Marie  de  Hongrie  était  destiné  au 
monastère  de  ri^]scorial,  la  résidence  habituelle,  nouvellement 
construite,  de  Philippe  II, et  c'est  bien  là,  sans  aucun  doute, 
qu'il  alla  directement.  Quand  la  reproduction  de  Coxcie 
arriva,  elle  fut  installée  dans  la  chapelle  de  la  résidence 
royale  du  Pardo,  k  Madrid,  qu'elle  ne  quitta  que  pour 
prendre  place  au  Prado.  Et  ce  qui  le  prouve,  c'est  la  mention 
qu'en  fait,  en  1588,  un  écrivain  des  plus  sérieux,  le  licencié 
Argote  de  Molina,  dans  une  description  des  peintures  réunies 
dans  ce  palais  du  Pardo  (supplément  au  livre  de  la  Monteria 
du  roi  Alphonse  XI,  chap.  47)  :  «  ]Qn  retable  représentant 
la  Descente  de  croix,  peint  par  maître  Michel  (Michel 
Coxcie),  peintre  flamand,  d'après  celui  que  possède  Sa 
Majesté  à  San  Lorenzo  de  l'Escorial.  »  Donc,  à  cette 
époque,  l'original  était  à  l'Escorial,  la  copie  à  Madrid,  et,  à 
cette  époque  au.ssi,  encore  bien  proche  de  Vander  Weyden, 


—  2r)-2  — 

aucun  doute  n'existait  sur  leur  provenance  respective. 
Argote  de  Molina  n'a  pu  attribuer  à  un  peintre  son  contem- 
|)orain,  appartenant  à  l'école  flamande  de  transition,  pseudo- 
italienne, une  œuvre  plus  vieille  d'un  siècle,  et  vice-versa. 
Toutes  les  attributions  faites  dans  la  suite  ne  sauraient 
contredire  celle-là,  la  connaissance  des  choses  de  l'art  go- 
thique étant  tombée  si  bas  que,  en  plein  règne  de  Philippe  IV, 
en  1653,  —  Velasquez  vivant,  —  le  même  tableau  du  Pardo 
était  donné,  dans  l'inventaire  de  Eugénie  de  los  Rios,  comme 
une  œuvre  d'Albert  Durer! 

Mais  le  témoignage  des  contemporains  et  la  logique  des 
événements  ne  soirl  pas  la  seule  preuve  en  faveur  de  l'authen- 
ticité du  tableau  de  l'Escorial.  Il  suffit  d'un  examen  attentif 
pour  constater  que  l'exécution  de  ce  tableau  porte  en  elle  les 
si<Tnes  évidents  d'une  antériorité  séculaire.  Le  tableau  du 
Prado  (n"  1818)  est  d'une  facture  plus  moderne;  il  a  moins 
d'énergie  et  d'accent,  et  il  trahit  un  pinceau  moins  esclave 
de  la  nature;  le  style,  surtout  dans  la  façon  de  traiter  les 
accessoires,  est  un  peu  conventionnel  et  n'a  point  l'exquise 
naïveté  du  style  des  primitifs.  Le  copiste  a  pris  certaines 
libertés.  Ainsi  la  barbe  du  Christ,  inculte,  broussailleuse  et 
si  minutieusement  détaillée,  dans  le  tableau  de  l'Escorial, 
qu'on  en  pourrait  compter  les  poils,  est,  au  contraire,  dans 
celui  (lu  Prado,  soignée,  idéalisée,  italianisée;  c'est  une 
barbe  suave.  Enfin,  autre  indice  important  :  le  dessin  des 
trèfles  de  la  cresleria  gothique  qui  se  détache  sur  fond  d'or, 
aux  angles  supérieurs  du  n"  1818,  ont  un  peu  plus  de  hau- 
teur que  celle  qu'on  leur  donnait  à  l'époque  où  fleurissait  le 
style  ogival.  Tout  cela  dénote  bien  un  travail  flamand  du 
milieu  du  xvi*  siècle.  En  revanche,  examinez  le  tableau  de 


—  233  — 

« 

l'Escorial  :  tous  les  caractères  de  l'originalilé  s'y  rencontrent, 
nettement  accusés,  non  seulement  dans  les  détails  que  nous 
venons  de  mettre  en  évidence  et  que  nous  avons  soigneuse- 
ment vérifiés,  sur  les  indications  de  M.  de  Madrazo,  mais 
aussi  dans  l'ensemble,  dans  la  coloration  plus  primitive, 
dirais-je,  à  la  fois  plus  froide  et  plus  fraiche  que  la  coloration 
de  la  copie  du  Prado,  dans  ce  je  ne  sais  quoi  de  pénétrant 
et  de  doux,  de  gauche  et  de  charmant,  qui  fait  la  saveur 
exquise  des  choses  gothiques. 

Là,  tout  en  haut,  sur  le  mur  blanc  de  la  vaste  sacristie 
où  elle  est  accrochée,  entourée  d'une  modeste  baguette  en 
bois  qui  lui  tient  lieu  de  cadre,  l'œuvre  sourit  dans  sa  nudité 
virginale  et  son  immortelle  beauté.  Jamais  le  grand  drame 
chrétien  n'avait  encore  été  exprimé  avec  une  pareille  puis- 
sance et  une  pareille  majesté  ;  jamais  le  sentiment  religieux 
n'avait  été  interprété  avec  autant  d'élévation.  Dans  ce 
drame  sublime  des  saintes  croyances,  l'héroïne  touchante, 
la  Vierge,  apparaît  pour  la  première  fois  comme  le  troublant 
et  austère  idéal  de  la  douleur  ;  et  cette  douleur  n'est  pas  la 
douleur  toute  physique  et  toute  terrestre  d'une  mère  pleu- 
rant ses  enfants,  comme  celle  de  la  Niobé  antique  ;  c'est  la 
douleur  unie  à  la  beauté,  la  «  beauté  dans  la  douleur,  »  selon 
l'expression  de  Schiller,  et  bien  plus  sublime  parce  qu'elle 
est  essentiellement  morale,  divine  et  dégagée  des  liens  fra- 
giles de  l'humanité.  Cette  Vierge  qui  souffre  est  impassible 
et  calme,  car  sa  souffrance  n'est  pas  celle  d'un  corps  blessé 
ou  d'un  cœur  ulcéré  ;  elle  a  un  plus  haut  objet  ;  ce  n'est  pas 
un  corps  qui  succombe,  c'est  une  âme  qui  semble  défaillir 
sous  le  poids  des  fautes  humaines  que  le  sacrifice  du  dieu 
incarné  doit  laver  dans  le  ciel.  Déjà,  voyez,  le  visage  altéré 


—  254  — 

par  l'angoisse  maternelle  s'éclaire  d'un  rayon  d'infini.  Ce 
rayon  annonce  la  récompense  du  sacrifice,  la  vie  nouvelle, 
la  Rédemption.  Sous  le  monde  ancien  qui  s'écroule,  le  monde 
jeune  va  surgir,  triomphant  ! 

La  grandeur  du  génie,  seule,  a  pu   exprimer  tant  de 
choses  inconsciemment.  Le  propre  du  génie  est  d'être  incon- 
scient ;  sur  un  bout  de  toile  ou  de  panneau,  il  fait  parler  un 
siècle,  il  résume  une  nation,  il  donne  une  forme  tangible  à 
une  religion  de  foi  et  de  mystère.  Vander  Weyden  a  été, 
sans  doute  bien  involontairement,  aussi  éloquent  philosophe 
que  peintre  et  dessinateur  admirable.  Peintre  et  dessinateur, 
il  a  déployé  toute  sa  science  anatomique  dans  la  virtuosité 
avec  laquelle  il  a  traité  les  extrémités  de  ses  personnages, 
leurs  mains,  leurs  pieds.  C'est  là  qu'on  distingue  aisément 
le  véritable  artiste  de  celui  qui  ne  l'est  pas,  l'homme  qui 
sait  de  l'homme  qui  ne  sait  rien.  Aussi  est-ce  bien  cela  qui  a 
.  dénoncé  tout  de  suite  comme  apocryphe  la  troisième  Descente 
de  Croix  que  possède  l'Espagne,  celle  qui  provient  du  musée 
de  la  Trinité  à  Madrid  (n"  2193a).  Les  extrémités  y  sont 
défectueuses;  la  main  d'un  peintre  de  l'école  du  maître,  de 
sa  seconde  génération,  —  peut-être  le  second  Roger,  Roger 
le  jeune,  petit-fils  de  Roger  le  vieux,  —  est  visible;  mais 
elle  n'a  point  soutenu  sa  tâche  jusqu'au  bout;  elle  n'a  point 
su,  ou  elle  n'a  point  voulu.  Puis,  il  y  a  de  notables  variantes 
dans  la  teinte  des  vêtements  des  personnages  et  dans  lesacces- 
soires,  une  tonalité  générale  poussée  au  roux,  un  terrain 
plus  à  découvert  que  dans  l'original,  des  plantes  et  des  herbes 
d'espèces  différentes,  et  moins  abondantes. 

Quant  aux  exemplaires  qui  existent  de  celle  même  Des- 
cente de  Croix  en  Belgique,  en  Allemagne  et  en  Angleterre, 


—  2ô,S  — 

il  serait  oiseux  de  s'y  arrêter  longuement.  Celui  du  musée 
de  Berlin  et  celui  du  musée  de  Cologne,  étant  postérieurs  à 
la  mort  de  Roger  Vanden  Weyden  (ils  datent  respectivement 
de  1488  et  de  1480),  ne  sauraient  lui  être  attribués;  ceux 
diî  Londres  sont  des  copies  relativement  modernes.  Enfin, 
I;i  réduction  que  l'on  montre  dans  l'église  Saint-Pierre,  à 
Louvain,  est  d'une  qualité  inférieure  trop  manifeste  pour 
être  de  Roger  Vander  Weyden  ;  elle  date  de  1443,  —  trois  ans 
après  l'exécution  du  grand  retable  de  l'Escorial,  sept  ans 
après  l'exécution  des  tableaux  historiques  de  l'Hôtel  de  Ville 
de  Bruxelles,  aujourd'hui   malheureusement  détruits  et  si 
admirés  par  Albert  Durer  lors  de  son  voyage  dans  les  Pays- 
Bas.  Roger  était  alors  dans  sa  plus  brillante  et  sa  plus  glo- 
rieuse fécondité.  Il  est  impossible  qu'il  ait,  à  ce  moment-là, 
peint,  en  tout  ou  même  en  partie,  cette  réduction  d'une  couleur 
si  épaisse,  d'un  modelé  si  lourd,  où  rien  de  son  habituelle 
souplesse  de  facture  ne  se  reconnaît.  Il  sufi5t  d'avoir  dans  les 
yeux  la  vision  de  la  grande  Descente  pour  être  convaincu  que 
celle-ci  n'a  aucun  lien  de  filiation  avec  elle.  Les  volets  sur 
lesquels,  à  droite  et  à  gauche,  sont  portraiturés  les  donateurs 
Guillaume  Edelheere  et  Adélaïde  Cappuyns,  entourés  de  leur 
famille  et  de  leurs  saints  patrons,  ne  me  paraissent  pas  d'une 
valeur  beaucoup  supérieure  ;  cependant,  en  quelques  endroits, 
par  exemple  dans  les  têtes  desdits  donateurs,  on  retrouve  la 
vigueur  de  tons  et  la  délicatesse  d'expression  du  maitre,  et 
peut-être  a-t-il  travaillé  là,  mais  là  seulement  ;  et  ce  contraste 
même  entre  l'imperfection  du  panneau  central  et  la  perfection 
relative  des  volets  est  une  preuve  nouvelle  démontrant  la 
non-authenticité  de  cette  réduction  qui  a  mis  à  l'envers  la 
cervelle  des  historiens  et  leur  a  fait  dire  avec  sérénité  les 


—  236  — 

choses  les  plus  contradictoires  (i).  L'orgueil  national  dùt-il 
en  souffrir,  il  faudra  se  décider  à  abandonner  l'illusion  que 
l'on  s'était  faite  depuis  iSGl  de  croire  que  l'on  possédait  en 
Belgique  une  œuvre  importante  de  Roger;  la  mémoire  du 
maître  y  gagnera  du  moins  quelque  chose  (2). 

La  Descente  de  croix,  arrivée  en  Espagne  cent  ans  après 
le  grand  mouvement  qui  de  toutes  parts  secouait  les  intelli- 
gences, n'avait  plus  aucun  rôle  direct  à  jouer  dans  l'histoire  de 
l'art  espagnol;  elle  était  passée  au  rang  des  choses  glorieuses, 
et  le  dilettantisme  seul  d'un  souverain  l'avait  amenée  là. 
Mais  ce  n'était  pas  la  première  œuvre  de  Roger  Vander 

(1)  Waagen  et  M.  MiCHiELS  disent  qu'elle  est  antérieure  au  tableau  acquis  par 
Marie  de  Hongrie;  M.  Van  Even, l'archiviste  de  la  ville  de  Louvain,  affirme  qu'elle 
est  postérieure;  M.  Michiels  prétend  qu'elle  n'a  jamais  quitté  l'autel  Edelheere; 
M.  Van  Even  a  raconté,  au  contraire,  les  longues  aventures  dont  elle  a  été  la 
triste  héroïne,  jusqu'à  ce  qu'elle  fut  retrouvée  un  jour,  dans  une  vente  publique, 
mêlée  à  un  tas  de  vieux  tableaux. 

(î)  Le  Musée  de  Bruxelles  possède,  sous  le  nom  de  Roger  Vander  Weyden, 
une  Tête  de  femme  en  pleurs  identique  à  celle  d'une  des  saintes  femmes  qui  figurent 
dans  la  Descente  de  Croix;  on  la  donne  comme  étant  l'étude  qui  aurait  servi  à 
Roger  pour  son  tableau.  Rien  n'est  venu  jusqu'ici  infirmer  ni  confirmer  cette 
attribution.  Le  caractère  des  draperies,  avec  leurs  plis  cassés  et  anguleux,  et  le  fin 
modelé  des  chairs  plaident  en  faveur  de  l'authenticité,  bien  que  la  tonalité  générale 
ait  quelque  sécheresse.  Peut-être  est-ce  une  étude  faite  après  par  un  élève  de 
Roger.  Car  pour  être  une  étude  faite  avant  par  Roger  lui-même,  on  peut  se 
demander  comment  d'autres  éludes  pour  d'autres  têtes  ne  soient  point  parvenues 
jusqu'à  nous,  comme  celle-ci? 

Quant  à  la  série  de  huit  tableaux  «  attribués  à  Roger  Vander  Weyden  », 
(n"'  54  à  41  du  même  Musée),  ce  serait  faire  injure  à  sa  mémoire  que  de  supposer 
un  seul  instant  qu'ils  puissent  être  de  lui. 

En  revanche,  il  serait  intéressant  d'étudier  attentivement  la  question  de  savoir 
si  le  Christ  descendu  de  la  croix,  figurant  sous  le  n"  48,  sans  attribution  du  nom 
d'auteur,  n'est  pas  une  œuvre  de  Roger  Vander  Weyden.  Déjà  M.  Edouard  Fétis 
{Catalogue  descriptif  et  historique)  a  indiqué  «  l'identité  parfaite  de  la  figure  de 
la  Vierge  avec  celle  du  même  personnage  dans  la  Descente  de  croix  de  Louvain.  » 
Ce  qui,  pour  nous,  est  surtout  frappant,  c'est,  outre  le  mérite  de  celte  œuvre 
admirable,  son  analogie  étonnante  au  point  de  vue  du  caractère  et  de  l'expression, 
de  la  richesse  et  de  la  qualité  du  coloris,  avec  la  Descente  de  croix  de  l'Escorial. 


—  257  — 

Weyden  qui  franchissail  les  Pyrénées;  il  en  était  une  autre, 
qui,  à  peu  près  en  même  temps  que  le  Triomphe  de 
l'Église,  de  Van  Eyck,  était  venue,  en  pleine  efllorescence 
artistique,  éclairer  le  travail  lent  qui  s'opérait  de  sa  rayon- 
nante lumière.  En  1431,  le  pape  Martin  V,  ou  plutôt 
Nicolas  V,  envoyait  en  présent  au  roi  de  Castille  un  trip- 
tyque de  Roger,  connu  depuis  sous  le  nom  de  Pieta  à  cause 
du  sujet  représenté  sur  le  panneau  central,  et  qu'il  avait 
lui-même  reçu  des  échevins  de  Bruxelles,  comme  gage  de 
reconnaissance,  croit-on,  pour  des  services  rendus...  A  cette 
époque,  l'édilité  bruxelloise  et  le  Saint-Père  se  rendaient 
des  services.  Ou  se  figure  l'émotion  des  Madrilènes  lorsqu'ils 
virent  débarquer  chez  eux  une  œuvre  de  celte  sorte,  riche 
en  tons,  de  facture  habile  et  de  profond  sentiment,  et  qui, 
bien  que  datant  de  la  jeunesse  du  peintre,  était  très  supé- 
rieure aux  travaux  des  artistes  de  la  Péninsule.  Ce  triptyque, 
que  Juan  II  donna  en  1445  à  la  chartreuse  de  Miraflores, 
fut  transporté  en  France  en  1807,  lors  de  la  destruction  du 
monastère,  et  passa  successivement  dans  les  mains  de 
M.  Nieuwenhuys  et  du  roi  Guillaume  II  des  Pays-Bas,  alors 
prince  d'Orange;  il  est  aujourd'hui  la  propriété  du  Musée 
de  Berlin  Vander  Weyden  a  fait  mieux  dans  la  suite; 
l'allure  assez  disgracieuse  des  personnages,  leur  expression 
un  peu  banale,  ne  portent  pas  encore  complètement  l'em- 
preinte de  son  génie;  mais, je  le  répète, tout  cela,  surpassait 
considérablement  ce  que  les  Espagnols  étaient  capables  de 
produire  eux-mêmes.  Ce  fut  une  révélation,  et  aussitôt  l'au- 
torité des  maîtres  flamands,  s'imposant  avec  éclat  par  ces 
œuvres  et  par  d'autres,  qui  sans  nul  doute  les  suivirent  ou 
les  avaient  déjà  précédées,  hantèrent  invinciblement  les  es- 


_  258  — 

prits.  Les  rapports  s'élablirent  entre  les  deux  nations,  entre 
le  Nord  et  le  Midi,  d'une  façon  plus  constante.  Peut-être  ces 
rapports  ne  s'en  tinrent-ils  pas  à  de  simples  envois  de 
tableaux;  mais  les  noms  espagnols  que  l'on  cite  sont  assez 
obscurs  à  côté  des  noms  flamands  illustres,  et  l'incertitude 
plane  encore  sur  leur  existence  et  sur  leur  destinée. 

Le  plus  connu  parmi  ceux  qui  pourraient  avoir,  les  pre- 
miers, séjourné  en  Espagne  assez  longtemps  pour  que  leur 
présence  fût  sensible,  c'est  Pierre  Gristus,  dit  Christophsen , 
un  peintre  de  l'école  des  Van  Eyck  ;  il  y  a  de  lui  au  Prado  un 
intéressant  retable  en  quatre  compartiments,  qui  a  les  belles 
qualités  de  coloris  de  l'école,  mêlées  aux  défauts  personnels 
de  l'auteur,  —  de  la  dureté  et  de  l'incorrection.  Son  influence 
semble  manifeste  dans  les  peintures  d'un  des  artistes  espa- 
gnols les  moins  médiocres  de  cette  primitive  époque,  Fer- 
nando Gallcchos,  notamment  dans  les  six  tableaux  du  Prado, 
consacrés  à  divers  épisodes  de  la  vie  de  saint  Jcan-Baptistc 
et  qu'on  lui  attribue  à  cause  de  l'analogie  du  sujet  avec  celui 
de  ses  tableaux,  bien  authentiques,  conservés  à  Zamora  et  à 
Salamanque.  La  mise  en  scène,  le  caractère  des  figures, 
parfois  l'exécution  abondent  en  ressouvenirs  des  traditions 
flamandes,  avec  plus  de  lourdeur,  plus  de  gaucherie  et  une 
coloration  épaissie  par  les  noirs  opaques  qui  déjà  com- 
mençaient à  caractériser  l'école  espagnole.  Quant  cà  Juan 
Flamenco,  qu'on  cite  souvent  aussi,  était-ce  un  vrai  flamand, 
ou  bien  son  surnom  lui  vint-il  de  ce  qu'il  suivait  également 
les  Iraces  des  artistes  du  Nord,  comme  Pierre  Nunez,  Jacques 
(le  Valence,  Pierre  de  Cordoue  et  d'autres,  tous  fort  oubliés 
d'ailleurs?  N'importe,  l'une  et  l'autre  hypothèse  sont  signi- 
ficatives; elles  conduisent  à  la  même  conclusion  :  c'est  que, 


—  239  — 

dès  les  premières  productions  sérieuses,  de  quelque  valeur, 
existant  en  Espagne  et  signées  de  noms  espagnols,  l'imitation 
des  gothiques  flamands  est  flagrante.  Jusqu'au  seuil  de  la 
Renaissance,  elle  se  fait  senlii"  d'une  manière  constante;  et 
Morales  lui-même  n'a  pas  échappé,  malgré  son  incontestable 
originalité,  à  cet  empire  que  tous  acceptaient. 

Cet  empire,  il  ne  faut  pas  cependant  en  exagérer  les 
conséquences;  car  il  n'était  pas  seul.  La  popularité  des  œu- 
vres et  des  artistes  flamands  eut  des  résultats  plus  plato- 
niques qu'effectifs.  La  main  des  imitateurs  ou  des  disciples 
était  encore  si  peu  experte,  leurs  yeux  étaient  si  peu  sen- 
sibles aux  finesses  et  aux  harmonies  des  colorations!  Quelle 
grossièi'elé  dans  leurs  timides  essais,  et  combien  loin  est 
leur  naïveté  nialadroile  delà  naïveté  charmante  des  modèles  ! 
S'il  est  vrai  que  les  arts  furent  alors,  selon  M.  de  Laborde  (i), 
«  sous  la  domination  exclusive  des  artistes  flamands  »,  cette 
domination  se  traduisit  bien  moins  par  une  perfection  de 
travail  que  l'on  eût  pu  espérer  d'un  commerce  aussi  inces- 
sant entre  le  Nord  et  le  Midi,  que  par  une  admiration  bien 
justifiée,  par  un  culte  enthousiaste  pour  les  œuvres  qui 
venaient  prendre  place  dans  les  palais  et  dans  les  églises, 
par  l'accueil  empressé  fait  à  des  peintres,  même  secondaires, 
dont  on  reconnaissait  unanimement  la  supériorité. 

Lucien  Solvay. 


(i)  Les  ducs  (le  Bourgogne,  t.  l",  Introduction,  p.  cxxvi. 


LA  TABLE  DE  COMMUNION 

DE    L'ÉCxLISE    DE    SAINT- PIERRE ,    A    LOUVAIN 
EXÉCUTÉE,  EN   1707, 

par  Alexandre  VAN  PAPENHOVEN,  d'Anvers. 


Si,  au  commencement  du  xviu*  siècle,  la  ville  d'Anvers 
ne  comptait  plus  un  seul  grand  peintre,  elle  possédait  en- 
core plusieurs  sculpteurs  de  mérite.  Depuis  le  décès  du 
dernier  élève  de  Rubens,  la  peinture  y  élait  en  décadence, 
tandis  que  la  sculpture  s'y  soutenait  vaillamment.  Les  sculp- 
teurs anversois  de  cette  époque  laissèrent  des  œuvres  re- 
marquables, non  seulement  dans  les  édifices  civils  et  reli- 
gieux du  pays,  mais  aussi  à  l'étranger. 

Parmi  les  sculpteurs  anversois  du  xviii*  siècle,  il  est  juste 
de  citer  Henri-François  Verbruggen,  Artus  Quellin,  Louis 
Willemsen,  Guillaume  Kerricx,  Pierre  Scheemaeckers, 
Michel  Vander  Voort,  Michel  Rysbrack,  Jacques  Verberckt, 
Alexandre  Van  Papenhoven  et  Pierre-Dominique  Plumier, 
qui  fut  le  mailre  de  notre  immortel  Delvaux. 

Alexandre  Van  Papenhoven  élait  un  sculpteur  d'un  beau 
talent.  Ce  quilei)rouve,c'estque  plusieurs  écrivains  de  valeur 
attribuent  une  de  ses  productions  au  ciseau  de  François 
Duquesnoy,  le  grand  statuaire  belge  du  xvii' siècle.  Cette 


—  24^2  — 

production  n'esl  autre  que  la  table  de  communion  de  l'église 
de  Saint-Pierre,  à  Louvain. 

Nos  recherches  dans  les  archives  nous  ont  fait  découvrir 
le  contrat  pour  l'exécution  de  ce  remarquable  travail.  Le 
grand  intérêt  qu'offre  cette  pièce,  au  point  de  vue  de  l'his- 
toire encore  si  imparfaitement  connue  de  la  sculpture  en 
Belgique,  nous  engage  à  la  publier.  Mais  avant  de  nous 
occuper  de  ce  document,  nous  allons  donner  des  renseigne- 
ments biographiques  sur  Van  Papenhoven. 

Alexandre -Jacques  Van  Papenhoven  naquit  à  Anvers, 
de  Corneille  Van  Papenhoven  et  Marie  Passeur.  Il  fut  bap- 
tisé à  l'église  de  Saint-André,  le  4  juillet  16B9.  Son  parrain 
fut  Jacques  De  Kock,  sa  marraine  Catherine  Van  Papen- 
hoven (r).  Le  père  de  l'artiste  était  sculpteur,  mais  ne 
s'occupait  que  de  la  fabrication  de  poupées.  Dès  son  en- 
fance, Alexandre  montra  les  plus  heurenses  dispositions 
pour  l'art.  On  ne  larda  pas  à  s'apercevoir  qu'il  était  né  pour 
pétrir  la  terre  glaise  et  tailler  le  bois  et  le  marbre.  Heureu- 
sement le  père  ne  s'opposa  pas  à  une  vocation  qui  se  mani- 
festait d'une  façon  si  absolue.  Il  donna  à  son  fils  les  pre- 
mières notions  du  modelage  et  lui  fournit  les  autres  moyens 
d'étude  pour  se  faire  une  carrière  sérieuse.  Lorsqu'il  n'avait 
plus  rien  à  lui  apprendre,  il  le  fil  admettre  à  l'atelier  d'Artus 
Quellin  jeune,  alors  le  statuaire  le  plus  important  du  pays. 
Ses  progrès  furent  si  rapides  que  le  maître  ne  tarda  pas  à 
se  servir  de  son  aide  dans  l'exécution  de  ses  travaux. 


(i)  K  lAjiilii  i66d.  —  Parentes  Coineliiis  van  l*apenhoven,  Maria  Fasscur; 
infans  :  Alexander  Jacobiix.  Susceptores,  Jacobus  De  Kock,  Calliarina  van 
Papenhoven.  »  (liegislre  des  baptêmes  de  Saint-André,  à  Anvers.) 


—  ^4â  — 

En  l(j98,  Alexandre  Van  Papenhoven  fui  reçu  franc- 
maître  à  la  corporalion  de  Saint-Luc.  Le  16  novembre  de 
la  même  année,  il  épousa,  à  l'église  de  Saint-Georges,  à 
Anvers,  Marie  Bruynel,  qui  appartenait  à  la  bourgeoisie 
anversoise  (i).  L'artiste  perdit  cette  femme  après  dix  années 
de  mariage.  Elle  mourut  dans  une  maison  située  rue  Courle 
de  l'Hôpital.  D'après  une  disposition  testamentaire,  elle  fut  in- 
humée, le  2  juin  1708,  dans  l'église  des  Dominicains  (2),  où 
l'un  de  ses  ancêtres,  Abraham  Bruynel,  avait  reçu  l'hospi- 
talité de  la  mort  en  1655. 

Alexandre  Van  Papenhoven,  qui  occupait  les  fonctions 
de  doyen  de  la  Gilde  de  Saint- Luc,  du  18  septembre  1715 
au  28  septembre  1716,  forma  plusieurs  élèves.  D'après  le 
Ligger  de  cette  corporation,  il  reçut  les  élèves  suivants  : 
en  1699,  Pierre  Overlaet;  en  1707,  Jacques  Brunel  et 
Augustin  Opdelaye;  en  1709,  Jean-François  Allefelt;  en 
1711,  Gaspar  Verhaeghen  ;  en  1717,  J.-B.  Neckers  et  Jean- 
Baptiste  Vanden  Hert;  en  1718,  André  Schuyf;  en  1722, 
Philippe  Delvout;  en  1722,  Ignace-François  Verellen  ;  en 
1728,  Arnould  Vanden  Bosch.  Il  fut  le  maître  d'un  sculp- 
teur très  distingué,  Alexandre-François  Schobbens,  d'An- 
vers, mort  en  1781, 

Notre  artiste  avait  l'inspiration  et  le  sentiment,  en  même 
temps  qu'un  ciseau  facile  et  ardent.  Il  savait  exprimer  dans 


(i)  «  16  septembris  -1698,  Alexander  van  Papenhoven,  Maria  Bruynei,. 
Testes  ;  Joannes  Bruynel,  Cornélius  Van  Papenhoven,  cum  disp.  3  bannis  prœvio 
juramenlo.  »  (Registre  des  mariages  de  Saint -Georges,  à  Anvers.) 

(î)  «  2  junius  1708.  Maria  Brunt'i  (sic),  liuysvrouwe  van  Alexander  Papen- 
hoven, Predikheerenkerck,  par  teslament,  Corte  Gastluiysstraet.  »  (Registre  des 
inhumations  de  l'église  N.-D.  à  Anvers,  quartier  du  Sud.) 


—  !244  — 

le  bois  ou  dans  le  marbre  ce  qu'il  senlail  dans  l'âme.  Ses 
travaux  eurent  un  très  grand  succès  et  la  renommée  ne 
tarda  pas  à  s'emparer  de  son  nom.  Bien  plus,  sa  réputation 
ne  se  renferma  pas  dans  les  bornes  élroiles  de  sa  patrie. 
Ferdinand  IV,  roi  de  Dancmarck,  l'appela  à  sa  cour  et  lui 
confia  l'exécution  de  plusieurs  travaux  importants.  Il  passa 
douze  ans  à  Copenhague,  y  laissant  des  œuvres  aussi  remar- 
quables par  la  conception  que  par  l'exécution.  De  retour 
en  Belgique,  il  se  lixa  de  nouveau  à  Anvers  et  y  produisit 
un  grand  nombre  de  travaux  pour  les  églises  et  les  maisons 
religieuses.  Quoique  l'ornement  fui  le  genre  le  plus  favo- 
rable à  la  nature  de  son  talent,  il  exécuta  aussi  plusieurs 
statues.  En  1721,  il  acheva,  d'après  les  dessins  de  Henri 
Verbruggen,  l'aulel  de  la  chapelle  de  la  Circoncision,  à  la 
cathédrale  Notre-Dame.  Assisté  du  sculpteur  Hamers,  il 
exécuta  un  grand  bas-relief  représentant  la  Sainte-Vierge 
avec  l'Enfant  Jésus  apparaissant  à  Saint-Ignace  dans  le 
désert.  Ce  groupe  fut  placé  au  milieu  de  la  chapelle  Saint- 
Ignace,  à  l'église  des  Jésuites.  L'artiste  dota  également 
celte  église  d'une  table  de  communion  très  remarquable. 

Alexandre  Van  Papenhoven  collabora  aussi  à  l'exécution 
des  statues  du  calvaire  de  l'église  des  Dominicains,  conjoin- 
tement avec  Jac(|iies  Gockx,  Guillaume-Ignace  Kerricx, 
Henri-François  Verbruggen,  Jean-Pierre  Van  Baurcheil  et 
Michel  Vander  Voort. 

En  1740,  ceux  de  la  corporation  de  Saint-Luc  arrêtèrent 
le  projet  de  supprimer  l'Académie  des  Beaux-Arls,  afin  de 
s'affranchir  des  frais  d'entretien  de  celle  école.  .Mais  plu- 
sieurs artistes  considérèrent  ce  projet  comme  préjudiciable 
au   |)rogrès  des  arts.  Dans  le  but  de  le  faire  écarter,  six 


—  24:;  — 

artistes,  peintres  et  sculpteurs,  s'oiïriront  à  l'autorité  com- 
munale d'Anvers  pour  prendre  iiratuitemcnt  In  direc- 
tion de  l'école.  Ce  furent  Pierre  Van  Baurscheit,  Alexandre 
Van  Paponhoven,  Pierre  Boulais,  Pierre  Sneyors,  Michel 
Geeraeris  et  Jean  Boîtiers. 

Par  sa  résolution  du  8  janvier  l7/i-2,  l'administration  com- 
munale autorisa  ces  artistes  à  prendre  la  direction  de 
l'école  et  enjoignit  aux  doyens  et  autres  de  la  corporation 
de  Saint-Luc  et  de  la  Chambre  de  rhétorique  la  Branche 
d'Olivier,  à  mettre  les  six  directeurs  en  possession  des  lo- 
caux, situés  au-dessus  de  la  Bourse,  sous  peine  d'une 
amende  de  25  patacons  à  encourir  individuellement.  Notre 
Alexandre  Van  Papenhoven,  qui  avait  alors  72  ans  bien 
sonnés,  remplit  encore  pendant  dix  ans  les  fonctions  de 
directeur  de  l'Académie  (i).  Frappé  d'apoplexie,  il  fut  rcm- 


0)  «  Geinforraeert  synde  dat  de  Académie  der  teeckeninge,  boetseringe, 
perspeclive,  architecture  ende  andere  consten,  die  tsedert  meer  als  eene  eeuwe, 
alhier  Ioffeiycl<  is  opgerecht,  eride  door  de  Princen  van  dese  Landen,  met  incora- 
sten  is  begiltight,  nu  tsedert  eenige  jaercn  door  de  directeurs  derselve  is  vernegli- 
geert  ende  vercort,  en  nu  eyndelycii  geheel  achtergeiaeten  en  afgebroken  is  ende 
de  revenue  daer  toe  verleent,  elders  door  hun  worden  geemployeert,  waerinne 
nocbtans,  soo  raen  vertrouwt  van  hooger  handt  in  het  cort  sal  worden  voorsien, 
ten  welcken  eynde  reets  veele  devoiren  gedaen  syn,  ondertusschen  soo  ist  ora  soo 
loffelycke  instellinge  in  dese  stadt  Antwerpen  niet  te  laeten  vergaen  en  stilie  staen 
voor  het  gemeen  best,  ende  tôt  aenwesinge  van  de  jonckhcyt  ende  leerlingen  in 
dese  consten,  dat  de  ondergeteekende  sigh  ais  directeurs  presenteren,  en  aennemen 
deselve  accadeniie  gratis  onder  hun  optepassen  ende  te  dirigeren,  ingevalle  de 
penningen  daertoe  noodigh  synde,  connen  worden  gevonden,  van  de  welcke  de 
ondergeteeckeiide  ten  eynde  vant  jaar  aen  de  contribuanten  bewys  siillen  doen, 
dat  de  selve  geheelyck  tôt  costen  en  vervoorderinge  van  dese  accadeniie  sullen 
wesen  uytgegeven  ende  bestcet.  Gedaen  in  Antwerpen  den  H'"  augusli  17.il, 
ende  waeren  onderteekent  :  P.  van  Baurscheit,  Alexander  van  Papenhoven, 
Petrus  B.  Boultats,  Peeter  Snyers,  M.  J.  Geeraerts  en  ,1.  Rottiers.  » 


—  246  — 

placé,    le  9   novembre  1752,    par  son   élève,   Alexandre- 


<■  Aeri  rayne  Eerw.  Heei'en  Borcjeineester  ende  Schepenen  der  stadt 
Antwerpen. 

i>  Vertooiien  met  aile  eerbiedinge  P.  van  Hauschiet,  Aiexander  van  Papenhoven, 
Petrus  Bouttats,  Peeter  Snyers,  M.  J.  Geeraerdts  cnde  J.  B.  Rottiers  hoe  dat  sy 
supplianten  met  veel  leedtwesen  ende  verwonderinghe  verstaen  hebben  dat  niet 
alleenlyek  de  soo  vermaerde  académie  der  teeckenconst  binnen  dese  stadt  sedert 
eeiiige  jaeren  seer  begonst  te  vei'vallen,  maer  selfs  dat  de  dekens  ofte  regeerders 
van  Sint-Lucas  gilde  entrent  Sinxen  laetsleden,  by  eene  schriftelljke  resolutie 
door  aile  de  leden  van  hunne  camer  onderteeckent  (uytgcnomen  den  tweeden 
suppliant),  hadden  vasigeslelt  de  selve  académie  totalyck  te  supprimeren;  men 
acht  onnoodigh  aen  UE.  Eerw.  voorsinnigheyt  te  moeten  voordraegen,  van  wateen 
schadelyck  ende  beclachelyck  gevolgh  het  soude  wesen  by  aldien  dese  soo  seer 
gerenomeerde  académie  inder  manière  als  voorseyt  is  hadde  vernielight  gebleven, 
als  ooek  wat  groote  meesters  uyt  deselve  voor  desen  syn  voortsgecomen,  ende 
voorts  aile  de  notoire  voordeelen  de  welcke  dese  stadt  daer  uyt  is  genietende,  te 
moeten  detailleren,  dan  soo  ist  dat  de  supplianten  omme  eenighsints  te  voorcomen 
eenen  soo  droevigen  voorval  aïs  soude  wesen  het  vernietigen  der  meer  genielde 
académie,  genomen  hebben  de  resolutie  alhier  gevoeght  by  copy.  omme  op  dien 
voet  by  provisie  de  académie  in  den  ganck  te  houden,  welcke  onderneming  tôt 
hier  toe  van  een  soo  ongemeen  succès  geweest  is  dat  de  supplianten  sigh  daer 
over  niet  gcnoegh  en  connen  verwonderen  ofte  gelooven,  ende  wesacngaende  men 
betrouwt  dat  UE.  Eerw.  oock  genoeghsaem  syn  geini'onneerl,  doch  alsoo  het 
soude  connen  gebeuren  (het  welck  men  niet  verhoopl),  dat  soo  een  goede  saecke, 
door  de  supplianten  met  soo  veel  lever  ende  désintéressement  ondernomen  door 
eenige  qualyck  geintentioneerde  soude  connen  worden  getraverseert,  redenen 
waeroramc  deselve  hun  recours  nemen  tôt  UE.  Eerw. 

»  Ootmoedelyck  biddende  ten  eynde  de  selve  gelieve  gedient  te  wesen  de  sup- 
plianten te  authoriseren  omme  by  provisie  de  académie  te  mogen  dirigeren  ende 
die  houden  ter  gewoonelycke  plaetse,  tôt  dat  UE.  Eerw.  andersints  sullen  évidente 
behooren,  Dwelck  doendc,  etc. 

»  (Signé)  P.  van  B.\l'hscheit  ;  Alexander  van  Papenhoven  ;  Petrus  Baltiiazar 
Bouttats;  Peeter  Snyers;  M.  J.  Geeraerts  ;  J.  Rottiers.  » 

'I  Myne  Heeren  Borghcmecsteren  ende  Schepenen  der  stadt  Antwerpen  (om 
redenen  hun  raoverende),  hebben  by  provisie,  ende  tôt  dat  op  de  requeste  aen 
hun  gepresentecrt  naerder  of  andersints  sal  worden  gedisponneert,  geauthoriseert 
ende  authoriseren  by  desen  d'Heeren  P.  van  Baurschet  (sic),  Alexander  van 
Papenhoven,  Petrus  liouttats,  Peeter  Snyers,  M.  J.  Geerardls  ende  J.-B.  Rottiers, 
omme  te  iiebben  de  voile  directie  over  het  houden  van  de  Académie  der  teecken, 
.boutsecren  cnde  andere  consten,  daer  aen  annex.  Idque  op  de  ordinaire  plaetsen 


—  "lAl  — 

François  Schobbens  (i).  Noire  artiste,  qui  habitait  la  rue 
des  Juifs,  mourut  à  l'âge  de  89  ans,  le  lo  lévrier  illid.  Il 
fut  iiibumé  à  1  église  des  Carmes  déchaussés  d'Anvers  (2), 
où  on  plaça  une  dalle  funèbre  portant  l'inscription  suivante  : 

RUST  PLAETS 

VAN  ALEXANDER  VAN  PAPENHOVEN, 

BEELDHOUWER, 

STERFT  lo  FEBRUARY  1759  (s). 

L'artiste  avait  un  talent  facile,  souple  et  varié.  Il  excella 
surtout  dans  la  sculpture  décoralive.  Tout  ce  qu'il  pro- 
duisit dans  cette  spécialité  témoigne  d'un  grand  goût,  d'une 
rare  convenance  et  d'une  exécution  pleine  de  hardiesse  et 


daer  toe  synde,  boven  de  Borse  deser  stadt;  oidonnerende  aeii  die  dekens, 
ouderliedea  ende  knaepe»  van  Sint-Lucasgilde  ende  Ohjfftack,  luin  hier  naer  te 
nioeten  reguleren,  met  interdiclie  aen  de  sclve  van  de  voors.  provisionele  geau- 
thoriseerde  daer  in,  ofte  aen  eenige  der  teeckenacrs  ende  andere  ieerlingcn  aldt-er 
comparerende  per  se  vel  suns,  directelyck  ofte  indirccteiyck  eenigiie  de  aidenninste 
stoorenisse  ofte  beletsel  dien  aengaende  le  docn  ofte  te  laeten  geschieden  ofte  de 
selve  te  niisdoen  met  woorden  ofte  met  wercken,  op  pêne  van  vyftentwinligh 
pattacons  by  ieder  van  hun  te  verbeuren,  ende  voorts  op  arbitraire  corrcctie  naer 
gelegentheyt  van  saecke,  ailes  by  provisie  et  donec  et  usque  als  hier  vooren  is 
geseyt.  Actuni,  in  collegio,  den  8  januari  1742. 

»  {Signé)  Mertens,  J.-F  van  Can.  »  (/archives  de  l'Académie  royale  d'Anvers.) 

{i)  «  Op  heden  9  november  1752,  is  d'heer  Alexander  Franciscus  Schobbens 
aangesteit  als  directeur,  in  plaetse  van  d'heer  van  Papenhove,  incapabel  geworden 
zynde  door  eene  geraecktheyt.  »  {Registre  aux  résolutions,  n"  22,  f"  11.) 

(2)  (I  17  fcbruary  1759.  Alexander  Van  Papenhoven,  een  sinckingh,  in  de 
kerck  van  de  Paters  Discalsen,  compt  nyt  de  Jodestraet;  de  iiytvaert  is  daervoor 
hier  gedaen  den  6  meert. 

i>  6  meert,  Alexander  van  Papenhoven  is  geweest  een  klyn  kercklyck,  comt 
uyt  de  Jodestraat,  is  gesoncken  in  de  kerck  dcr  paters  Discalsen,  den  17  february; 
heeft  gesongen  den  heer  Morteinians,  en  gclesen  Mynheer  Beeckmans.  [s 
betalt  55  —  4  (Registre  des  inhumations  de  l'église  de  N.-D.  à  Anvers,  quartier 
du  Sud). 

[z)  Voyez  Inscriptions  funéraires  et  monumentales  de  la  province  d'. invers, 
t.  V,  p.  567. 


—  ^248  — 

d'accent.  Ses  œuvres  lui  assignent  une  place  distinguée 
parmi  les  anciens  sculpteurs  dont  s'honore  la  Belgique. 

On  sait  que  les  confréries,  qui  existaient  autrefois  dans 
nos  églises,  avaient  coutume  de  consacrer  la  plus  grande 
partie  de  leurs  ressources  à  faire  exécuter  des  œuvres  d'art 
pour  la  décoration  de  leurs  oratoires.  C'est  à  ces  associa- 
tions pieuses  que  nous  sommes  redevables  des  œuvres  d'art 
les  plus  remarquables  qu'on  trouve  dans  nos  édifices  reli- 
gieux. Ce  fut,  pour  ne  puiser  des  exemples  que  d;ms  l'his- 
toire de  Louvain,  la  confrérie  du  Saint-Sacrement  qui 
chargea  Thierry  Bouts  d'exécuter  ces  deux  pages  admira- 
bles —  la  Cène  et  le  Martyre  de  saint  Erasme  —  qui  font 
aujourd'hui  le  plus  bel  ornement  de  la  collégiale  de  Saint- 
Pierre  ;  ce  fut  une  autre  confrérie  louvaniste,  celle  de  Sainte- 
Anne,  qui  dota  le  même  temple  de  ce  splendidc  triptyque  de 
Quentin  Melsys,  qui  constitue  actuellement  la  perle  du 
Musée  de  Bruxelles.  Gaspar  De  Crayer  exécuta  pour  une 
confrérie  louvaniste  la  ravissante  toile  représentant  saint 
Charles  visitant  les  pestiférés,  qu'un  républicain  français 
appelé  Laurent,  «  représentant  du  peuple,  envoyé  près 
l'armée  du  Nord,  »  enleva,  en  1794,  de  notre  collégiale, 
et  dont  l'impératrice  Joséphine  disposa  en  faveur  du  Musée 
de  Nancy,  où  celle  œuvre  flamande  occupe  une  première 
place. 

Ce  fut  en  1706  que  la  confrérie  du  Saint-Sacrement  ré- 
solut de  faire  exécuter  une  nouvelle  table  de  communion  en 
marbre  blanc,  richement  ornementée,  pour  être  placée  de- 
vant l'oraloire  qu'elle  possédait  à  la  collégiale  de  Saint- 
Pierre.  Alexandre  Van  Papenhovcn  venait  de  placer  à 
l'église  des  Jésuites,  actuellement  l'église  de  Saint-Michel, 


—  240  — 

un  appui  de  communion  en  i)ois  de  chêne,  servant  en  même 
lemps  de  clôture  du  chœur  et  des  chapelles  absifhales.  Ce 
iravaii,  qui  existe  encore  et  qui  est  d'un  grand  caractère  et 
d'un  remarquiible  arrangement,  engagea  hi  confrérie  louva- 
niste  à  confier  à  l'artiste  anversois  l'exécution  de  l'œuvre 
projetée. 

Le  25  mai  1707  eut  lieu,  devant  le  notaire  Vander 
Smissen,  à  Louvain,  la  passation  du  contrat  pour  l'exécution 
de  la  nouvelle  table  de  communion.  La  confrérie  était  repré- 
sentée par  ses  maitres,  savoir  :  iVlichel  Wagemans,  Pierre 
Van  Varenbergh,  G.  Slaes,  Charles  Henskens,  Jean  Bollens 
et  Henri  Van  Haenewj^ck.  Le  sculpteur  Van  Papenhoven 
s'y  engagea  à  exécuter,  avant  le  51  mars  1708,  le  travail 
dont  il  s'agit,  conformément  au  modèle  présenté  par  lui  et 
ce  moyennant  une  somme  de  1,000  tlorins  de  change  ou 
fr.  2,116-40  de  notre  monnaie.  La  table  devait  clôturer,  en 
guise  de  balustrade,  l'oratoire  de  la  confrérie,  à  partir  du 
pilier  se  trouvant  à  l'entrée  de  la  sacristie  jusqu'au  pre- 
mier pilier  de  la  chapelle  de  Saint-Jean  dans  l'huile.  Elle 
devait  être  exécutée  en  marbre  blanc  de  bonne  qualité.  Le 
marbre  devait  être  expertisé  par  des  personnes  compétentes. 
Les  panneaux,  travaillés  à  jour,  devaient  être  ornementés 
de  deux  côtés,  c'est-à-dire  par  devant  et  par  derrière.  La 
corniche  ou  le  couronnement  ainsi  que  l'agenouilloir  de- 
vaient être  en  marbre  blanc  veiné.  L'artiste  devait  fournir 
tout  le  marbre.  Mais  la  confrérie  s'engagea  à  faire  établir 
une  maçonnerie  en  briques  pour  servir  de  fondation  au  tra- 
vail, ainsi  qu'à  fournir  les  ferrures  pour  l'attacher.  Selon  le 
contrat,  le  paiement  devait  avoir  lieu  de  la  manière  suivante  : 
1"  un   tiers  de  la  somme  le  25  mai  1707;   2"  "un  second 


—  250  — 

tiers  lorsque  la  moitié  du  travail  serait  fournie,  et  5'^  un  troi- 
sième tiers  lorsqu'il  serait  complètement  placé  à  Saint-Pierre. 
Alors  la  confrérie  devait  faire  constater  si  la  table  était 
de  tous  points  conforme  au  modèle,  tant  sous  le  rapport 
des  matériaux  que  de  l'exécution.  Nous  avons  transcrit  le 
texte  de  ce  contrat  et  nous  le  publions  en  noie  (i). 


(i)  «  Op  heden  den  xxiij  niey  1707  coraparerende  voor  my  notaris,  présent  die 
naerge.noemde  gctiiyglieii.  S''  Alexanuek  van  Pai'enhûven,  mecster  beldtsnyder 
biniieii  die  stadl  Aiitwerpeii,  den  welckcii  geloofl,  soo  en  Lçelyck  liy  doetby  desen, 
te  inaken  en  voltreckcn,  tnsschen  dathe  deser  en  den  lesten  niarlii  van  den  jarc 
1708,  alsulcker  commnniebanck  als  hy  comparant  in  raodel  heeft  gepresenteert, 
vuyt  le  wercken  ailes  in  witten  marbelen  steen  in  de  distantie  van  twee  pillaren 
staende  aen  den  anthaer  van  het  Hooghweerdigh,  in  de  kercke  van  Sinte-Peetcrs, 
te  weten  van  de  eerste  pilare  comende  naer  den  cant  van  den  authaer  van  Sint- 
Jans  in  d'Olie  ende  d'andere  op  den  hoeck  niaeckende  den  inganck  naer  het 
sacristye  van  het  Hooghweerdigh  aUhaer,  en  alsoo  wedersyts  sluylende  tusschen 
de  twee  pillaren,  op  den  voet  dal  hy  aennemere  sal  leveren  het  plan  ofte  den 
marbelen  totte  knielbancke,  waer  van  den  groiidt  sal  opgeniaeL-kt  uorden  door  de 
ondergeschrevene  meesters  van  het  Hooghweerdigh,  en  voorts  sal  hy  aennemere 
het  voorder  werck  ofte  het  borstgeweyr  van  de  coniniuniebank  nioelen  stellcn  in 
conformiteyt  van  het  selve  model,  op  synen  cost  alleen,  sonder  daer  over  eenighe 
recompens  le  prcteiideren,  behoudelyck  datte  ondergetceckende  meesters  sullen 
leveren  het  yserwerck  dienende  oni  de  voorschrevene  conimuniebanck  en  des  daer 
aen  cleeft  tebinden,  sonder  meer,  ailes  op  de  naervolghende  eonditien  : 

lerst  dat  het  borstgeweyr  van  de  knielbanck  boven  die  cnielbanck  sal  wezen 
twee  voeten  en  ses  duyraen  anlwerpsche  inaet. 

«  Item,  datte  fignren  van  het  werck  wederzyts  sullen  worden  vuytgewerckt, 
biiytenwarts  als  biniienwarts,  volgens  die  natnre  soe  van  die  figuren,  fruylagien 
als  andersints,  conforni  den  nioilele  voorschreven. 

»  llem,  sal  den  aennemere  het  cornis  in  het  voorsc.  werck  nioeten  maken  in 
witten  gespickelden  ofle  gewolckten  merbel  en  dergelycx  de  knielbanck. 

)i  Ailes  ingevolgcde  voorschreve  gereclameerde  modellete  leveren  goedenmar- 
belsteen,  ter  visitatie  van  niannen  hen  des  verstaende,welcke  niodelle  den  aennemere 
pertinenteiyck  sal  overleggen  met  het  werck, mits  allen  iwelcke eu  d'vnytweikinghe 
van  dyen,  soe  geloven  die  onder'geschreven  authaermeesters  van  het  Hoogwcerdigh 
aen  den  aennemere  op  te  leggen  ende  le  betalen  duysent  gnlden  wisselgelt,  te 
weten  een  derdo  paert  in  contant,  het  tweede  derde  pacrt  alswanneer  die  heilight 
sal  wesen  vuytgewerckt,  ende  het  rcslerende  derde  paert  alswanneer  het  werck 
effectivclyck  sal  wezen  in  staet  gestelt  altiier  ter  idaetse  en  gevisiteert  conibrm  te 
wcsen  aen  het  voorschreven  model,  soo  in  wittighyt  van  den  merbel,  de  distinctie 


—  251   — 

La  confrérie  supporta  les  frais  de  l'acte  notarié,  (pii,  par 
parenthèse,  ne  coûta  que  douze  sous.  La  belle  position  que 
celle  de  notaire  au  xviii®  siècle  !  (i) 

Alexandre  Van  Papenhoven  entreprit  infimédiatemenl  le 
travail  et  le  termina  avant  l'époque  stipulée.  Gela  résulte  des 
renseignements  que  nous  avons  trouvés  dans  les  comptes 
de  la  confrérie  du  Saint-Sacrement.  Nous  transcrivons  en 
note  le  texte  de  ces  divers  postes. 

Van  Papenhoven  reçut  un  tiers  du  prix  convenu  le  jour 
de  la  passation  du  contrat.  Quand  la  moitié  du  travail  était 
achevé,  la  confrérie  fit  remettre  à  l'artiste,  par  l'entremise 
du  père  Bernard  Vanden  Houle,  économe  du  collège  des 


van  't  loversieraet  als  in  de  vuylwerkinglie.  van  de  ligiiren  ende  represciitatic  by 
de  modelle  gerepresenteert. 

»  IJelovende  soo  deu  aenncmere  als  d'ondergeleeckende  aulhaermcesters  't  genc 
voorschrevcn  is  punclielyck  l'achtervolglien  en  te  volbrenghen,  onder  obligatie, 
submissie  en  rcniintialie  in  foriiia.  Conslitueerende  aile  thoonders  deser  en  elck 
in  het  bysonder  ons  tghene  voorsci'éven  is  le  doen  en  te  laten  vernienwen  ende 
seiitentiereii  't  zy  in  den  Rade  van  Brabant,  Schepenen  van  Loven  en  andersins 
clders,  daer  dit  van  noode  wesen  sal,  onder  gcwillighe  condemnatie  souder 
dagement. 

»  Aldus  gedaen  en gepasseert  ten  tyde  voorsihreven  ter  presentie  van  S'  Peeter 
Herlhais  en  Carel  Doyz  aïs  getuyghen. 

»  [Signé)  Alexander  van  Papenhoven. 
»  M.  Wage.mans. 
)'  Peeter  van  Varenbergh. 
»  tJ.  Staes. 

»  Carel  Henskens.  )■  My  présent  als  notaris, 

)»  Jan  Bollens.  »  Quod  atteator, 

B  H.  VAN  Hanewvck.  )i  Van  uer  Smissen.  » 

(i)  «  Item,  betaelt  aan  den  notaris  van  der  Smissen  voorhet  passeien  van  den 
contracte  van  de  coinniuniebanck  de  somme  van  tweelfl'  stuyvers  —  12  st.  » 
(Compte  de  la  Confrérie  dn  Saint-Sacrement,  à  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain, 
du,  18  mai  1706  ««  %  juin  1707.  —  Archives  de  l'église  de  Saint-Pierre.) 


—  252  — 

Jésuites,  àLouvaiii,  une  seconde  somme  de  500  florins  (\). 
Dès  que  le  tout  fut  achevé  et  placé,  la  confrérie  lui  fit 
compter,  par  le  même  prèlre,  une  dernière  somme  de  530 
florins  (2). 

A  cette  époque  aucun  artiste  ne  pouvait  placer  un  travail 
de  sculpture,  à  Louvain,  sans  appartenir  au  métier  des 
maçons,  tailleurs  de  pierres  et  sculpteurs  de  la  localité. 
C'était  d'ailleurs  la  règle  suivie  dans  toutes  nos  grandes 
villes.  Or,  en  permettant  d'établir  dans  une  église  de  Louvain 
une  production  d'un  artiste  du  dehors,  la  confrérie  du  Saint- 
Sacrement  devait  s'attirer  sinon  un  procès,  au  moins  de 
grands  désagréments.  On  comprend  sans  peine  que  les 
hommes  de  métiers  étaient  trop  fiers  de  leurs  privilèges  pour 
permettre  d'y  porter  atteinte.  Il  était  établi  que  nul  sculpteur 
de  la  localité  n'était  capable  d'exécuter  un  travail  aussi 
imjjortant  que  l'appui  de  communion  qui  nous  occupe. 
Mais  cette  circonstance  ne  diminuait  en  rien  les  prérogatives 
de  la  corporation  louvaniste.  Dans  le  dessein  d'éviter  les 
réclamations  qui  allaient  se  produire,  la  confrérie  jugea  pru- 
dent d'invoquer  l'intervontion  de  l'autorité  communale, 
tutrice  du  métier  des  sculpteurs,  comme  de  tous  les  autres 


(1)  «  llcrn,  hecftdeii  rendant  gelicht  vuytte  comme  de  somme  van  dry  hondert 
gulden  wissclgelt  cm  tselve  te  geven  aen  B.  van  den  Houte,  Societatis  Jesu, 
volgens  accorde  dycn  aengaende  gemaeckt,  voor  den  Notaris  van  der  Smissen, 
over  de  conimuniebanck  welcke  quitlaiitie,  beneffens  het  slot  doser  rekeninghe,  sal 
worden  geleydt  in  de  comme.  {Compte  de  la  Confrérie  du  Saint -Sacrement,  à 
Véglise  de  Saint-Pierre,  a  Louvain,  du  18  mai  1706  au  H  juin  1707.) 

(ï)  «  Item,  Bernai  dus  van  den  Honte,  procurator  van  de  PP.  der  Sociefeyt, 
hy  qiiittantie,  de  somme  van  dry  hondert  guidons  wisselgclde,  ten  oynde  om  te 
doen  tellon  tôt  Anlwerpen  aen  S'"  Ale.xandor  van  Papenlioven,  op  rekeninghe  van 
de  marbele  commuiiiebanck,  by  hem  gemaeckt  voor  het  broederschap  van  het 
Hooghweerdichste,  alhier  vuytgetrokken  in  courant,  l'acit  ;V60  guidons.  » 


—  ->o5  — 

corps  de  métiers.  Le  conseil  communal  s'occupa  de  la 
demande,  dans  sa  réunion  du  2  avril  1708.  Elle  résolut  d'en- 
tendre ceux  du  métier  des  sculpteurs,  tout  en  prônant  l'en- 
gagement d'arranger  à  l'amiable  l'artaire  dont  il  s'agit  (i). 

Le  maître  maçon  Bodevvyns  établit  la  base  en  briques  de  la 
table  de  communion.  Ce  travail  occasionna  une  dépense  de 
15  d/:2  florins  (2).  Etienne  Laurens  reçut  un  florin  16  sous 
pour  avoir  fourni  le  sable  cl  l'eau  nécessaires  à  la  préparation 
de  la  chaux  (5).  Les  ferrures  furent  fournies  par  Guillaume 
Gordemans,,  moyennant  une  somme  de  11  florins  (4).  On 
paya,  en  outre,  au  nommé  Van  Haeren  une  somme  de 
12  florins  et  12  sous  (5).  Les  maîtres  de  la  confrérie  offrirent 


(1)  «  Is  aen  den  Raede  rapport  gedaeii  by  die  meesters  van  het  vcnerabel, 
inde  kercke  van  Sint-Peeters,  alhier,  hoe  dal  sy  tôt  Antwerpen  hebbcn  doen 
maecken  eene  seer  constighe  witte  raarbere  communie  banck,  ende  beduchlen 
dat,  int  innebrengen,  die  deeckens  van  het  beeltsnyeders  ende  steenhouders 
ambachle  hen  soude  moyelyckheyt  aen  doen,  ingevolge  henné  BoUe,  daer  dat  het 
selve  hier  niet  en  can  geniaeckt  worden,  soc  baden  sy  dat  rayne  Hceren  daer  inné 
souden  gelicven  le  versien. 

»  Waerop  myne  Heeren  heliben  geresolveert  eerst  ende  voor  aile  te  confer- 
reren  met  die  van  het  beelsnyeders  arabachte  ende,  in  cas  van  geen  accomode- 
œent,  dat  de  selve  myne  Hceren  daer  inné  sullen  coemen  te  versien.  »  [Registre 
aux  résolutions  du  Magistrat  de  Louvaiu;  séance  du  2  avril  4708,  p.  loo  verso.) 

(2)  «  Ilem,  betaelt  aen  S''  Bandewyns,  meester  raetser,  voor  gewerckt  te 
hebben  aen  de  coaimuniebanck  ter  somme  van  vyliien  gulden,  elf  stuyvers  een 
halven,  by  quittantie  15  guld.  Il  1/2.  p 

(3)  u  Item,  betaelt  aen  Steven  Laurens  voor  het  vueren  \ an  den  savel  en  water 
tôt  het  blussen  van  den  calck  totte  conimuniebaiick,  volgrns  billet  —  1  —  16.  » 

(4)  (1  Item,  aen  Guilliam  Gordemans  voor  het  eyserwerck  totte  voorschreve 
communiebaiick,  betaelt  volgens  billet  ende  quitiancie,  11  —  00.  {Compte  cité  du 
8  juin  1707  au  2'2  7nai  no«.) 

(5)  «  Item,  belaeit  aen  van  Haeren,  volgeiis  ackoordt,  van  het  bcvryden  van 
de  communiebantk  ende  aen  de  selve  gewerckt  te  hebben,  ter  somme  van  Iwelff 
gulden  Iwelff  stuyvers  —  12-12.  » 


—  254  — 

à  l'ouvrier  de  Van  Papenhoven,  pour  une  paire  de  gants, 
o  florins,  12  sous  (i). 

Le  travail  de  Van  Papenlioven  eul  le  succès  qu'il  méri- 
tait. Nous  lisons  dans  le  Guide  fidèle  contenant  la  descrip- 
tion de  la  ville  de  Louvain,  publié  à  Bruxelles,  en  1762,  ce 
qui  suit  : 

«  La  table  de  communion,  qui  est  à  la  chapelle  du  Saint- 
Sacrement,  est  d'un  très  beau  marbre  blanc  percé  à  jour;  c'est 
un  vrai  morceau  de  maître,  qui  peut  mieux  faire  l'éloge 
de  l'adresse  de  son  ouvrier  que  tout  ce  qu'on  en  pourrait 
dire.  » 

Au  mois  d'août  1798  eut  lieu,  à  1  église  de  Saint-Pierre, 
la  vente  de  tout  ce  qui  se  trouvait  dans  cet  édifice,  alors  un 
vaste  Musée  d'œuvres  d'art.  La  magnifique  table  de  com- 
munion et  l'autel  de  l'oratoire  furent  également  présentés 
en  vente.  Grâce  aux  maîtres  de  la  confrérie,  qui  eurent  la 
sagesse  de  faire  racheter,  par  une  personne  interposée,  les 
objets  dont  il  s'agit,  ceux-ci  restèrent  en  place.  La  table  de 
communion  et  l'autel  —  un  splendide  autel  en  marbre  — 
furent  adjugés  au  prix  de  200  livres!  (2)  Il  est  à  remarquer 
qu'on  vendait  alors,  à  Louvain,  un  bon  de  1,000  livres  pour 
un  Louis  d'or. 

Dans  la  table  de  communion  de  l'église  de  Saint-Pierre, 
Van  Papenhoven  avait  à  traduire  par  la  plastique  l'histoire 


(i)  «  Item,  aen  den  knccht  van  den  beelisnyder  voor  cen  paer  liantschoeiien, 
met  kennissc  van  de  meesters,  o  gulden  12  stiiyvers.  »  {Compte  cité  du  22  mai 
1708 flM  iAmai  1709.) 

(2)  Voyez  notre  édition  de  l'ouvrage  de  Guill;iume  Boonen,  intitulé  :  Geschie- 
denis  van  Leuven.  Louvain,  1880,  p.  446. 


—  2o5  — 

du  Saint-Sacremeiu.  Il  m  magistralement  satisfait  à  cette 
obligation,  ainsi  que  nous  allons  le  voir. 

La  table  de  communion  a  une  longueur  de  4'"8o  et  une 
hauteur  de  75  centimètres  L'agenouilloir  a  16  centimètres 
de  hauteur  et  34  de  largeur.  La  tablette,  qui  forme  la  cor- 
niche, a  25  centimètres  de  largeur.  Chaque  panneau  a 
l'"15  de  longueur  et  53  centimètres  de  hauteur;  chaque  pi- 
lastre a  65  centimètres  de  hauteur  cl  55  de  largeur.  Toutes 
les  parties  sculpturales  sont  en  marbre  statuaire;  l'agenouil- 
loir et  la  corniche  sont  en  marbre  blanc  veiné. 

Chaque  pilastre  est  orné  d'un  médaillon  ovale  renfermant 
un  sujet  en  relief  symbolisant  le  Saint-Sacrement.  Le  mé- 
daillon du  premier  pilastre  représente  l'Arche  Sainte;  le  der- 
nier, la  table  avec  les  douze  pains.  C'est  l'ancienne  loi.  Les 
médaillons  des  deux  piliers  du  milieu  offrent,  le  premier 
le  pélican,  qui  fait  couler  sur  ses  petits  le  sang  de  son  corps 
déchiré;  le  second,  l'agneau  gisant  sur  le  livre  à  sept 
sceaux.  On  sait  que  le  pélican  est  une  représentation  sym- 
bolique du  Christ,  qui  versa  son  sang  pour  la  rédemption 
du  genre  humain. 

Les  panneaux  sont  entièrement  travaillés  à  jour.  Leur 
décoration  se  compose  de  rinceaux  de  palmiers  et  de  vignes, 
avec  grappes  de  raisins  et  épis  de  maïs.  Dans  chaque  pan- 
neau, au  milieu  de  branches  qui  s'enroulent  en  volute,  avec 
une  grâce  merveilleuse,  on  trouve  un  groupe  de  deux  pe- 
tits enfants.  Le  groupe  du  panneau  du  centre  offre  aux 
regards  le  Saint-Sacrement  représenté  par  un  calice  posé 
sur  des  images  soutenus  par  deux  Chérubins  et  surmonté 
par  la  Sainte  Hostie.  De  chaque  côté  du  calice  se  trouve  un 
ange  dans  l'attitude  de  l'adoration. 


—  256  — 

Les  deux  autres  panneaux  offrent  des  sujets  ayant  rap- 
port au  Saint-Sacrement  :  IMe  Baptême;  2"  la  Confession. 

Dans  le  premier  panneau  apparaissent  le  petit  Jésus  et  le 
petit  saint  Jean,  De  la  main  gauche  Jésus  lient  une  croix 
avec  banderole;  de  la  main  droite,  il  verse,  au  moyen  d'une 
coquille,  de  l'eau  sur  la  tète  de  son  petit  cousin.  Une  colombe, 
qui  ligure  le  Saint  Esprit,  plane  au-dessus  des  deux  en- 
fants. 

L'autre  panneau  représente  le  petit  saint  Jean  se  confes- 
sant au  petit  Jésus.  Au-dessus  des  deux  enfants  plane  l'œil 
de  Dieu,  dans  un  triangle,  allusion  à  la  Sainte  Trinité. 

Le  maïs  et  les  grappes  de  raisins  qu'on  remarque  dans 
ces  panneaux  symbolisent  le  corps  et  le  sang  du  Christ. 

La  table  de  communion  de  l'église  de  Saint-  Pierre  mérite 
l'admiration  dont  il  est  l'objet.  C'est  une  œuvre  sculpturale' 
de  premier  ordre.  Au  lieu  d'être  la  reproduction  fidèle  d'un 
modèle  en  terre  glaise  par  un  praticien  habile,  c'est  une 
œuvre  qui  est  sortie  du  ciseau  de  l'ai'tiste.  On  y  constate 
que  c'est  le  maitre  lui-même  qui  a  traduit  en  marbre  ce 
qu'il  avait  crée.  Les  ornements  sont  distribués  et  arrangés 
avec  iniiniment  de  goût.  Dans  leur  sérénité  blanche  et 
translucide,  les  figures  d'enfants  sont  pleines  de  charme, 
d'élégance  et  de  grâce.  On  dirait  qu'elles  ont  une  fàme, 
qu'elles  sentent  et  qu'elles  respirent.  Le  groupe  représen- 
tant le  petit  Jésus  donnant  le  baptême  au  petit  saint  Jean 
est  d'une  grande  élévation  de  sentiment  et  d'une  remar- 
quable perfection  de  rendu.  Rien  de  ravissant  comme  le 
groupe  représentant  le  petit  saint  Jean  se  confessant  au 
|jetit  Jésus.  La  gentillesse  du  jeune  âge  y  est  exprimée 
avec  une  haute  poésie.  Ces  petites  têtes  respirent  une  joie 


—  2J)7  — 

douce  et  sereine.  On  sent  qu'ils  sont  lieureux  de  ce  bon- 
heur sans  nuages  que  ne  connaissent  que  les  enfants. 
L'exécution  témoigne  d'une  grande  dextérité  dans  le  manie- 
ment du  ciseau.  Les  détails  sont  fouillés,  accusés,  rendus 
avec  une  hardiesse  merveilleuse.  On  y  observe  des  feuilles 
ornementales  et  des  grappes  de  raisins  qui  sont  frémis- 
santes, vibrantes  de  relief  et  de  vérité.  Il  est  permis  d'af- 
firmer que  l'artiste  a  su  surmonter  les  plus  grandes  dilTi- 
cultés  sans  tomber  dans  cette  perfection  froide,  léchée,  qui 
dépare  trop  souvent  les  travaux  de  notre  époque.  Tout  est 
convenablement  colorié  de  lumière  et  d'ombre.  Les  blan- 
cheurs et  les  transparences  marmoréennes  contribuent 
puissamment  à  faire  ressortir,  à  mettre  en  évidence  les 
grandes  qualités  de  celte  œuvre  qui  constitue  incontesta- 
blement l'une  des  plus  belles  productions  sculpturales  exé- 
cutées en  Belgique  au  xviii*  siècle. 

Ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  on  oublia  peu  à  peu,  à 
Louvain,  le  nom  d'Alexandre  Van  Papenhoven  et  sa  table  de 
communion  finit  par  être  attribuée  à  Duquesnoy.  En  resti- 
tuant cette  remarquable  production  à  son  véritable  auteur 
et  en  publiant  les  pièces  qui  s'y  rapportent,  nous  croyons 
avoir  rendu  un  petit  service  à  l'histoire  de  l'art. 

Ed.  Van  Even. 

Louvain,  le  7  octobre  1884. 


COMMISSION  ROYALF.  DES  MONUMENTS 


RÉSUMÉ     DES    PROGES-VERBA.UX. 


SÉANCES 
des  3,   5,   12,   19   et   26  juillet;   des   2,  9,    16,  23  et  30  août  1884. 


ACTES  OFFICIELS. 

Arrêté  de  nomination  d'un  membre  de  la  Commission. 

Léopold  II,  Roi  des  Belges, 
d'uTme.nbre      A  tous  pfésents  ct  à  venir.  Salut, 

il    la  rominjssion 

d's  mmfu'Lnis.  R^vu  Ibs  arrèlôs  du  7  janvier  1853,  du  50  juin  18G2  et 
du  1"  mars  1866; 

Vu  l'arrêté  royal  transférant  l'administration  des  Beaux- 
Arts  au  ministère  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  des  travau.\ 
publics  ; 

Sur  la  proposition  de  notre  Ministre  de  l'agriculture,  de 
l'industrie  et  des  travaux  publics  et  de  notre  Ministre  de  la 
justice. 

Nous  avons  arrêté  et  arrêtons  : 
Art.  1".  Le  sieur  Reusens,  E.,  professeur  d'archéologie 


—  239  — 

à  rUniveZ-silé  de  Louvain,  est  nommé  membre  de  la  Com- 
mission royale  des  monuments,  en  remplacement  du  sieur 
Rémont,  architecte,  à  Liège,  décédé. 

Art.  2.  Notre  Ministre  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et 
des  travaux  publics  et  notre  Ministre  de  la  justice  sont 
chargés  de  l'exécution  du  présent  arrêté. 

Donné  à  Ostende  le  28  juillet  1884. 

(Signé)  Léopold. 
Par  le  Roi  : 

Le  Minisire  de  VagricuUure,  de  l'industrie 
et  des  travaux  publics, 

(Signé)  A.  Beernaert. 

Le  Ministre  de  la  justice, 
(Signé)  WoESTE. 

PEINTURE  ET  SCULPTURE. 

La  Commission  a  émis  des  avis  favorables  sur  : 
1°  Le  projet  relatif  au  placement,  dans  l'ésrlise  de  Saint-      Ëguse 
Sauveur,  à  Gand,  de  dix  vitraux  en  grisaille  ;  ^Gand.viuaux.- 

2'  Les  nouvelles  maquettes  des  statues  destinées  à  la  dé- Païais  de  justice 

d'Anvers. 

coration  de  la  façade  du  palais  de  justice  d'Anvers,  sous  la 
réserve  de  quelques  modifications  de  détails  que  les  auteurs, 
MM.  Deckers  et  De  Plyn,  s'engagent  à  apporter  dans  l'exécu- 
tion du  modèle  au  tiers. 
—  A  la  demande  de  M.  le  Ministre  de  l'agriculture,  dcTcrrasses  de  nie 

du  Commerce 

l'industrie  et  des  travaux  publics,  des  délégués  se  sont  ren-     ^^^i;«;e. 
dus  à  l'atelier  de  M.  De  Tombay,  statuaire,  pour  y  examiner 
le  modèle,  grandeur  d'exécution,  du  groupe  destiné  à  la 


—  260  — 

décoration  des  lerrasses  de  l'Ile  du  Commerce,  à  Liège,  et 
représentant  le  cheval  dompté  par  l'homme. 

Ils  sont  d'avis,  et  la  Commission  a  confirmé  leur  opinion, 

que  ce  travail  est  d'une  exécution  fort  satisfaisante  et  que 

rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'il  soit  procédé  à  la  fonte  en  bronze 

du  groupe. 

Terrâmes  de  liic     —  Dgg  déléffués  out  orocédé,  d'après  les  instructions  de 

du  Comme rcfi,  o  l  '  r 

Groupée'".  M.  Ic  Mlulstrc  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  des  travaux 
publics,  à  l'examen  du  modèle,  grandeur  d'exécution,  du 
groupe  exécuté  par  M.  Halkin,  pour  la  décoration  d'une  des 
terrasses  de  l'Ile  du  Commerce,  à  Liège,  et  représentant 
le  cheval  utilisé  par  l'homme. 

Les  délégués  sont  d'avis  que  le  cheval,  sauf  quelques 
critiques  de  détail  peu  importantes,  est  d'une  exécution 
satisfaisante  dans  son  ensemble. 

A  l'égard  de  l'homme,  il  devra  être  remanié. 

Cette  figure  est  d'ailleurs  plus  courte  que  la  figure  du 
groupe  de  M.  De  Tombay,  auquel  le  groupe  de  M.  Halkin 
doit  faire  pendant. 

Il  serait  désirable  que,  tant  pour  les  dimensions  que  pour 
les  proportions  relatives,  les  deux  artistes  se  missent  d'accord. 

La  ville  de  Liège  a  décidé  que  les  modèles  en  plâtre  des 
groupes  commandés  seraient  placés  à  titre  d'essai  sur  les 
terrasses  de  l'Ile  du  Commerce  avant  qu'on  autorisât  la  coulée 
en  bronze.  Cette  précaution  parait  sage  et  l'on  ne  peut  que 
l'approuver. 
Palais  —  Des  déléciués  ont  examiné  dans  les  ateliers  de  la  Com- 

des  Bt-aiix-Artii,  *^ 

^s[""c^"'  pyg'iie  des  bronzes  les  statues  dont  la  fonte  avait  été  confiée 
à  cette  Société  et  qui  sont  destinées  à  surmonter  les  co- 
lonnes de  la  façade  du  palais  des  Beaux-Arts,  à  Bruxelles. 


—  2(>l   — 

Ces  slatues,  au  nombre  de  trois,  représenlent  :  la  Sculpture, 
par  M.  G.  Geefs  ;  l'Architecture,  par  M.  Samain;  la  Pein- 
ture, par  M.  Mélot. 

La  réussite  de  la  foute  a  été  constatée.  Deux  des  statues, 
celles  qui  figurent  la  Peinture  et  la  Sculpture,  ont  été  légè- 
rement teintées  d'une  patine  verte  qui,  au  point  de  vue  de 
l'ensemble  de  la  décoration  à  laquelle  ces  figures  doivent 
concourir,  produirait  une  disparate  avec  la  statue  déjà 
placée,  dont  le  ton  aurait  dû  être  reproduit. 

L'observation  précitée  ne  portant  que  sur  une  erreur  de 
faible  importance  et  des  plus  faciles  à  réparer,  la  Commis- 
sion est  d'avis  que  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  le  placement 
des  statues  soit  autorisé. 

—  Des  délégués  se  sont  rendus,  le  4  juillet  1884,  à  Wal-      Eri 
court  (Namur),  pour  inspecter  l'étal  du  célèbre  jubé  de  cette 
localité,  dont  la  démolition  avait  été  annoncée  à  la  Com- 
mission. Ils  ont  constaté  les  faits  suivants  : 

Contrairement  à  ce  qui  avait  été  rapporté,  le  jubé  de  l'église 
de  Walcourt  n'est  pas  entièrement  démoli.  Toute  la  partie 
fondamentale  de  la  construction,  voûtes  et  piliers,  subsiste 
encore.  Ce  qu'on  a  démoli,  est  le  revêtement  de  sa  façade,  son 
ornementation  sculptée  à  jour  et  ses  niches  avec  statuettes. 
Ce  travail  avait  été  nécessité  dès  1881  par  des  mouvements 
qui  s'étaient  produits  dans  la  construction  et  qui  la  mena- 
çaient d'une  ruine  complète.  Il  y  a  été  procédé  avec  un  soin 
minutieux  et  l'enlèvement  successif  de  tous  les  détails  déco- 
ratifs du  jubé,  la  facilité  qu'on  a  eue  pour  les  comparer,  les 
rapprocher  et  en  étudier  tous  les  ajustements,  a  permis  de 
constater  toutes  les  erreurs  et  toutes  les  transpositions  qui 
avaient  été  commises  au  commencement  de  ce  siècle,  quand 


de  Walcoiiil. 
Jiibr. 


—  262  — 

on  avait  déplacé  et  reconstitué  à  la  hâte  ce  petit  monument. 

Les  parties  enlevées  ont  été  nettoyées  et  les  parties  man- 
quantes ou  dénaturées  ont  été  reconstituées  par  M.  le  sulp- 
teur  Verdeyen,  de  Louvain,  avec  une  exactitude  et  une  con- 
science dignes  de  tous  les  éloges.  Toute  la  décoration  du  jubé 
est  complète  aujourd'hui  et  prête  à  être  remise  en  place, 
dans  l'ordre  primitif,  et  tel  que  l'avait  tracé  l'auteur  du  jubé. 
Les  délégués  ont  recommandé  à  M.  Verdeyen  de  respecter 
scrupuleusement  la  polychromie  ancienne  encore  visible 
dans  un  grand  nombre  de  fragments  et  de  s'abstenir  de  tout 
grattage  dans  les  sculptures  anciennes.  Ce  n'est  qu'après  la 
reconstruction  complète  du  jubé  qu'on  pourra  étudier  les 
mesures  à  prendre  pour  en  compléter  la  décoration  par  la 
polychromie  et  h  statuaire,  et  sur  l'un  et  l'autre  point,  ce 
travail  complémentaire  doit  être  aussi  sobre  que  possible. 

Il  reste  encore  à  étudier  : 

\°  La  restauration  de  la  partie  inférieure  du  monument. 
Là,  plus  d'un  problème  reste  à  résoudre  :  la  plupart  des 
arcades  sont  faussées  par  l'introduction  de  membres  étran- 
gers; on  voit  à  leur  naissance  des  nervures  qui  s'interrom- 
pent brusquement  et  dont  les  parties  manquantes  semblent 
avoir  servi  à  composer  d'autres  arcs,  qui  n'existaient  pas 
primitivement.  Il  y  a  là  tout  une  étude  à  faire  pour  re- 
trouver la  construction  ancienne  comme  on  a  trouvé  la 
décoration  primitive; 

2"  La  décoration  de  la  façade,  vers  le  chœur,  est  à  élu- 
dier  tout  entière,  si  lant  est  qu'elle  ait  jamais  existé,  car 
elle  semble  avoir  é(é  nulle  antérieurement,  et  l'on  peut 
croire  que  cette  partie  du  jubé  était  cachée  jadis  par  le 
revêtement  des  stalles. 


—  2(;r,  - 

Pour  ces  deux  catégories  de  travaux,  dont  la  première 
seule  est  urgente,  il  devra  être  soumis  dp^  dessins  précis. 

Ce  n'est  qu'après  la  présentation  d'un  projiît  pour  le  ré- 
tablissement de  la  partie  inférieure  du  jubé  qu'on  pourra 
apprécier  exactement  la  somme  encore  nécessaire  pour  la 
restauration  de  ce  monument;  mais  dès  à  présent  l'on  sup- 
pose qu'une  somme  d'une  quinzaine  de  mille  francs  sera 
plus  que  suffisante  pour  l'aclièvement  de  ces  travaux, 
4,000  francs  environ  restant  encore  disponibles  pour  les  con- 
tinuer. Il  y  aurait  donc  lieu  de  mettre  immédiatement  en 
liquidation  les  derniers  subsides  promis,  l'ensemble  des 
travaux  exécutés  ayant  droit  d'ailleurs  à  toute  l'approbation 
de  là  Commission,  et  de  s'entendre -avec  les  diverses  auto- 
rités intéressées  pour  leur  achèvement 

CONSTRUCTIONS  CIVILES. 

Le  Collège  a  approuvé  les  plans  relatifs  à  la  construction Théàtro  flamand. 

à  Knixelles. 

d'un  théâtre  flamand  à  Bruxelles.  Il  n'a  pas  cru  devoir  pré- 
senter des  observations  sur  ce  projet,  œuvre  de  iM.  l'archi- 
tecte .1.  Baes,  ne  voulant  pas  empêcher  la  réalisation  de 
certaines  conceptions  architecturales  qui  passent  aujour- 
d'hui pour  des  nouveautés,  alors  surtoutque  les  plans  avaient 
déjà  reçu  l'approbation  de  la  ville  de  Bruxelles.  Il  a  paru 
préférable  de  laisser  faire  celte  expérience,  qui  peut  être 
d'utilité  générale. 

ÉDIFICES  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈRES. 

Ont  été  approuvés  : 

1°  L'avanl-proiet  relatif  à  la  construction  d'un   presbv-,  ivesbyiorf 
tère  à  Droogenbosch  (Brabant); 


—  <26i  — 

de  DroSosch.     2°  Lo  dcvis  moctifié  (fr.  2,681-59,  au  lieu  de  fr.  5,051  -55) 

des  travaux  de  restauration  à  exécuter  au  presbytère  de 

Poederlé  (Anvers)  ; 
deS^Nicoia.     ^^  ^^  dépeuse  supplémentaire  de  fr.  5,879-25,  résultant 

de  la  restauration  du  presbytère  de  Saint-Nicolas,  à  Nivelles 

(Brabant). 

ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES. 

Des  avis  favorables  ont  été  donnés  sur  : 
de  Ruyibrocck.      1"  Lc   projet  drcssé  par    M.   l'architecte  Dumonl  pour 
l'agrandissement  de  l'église  de  Ruysbroeck  (Brabant); 
Eglise  50  Lg  projet  relatif  à  la  construction  d'une  sacristie  à 

<ic  Chapelle-  i       •> 

iez-Heria.mou,.  y^^y^^^  ^^  Chapelle-loz-Herlaimon t  (Hainaut)  ; 

Eglise  50  La  demande  de  l'administration  communale  de  Herck- 

de  Herck- 

Saint-  am  ert.  g^int-Lambert  (Limbourg)  tendante  à  obtenir  l'autorisation 
d'employer  le  système  de  la  régie  pour  les  travaux  d'agran- 
dissement du  jubé  de  l'église  de  cette  localité; 
dechcraite-       ^^  ^Gs   dcsslus   rclatlfs  à   l'exécution   d'un  vitrail  et  à 

.ain-osepi.  ['^i^eublement  de  l'église  de  Chératte-Saint-Joseph  (Liège): 
auteur,  M.  A.  Van  Assche; 

sai.fi?Eiutbc.ib,  5°  Les  plans  relatifs  à  l'exécution  d'objets  mobiliers 
destinés  à  l'église  de  Sainte-Elisabeth,  à  Gand,  comprenant 
une  chaire,  des  stalles  et  des  confessionnaux  :  auteur, 
M.  A.  Van  Assche; 

Église  de  Graiv-     go  j^g  projct  relatif  à  l'exécution  d'une  chaire  de  vérité 

sous-lloves.  I        " 

pour  l'église  de  Graty-sous-Hoves  (Hainaut)  :  architecte, 
M.MuIlcr; 
Kgii^e  7"  Un  projet  de  baldaquin  destiné  à  l'église  de  Wommer- 

de  WommersoiM. 

som  (Brabant)  ; 


—  265  — 

8"  Le  rnainlien  dans  l'église  de  Louise-Marie,  à  ElichovedcLoufsé-Mano 

T1I  1  f  11-  .a  Élicliove. 

(Flandre  orienlale),  d'un  confessionnal  place  sans  autorisa- 
tion préalable; 

0"  La  proposition  lendantc  à  autoriser  la  démolition  du       Egiise 

'         '  de  Cappcipu. 

mailre-aulel  de  l'éfflise  de  Gappellen  (Anvers)  ;  il  résulte  des 
renseignements  qu'a  fournis  l'un  des  dessinateurs  attachés 
à  la  Commission  que  l'état  de  détérioration  de  la  partie  supé- 
rieure de  l'autel  est  tellement  prononcé  qu'il  y  a  impossi- 
bilité absolue  de  conserver  ce  meuble; 

iO"  La  demande  du  conseil  de  fabrique  de  l'église  d'Ee-EK"'^'''^^'^'"'' 
cloo  (Flandre  orientale),  tendante  à  obtenir  l'autorisation 
d'aliéner  le  mobilier  provenant  de  l'ancienne  église  de  cette 
localité.  D'après  les  documents  soumis  à  la  Commission, 
aucun  des  objets  qui  composent  ce  mobilier  ne  parait  re- 
marquable au  point  de  vue  de  l'art  ou  de  l'archéologie. 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 

La  Commission  a  approuvé  les  projets  des  travaux  de   ^f^'.;;;?;;"" 

.     I-  1  églises. 

restauration  a  exécuter  aux  églises  de  : 

Malempré  (Luxembourg)  :  réparations  diverses; 

Hensies(Hainaut)  :  consolidation  des  supports  de  la  char- 
pente de  la  tour  et  de  l'établi  de  la  cloche; 

Swevezeele  (Flandre  occidentale)  :  réparation  des  toitures; 

Cambron-Saint-Vincent  (Hainaut)  :  réparations  diverses 
à  l'église  et  au  presbytère  ; 

Ingelmunster  (Flandre  occidentale)  :  renouvellement  d'une 
partie  de  la  toiture  ; 

Sainte-Croix,  à  Ixelles  (Brabanl)  :  réparation  de  la  flèche; 

Isières  (Hainaut)  :  réparations  des  toitures; 


—  266  — 

Rousbrugge  (Flandre  occidentale)  :  tour; 

Contich  (Anverr.)  :  réparations  diverses  ; 

Seraing  (Liège)  :  travaux  de  consolidation  et  de  soutène- 
ment. 

La  Commission  a  également  approuvé  le  compte  rendu 
des  travaux  exécutés  jusqu'à  ce  jour  au  vaisseau  de  la  cathé- 
drale de  Saint-Bavon,  à  Gand. 
Église  des        —  A  la  demande  de  M.  le  Ministre  de  l'intérieur,  la  Com- 

Cannes  Chaussés, 

a  Gand.  n^issiou  a  prié  l'un  de  ses  membres,  M.  Pauli,  de  lui  adresser 
un  rapport  détaillé  sur  les  travaux  d'appropriation  et  de 
restauration  qui  ont  été  exécutés  à  l'ancienne  église  des 
Carmes-Chaussés,  à  Gand,  en  vue  de  l'installation  d'un 
Musée  d'art  industriel  des  siècles  passés. 

Il  résulte  du  rapport  de  M.  Pauli  que  les  frais  d'acqui- 
sition du  local,  sa  restauration,  son  appropriation  et  son 
ameublement  s'élèvent  à  environ  131,000  francs.  Cette 
somme  comprend  : 

1"  Prix  d'achat  du  bâtiment    .     .     .     .  fr.     62,764  82 

2"  Frais  d'appropriation 50,000     » 

o°  Construction  de  l'habitation  du  concierge.       8,700     » 

4°  Chauffage  à  l'eau  chaude 7,100     » 

o"  Mobilier 12,000     « 

6"  Frais  supplémentaires  pour  le  renouvel- 
lement complet  de  la  toiture,  paratonnerre,  etc.     10,500     « 

Fr.  151,064  82 

Tous  les  travaux  énumérés  ci-dessus  sont  terminés  ou 
sont  sur  le  point  de  l'être,  et  le  Musée  ne  tardera  pas  à  être 
livré  à  sa  destination. 

En  dehors  des  travaux  d'appropriation  et  d'ameublement 


—  267  — 

proprement  dits,  la  ville  de  Gand  s'est  imposé  une  dépense 
supplémentaire  pouvant  être  évaluée  de  18,000  à  20,000 
francs,  en  vue  de  conserver  au  local  son  caractère  primitif. 
La  voûte  en  bardeaux  de  la  nef  principale  a  été  complète- 
ment renouvelée  ;  la  voûte  en  plein-cintre  plafonnée  delà 
nef  latérale  a  été  remplacée  pnr  une  voûte  ogivale  en  bar- 
deaux et  les  lucarnes  qui  l'éclairent  ont  été  reconstruites 
dans  leur  forme  originelle;  les  chapiteaux  et  les  bases  des 
piliers  ont  été  restaurés  partiellement  et  il  en  est  de  même 
des  meneaux  des  fenêtres  et  des  culs-de-lampe  recevant  la 
retombée  des  voûtes  des  bas-côtés.  Ces  travaux,  que  ia  ville 
aurait  pu  se  dispenser  de  faire  exécuter  sans  inconvénients 
pour  la  destination  de  l'édifice,  ont  été  ordonnés  par  elle 
uniquement  dans  le  but  de  conserver  au  bâtiment  son  ca- 
ractère primordial  et  augmenter  par  là  l'intérêt  qui  s'attache 
au  nouveau  musée  archéologique. 

—  M.  le  Ministre  de  la  justice  ayant  désiré  être  renseigné      Égusc 

''  "^  'de  Nolre-Damp. 

sur  la  marche  des  travaux  de  restauration  de  l'église  de  ^"^%^^2"'' 
. Notre-Dame-Saint-Pierre,  à  Gand,  le  rapport  ci-après  a  été 
adressé  à  la  Commission,  pour  la  mettre  à  même  de  satis- 
faire à  la  demande  de  M.  le  Ministre  : 

«  Monsieur  le  Président, 

»  Dans  mon  rapport  en  date  du  21  juin  1885,  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  rendre  compte  de  la  marche  des  travaux 
de  restauration  de  la  façade  principale  de  l'église  de  Notre- 
Dame-Saint-Pierre,  à  Gand. 

»  Depuis  cette  époque,  les  travaux  ont  été  interrompus  de 
façon  que  toute  la  partie  inférieure  de  la  façade,  ;iinsi  que 
le  portail  principal  d'entrée,  sont  inachevés. 


—  208  — 

»  D'après  le  devis  dressé  par  M.  l'architecte  De  Perre 
une  somme  de  fr.  4,115-0'2  suffirait  pour  compléter  ce 
travail. 

»  Il  est  à  remarquer  toutefois  que  la  plus  grande  partie 
de  ces  travaux  est  comprise  dans  le  devis  général;  il  ne 
reste  donc  en  réalité  qu'à  autoriser  les  travaux  supplémen- 
taires, évalués  à  1,950  francs,  plus  les  honoraires  à  5  p.  c. 
dus  à  l'architecte,  soit  une  dépense  totale  de  fr.  2,053-80. 

»   Agréez,  etc. 
).  Gand,  le  9  août  1884. 

»  (Signé  Ad.  Pauli.  » 

La  Commission  s'est  ralliée  aux  conclusions  de  ce  rap- 
port. 

Le  Secrétaire  Général, 

J.  Rousseau. 

Vu  en  conformité  de  l'article  25  du  règlement. 

Le  Prr'.ndenl, 
Wellens. 


MUSÉE  ROYAL  D'ANTIQUITÉS,  D'ARMURES  &  D'ARTILLERIE 


Xominalion  du  Président  de  la  Commission 


Léopold  II,  Roi  des  Belges, 

A  tous  présents  et  à  venir.    Salut. 

Vu  Notre  arrêté  du  5  mai  1879,  portant  règlement 
organique  du  Musée  royal  d'antiquités,  d'armures  et  d'ar- 
tillerie; 

Vu  l'arrêté  du  mois  d'octobre  1882,  déterminant  le  nombre 
des  membres  de  la  Commission  directrice  de  l'établissement; 

Sur  la  proposition  de  Nos  Ministres  de  l'agriculure,  de 
l'industrie  et  des  travaux  publics  et  de  la  guerre, 


Nous  avons  arrêté  et  arrêtons  : 

Art.  1".  M.  R.  Ghalon,  actuellement  Vice-Président  de  la 
Commission  directrice  du  Mnsée  royal  d'antiquités,  d'ar- 
mures et  d'artillerie,  est  nommé  Président  de  ladite  Com- 
mission. 

Art.  2.  Nos  Ministres  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et 


—   i>70  — 

des  travaux  publics  et  de  lu  guerre  sont  chargés,  chacuu 
en  ce  qui  le  concerne,  de  l'exéculion  du  présent  arrêté. 

Donné  à  Bruxelles  le  13  septembre  1884. 

(Signé)  LÉOPOLD. 

Par  le  Roi  : 

Le  Minintre  de  V agriculture ,  de  l'industrie 
et  des  travaux  publics, 

(Signé)  A.  Beernaert. 

Le  Ministre  de  la  guerre, 
(Signé)  PoNTUs. 

Pour  expédition  conforme  : 

Le  Secrétaire  général  du  Ministère  de  ï agriculture, 
de  l'industrie  et  des  travaux  publics^ 

Bellefroid. 


VERRES  FARRlôllÉS  M  PAYS-BAS 

A  LA  «  FAÇON    DE  VENISE  »  ET  «  D'ALTARE 


4e    LJb^TTIl^E 

au  Comilr  du   Bulletin  des  Commissions  royales   d'art 
et  d'archéologie  (i) 


Messieurs, 

A  mesure  qu'on  approfondit  un  sujet  et  qu'on  consulte 
archives  ou  actes  de  l'état  civil,  les  résultats  des  recherches 
se  multiplient  à  tel  point  que  parfois  on  se  sent  débordé. 

J'en  suis  là  aujourd'hui,  et  je  suis  obligé  d'ajourner  ce 
qui  concerne  les  nouvelles  découvertes  faites  aux  archives 
d'Anvers  et  de  Namur  par  MM.  Génard  (2)  et  van  de 
Gasteele  (3). 


(1)  Voir  les  trois  premières  leltres,  Bull,  des  Comm.  roi/,  d'art  et  d'arclu'ol., 
XXII,  pp.  153  etôoo;  XXIII,  p.  9. 

(2)  Bulletin  des  archives  d'Anvers,  Xlil,  p.  \2\,  et  XIV,  p.  l'28.  M.  Gé.naud 
en  a  publiti  des  lires  a  part,  avec  dédicace  en  l'i/Oiuieiir  de  l'autour  dis  présentes 
lettres,  qu'il  veut  bien  considérer  connue  le  promoteur  de  ses  recherches  et  de 
leur  publication. 

(3)  Annales  de  la  Société  archéologique  de  Namur,  XVI  (1881),  p.  202. 


—  272  — 

Anjoui'd'liui  j'ai  à  vous  entretenir  plus  spécialement  de 
la  verrerie  à  la  façon  d'Altare,  qui  a  joué  un  grand  rôle  dans 
la  fabrication  artistique  du  verre  aux  Pays-Bas. 

Les  archives  héraldiques  de  Lefort,  au  dépôt  de  l'État,  à 
Liège,  ont  révélé  la  présence  en  celte  ville,  à  la  date  de 
1G58,  de  deux  verriers  d'Altare,  Jean  et  Joseph  Caslellano, 
dont  le  premier  a  quitté  son  frère  en  16i7,  pour  aller 
s'établir  à  Nevers,  en  France. 

Chacun  des  deux  frères  a  fait  souche,  l'un  à  Liège, 
l'autre  à  Nevers. 

D'où  ces  relations  entre  Liège  et  Nevers? 

Altare,  je  l'ai  déjà  dit,  faisait  partie  du  marquisat  de 
Monferrat,  apanage  des  ducs  de  Mantoue  de  la  maison  de 
Gonzague,  et  ceux-ci  depuis  le  xvi*  siècle  possédaient,  en 
outre,  le  duché  de  Nevers,  plus  Rethel  en  Champagne,  par 
suite  du  mariage  d'un  Gonzague  avec  une  princesse  de  la 
maison  de  Clèves. 

Clèves  est  une  contrée  voisine  du  pays  de  Liège;  les  ducs 
de  Clèves  avaient  le  litre  et  exerçaient  les  fonctions  de  pro- 
lecteurs d'Aix-la-Chapelle,  jusqu'où  s'étendait  le  diocèse  de 
Liège. 

Le  duc  de  Nevers  possédait  différentes  terres  en  Flandre, 
c'est-à-dire  aux  Pays-Bas,  autre  contrée  voisine  de  la  i)rin- 
cipaulé  de  Liège,  et,  en  outre,  l'union  entre  la  famille  de 
Clèves  cl  celle  de  Gonzague  avait  apporté  à  celle-ci  les  terres 
souv(îraines  d'Oulre-Meuse  (i). 

Des  relations  entre  des  personnages  habitant  Liège  et  la 
famille  de  Gonzague  se  révèlent  d'ailleurs  dans  le  mariage, 

(f)  Di-;  (ioMitEiîViLLE,  Lex  Mémoires  du  duc  de  Nevers,  I,  pp.  10  et  171. 


—  273  — 

en  1634,  de  l'ex-chanoinc  de  Sainl-Lamberl,  François  de 
Lorraine,  avec  sa  cousine  Claudine  de  Lorraine,  dont  la  mère 
était  Marguerite  de  Gonzague,  sœur  de  Ferdinand  et  Vin- 
cent II,  ducs  de  Mantoue,  et  cousine  de  Charles  de  Gon- 
zague, duc  de  Nevers. 

Gela  explique  non  seulement  comment  des  verriers 
d'Altare,  mais  même  comment  des  verriers  de  Champagne, 
dont  Rethel  faisait  partie,  sont  allés  s'établir  à  Liège;  indé- 
pendamment des  gentilshommes  verriers  d'Altare,  dont  je 
reparlerai ,  voici  un  verrier  champenois  sur  lequel  je  ne  revien- 
drai plus  (ne  pouvant  le  rattacher  à  la  verrerie  artistique)  : 
on  lisait,  en  l'église  Saint-Thomas  à  Liège,  l'épitaphe  d'un 
Remy  Joltrin,  verrier  «  français,  natif  de  Rethel  en  Cham- 
pagne »,  mort  à  Liège,  où  il  était  établi  et  où  il  s'était  marié 
le  16  avril  1646  (i). 

Il  y  a  donc  lieu  de  s'occuper  parallèlement  de  l'histoire  du 
verre  artistique  en  France  et  aux  Pays-Bas. 

France. 

L'historien  de  Thou  (2)  nous  apprend  que  Henri  II  avait 
établi  à  Saint-Germain  en  Lave  des  verreries  à  l'imitation 
de  celles  de  Venise,  et  l'on  découvre,  en  effet,  des  lettres 
patentes  du  13  juin  15ol,  enregistrées  au  Parlement  le 
3  février  1552  (r-i),  par  lesquelles  Henri  II  accorde  à  Theseo 


(1)  Rcns.  de  M.  le  chanoine  Henrotte. 

(2)  Ilisloire,  XIV,  141;  voy.  aussi  I.ecraxd  d'Aissy,  Histoire  de  la  vie 
privée  des  Français,  III,  p.  186  (2«  édit.,  par  Roquefort,  p.  2-22,  qui  rapporte 
erronénient  ceUe  innovation  k  Henri  IV). 

(s)  IsAMBERT,  Recueil  général  des  anciennes  lois  françaises,  XI il,  18'k 


—  27i  — 

Mulio,  gentilhomme  verrier,  natif  de  Bologne  (i),  le  privi- 
lège exclusif  de  fabriquer  et  faire  fabriquer  en  France  les 
«  verres,  miroirs,  canons  et  autres  espèces  de  verreries  à  la 
façon  de  Venue.  » 

Les  lettres  patentes  rapportent  que  Mulio,  à  la  persuasion 
(lé  notables  personnages,  avait  quitté  son  jiays  natal  pour 
importer  en  France  la  verrerie  à  la  façon  de  Venise;  qu'il 
avait  été  obligé  de  s'outiller  à  très  grands  frais  et  qu'il  était 
parvenu  à  fabriquer  des  verres  qu'on  trouvait  «  de  mémo 
beauté  et  excellence  que  ceux  qu'on  voulait  (lire  :  soûlait, 
ûcsolerc,  avoir  l'habitude)  apporter  de  Venise;  enfin,  qu'il  y 
avait  lieu  de  le  protéger  contre  la  crainte  de  se  voir  victime 
de  contrefaçons  de  «  son  dit  ouvrage  à  la  façon  de  Venise,  et 
par  ce  moyen  frustrer  du  remboursement  des  frais  et  mises 
par  lui  à  sa  venue  et  commencement,  soutenus  et  faits  » 
dans  le  royaume. 

Palma  Cayet  (2)  ajoute  que  la  verrerie  de  Saint-Germain 
avait  été  installée  avec  grande  solennité,  etLegrand  d'Aussy 
(citant  les  Observations  de  Belon  sur  les  singularités  trouvées 
en  Grèce  et  en  Asie),  dit,  de  son  côté,  que  les  verriers  de 
Saint-Germain,  ne  pouvant  se  procurer  les  cendres  de 
Venise  et  les  cailloux  du  Tessin,  employés  à  Murano,  y  sup- 
pléèrent par  lesablon  d'Étampcs  (qui  fut  trouvé  meilleur)  et 
par  les  soudes  de  Provence. 

(1)  Le  prénom  du  verrier  est  écrit  Thèses  ou  Tliesct?,  d'oii  la  rectificalion  toute 
iialiircUe  Tlicseo,  laite  dc^jii  par  M.  Pinxiiaiît  (Iliill.  des  Comm.  roi/,  d'art  et 
d'archéol.,  XXI,  p.  571). 

Il  est  dit  orit^inaire  de  Boulogne-la- Grâce,  ce  qui  indique  Bologne  en  Italie, 
qualiliéc  la  granse,  à  cause  de  la  fertilité  de  son  terroir  (voir  les  Dictionnaires  de 
MoKÉRi  et  de  Thomas  Cokneille). 

[i)  CItronologie  seplenaire  de  l'Histoire  de  la  Paix,  etc.  (édit.  de  101 1), 
p.   ilO  v». 


—  27.')  — 

Malheureusement,  à  cause  des  guerres  civiles,  la  verrerie 
de  Saint-Germain  continua  seulement  jusqu'au  règne  de 
Charles  IX,  où,  selon  l'expression  de  Palma  Gayet,  «  elle 
s'était  entremise  el  de  tout  cessé.  » 

Henri  III,  successeur  de  Charles  IX,  fut  un  grand  admi- 
rateur de  l'industrie  verrière  d'Italie  ;  de  passage  à  Venise,  à 
son  retour  de  Pologne,  il  alla  loger  à  Murano,  y  visita  les 
fabriques  de  verre  et  y  fut  l'objet  de  fêtes  somptueuses  orga- 
nisées par  la  sércnissime  république  (i);  mais  si  son  admi- 
ration se  manifeste  en  Italie  par  une  concession  générale  do 
noblesse  à  tous  les  verriers  de  Venise  et  Murano  (-2),  on  ne 
signale  de  lui  aucun  effort  pour  protéger  en  France  la 
fabrication  du  verre  à  la  façon  italienne. 

Il  appartenait  à  Henri  IV  et  à  ses  zélés  conseillers,  Olivier 
de  Serre  (3)  et  Laffemas,  de  favoriser  l'art  du  verre,  comme 
tant  d'autres  arts  de  luxe,  en  dépit  de  la  résistance  de  Sully, 
l'homme  utilitaire  et  pratique  (comme  nous  le  qualifierions 
aujourd'hui).  Le  grand  roi  avait  du  reste  devant  lui  l'exemple 
de  Louis  de  Gonzague,  duc  de  Nevers,  prince  de  grand 


(()  Le  Gendre,  Nouvelle  histoire  de  France,  II,  p.  709;  deThou,  /.  cit.,  VII, 
p.  78,  delà  trad.,  qui  cite  parmi  les  compagnons  de  Henri  III,  à  Venise,  Louis 
de  Gonzague,  duc  de  Nevers,  dont  il  sera  question  ci-apiès. 

(2)  Cecciietti,  Monofjrafia  délia  Yetraria  veneziana,  p.  267. 

(3)  De  Thou,  latinisant  ce  nom,  en  avait  fait  Serranus,  comme  il  appelait 
Chartier=  Qiiadrigarius,  d'Entraygucs  =  Interanines,  Joyeuse  =  Lepidiis,  etc. 
Les  traducteurs  et  copistes  en  ont  fait  un  «  certain  Serran,  »  dans  lequel  il  serait 
difïïeile  do  reconnaître  Olivier  de  Serre. 

De  Thou  appelait  aussi  un  connétable  et  un  maréchal  de  France  :  magister 
equitumon  tribunus  militum;  il  est  vrai  qu'en  Belgique,  de  nos  temps,  un  capi- 
taine de  grenadiers  a  été  appelé  sur  une  médaille  oITicicHe  :  cou.  phimae  exercit. 

BELG.  CENTVRIC... 


—  27G  — 

mérite  (i),  dont  un  de  ses  historiens,  Guy  Coquille,  disait  : 
«  Les  affaires  du  menu  peuple  étaient  les  siens  propres  plus 
importants.  Il  s'est  donné  à  cognoistre  et  sçavoir  toutes 
sortes  d'affaires  et  négoces,  voire  jusques  aux  subtilités  et 
petites  inventions  dont  chacun  use  en  son  art,  science  ou 
mestier.  »  C'est  à  lui,  en  effet,  qu'on  attribue  la  création  de 
l'industrie  de  la  faïence  à  Nevers,  à  l'aide  d'artistes  italiens, 
par  suite  de  la  découverte  faite  dans  le  Nivernais  de  terres 
propres  à  la  fabrication  des  majoliques. 

Louis  de  Gonzague,  devenu  duc  de  Nevers  et  de  Rethel, 
par  son  mariage  avec  Marie  de  Clèves,  inaugura  ce  que 
de  Saintemarie  appelle  le  siècle  d'or  de  Nevers  ;  il  ne  pouvait 
manquer  de  songer  aux  gentilshommes  altaristes,  sujets  de 
son  neveu  le  duc  de  Manloue,  et  Palma  Cayel  nous  parle  de 
son  intervention,  en  un  passage  important  à  citer,  parce 
qu'il  démontre  que  la  verrerie  d'Allare  était  bien  une  verrerie 
artistique  et  non  simplement  industrielle,  comme  on  pourrait 
être  tenté  de  le  croire. 

«  Le  duc  de  Nevers,  en  sa  maison  de  Nevers,  avait  faict 
recommencer  ledit  artifice  de  verreries  de  cristal  à  la  façon 
de  Venise,  non  seulement  pour  les  verres  de  cristal,  inais 
pour  les  couleurs  de  (opase,  esr)ieraudes,  jacinthes,  aigues- 
marines,  autres  jolivetez  qui  approchent  du  propre  naturel 
des  pièces  vraijes  orientales.  » 


(i)  Il  faut,  il  l'égard  de  ce  prince,  se  délier  du  témoignage  de  Sully,  qui  ne  pou- 
vait pardonner  à  Louis  de  Gonzague  d'être  possesseur  de  Nevers,  alors  que 
Nevers  avait  appartenu  ii  la  maison  de  Béthune,  dont  était  Sully.»  La  mort  du  duc 
de  Nevers,  dit  Sully,  Mémoires,  IM,  p.  I5(édit.  de  rabbé  de  l'Écluse),  délivra 
enlin  le  roi  d'un  serviteur  aussi  incommode  qu'inutile.  »  Cfr.  ibid.,  I!,  p.  516, 
et  DE  Saintemarie,  Hcclicrchcs  historiques  sur  Nevers.  p.  2lo. 


—  277  — 

Maître  Adam  (Billaul),  qui  vivait  dans  la  première  partie 
du  xvii'  siècle,  et  qui  imprima  ses  Chevilles  en  1044,  y  cite, 
en  parlant  deNevers  : 

Ses  fragiles  bijoux  et  ses  trésors  de  verre. 

Ce  qui  prouve  que  les  traditions  de  la  fabrication  artis- 
tique du  verre,  dont  parle  Palma  Cayet,  avaient  été  con- 
servées dans  la  ville  natale  du  menuisier-poète  de  Nevcrs. 

Pour  en  terminer  avec  la  verrerie  de  Nevers,  suivons  ses 
traces  au  xviT  siècle  et  au  \\ni\ 

Quoique,  d'après  Legrand  d'Aussy,  Labarte  aiïjrme  que  les 
fabriques  de  Nevers,  après  Henri  IV,  ne  firent  que  languir, 
le  poêle  Thomas  Corneille  (i)  déclare,  sous  Louis  XIV, 
que  «  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  à  Nevers,  c'est 
la  verrerie  qu'on  peut  appeler  le  pclit  Muran  (Murano) 
de  Venise  pour  la  rareté  des  divers  ouvrages  de  verre  qui 
s'y  font,  et  qu'on  transporte  dans  toutes  les  provinces  de  la 
France.  » 

Voilà  certes  encore  une  preuve  du  caractère  artistique 
de  la  fabrication  des  Allaristes,  puisque  Corneille  compare 
leurs  œuvres  à  celles  de  Murano. 

Et  il  s'agit  bien  d'Altaristes  ;  car  Lefortnous  fait  connaître 
deux  générations  de  membres  dô  la  famille  Castellano,  (-la- 
blis  à  Nevers  : 

Jean  Castellano  (cité  plus  haut),  époux  de  Marie  Ponta, 
qui  était,  comme  lui,  originaire  d'Altare.  Il  est  mentionne 
dans  un  certificat  de  noblesse  des  consuls  d'Altare  du  G  juin 
1662,  légalisé  par  l'évêque  de  Nola,  et  dans  un  arrêt  d'ad- 

(i)  Dictionnaire  universel,  oéographique  et  liisloriqiic.  Paris,  1708. 


—  278  — 

mission  aux  privilèges  de  la  noblesse,  rendu  en  France  par 
le  Conseil  d'État,  le  9  avril  1066. 

Son  fils,  Michel  Gaslcllano,  écuyer,  maitre  de  la  verrerie 
de  Nevers,  reconnu  noble  en  France  par  déclaration  du 
14  juin  1007;  or  celui-ci  vivait  encore  en  1715,  époque  où 
il  signe  un  acte  à  Nevers. 

Les  fournaises  de  Nevers  paraissent  n'avoir  pas  été  éteintes 
de  sitôt,  car  les  différents  dictionnaires  spéciaux  publiés 
au  xviii*  siècle,  depuis  celui  de  Baudrand  (I70o)  jusqu'à 
ceux  de  Bruzen  de  la  Martinière  (175G),  d'Expilly  (17C8) 
et  à  celui  de  Moréri  (i),  parlent  tous  de  la  verrerie  de  Ne- 
vers dans  les  termes  les  plus  élogieux,  comme  d'une  chose 
que  les  voyageurs  ne  négligent  pas  de  visiter,  etc.,  etc...., 
tandis  que  ces  publications  sont  absolument  muettes  sur  les 
verreries  à  l'italienne  de  Lyon,  Melun,  Paris,  dont  je  repar- 
lerai plus  loin. 

Et  il  doit  exister  encore  d'autres  louangeurs  de  la  ver- 
rerie artistique  de  Nevers,  car  Touchard-Lafosse  (t>)  écrit 
ceci  :  «  Les  écrivains  de  l'époque  citent  les  verreries  qui 
existaient  dans  son  enceinte.  On  doit  présumer  même  que 
les  articles  de  ce  dernier  produit  n'étaient  pas  exécutés 
sans  quelque  sentiment  de  l'art,  jjuisque  plusieurs  auteurs 
parlent  des  vases  à  pied  (5),  (pii  sortaient  des  verreries  de 
Nevers.  « 

J'en  étais  là  de  mon  travail,  où  j'avais,  par  inductions, 


(1)  Savary  poiirlaiit,  dans  son  Dictionnaire  de  commerce,  public  en  I7i2,  ne 
cite  Nevers  que  pour  les  faicnccs. 

{2)  La  Loire  historique,  pittoresque  et  hiorjropliiqiie,  H,  p.  6iS. 

(5)  CcUe  indication  mettra  sans  doute  M.  l'abbé  Boltillieu  sur  la  voie  pour 
retrouver  les  auteurs  cités  que  j'ai,  quant  à  moi,  cherchés  en  vain. 


—  270  — 

conclu  à  rexistcncc  de  la  verrerie  de  Ncvcrs  jusqu'à  une 
époque  avancée  du  xviii*  siècle,  quand  des  renseignements 
nouveaux  me  sont  parvenus,  qui  confirment  ma  thèse. 

M.  l'abbé  lîoutillier,  curé  de  CouIanges-lcz-Nevcrs,  vice- 
président  de  la  Société  Nivernaise  des  lettres,  sciences  et 
arts,  à  Nevers,  qui  m'avait  été  signalé  par  M.  Mariano 
Brondi  comme  s'occupant  des  verriers  d'Altare  établis  à 
Nevers,  a  bien  voulu  m'adrcsser  le  résumé  de  son  étude, 
qui  paraîtra  sous  peu,  sous  le  litre  iV Histoire  des  genlils- 
hommes  verriers  et  de  la  verrerie  de  Nevers. 

Il  divise  l'histoire  de  la  verrerie  de  Nevers  en  trois  pé- 
riodes : 

«Premièue  PÉRIODE  (2'' moitié  du  xvi^  siècle).  LesSarodei\). 
Jacob  Sarodo,  natif  d'Altare,  quitte  Lyon,  puis  Melun,  et 
vient  à  Nevers  fonder  la  verrerie  à  l'appel  du  duc  de  Nevers, 
Louis  de  Gonzague.  On  le  rencontre  dès  1585  sur  les  regis- 
tres paroissiaux.  Il  fait  enregistrer  les  privilèges  royaux  con- 
cédés aux  gentilshommes  verriers.  D'humeur  aventureuse  et 
véritable  artiste,  Jacques  Sarode  quitte  Nevers  et  va  fonder 
une  autre  verrerie  à  Paris.  Son  neveu,  Horace  Ponte, 
lui  succède  comme  maître  de  la  verrerie  de  Nevers  avec 
Vincent  Sarode,  frère  de  Jacques,  et  quantité  d'autres  mem- 
bres de  ces  deux  familles.  Les  échcvins,  fiers  de  leur  ver- 
rerie, offrent  aux  princes  et  grands  seigneurs  de  passage 
à  Nevers  des  verres  de  cristal  raffiné. 


{i)  Les  Sarode,  Ponte,  Caitellan,  de  Honiiiol,  dont  il  est  question  dans  le 
résumé  du  travail  M.  de  l'abbé  Boutili.ier,  sont  membres  des  familles  Saroldo, 
Ponta,  Castellano,  Pormiolo,  toutes  d'Altare.  Le  nom  de  Perrotto  a  aussi  été 
signalé  en  cette  localité,  et  M.  Mariano  Brondi  m'apprend  que  des  Perrotti  existent 
encore  à  Bormida,  aux  envir.  ns  d'Altare. 


—  280  — 

»  Première  période,  suite  (lCOO-1643).  Horace  Ponte, 
deuxième  maître  de  la  verrerie  de  Nevers.  Nombreux  mar- 
chés pour  achats  de  bois,  de  soude,  de  terre  blanche,  de 
cailloux  blancs.  Intervention,  au  mois  d'août  1G19,  de 
Charles  de  Gonzague,  auprès  du  Roi,  en  faveur  d'Horace 
Ponte  et  François  Sarode,  contre  Bernard  du  Buisson,  gentil- 
homme verrier  français,  se  disant  syndic  des  gentilhommes 
verriers  français.  Mémoire  des  curieux  ouvrages  de  verre 
offerts  à  la  Reine  en  1622,  lors  de  son  passage  à  Nevers. 
Horace  Ponte  joint  à  son  commerce  de  menu  verre  le  trafic 
de  gros  verre  ou  verre  à  vitres,  dont  plusieurs  manufac- 
tures importantes  existent  depuis  longtemps  dans  les  forets 
du  Morvand,  près  Nevers.  (Ces  fabriques  sont  tenues  par 
des  verriers  d'origine  lorraine,  les  d'Hennezel  (i)  surtout). 
C'est  la  période  la  plus  brillante  de  la  verrerie  nivernaisc. 
Horace  Ponte  meurt  à  la  fin  do  l'année  l64o.  Sa  veuve, 
Suzanne  d'Albane,  d'ailleurs  fort  riche,  cesse  la  fabrication, 
mais  reste  à  Nevers,  où  elle  meurt  en  166G  ou  1C67. 

B  Deuxième  période.  Les  Castellan  (1647-1726).  La  prin- 
cesse Marie  de  Gonzague  ne  veut  pas  que  l'œuvre  de  Ludovic 
périsse;  elle  fait  venir  encore  d'Altare,  Jean  Castellan, 
lequel  arrive  à  Nevers  au  mois  d'août  1647,  avec  son  neveu 
Bernardo  Perrotto.  Ce  Bernard  Perrot  s'en  va  ensuite  à 
Orléans,  après  que  le  contrat  d'association  avec  son  oncle 
a  été  rompu,  et  il  y  fonde  une  verrerie  sous  le  patronage  du 
duc  d'Orléans;  il  y  fait  souche.  Jean  Castellan  obtient  do 
Louis  XIV,  en  1661,  des  lettres  patentes  lui  concédant  le 

(0  Les  Ileniiczcl,  de  nonnc/clles  et  autres  variaiiles,  sont  des  verriers  de 
Lorraine,  dont  le  nom  est  cité  par  MM.  Houdoy,  van  deCasteele,  etc.,  à  propos 
des  Pays-Bas  et  du  pays  de  Liège. 


—  281  — 

privilège  de  la  venle  de  tous  ses  ouvrages  de  verrerie,  pen- 
dant trente  années,  sur  la  rivière  de  Loire,  depuis  Nevers 
jusqu'à  Poitiers,  à  l'exclusion  de  tous  autres  marchands, 
à  l'exception  toutefois  des  verres  de  Venise  et  des  verres  de 
fougère  verte,  qui  n'auraient  été  mis  en  couleur,  lesquels 
peuvent  être  débités  et  vendus  dans  toute  l'étendue  du 
royaume.  Jean  Castellan  meurt  en  1070;  son  fils  Michel  lui 
succède,  avec  son  beau-frère,  Marc  de  Bcrmiol,  époux  de 
Marie  Castellan.  A  partir  de  lG8o,  il  reste  maître  de  la 
verrerie  et  meurt  en  1721,  âgé  de  70  ans.  Sa  veuve,  Mario 
Gentil,  continue  pendant  quelques  années,  mais  est  obligée 
d'abandonner  une  charge  au-dessus  de  ses  forces. 

»  Troisième  époque.  Les  Bormiol  (1726-1780).  Bernard 
de  Bormiol,  neveu  de  Michel  Castellan,  rachète  la  verrerie 
et  obtient  des  privilèges  royaux.  Lui  aussi  était  d'origine 
altarèse.  Louis  Castellan,  fils  de  Michel,  devenu  majeur, 
s'efforce  en  vain  de  rentrer  en  possession  des  privilèges 
accordés  à  son  aïeul,  Jean  Castellan.  Bernard  de  Bormiol 
meurt  âgé  de  71  ans,  le  24  octobre  174.5.  Sa  veuve,  Cathe- 
rine Lévèque,  nommée  tutrice  de  ses  cinq  enfants  mineurs, 
continue  la  fabrication  jusqu'en  1780,  où  la  verrerie  tombe, 
comme  la  plupart  des  faïenceries,  sous  le  coup  de  la  con- 
currence anglaise  et  le  menace  des  malheurs  qui  se  prépa- 
rent pour  la  France.  Analyse  des  registres  de  livraisons  de 
la  veuve  de  Bormiol.  Ces  registres  nous  donnent  le  détail 
de  tout  ce  que  fabriquaient  nos  verriers.  » 

Nous  avons  déjà  vu  apparaître  dans  ce  résumé  du  travail 
de  M.  l'abbé  Boutillier  les  noms  des  villes  de  Lyon,  Melun, 
Paris;  il  convient  de  recueillir  à  cet  égard  de  plus  amples 
détails,  s'il  est  possible. 


—  282  — 

De  la  fabrication  du  verre  à  la  véniliennc  à  Lyon,  il  y  a 
peu  à  dire  :  celte  industrie  est  mentionnée  tout  à  fait  en 
passant  dans  les  lettres  patentes  de  Henri  IV,  dont  il  va  être 
parlé;  mais  ces  lettres  sont  pleines  de  détails  intéressants, 
en  ce  qui  concerne  Melun. 

Rappelons-nous  que  Louis  de  Gonzaguc,  duc  de  Ncvers, 
avait  fait  venir  à  Nevers  des  verriers  altaristcs. 

Henri  IV  ne  pouvait  se  laisser  devancer  par  les  grands 
seigneurs  de  sa  cour.  Aussi  Palma  Cayet  nous  dit-il  que 
«  finalement  il  falloit  que  tous  biens  revinssent  au  Roy, 
victorieux  de  tous  troubles  et  empcschements,  pour  faire 
revivre  et  régner  un  chacun  art  en  sa  propre  splendeur  et  le 
ramener  à  sa  perfection  la  plus  grande  qui  puisse.  Le  duc 
de  Nevers  deffunct  en  donna  au  Roy  les  mouvements  pre- 
miers... (i).  » 

Louis  de  Gonzague  était  mort  en  '159o,  laissant  les 
fournaises  de  Nevers  florissantes  :  deux  ans  après,  en 
août  1597  (2),  Henri  IV  attirait  à  lui  des  verriers  altaristes 
de  Nevers,  en  leur  accordant  des  ])rivilèges  pour  la  verrerie 
de  cristal. 

Le  roi  débute  par  cette  déclaration  écrite  an  camp 
d'Amiens;  c'est  tout  un  programme  de  la  réforme  du  com- 
merce et  de  l'industrie  à  celte  époque  :  «  Chacun  sait  assez 
bien   quel   bien,    profil  et  ulililé  est  provenu  à  tous  les 


(1)  Bien  que  la  correspondance  do  Hcnii  IV  el  de  Louis  de  Gonzaguc  (IS89 
il  1593)  soit  très  volumineuse  {Mémoires  du  duc  de  Nevers,  II,  pp.  207  h  577), 
on  n'y  retrouve  rien  au  sujet  des  manufactures  de  verre;  mais  il  est  prob:iblc  que 
riE  GoMi'.EHvii.LE,  ('■diteur  de  ces  Mémoires,  aura  élagué  tout  ce  qui  ne  concernait 
pas  les  événements  politiques. 

(2)  I.SAMIiEIlT,  /.  cit.,  XV,  p.   1G4. 


—  285  — 

royaumes  et  républiques  par  le  moyen  des  aris  el  sciences, 
seul  fondement  do  leurs  richesses  et  embellissemens,  el 
combien  les  hommes  qui  par  leur  long  eslude,  diligence  el 
expérience,  les  ont  inventés  et  introduits,  ont  esté  recognus, 
honorés  et  récompensés  d'un  si  louable  labeur,  afin  que  tant 
parleur  témoignage  que  jiar  la  prospérité  de  leurs  mérites, 
les  autres  fussent  poussés  d'un  même  désir  à  rechercher, 
à  leur  exemple,  non  seulement  la  perfection  des  premières 
inventions,  mais  encore  à  trouver,  avec  plus  haute  contem- 
plation, plus  hautes  et  plus  belles  choses  non  cogneues  à 
l'antiquité,  pour  s'acquérir  par  là  une  honorable  louange...  » 

Le  roi  déclare  que  Jacques  et  Vincent  Sarrode,  frères,  et 
Horace  Ponte,  leur  neveu,  ont  agi  conformément  à  ces  pré- 
ceptes, en  l'art  et  science  de  verrerie,  dans  les  fourneaux  et 
verreries  de  cristal  de  Lyon  et  Nevers;  qu'ils  y  ont  acquis 
telle  réputation  en  la  perfection  de  leurs  ouvrages,  que  la 
plupart  des  verres  dudit  cristal  dont  on  s'est  servi  à  la  cour  et 
à  la  suite  du  roi,  et  partout  dans  le  royaume,  ont  été  apportés 
des  verreries  de  Lyon  et  de  Nevers.  En  conséquence,  il 
renouvelle  en  leur  faveur  les  privilèges  successifs  de  ses 
prédécesseurs. 

Spécialement,  à  l'effet  de  diminuer  le  prix  du  transport  et 
par  conséquent  de  la  marchandise  livrée  à  Paris,  il  autorise 
les  Sarrode  et  Ponte  à  établir  une  verrerie  à  Melun  sur  la 
Seine,  avec  privilège  dans  un  rayon  de  trente  lieues  autour 
de  Paris,  et  avec  révocation  de  tous  privilèges  contraires 
qui  pourraient  être,  par  inadvertance,  accordés  à  d'autres. 

La  seule  exception  contenue  dans  le  privilège  concerne 
les  verreries  de  Feugère  et  de  Pierre,  qui  se  trouvent  établies 
el  s'établiront  aux   environs  de   Paris  et   de  Melun,    el 


—  2S/1-  — 

Poirson  (i)  a  pense  que  Feugère  cl  Pierre  sont  les  noms  de 
deux  fabricants;  mais  il  y  a  lieu  de  se  demander  s'il  ne 
s'agit  pas  de  genres  de  fabrication. 

En  effet,  la  verrerie  se  servait,  on  l'a  vu  |)lus  haut,  de 
cailloux  du  Tessin,  de  cailloux  blancs,  pour  fournir  la  silice 
nécessaire  à  la  fabrication  du  verre  ;  de  là  peut-être  la  déno- 
mination de  «  verrerie  de  pierre.  »  Quant  à  celle  de  verrerie 
de  feugère,  elle  pourrait  bien  correspondre  à  la  fabrication 
du  «  verre  de  fougère  »  que  j'ai  déjà,  Messieurs,  eu  occasion 
de  vous  signaler  (2).  J'ai  retrouvé  depuis  la  mention  de 
congés,  accordés  de  1528  à  1548  aux  verriers  de  Normandie 
pour  opérer  dans  des  forêts  la  coupe  des  fougères  qui, 
réduites  en  cendres  (s),  formaient  la  soude  à  combiner  avec 
le  sable  pour  la  fabrication  du  verre  (^).  De  plus,  Savary  (5) 
divise  les  verres  à  boire  en  deux  classes,  les  verres  de 
cristal  et  les  verres  de  fougère  :  d'où  la  conclusion  que, 
d'après  le  diplôme  de  Henri  IV,  le  privilège  pour  la  fabrica- 
tion du  verre  artistique  ne  préjudicie  pas  à  ceux  qui  ont  été 
ou  pourraient  cire  accordés  au  verre  ordinaire.  Cela  et  pas 
autre  chose. 


(1)  Histoire  du  règne  de  Henri  IV,  2«  paitie,  1"  vol  ,  p.  81 . 

{i)  Bull,  des  Comm.  roy.  d'art  et  d'archéol.,  XXII,  p.  168. 

(3)  M.  Mariano  Brondi  m'écrit  que  ce  procédé  normand  est  encore  en  usage  à 
Altarc.  Uc  mon  côté,  je  lui  signale  que  les  verriers  de  Normandie  s'appelaient 
(I  les  Messieurs  »  (Millet,  Histoire  d'un  four  à  verre  de  l'ancienne  Normandie , 
p.  40),  de  même  que  ceux  d'Aitare  étaient  qualifiés  de  «  les  Monsit.  »  Ce  seraient 
lii  des  indices  d'origine  normande  :  M.  Clkfa,  m'écrit  le  même  M.  Brondi,  ne 
persiste  pas,  par  suite  de  mes  observations,  à  soutenir  l'origine  flamande  des 
Altaristes. 

(i)  Millet,  /.  cit.,  p.  10;  voy.  aussi  Savary,  /.  cil  ,  IV,  p.  1189. 

(5)  //.  cit.,  p.  •119C;  M.  l'abbé  Boltillier,  dans  son  résumé,  on  l'a 
vu  ci-dessus,  parle  aussi  de  «  verres  de  fougère.  » 


—  ^85  — 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  noms  de  Sarrode  et  de  Ponte  sont 
bien  des  noms  d'Allaristes  :  le  premier  n'est  aulre  que  celui 
des  Saroldi,  déjà  mentionné  dans  ma  troisième  lettre  {{),  où 
apparaît  également  celui  de  Ponte,  qui  a  de  nouveau  été 
mentionné  ci-dessus,  comme  étant  celui  de  la  femme  de 
Jean  Castellano. 

Ces  Saroldi  ne  se  contentèrent  pas  d'établir  une  usine  à 
Melun;  ils  en  fondèrent  aussi  une  à  Paris,  car  de  Tliou  (2) 
parle  formellement  de  verreries  établies  à  grands  frais  par 
Henri  IV,  dans  Paris  même,  à  l'imitaiion  de  Venise,  et  cela 
ne  peut  se  rapporter  qu'aux  frères  Saroldi  et  à  Ponte,  qui 
avaient  obtenu  privilège,  comme  on  l'a  vu,  à  l'exclusion 
de  tous  autres,  à  trente  lieues  à  la  ronde  de  la  capitale  de 
la  France. 

C'est  bien  certainement  à  un  de  ces  Saroldi,  établi  à 
Paris,  que  se  rapporte  l'incident  suivant  (0)  : 

Un  Conseil  de  commerce  avait  été  institué  par  Henri  IV, 
et  ce  Conseil  eut  à  se  préoccuper  des  moyens  de  favoriser 
l'industrie  française.  Or,  les  gentilshommes  verriers  italiens 
refusaient  de  faire  connaître  à  leurs  apprentis  français  les 
secrets  de  leur  art;  d'où,  disait-on,  grand  préjudice  pour 
les  pauvres  gentilshommes  nécessiteux  de  France  qui  pou- 


(1)  Bull,  (les  Comm.  roij.  d'art  et  d'archéoL,  XXIF,  p.  25. 

(î)  L'abbé  de  l'Écluse,  dans  son  édition  des  Mcniùires  de  Sully  (VI,  p.  25, 
note),  fait  sans  duute  allusion  à  te  passage  de  de  Tiiou  (d'autres  auteurs  n'ont 
pas  été  retrouvés),  lorsqu'il  dit  :  «  Je  trouve  encore  dans  quelques  écrits  de  ce 
teraps-!a  qu'il  s'établit  des  manufactures  de  cristal  et  glaces  de  Venise,  de  perles 
bien  imitées,  et  plusieurs  autres  que  le  célèbre  M.  Colbert  a  portées  depuis  à  une 
si  grande  perfection.  » 

(3)  Champollion-Figeac,  Mélanges  historiques  tirés  des  collections  manus- 
crites de  la  Bibliothèque  nationale  (Collection  de  documents  inédits  sur  l'histoire 
de  France),  IV,  pp.  170,  193,  19G,  208,  287. 


—  ^S()  — 

vaient  pratiquer  celte  branche  d'industrie  sans  déroger  et 
dont  les  verreries  étaient  supprimées  par  la  concurrence 
italienne. 

On  assigna  devant  le  Conseil  un  des  Italiens  du  nom  de 
Serode;  or,  il  s'agit  bien  d'un  Altarisle,  car,  dans  sa 
réponse,  il  allègue  qu'il  ne  peut,  sans  autorisation  de  son 
souverain,  le  duc  de  Mantoue,  Ibrfaire  au  serment  de  garder 
les  secrets  de  son  art,  d'autant  pins  qu'au  cas  contraire 
tous  ses  ouvriers  le  quitteraient  et  abandonneraient,  ce  qui 
lui  tournerait  à  grand  préjudice. 

A  quoi  il  fut  obvié,  au  témoignage  de  B.  Laffemas  (i), 
par  lettres  de  naluralité  accordées  d'office  (2)  aux  gentils- 
bommes  verriers  italiens,  par  lesquelles  ils  se  trouvaient 
dégagés  de  leurs  serments  envers  leur  patrie,  et  c'est  ainsi 
que  les  Saroldi,  devenus  les  de  Sarode,  seigneurs  du  Verger, 
ont  fait  souche  en  France,  où  on  les  a  déjà  rencontrés  ci-des- 
sus (3),  où  on  les  retrouve  encore  sous  Louis  XIV,  et  où 
enfin  leurs  descendants  existent  encore  en  Poitou  (i). 

Le  détail  suivant  pourrait  concerner  la  fournaise  des 
Allaristes  créée  à  Paris  sous  Henri  IV  :  «  On  a  vu  autrefois, 
dit  Savary  (:j),  une  verrerie  assez  considérable  établie  à 
Paris,  dans  le  faubourg  Saint-Antoine,  mais  qui  n'a  pu  se 


(1)  Cité  par  Poip.son,  /.  cil. 

(4)  P.'ir  mesure  de  défense  nationale  cl  non  comme  le  dit  Neymarck,  Colbert  el 
son  temps,  p.  27G,  à  propos  de  lettres  semblables  accordées  sous  Louis  XIV,  à 
litre  de  récompense  «  pour  services  rendus  au  pays.  » 

(3)  Bull,  des  Comm.  roij.  d'art  et  d'archéol.,  XXIII,  p.  23. 

(4)  Benj.  FiLLON,  L'art  de  terre  chez  les  Poitevins,  pp.  164  et  210.  Les  ver- 
riers altaristes  du  Poitou  avaient  pour  auteur  un  Vincent  de  Sarode,  qui  est  sans 
doute  celui  du  privilège  de  Henri  IV. 

(5)  L.cil  ,  pp.  1197  et  1200. 


—  287  — 

soulcnir  el  que  le  prix  excessif  des  bois  fit  bienlôl  loinher; 
on  n'y  fabriquait  que  des  verres  à  boire  et  quelques  coiid- 
chels,  façon  de  cristal.  » 

Mais  comme  Sauvat(i),en  17-2/1-,  parle  d'une  verrerie  exis- 
tant alors  au  faubourg  Saint-Antoine,  il  est  à  supposer  plutôt 
qu'il  s'agit  d'une  verrerie  fondée  par  Colbert,  dont  je  vais 
vous  parler,  et  que  la  fournaise  des  Italiens,  sous  Henri  IV, 
existait  plutôt  rue  de  la  Verrerie  ou  de  la  Champverrerie,  où, 
d'après  le  même,  les  vieilles  gens  avaient  vu  faire  des  verres. 

C'est,  en  effet,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut  (2),  dans  «  un 
des  faubourgs  de  Paris,  et  autres  endroits  qui  seront  trouvés 
des  plus  commodes  en  ce  royaume,  »  qu'au  mois  d'octobre 
I6G0  (Lettres  patentes  enregistrées  au  Parlement  le  12  jan- 
vier IG66),  Louis  XIV  accorda  h  un  Français,  Nicolas  Des 
Noyers,  privilège  non  seulement  pour  la  fabrication  des 
«  glaces  et  miroirs  des  mômes  et  diverses  grandeurs,  netteté 
et  perfection  que  celle  que  l'on  fait  et  fabrique  à  Moran 
(Murano),  près  de  la  ville  de  Venise,  »  mais  encore  pour 
celle  des  «  lustres,  vases  de  toutes  façons,  verroteries  pour 
les  Indes,  esmaux,  pièces  de  cheminées,  verres  de  cristal, 
services  entiers  de  table,  de  toutes  formes,  manières  et  gran- 
deurs, tant  pour  servir  à  l'ornement  des  maisons  royales 
que  pour  la  commodité  publique,  le  tout  par  les  ouvriers 
vénitiens  qui  sont  ou  qui  viendront  en  ce  royaume,  et  ce 
pendant  le  temps  de  vingt  années  (5).  d 

(1)  Anliquilés  de  Paris.  (Paris,  1724),  III,  p,  50o. 
(4)  Bull,  des  Comm.  roy.  d'art  el  d'arvliéoL,  XXIII,  p.  16. 
(3)  Le  texte  de  ce  document,  qui  manque  h  la  collection  d'IsAMBERT,  est  repro- 
duit dans  VHisloire  de,  Paris,  de  Féliuie.n  et  Lobineau,  V,  p.  205. 
Ce  texte  est  simplement  analysé  par  Alb.  Nevm  \  ncK,  Colbert  et  son  temps,  \).  276. 
Cfr.  RxpiLLY,  Y'  Paris,  pp.  413  et  417. 


—  :288  — 

A  la  vérité,  Des  Noyers  s'occupa  plulôt  de  la  manufacture 
(les  glaces,  qu'il  avait  établie  rue  de  Reuilly,  au  jaubourçi 
Saint-Antoine  (i),  et  qui  fut  le  berceau  de  la  fabrication  actuelle 
de  Saint-Gobain  (sujet  rentrant  dans  la  verrerie  indr.strielle 
et  non  artistique);  mais  il  n'est  pas  impossible  qu'il  se  soit 
occupé  aussi,  dans  un  établissement  spécial  au  môme  fau- 
bourg, de  la  fabrication  des  menus  produits  de  l'art  de  la 
verrerie,  à  l'imitation  de  Murano. 

C'est  ainsi  que  Bussolin  (a)  rapporte  que  sous  le  ministère 
de  Colbert  quelques  Français  parvinrent  à  découvrir  le 
procédé  employé  à  Murano  dans  la  fabrication  du  cristal  et 
que,  rentrés  dans  leur  patrie,  ils  perléctionnèrenl  ceux  qui 
étaient  alors  en  usage. 

Mais  ce  qui  tranche  la  (luestion,  est  un  [lassage  des  mé- 
moires de  Louis  XIV  lui-même,  rédigés  en  1671,  où  il  s'ex- 
prime en  ces  termes,  |)our  l'année  1060,  en  distinguant  les 
divers  gcni-es  de  fabrication  :  •(  Cet  exenq3le  lit  établir  en 
peu  de  temps  dans  mon  état  beaucoup  d'autres  manufac- 
tures, comme  de  draps,  de  verres,  de  glaces  (ô).  > 

—  Quant  aux  autres  verreries  artistiques  de  France,  celle 
de  Nantes,  dirigée  par  Ferro,  en  i58D  (a),  ne  recul  pas  toute 
la  protection  sur  laquelle  elle  pouvait  compter;  dès  l'année 
suivante,  Jean  Ferro  fut  expulsé  de  la  ville,  sous  prétexte 
(ju'il  faisait  renchérir. le  combustible,  et  si  plus  tard  il  obtint 


())  KXI'ILLY,  /.  cil. 

{^)  Les  célèbres  verreries  rie  Venise  el  de  Murano,  \).  ôi,  d'après  Parkes, 
Essais  chimiques,  IV,  p,  95. 

(i)  Mémoires  \nM\é&  parCh.  Dreyss  (Vny.  Gaii.laiuhn,  Histoire  du  régne  de 
Louis  XIV,  III,  p.  166). 

(i)Voy.  ci -dessus,  XXIII,  p.  lo. 


—  :289  — 

par  grâce  de  pouvoir  eonliiiuer,  co  ne  lui  (\ni\  cliariic  rie 
la  singulière  obligation  de  no  point  acheter  du  bois  (\). 

Celles  de  Poitou  ne  sont  plus  mentionnées  par  aucun  au- 
teur du  xviii"  siècle. 

Celles  de  Melun  ont  survécu;  mais  l'industrie  arlistiiiue 
ne  parait  pas  y  avoir  existé  longtemps  ;  car  Dulaure  (2)  ne 
l)arle  plus  pour  celte  ville  que  d'une  labritiue  de  verres 
à  vitres;  avant  lui,  le  minisire  Necker,  dans  son  rapport 
à  Louis  XVI,  ne  cite  rien  de  la  verrei'ic  ou  même  de  la 
fabrication  des  glaces,  comme  d'une  des  industries  de 
Paris  (ô),  et  Legrand  d'Aussy  (i),  en  France,  à  la  lin  du 
xviii''. siècle,  borne  son  énumération  à  trois  verreries  indus- 
trielles, dont  celle  d'Anor,  en  Uainaul. 

—  Pour  compléter  la  liste  des  localités  de  la  France  où 
l'on  a  fabriqué  du  verre  artistique,  il  se  pourrait  qu'on  dût 
y  ajouter  Saint-Cloud. 

En  effet,  Savary,  aj)iès  le  |)assage  cité  plus  haut  à  propos 
de  la  menue  verrerie  (dont  la  manufacture  du  faubourg 
Saint-Antoine),  ajoute  immédiatement  qu'une  manufacture 
semblable  était  établie  à  Saint-CIoud  depuis  le  commence- 
ment du  xviii^  siècle,  et  avait  assez  bien  réussi  au  point  de 
satisfaire  à  la  consommation  de  Paris. 

Comme  Savary  (•))  ajoute  que  de  son  temps  les  Fi-aneais 
n'enlevaient  plus  à  Murano  les  verres  et  vases  de  cristal, 


(1)  GuÉPJN,  Histoire  de  Nantes,  p.  267. 

(2)  Histoire  des  environs  de  l'aris,  VI,  j;.  :2oO. 
{ô)Wid.,  VIII,  p.  465. 

(4)  L.  cit. 

(s)  II.  \\.  485.  Au  vdl.  IV,  pp.  1197  et  \-200,  Savahv  dit  que  les  verres  étaient 
imposés  à  l'entrée  en  France  a  raison  tic  10  livies  le  cent  pesani,  sauf  ceux  «e 
Venise,  qui  payaient  le  triple. 


—  290  — 

soit  pour  boire,  soit  pour  servir  d'ornements,  parce  qu'ils 
avaient  établi  chez  eux  des  «  manufactures  l'emportant 
beaucoup  sur  celles  de  Venise,  »  il  faut  croire  que  Saint- 
Cloud,  dont  il  parle,  et  Nevers,  qu'il  omet,  mais  dont  l'exis- 
tence pour  la  fabrication  des  verreries  artistiques  est  dé- 
montrée malgré  son  silence,  faisaient  amplement  concur- 
rence à  Venise  au  siècle  dernier. 

Enfin  Savary,  qui  imprimait  son  dictionnaire  en  1742, 
paraît  avoir  ignoré  l'existence  d'une  verrerie  créée  à  Fon- 
tainebleau, deux  ans  auparavant,  par  Antoine  Cléricy,  de 
Moustier  (i).  Comme  la  mention  de  cette  fabrique  est  tirée 
d'un  «  État  des  offices  que  le  Roi  entretient  pour  son  service 
et  ses  maisons  et  bâtiments  du  Louvre,  les  Tuileries,  Saint- 
Germain  en  Laye,  Vincennes  et  autres,  »  il  est  à  croire  qu'il 
s'agit  bien  d'une  verrerie  artistique. 

Il  y  a  donc  à  ajouter  aux  villes  où,  en  dehors  de  l'Italie, 
on  a  fabriqué  du  verre  à  la  façon  italienne,  les  villes  fran- 
çaises de  Lyon,  Saint-Germain,  Saint-Cloud,  Fontainebleau, 
Orléans,  non  citées  par  moi  dans  la  nomenclature  de  la 
cinquantaine  de  villes  où,  en  dehors  de  Fllalie,  l'on  a  imité 
Venise  et  Altare. 

—  A  l'étranger,  j'ai  encore  à  citer,  outre  ce  que  j'ai  déjà 
dit  :  1"  Amsterdam,  qu'un  voyageur  du  xviii"  siècle  com- 
pare à  Alexandrie  d'Egyj)te,  ville  où,  comme  on  le  sait,  on 
s'occupait  de  la  fabrication  du  verre  artistique.  Invoquant  un 
passage  de  Vopiscus  (;2),   De  la  Bai-re  de  Beaumarchais  (3) 


(1)  Compte  rendu  de  la  Société  française  de  numismaliqae  et  d'archéologie, 
V  (l8T.i),  p.  567. 

(2)  Quatre  Tyrans  (in  Saliiriiiiiii,  VIII). 

(3)  Le  Hollandais  (lollics  sur  l;i  Iloll;iiiilo  uncicniio  et  nioderne,  Francl'orl, 
1738),  G7. 


—  291   — 

dit  :  «  C'est  une  ville  opulente,  où  tout  abonde,  où  personne 
ne  vit  dans  l'oisivelé  :  les  uns  y  soulTIent  le  verre...,  telle 
était  autrefois  Alexandrie,  telle  est  aujourd'hui  Amster- 
dam. » 

2"  Londres,  où  en  1070,  le  duc  de  Buckinghaiii,  voulant 
élever  une  grande  manufacture  de  verres  et  de  cristaux, 
l'ecourut  à  Venise  pour  avoir  quehjucs  ouvriers  (i)  ; 

7i°  En  1650  (2),  on  nous  signale,  en  outre,  des  Berovieri 
travaillant  en  Angleterre  et  en  France;  des  Darduini,  xMaz- 
/oie,  Santini,  àGrlitz;  un  Serena,  en  Espagne;  des  Zufii,  à 
Corfou.  Tous  étaient  de  Murano. 

On  le  voit,  l'Europe  entière  était  exploitée  par  les  ver- 
riers italiens,  qui  y  avaient  transporté  leur  industrie  et  qui 
fabriquaient  partout  du  verre  «  à  la  façon  de  Venise.  » 

—  Et  puisque  j'en  suis  à  compléter  ma  liste,  où  figure 
déjà  l'Asie  Mineure  comme  ayant  participé  à  cette  fabrica- 
tion extra-italienne  de  produits  à  la  façon  d'Italie,  qu'il  me 
soit  permis  d'y  ajouter  la  Perse  :  d'après Savary,  un  Italien, 
dans  des  temps  assez  rapprochés  de  celui  où  il  écrivait, 
s'était  transporté  en  Perse  et  pour  50  écus  y  avait  enseigné 
aux  Persans  à  vitrifier  la  fritte  et  à  souiller  le  verre.  La 
première  manufacture  en  fut  établie  à  Schiras,  qui  s'est, 
depuis,  dit-il,  conservé  la  réputation  de  faire  le  plus  beau 
verre.  Celui  d'Ispahan,  au  contraire,  était  le  plus  laid. 


(1)  BussouN,  /.  cil  ,  d'après  Pahkes,  /.  cit.,  et  Hougton,  Ol>serralioit.'<  sur 
l'économie  domestique  el  commerciale,  H,  p.  -i3. 

Labarte,  Histoire  des  aris  iudustriels,  IV,  p.  398  (2*  édit.),  pense  néanmoins 
que  les  usines  eréées  par  le  duc  deBuckingham  se  livrèrent  exclusivement  k  la 
fabrication  des  glaces  et  miroirs. 

(2)  Zanf.tti,  Guida  di  Murano,  p.  218. 


^i):2  — 


Liège. 


Après  cet  aperçu  relatif  à  l'industrie  du  verre  en  France, 
où  nous  avons  vu  la  grande  influence  de  l'élément  allariste, 
à  Lyon,  Nevers,  Melun,  Paris,  Orléans,  reprenons  la  fabri- 
cation artistique  du  verre  à  Liège. 

Ici,  à  la  différence  de  ce  qui  précède,  où  j'ai  accumulé, 
})Our  ne  plus  y  revenir,  si  possible,  tous  les  renseignements 
relatifs  à  la  fabrication,  même  non  allariste,  je  laisse  de  côté 
la  façon  de  Venise,  cl  j'aborde  directement  l'époque  où  la 
façon  d'Altare  domine  à  Liège. 

J'ai  été  en  léger  désaccord  avec  MM.  Mariano  Brondi  et 
Buffa,  les  historiograplies  d'Altare,  au  sujet  du  caractère 
artistique  de  la  verrerie  de  cette  localité. 

Ils  fondaient  leur  appréciation  sur  le  fait  qu'on  ne  trouve 
à  Altare,  en  fait  de  verres  anciens,  aucun  produit  (|u'on 
puisse  comparer  à  ceux  de  Venise;  M.  Brondi  citait  spé- 
cialement des  sphères  de  verre  qui  ornent  l'église  de  l'An- 
nonciation, fondée  en  1651,  à  Altare,  par  Matteo  Buzzone, 
et  (les  débris  trouvés  ou  conservés  à  Altare;  M.  Buffa  estimait 
que  «  l'art  allariste  fournissait  les  objets  d'usage  plus  général 
et  quotidien,  tandis  que  l'art  nmraniste  et  vénitien,  suivant 
les  traditions  de  l'art  byzantin,  qui  avait  donné  à  Venise  ses 
premiers  maitres,  avait  le  monopole  de  la  fabrication  des 
objets  de  luxe,  des  verres  à  perles,  à  marguerites,  à  mosaïque, 
à  imitation  de  pierres  précieuses,  des  perles  dites  con- 
ter ie,  etc.  » 

Je  pense  bien  les  avoir  ébranlés,  en  leur  objectant  t|ue 
Louis  de  Gonzague,  qui  créa  aussi  à  Nevers  la  faïencerie, 
à    l'aide  d'ouvriers  ilaliens  habiles   dans   l'art    des    majo- 


—  2f)3  — 

liques  (i),  ne  se  fût  pas  donné  la  peine  d'appeler  dans  son 
duché  des  Altarislos,  s'il  n'avail  pas  attendu  d'nux  des 
œuvres  capables  d'attirer  l'attention  et  même  l'admiration 
de  Henii  IV,  (elle  que  ce  roi  l'exprima  dans  les  lettres 
patentés  de  1597. 

Au  surplus,  nous  avons  à  ce  sujet  le  témoignage  d'un 
contemporain,  Palma  Cayet,  qui  parle  précisément  de  l'imi- 
tation des  pierres  ilnes  et  «antres  jolivetés»  à  Nevers,  où  les 
Altaristes  seuls  étaient  établis. 

A  Liège,  l'influence  des  Altaristes  se  signale  d'une  ma- 
nière certaine,  dès  le  second  quart  du  xvii"  siècle. 

En  effet,  nous  trouvons,  en  l'année  10:26,  des  documents 
de  la  cité  de  Liège  (2),  nous  montrant  deux  Liégeois  qui 
onireprennent  en  cette  ville  la  fabrication  du  verre,  à  l'aide 
de  «  maîtres  italiens.  » 

Cette  dénomination  générale  de  maîtres  italiens  est  un 
indice  d'origine  altarèse;  en  effet,  tous  les  verriers  signalés 
jusqu'ici  comme  venant  de  Venise  ou  Murano,  se  qualifient 
constamment  de  gentilshommes  vénitiens  ou  muranistes; 
aucun  n'omet  l'indication  de  cette  origine,  qui  était  une  sorte 
(le  titre  d'honneur.  Les  gentilshommes  verriers  venant 
d'Altare,  plus  modestes,  ne  se  parent  pas,  comme  les 
Vénitiens,  de  la  désignation  de  leur  patrie,  et  souvent  ils  se 
qualifient  simplement  d'Italiens  :  pour  établir  la  provenance 


(1)  Larousse,  v»  Nevers. 

Tolt.iiard-Lafosse,  La  Loire  historique,  pittoresque  et  biographique,  II, 
pp.  G.iS  et  098. 

(2)  Reeès  de  la  Cité,  1626-27,  pp.  li  .-t  K!  (Bibliothèque  de  l'Univorsite, 
il  Liège).  Ces  docuraents  .sont  du  *  5  et  du  *  10  août  IG-26  (je  dt^signerai  par  l'asté- 
riqiie  les  documents  que  n':i  pas  relevés  Al.  van  de  Casteele  dans  son  travail 
cependant  si  complet). 


~  294  — 

de  plusieurs  d'entre  eux,  il  a  fallu  procéder  par  des  com- 
j)lémen(s  de  recherches  dans  les  archives,  ou  par  des  in- 
ductions que  facilite  d'ailleurs  le  petit  nombre  des  familles 
des  Monsh,  d'Altare. 

La  verrerie  créée  en  162G,  à  Liège,  s'occupait  de  la  fabri- 
cation des  émaux  et  de  la  mise  des  verres  en  couleur;  car 
les  impétrants  cités  dans  les  documents  de  IG^G,  à  raison 
des  métiers  dont  il  s'agit  pour  eux  de  faire  relief  (i),  énon- 
cent ainsi  l'objet  de  leur  industrie  :  «  plusieurs  contrefac- 
tures  de  pierres  précieuses,  esmailles  de  touttc  sorte  de 
couleur...  »  Ils  énum.èrent  leurs  ouvrages,  <(  esquels  en- 
trent or,  argent,  esmailles,  terres  plombées  et  non  plom- 
bées, couleurs,  etc.  » 

Ce  genre  de  travail  est  précisément  celui  qu'indique 
Palma  Cayet  comme  étant  à  Nevers  celui  des  Altaristes. 

Mais  il  n'y  a  pas  lieu  de  tirer  argument  de  cela  pour 
considérer  le  travail  des  émaux  et  de  la  mise  en  couleur  du 
verre  comme  étant  une  spécialité  des  Altaristes  :  le  pro- 
cédé de  la  coloration  du  verre,  déjcà  indiqué  par  Pline  (2), 
avait  été  retrouvé  à  Venise,  où  un  chimiste  habile,  Paolo 
Godi  de  Pergola,  avait,  dès  le  xv*  siècle,  donné  aux  verriers 
Berovieri,  une  série  de  formules  pour  la  coloration  du  verre, 


(<)  Ces  métiers  sont  d'abord  celui  des  orfèvres,  ce  qui  ïc  comprend,  et  ensuite, 
ce  qui  est  moins  explicable,  celui  des  flockeniers  ou  cliandelions.  Cela  était  reçu  b 
cette  époque  ;  car  nous  voyons  à  Middelbourg  les  marchands  de  verres  et  de  graisse 
former  une  seule  cor|)oration  {Revue  belge  de  numismatique,  1874,  p.  58),  et  en 
France  les  marchands  de  chandelles  faisaient  aussi  le  commerce  de  verres  [Eucij- 
dopédie,  commerce,  \\\,  p.  808). 

(2)  Uiat.  nat.,  XXXVI,  66;  XXXVn,7o;  Thek.  Pûi.lio,  Htsl.  Aug.,  in  Gallien., 
XII,  cite  une  anecdote  cii  l'on  voit  l'impératrice  Salonine,  trompée  par  un  mar- 
chand qui  lui  avait  vendu  de  fausses  pierres  précieuses. 


—  29o  — 

et  l'historien  Sabellico,  parlant  de  ce  siècle,  raconte  avec 
enthousiasme  les  merveilles  de  la  fabrication  de  Miirano, 
qui  par  leurs  couleurs  variées,  rivahsaient  avec  les  Heurs 
des  prairies  et  les  pierres  précieuses  (i). 

Si  l'on  rapporte  parfois  à  une  date  pUis  récente  l'arl  de 
colorer  le  verre,  c'est  à  raison  d"une  invention  nouvelle  des 
Magag'nati,  pour  laisser  au  verre  coloré  toute  sa  transpa- 
rence (2) . 

D'ailleurs,  dès  le  commencement  du  \vi*  siècle,  Scriba- 
nius  et  d'autres  auteurs,  dont  j'aurai  occasion  de  parler  ulté- 
rieurement, disent  qu'à  Anvers  on  travaillait  à  la  mise  du 
verre  en  couleur,  et  à  Anvers  l'élément  vénitien  domine; 
car  c'est  à  peine  si  l'on  peut  y  trouver  parmi  les  verriers 
vénitiens  un  seul  nom  qui  se  ratlachc  plus  ou  moins  à  Allarc, 
c'est  celui  d'un  verrier  nommé  Schinco  ou  Santo  Schinco, 
nom  qui  ne  parait  pas  vénitien,  mais  qui  était  porté  à  Altare 
ou  aux  environs. 

Si  l'on  ne  peut  tirer  argument  du  genre  de  l'industrie,  il 
est  certain  au  moins  que  des  Altaristes  ont  été  employés  dès 
le  début  dans  la  reprise  de  la  verrerie  à  l'ilalienneà  Liège,  en 
iG26;  car  nous  rencontrons  encette  ville  en  lG2o  un  Antonio 
Buusson,  Italien,  qui  s'y  marie,  et  qui  est  bien  certaine- 
ment (5)  le  Antonio  Buzzone  ou  de  Buysson,  Altariste, 
signalé  par  M.  van  de  Casteele  en  IGGo,  comme  se  livrant 
encore  à  l'industrie  du  verre  liégeois  à  la  façon  italienne 


(i)  TuRGAN,  Les  grandes  usines,  IX,  p.  ol  et  siiiv  ;  I.abarte,  /.  cit.,  IV,  208, 
210;  Sauzay,  La  verrerie,  p.  28. 
(â)  Yriarte,  Venise.  Histoire,  art,  industrie,  "^.lïo. 
(s)  Ou  son  tils,  du  même  prénom. 


—  i^on  — 

dans  l'usine  des  Bonlionime,  et  celle-ci  s'est  signalée  par  le 
grand  nombre  d'Altarisles  qui  yoni  été  altachés. 

Or  il  s'agit  de  démontrer  que  cette  verrerie  des  lion- 
homme  et  celle  de  leurs  prédécesseurs,  les  de  Glen,  n'ont 
été  que  des  continuations  de  celle  de  1020,  inaugurée  pour 
le  travail  artistique  du  verre,  à  l'aide  de  gentilshommes 
al  ta  ris tes 

Les  deux  bourgeois  de  Liège  qui  fondèrent  la  verrerie  de 
1G"20  méritent  do  retenir  un  instant  l'attention  par  leurs 
noms  :  ce  sont  Gérard  Ileyne,  dit  des  Preits,  el  son  gendre 
Ijmiù  Marias. 

Si  un  acte  de  1055,  cité  ci-après  à  propos  de  la  veuve  de 
ce  dernier,  ne  le  qualifiait  de  docteur  en  droit,  je  serais 
tenté  de  voir  en  lui  quel(iue  verrier  d'Altare  ou  de  Murano, 
d'autant  plus  que  parmi  les  Marius  qui  apparaissent  ci-après, 
(el  est  appelé  Mario  (contrat  du  9  janvi?'!-  lOGO),  (cl  au(re 
est  qualifié  ^<  gentilhomme  verrier»,  (i  Ire  (pie  ne  prennen( 
])as  à  Liège  les  verriers  autres  qu'italiens.  Cependant  le  nom 
de  Mario  n'est  pas  encore  signalé  soit  à  Altare,  soil  à 
Murano  (i). 

Mais  peut-être  Louis  Marius  es(-il  un  descendant  de  ver- 
riers de  1509,  que  la  cessation  des  verreries  en  1G07  aura 
rejeté  dans  une  autre  profession,  et  qui  ayant  conservé  les 
traditions,  aura  excité  son  beau-père  à  rétablir  celte  indus(rie 
après  le  (aniisper  omissuni  de  Foullon  (2). 

lleyne  n'a  pas  conservé  d'intérêt  dans  l'industrie  verrière, 


(1)  Vi'.iAKiF.,  11.  ^t"2,  cite  toiilofois,  en  l"/)o,  un  Miii'iu.  peintre  sur  verre,  à 
Veiii.se. 

(î)  llevoir  ce  (|iif  j'ai  dit  ii  ce  sujet.  /.'«//.  des  ('oiiim.  roij.  d'art  cl  d'urchévL, 
XXI r,  p.  149. 


—  207  — 

donl.  on  ne  (rouve  pas  de  monlion  dans  son  loslament  en 
1635,  pas  plus  que  dans  celui  de  sa  veuv(>  en  KîTô  (i)  ; 
peut-être céda-t-il  son  usine  aux  de  Glen. 

Mais  si  Marins,  comme  c'est  probal)le,  prit  part  ;i  la  ces- 
sion, les  siens  restèrent  attaches  à  la  verrerie. 

Un  verrier  imporlant  de  Venise,  Francisco  Santino,  engagé 
chez  les  Bonhomme,  avait  épousé  Catiierine  Marins  (2);  or, 
un  Louis  Marins,  distinct  du  gendre  de  Gérard  Heyne,  se 
qualifie  oncle  du  fils  de  ce  Francisco  Santino  (3);  de  plus, 
Francisco  apparaît  comme  intéressé  ou  comme  témoin  en 
deux  actes  homogènes  de  même  date  (4),  el  l'un  de  ces  actes 
est  passé  en  la  demeure  de  Meclilildc  des  Preits,  veuve  de 
Louis  Marins  (5). 

Voilà  une  série  de  (ails  (pii,  à  défaut  des  actes  parois- 
siaux, où  il  y  a  des  lacunes,  peuvent  être  considérés  sinon 
comme  la  preuve  certaine,  au  moins  comme  un  indice  de 
l'existence  dans  la  verrerie  des  Bonhomme  de  deux  géné- 
rations de  Marins  après  Louis,  le  gendre  de  Heyne  : 

Louis  Marias,  =  Mechtilcle  des  Preits. 

mort  en   1G55. 

Louis  Marius,  gentilhoniine  verrier,  Catherine  Marius, 

engaçcé  en  16G9,  .  épouse  de  Francesco  Santino. 

parrain  en  1070,  1678,  1684  (G). 


Jean-Prancesco  Santino,  engagé  à  la  même  date  que  son  oncle  Louis  Marius 


(i)  Voir  ces  actes  au  greffe  des  échevins. 

(2)  Voir  l'acte  de  naissance  du  (ils,  cité  plus  loin. 

(3)  Acte  du  notaire  Pawea  du  21  décembre  1660. 
(0  Ibid.,  24  et  27  octobre  IG.-io. 

(s)  Les  actes  de  la  paroisse  de  Saint-Adalbeit  nous  l'ont  connaiire  le  décès,  ii  la 
date  du  U  juillet  1055,  de  l'avocat  Marius,  qui  fnt  enterré  aux  Minimes. 

(f.)  Dans  l'acte  de  1670  (7  avril),  il  a  poiu"  iMunmère  Catherine  Xantliin  (l'épouse 


—  "298  — 

A  la  naissance  do  ce  Jean  Francisco  Sanlino,  assistèrent 
comme  parrain  et  marraine,  un  maître  de  verrerie  de  Murano 
et  la  femme  de  l'un  des  deux  frères  Bonhomme  (i). 

Déplus,  un  Benoit  Marins,  «  gentilhomme  verrier  »  qui 
n'a  pu  être  rattaché  aux  précédents,  était  engagé  chez  les 
Bonhomme  en  1066  :  c'était  peul-élrc  encore  un  (ils  de 
Louis  Marius-des  Preits  {-2). 

La  verrerie  des  Bonhomme,  où  les  Marins  s'engagèrenl, 
doit  donc  avoir  élé  celle  qui  avait  été  fondée  par  le  premier 
Louis  Marins,  et  l'on  retrouvera  sans  doute  quelque  jour 
l'acte  de  cession  par  ce  dernier  aux  de  Glen,  auteurs  des 
Bonhomme. 

Ce  qui  vient  d'èlre  dit  explique  la  continuation  de  la  pré- 


(Ic  Fr.  Santino),  qui  apparaît  encore  en  1071,  sous  le  nom  de  Catlierinc  Marins, 
dans  nn  acte  de  baptême  d'un  enfant  de  Louis  Marins  et  de  sa  femme,  nommée 
Elisabeth  van  Belgens. 

(i)  Voici  cet  acte  de  la  paroisse  Sainte- Véronne  : 

K  11  jnni  1655,  Johanncs-Franciscus,  (iiius  Nobiiis  Doraiui  Francisci  de  Sanc- 
tinis  {Sanlino)  Vencti  Moraniensis  et  Dominae  (Annae)  Catharinae  de  Marys 
{Marins),  conjugum,  baptizatus  est;  suscipientibus  Nobiii  Domino  Gaspare  Bru- 
ncrot  {Dntnoro),  Trium  Coronarum  (de  la  verrerie  des  Trois  Couronnes,  l'une 
des  plus  importantes  île  Murano)  Veneti  Moraniensis  et  Domiceiia  Maiia  de  Glen, 
uxore  Domini  llenrici  Bonhomme,  n 

Ce  Gaspar  Bnuioro  apparaît  en  lG-29,  à  NanuiV  (acte  cité  par  M.  van  de 
Casïeki.k,  en  son  récent  article). 

(a)  Le  21  janvier  1677,  il  assiste  comme  parrain  avec  Marie-Flisabeth  Marius 
au  baptême  d'un  enfant  d'Engeiliart  Honderlach,  verrier  allemand,   cité  par 

M.    VAN   DE   CaSTEELE. 

p.  s.  Pendant  rimpression,  je  retrouve  l'acte  de  naissance  de  ce  Benoit  Marius, 
à  regard  duquel  ma  supposition  s'est  réalisée  (on  y  voit  apparaître  comme  par- 
rain, un  personnai^e  important  de  l'époque,  le  mai'quis  romain  Oct.  de  BulTalo, 
qui  se  trouvait  alors  à  Liège  pour  le  service  du  roi  de  France,  Daris,  Histoire 
(lu  diocise  cl  de  la  principauté  de  Liège  pendant  le  xvii»  siècle,  I,  p.  23G)  : 

Paroisse  Notre-Dame  aux  F'oiits  :  a  22  mars  KiiG.  Benedictus-Octiivius,  filius 
I).  Ludovici  de  Marins  et  D'i'"'  Mcchtildis  de  Prez,  coiij.;  susc.  Illustriss.  D. 
Octavio  Marchionc  de  Boufalocte,  et  D'^i'^  Catharina  de  Marius.  » 


—  299  — 

pondérancc  de  rélcmciU  allarislo  à  Liètçe,  sous  les  Bon- 
homme comme  sous  leurs  prédécesseurs  :  sans  coniredif, 
il  y  eul  aussi  des  Vénitiens  ou  Muranistes  engagés  à  Liège, 
témoin  le  Sanlino  cité;  mais  généralement  leurs  engage- 
ments sont  postérieurs  à  ceux  des  Allaristes,  et  Sanlino  ou 
autres  de  ses  compatriotes  furent  précédés  de  longtemps  par 
des  Monsu  d'Altare,  qui  avaient  sans  doute  été  attirés  à 
Liège  par  Buzzonc  et  les  autres  gentilshommes  verriers 
italiens  de  1620. 

En  1C58,  les  Bonhomme  avaient  déjà  remplacé  les  de 
Glen;  or,  dans  un  contrat  du  *1G  avril  de  cette  année,  Jean 
Caslellano,  celui  qui  depuis  alla  s'établir  à  Nevers,  y 
figure  avec  Guillaume  Varaldo  :  l'acte  lui-même  n'a  pas  éîé 
retrouvé;  mais  les  termes  en  sont  rappelés  en  un  contrat  du 
*o  mai  ICio,  où  Joseph  Caslellano,  frère  de  Jean,  s'engage 
pour  deux  ans,  aux  conditions  qu'avaient  acceptées  ce 
dernier  :  les  redevances  envers  les  consuls  de  l'Allar  y  sont 
stipulées  payables  par  mois. 

Le  *24  juin  1645,  devant  le  notaire  Colbau,  pareil  contrat 
est  signé  pour  un  an  par  Genesio  Varaldo  et  son  frère  Guil- 
laume et  enfin  par  Joseph  Caslellano,  déjà  nommé. 

Ces  trois  actes  sont  antérieurs  à  ceux  qu'a  fait  connailre 
M.  van  de  Casteelo,  et  si  l'on  y  ajoute  la  convention  qui  a 
été  contractée  fort  probablement  en  1020  entre  Ileyne  et 
Marins  d'une  part,  Buzzone  et  les  autres  Allaristes  d'autre 
part,  l'introduction  de  la  verrerie  à  la  façon  d'Altare  est 
reportée  à  un  quart  de  siècle  en  arrière. 

Mais  M.  van  de  Casteele  avait  déjà  posé  les  jalons  pour 
des  recherches  à  faire  en  remontant  au  delà  de  1650. 

D'une  part,  il  nous  cite  la  présence  à  Liège  de  Joseph 


-  500  — 

Gastcllano  dès  1045,  dalc  où  il  s'y  est  marié,  ce  iiui  implique 
déjà  par  soi  une  résidence  anlérieure  de  plus  ou  moins  de 
temps. 

D'autre  part,  le  même  liabile  chercheur  avait  signalé  une 
relation  au  passé  dans  l'octroi  accordé  par  Ferdinand  de 
Bavière,  en  IG.'iO,  où  l'on  rencontre  quelques  mentions  sur 
iesiiuellcs  il  n'est  pas  inutile  d'insister  (i). 

Les  impétrants  allèguent  qu'il  n'oni  pu  jouir  du  bénéfice 
de  privilèges  concédés  (/epuu  quelques  années,  et  sur  ce,  le 
doyen  et  le  chapitre  de  l'église  cathédrale  reconnaissent 
qu'en  effet  les  Bonhomme  «  avec  permission  et  privilège 
leur  accordé  par  S.  A.  S""',  ont  depuis  quelques  années  en 
ça,  redressé  en  ce  pays  la  manufacture  des  cristals  et  cris- 
tallins, ..  et  que  cependant  quelques  particuliers  se  seraient 
présumé  d'exercer  le  même  art  en  le  seigneurie  de 
Fragnée...  »  En  conséquence,  le  Prince  leur  accorde  un 
nouveau  privilège  pour  un  nombre  déterminé  d'années. 

Depuis  IGaO,  les  contrats  ont  été  recueillis  par  M.  van  de 
Gasteele  d'une  manière  à  peu  près  complète,  et  nous  possé- 
dons à  Liège  les  noms  des  Allaristes  dont  la  nationalité  est 
aujourd'hui  bien  déterminée  que  voici  : 

BUZZONE    (!2). 

Le  premier  Altariste  qui  se  signale  à  Liège  est  Antoine 
Buzzone.  En  1025,  en  la  paroisse  de  Sainte- Véronne,  il  se 
marie  et  est  (|uali(ié  d'italien  :  il  était  donc  établi  à  Liège 
même  avant  la  reprise  de  1020,  d'où  la  question  de  savoir 


(t)  Conseil  des  finance:! ,  LXXX,  p.  :238  \°. 
(i)  Variantes  :  Jbutzont',  Buusson,  de  Buysson. 


—  301    — 

si,  comme  les  Marins,  il  n'élail  pas  mi  (Icscciidaiil  des 
gentilshommes  italiens  du  siècle  passé  :  l'on  iroiivc  cnlic 
autres  un  Jérôme  du  Buisson  reçu  bourgeois  de  Liège  en 
IG08  (i). 

Antoine  Buzzone  avait  épousé  Elisabeth  Dcipayre. 

Or,  des  actes  de  naissance  de  l'époque  (Sainle-Véronne, 
28  juillet  1624,  14  juin  1G28),  nous  montrent  des  alliances 
entre  les  Delpayre  et  les  de  Glen,  et  les  de  Glen,  on  le 
sait,  sont  les  auteurs  des  Bonhomme  dans  la  verrerie  à  l'ita- 
lienne. 

En  outre,  en  l()ôl,le  6  juin,  .\.nk)ine  Buzzone  apparaît 
comme  parrain,  à  Sainte-Véronne,  d'un  enfant  de  Marie 
Dcipayre  (sa  belle- sœur?). 

Tout  cela  tend  à  conîirmer  ce  qui  a  été  dit  ci-dessus  de 
l'identité  des  établissements  verriers  qui  portèrent  succes- 
sivement le  nom  de  Ilevne  et  Marins,  de  Glen  et  Bonhomme. 

Il  est  certain  d'ailleurs  que  les  Buzzone  s'attachèrent  à  la 
verrerie  des  Bonhomme;  car  on  trouve  dans  les  minutes  du 
notaire  Pawea  un  acte  d'engagement  de  Giullio  Cesare  But- 
zone,  en  date  du  *  1"  février  1648. 

Il  y  a,  de  plus,  l'acte  du  24  décembre  1665(2),  concer- 
nant l'engagement  d'x\ntoine  de  Buysson,  altarisle  (celui  ou 
le  fils  de  celui  du  mariage  de  1625),  et  aussi  des  actes  de 
baptême  du  0  novenibre  1664  et  du  15  décembre  1667,  où 


(0  Table  ajoutée  au  registie  de  Bourgeoisie,  finissant  en  1608,  qui  est  a  la 
Bibliotlicque  de  l'Université. 

En  la  paroisse  de  Saint-Ad.ilbert,  on  trouve,  en  1620  et  1627.  un  Laurent 
de  Buisson,  époux  de  Gertrude  de  la  Coste;  mais  il  est  douteux  q'i'on  puisse  les 
rattacher  aux  Buzzone  d'AUare. 

(•2)  Van  de  Casteele,  p.  30. 


—  502  — 

apparaissent  un  Cc^ar  cl  un  Jules  du  Buisson  (pcul-èlrc 
ensemble  le  Jules-César  do  l'acte  de  1G48  :  dans  le  premier 
de  ces  actes,  la  marraine  est  une  de  Glen). 

Voilà  à  quoi  se  réduisent  les  renseignements  sur  les  mem- 
bres de  la  famille  Buzzonc,  qu'il  faut  se  garder  sans  doute 
de  confondre  avec  certains  de  Buisson  mentionnés  à  Liège, 
au  x\if  siècle,  dans  les  actes  des  différents  greffes  :  M.  l'abbé 
Boutillier  nous  fait  connaître  d'ailleurs  (voir  ci-dessus)  un 
du  Buisson,  non  seulement  français,  mais  môme  verrier, 
qui  se  trouve  en  op})osition  avec  les  verriers  altaristes. 

Castellano  (i). 

C'est  une  des  premières  familles  d'Altaristes  qui  se  signalent 
à  Liège;  c'est  aussi  celle  qui  y  persiste  le  plus  longtemps, 
puisque  nous  la  retrouvons  jusqu'à  une  époque  assez  avancée 
du  xviii"  siècle. 

Le  héraut  d'armes  Lefort,  qui  épousa  une  Gastellano,  a 
dressé  une  généalogie  de  cette  famille  (2),  el  l'on  y  voit 
qu'elle  portait  pour  armes  :  d'azur  à  la  tour  d'argent, 
sommée  en  chef  d'une  aigle  éployée  d'or,  ledit  écu  sur- 
monté d'un  heaume  d'acier,  tourné  à  droite,  ouvert,  treille, 
grillé  cl  liséré  d'or  et  doublé  de  gueules,  aux  liachements  ou 
lambrequins  et  boucles  d'azur  et  d'argent,  d'où  sort  poui' 
cimier  une  aigle  au  blason  de  l'écu. 


(1)  Variantes  :  Castellan,  Castillan,  Castollain,  Chastclan,  etc.  Ce  n'est  pas 
cependant  ii  Altare,  mais  à  Calcare,  dans  le  voisinage,  qu'existent  la  place  et 
la  fondation  Castcllano  dinit  j'ai  parlé  dans  ma  troisième  lettre.  (Rens.  de 
M.  Brondi.) 

{i)  Lefort,  3"  série,  liU.  C;  vo\,  aussi  i'  série,  VH,  pp.  53,  S4,  140,  1o9. 


—   ."SOS  — 

Jean  el  Joseph  Castcllano,  des  actes  de  1658  et  1643, 
élaient  iils  de  Guillauuie  CasLellano,  écuyer,  el  petils-lils  do 
Jean, originaire d'Allare.  Les  deux  fi-ères  apparaissent  encore 
comme  associés  dans  un  acte  de  1045,  passé  à  Liège  au 
sujet  d'un  hérilage  dit  de  liearewarl,  liors  de  la  porte 
d'Avroy(i).  M.  van  de  Gasteele  nous  a  déjà  fait  connaître 
que  cet  héritage  provenait  de  l'épouse  de  Joseph  Castellano, 
Anne  Balen. 

Jean  Castellano,  né  à  Altare  vers  L^97,  époux  de  Marie 
Ponta,  devint  maître  de  la  verrerie  et  y  eut  pour  successeur 
son  fils  Michel,  qui  vivait  encore  en  1715. 

Jean  Castellano  obtint,  le  (ijuin  1662,  une  attestation  de 
noblesse  de  la  part  des  consuls  d'Altare,  légalisée  par  l'évèque 
de  Noii,  le  26  septembre  suivant.  Ce  document,  en  latin,  est 
identique  à  celui  dont  B.  Fillon  a  donné  le  texte  pour  les 
Saroldi  du  Poitou  :  Il  y  est  notamment  dit  que  les  Cas- 
tellani,  de  père  en  fils,  ont,  de  temps  immémorial,  exercé 
la  profession  de  verriers,  «  cela  est  une  preuve  de  noblesse; 
car  les  plébéiens  qui  ne  sont  pas  de  race  noble,  ne  sont  pas 
admis  à  Altare  à  exercer  l'art  du  verre,  ce  qui  est  vrai  et  a 
toujours  été  reconnu  publiquement  {-z). 

Une  procédure  contradictoire,  suivie  en  vertu  d'un  arrêt 
du  Conseil  du  22  mars  1666,  par  un  commissaire  chargé 
de  la  vérification  des  litres  de  noblesse  et  de  la  poursuite 
des  usurpateurs,  dans  les  généralités  de  Moulins  el  Bourges, 


(i)  Greffe  Stephany,  t65G-l(jii5,  p.  i-io  v".  Voy.  aussi  acte  du  notaire  Pawea 
du  *16  mai  1645. 

(i)  Les  consuls  d'Allare  qui  délivrent  celte  di^daration  sont  Jacqufs-Pliiiippe 
Saroldi,  Cliarles  Boiinioli,  Antoine  Rachetli,  Jean  Hachetti,  Ale.xaadie  Ponta  et 
Antoine  Mireinuo. 


—  501  — 

aboiilil  k  11  juin  10G7  ;i  lu  pleine  i-ecoiin;iissatiec  de  la 
îioblcssc  (le  Jean  Caslellano. 

Guillaume  Castcllano  s'arma  de  celle  reconnaissance 
])Our  |)rendrc  à  Liège  le  lid'e  d'éeuyer  e(  [lour  jouir  des 
privilèges  de  la  nol)less(^  (|ui  l'urenl  rormellcmenl  recuntius 
en  laveur  de  ses  deseeiidanls. 

Il  avail  épousé  en  premières  noces  Anne  Balcn,  lille  de 
!\rartin,ai)olliicaire,  mailre  du  niélier  des  orfèvres,  métier 
dont  il  fit  relief  en  I(H8,  assisté  de  Tiuillaume  Varaldo,  Jules- 
César  Buzzone,  Allaristes,  el  Rimondo  Carnelle,  Vénitien, 
tous  (pialinés  comme  lui  de  gentilshommes. 

Il  épousa  depuis  Jeanne  de  Sarde  (de  Sarode?),  qui  appa- 
raît comme  marraine  en  un  très  grand  nombre  d'actes  de 
Sainte-Véronne,  paroisse  d'où  dépendait  le  faubourgd'Avroy, 
où  étaient  les  verreries  des  Ijoniiomme  el  où  liabitaienl  la 
plupart  des  vei'riers,  spécialement  Guillaume  Gaslellano, 
dont  le  domicile  (I)  est  indiqué  «sur  la  i-ivièi'c  d'Avroy, 
li')rs  et  lez  Liège.  » 

Les  eidanls  de  sa  seconde  femme  n'ont  pas  marqué-  dans 
l'art  de  la  verrerie;  mais  de  la  |)remière  il  avail  eu  : 

r  Giiillaum(,'-Fran(;ois  Cash  llano,  qui  siiil,  (-cuyer,  b;i|)- 
\'\>r  à  Noire-Dame  aux  l'onls  le  17  ^e|)lendJr(•  lOiO,  cl 
ayaiil  en  |)0iii'  parrain  Guillaunic  \araldo.  déjà  nommé; 


I,  LU  ;kIo  (le  décos  de  Saiiilc-Vcioniu' d(i  i  kiviitr  lOTi  luiiio  li^ii.''  dcfiiide 
(|iii  demeurait  'i  dioz  Monsieur  GuilicHiiic  ii  l;i  Vcirorie.  »  Il  s";iiiil  y^ix  ddule  de 
(iiiilhiuine  Custe!i;ino;  (•ciKiuiaiil  la  veri'eiic  des  Italien,  était  «  en  Joiikeux  p, 
e'esl-ii-dirc  à  un  endroit  assez  (éloigné  do  la  Meuse;  elle  Liait,  en  l(j;is  cas,  dis- 
tincte de  la  verrerie  d'Avroy,  la(|uelie  t-lait  celle  des  Mai,  (établie  an  xviir  siècle, 
«■n  concurrence  avec  celle  des  Boiiliomine.  (Hectifier  dans  ce  6cns  ce  (|ue  j'ai  dit 
dans  ma  prwirre  lellrc  ci-dessus,  \\\\,  [><  l.SN;  je  rcvirndrai  <\\r  iv  poinl.) 


i2°  Robcrl-Albert  liaslollauo,  gciililliuiiiiiic  verrier  en  lu 
verrerie  ilc  M.  de  Mol,  h  Ijruxelles  (non  .signalée  jusqu'ici); 
il  épousa  Marie-Meclilikl(;  d'Opleuvvo,  mourut  en  1G88,  à 
Bruxelles,  où  il  lui  enterré  en  l'église  Sainl-Géry.  Sa  veuve 
se  remaria  avec  Claude  Colnel,  gentilliommc  verrier  (i). 

Guillaume  Casiellano  (lils  de  .losepli),  gentilhomme  ver- 
rier, à  Liège,  épouse  Françoise  du  Château  (2),  dont  il  eut  : 

i"*  Joseph-François  Casiellano,  baptisé  à  Sainte- Yéronne, 
le  14  janvier  1071,  (jui  épousa  N.  du  Château,  sa  cousine- 
germaine,  et  l'ut  avocat  à  la  vénérable  cour  de  Liège. 

Il  reiiuil,  à  Nevers,  une  expédition  des  actes  de  recon- 
naissance de  noblesse  qui  y  avaient  élé  accordés  à  des  mem- 
bres de  sa  famille. 

2°  Lambert  Casiellanu,  baptisé  le  4  décendji'e  1(I7(),  a 
Sainle-Véronne,  gentilhomme  verrier,  (jiii  mourut  en  1721, 
où  il  fut  inhumé,  en  la  même  église,  le  25  juin. 

Les  deux  frères  furent  l'objet  de  cerlilicals  d<>  noblesse, 
délivrés  en  1713,  17IG  el  1721;  le  premier  u'.-  laissa  (jue 
des  lilles  et  un  lils,  mort  en  bas  âge. 

Le  second  eut  pour  lils  uni(|ue  : 

Jean-Guillaume  Casiellano,  genlilhomiiie  verrier,  «jui 
épousa,  le  18  iiuvembre  i7i6,  Isabelle- Dorolhéc  de  Melan.  Il 


(i)  J'aurai  à  ni'otxiipcr  dos  Coliicl,  voiliers  [liiilùt  iiuiiistriolN  ([u'arliblc-, 
(iiiiis  les  Piiblicdlions  de  la  Sociclé  (iirhrolofiiqiic  de  (:h(trler<H.  Je  n'ai  pas 
retrouve  la  moiniire  preuve  de  rallogalidii  (|iii  date  du  siècle  passé,  ([uc  les  Colnet 
l'usseiit  d'origioc  véiiitioiine. 

(■2)  Aux  actes  de  baplènie  de  leurs  enraiiîs  (et  de  ceux  de  ses  (ils)  assistent 
eomnie  parrains  et  marraines  plusieurs  verriers  el  leninies  de  verriers  :  Tilnian 
van  Gelick,  rran<;ois  Baion,  Jeanne  de  Sarde,  Marie  Casiellano,  ele.  Guillnume 
Casteliauo,  de  son  cùlé,  apparaît  comme  coaipèrc  d'une  Culherinc  Santino,  parer.le 
d'un  verrier  vénitien,  ciaMi  a  Liè;iO,  et  déjà  uonintO  ci-de.'sus. 


—  306  — 

obtint  un  c(M"tificat  de  noblesse  en  1739,  el  il  apparaît,  dans 
une  capilation  de  l'an  1756,  pour  le  faubourg  d'Avroy, 
comme  marchand  ouvrier  de  verrerie. 

Il  eut  plusieurs  entants;  mais  on  ne  rencontre  plus  après 
lui  de  membre  de  sa  famille  qui  soit  qualilié  verrier  (i). 

Les  Gastellani  p.araissont  avoir  encore  des  représentants 
de  leur  famille  à  Liège  au  présent  siècle,  d'après  les  tables 
de  l'état  civil  dressées  depuis  IHOO,  où  ligurcnt  de  nombreux 
Caslelain,  etc. 

Varaldo  (2). 

Genesio  Varaldo  n'apparait  pas  dans  les  actes  paroissiau.x 
de  Liège;  il  doit  èlre  niorl  ou  avoir  rpiiiié  le  pays  peu  après 
l'acte  de  1645. 

Son  frère  Guillaume  était  sans  doute  resté  célibataire,  et  il 
semble  avoir  eu  pour  spécialité  de  tenir  sur  les  fonts  baptis- 
maux les  enfants  tant  des  maîtres  de  la  verrerie  que  de  ses 
collègues  verriers. 

En  1658  {7i),  d(!  1645  a  1658,  puis  en  1671  et  167:2  (i), 
on  le  rencontre  notamment  comme  pan-ain  de  deux  enfants 
de  Henri  Bonhomme  et  Léonard  Bonhomme,  id.  de  Marc 
Ferro,  de  Rimondo  Gamelle  (de  Murano),  etc.,  el  on  lui 
associe  comme  marraines  Oda  de  Glen,  épouse  de  Léonard 
Bonhomme,  Élisabelh  de  Glen,  Marie  de  Glen,  Marie  Ferro, 
Jeanne  de  Sarde,  épouse  Gastellano,  etc.,  etc. 


(i)  Voy.  (lifl'érentb  actes  de  la  famille  Cabkliaiio,  aux  regiitres  de  la  Cour 
d'Avroy,  A,  54  (du  ♦  3u  juin  lCo3),  A,  47  (du  *  19  août  17:20),  etc. 

(î)  Variaulea  :  Varalde,  Valrade,  Waliade,  Waraldi,  Waïade,  Varade.et  mêiue 
Vanile. 

(3;  Actes  de  baptême  de  .^.-D.  aux  l'onls. 

(i)  Id.  (If  Saiiite-Véronne. 


—  307   — 

Il  était  donc  le  parrain  allilré  des  enfants  de  parents  un 
peu  notables  qui  naissaient  dans  la  population  groupée 
autour  des  verreries  :  nous  l'avons  déjà  vu  figurer  comme 
parrain  d'un  jeune  Gastcllano. 

La  prédilection  pour  ce  personnage  comme  compère,  de 
la  part  des  femmes,  notamment  de  la  famille  de  Glen,  alliée 
aux  Bonhomme,  qui  tenaient  d'elle  la  verrerie,  pourrait  faire 
supposer  que  Guillaume  Varaido  était  un  parrain  généreux  ; 
on  suit  sa  trace  jusqu'en  167:2,  époque  où  il  disparaît  dans 
les  actes,  en  laissant  plus  de  vingt-cinq  filleuls  et  filleules,  la 
plupart  avec  le  prénom  de  Guillaume  et  Guillelmine. 

Il  était  du  reste  tolérant;  car,  en  1059,  il  avait  accepté 
d'être  parrain,  avec  Claudia  Ferro,  d'un  enfant  illégitime  de 
Charles  Colnet. 

MiRENGO   (i). 

Antoine  Mirengo  (aussi  Jean-Antoine  dans  certains  actes) 
était  établi  à  Liège  avant  son  engagement  de  1 648,  et  y  avait 
épousé  Catherine  Rigo,  sans  doute  sœur  de  Jean  Rigoz, 
Vénitien,  qui  lui-même  s'était  marié  cà  Liège,  avant  1645,  avec 
l'Anversoise  Marie  Hoffman,  comme  le  prouve  un  acte  testa- 
mentaire du  25  novembre  de  cette  dernière  année.  Ce  Jean 
Rigoz  paraît  avoir  émigré  à  Liège  avec  toute  sa  famille 
(de  crainte  du  Conseil  des  Dix?);  car  o!)  trouve  un  grand 
nouibre  d'individus  de  ce  nom  dans  les  actes  paroissiaux 
de  Sainte- Véronne. 

Antoine  Mirengo  eut  plusieurs  enfants  ,  et  parmi  les  par- 
rains et  marraines  on    distingue   plusieurs  membres    des 

(0  Variantes  :  Meringo,  Mirengho,  Mereingo,  Meringoz,  etc. 


—  'OS   — 

ramilles  Bonhomme,  de  (lien,  Caslcllano  (Aniio  P.alen),  cl, 
(le  pliLs,  circonslanco  déjà  nolée,  Sara  Vinc\,  d'Anvers,  la 
veuve  d'Ambrosio  Moniiarda;  il  signait  scsacles  «  Anliioino 
Meringoz,  gentilhomme  italien,  «  et  il  recherchait  les  rela- 
tions avec  la  noblesse,  car  on  voit  le  seigneur  Conrad  de 
Bergues  tenir  sur  les  fonts  un  de  ses  enfants. 

Il  apparaît  encore  comme  parrain  d'enfants  d'un  verrier 
de  Venise,  Cingano,  le  \l\  décembre  !6G7,  et  d'un  verrier 
(champenois?)  Nicolas  Rennevelle,  le  2\i  avril  1G()8. 

La  trace  de  Mirengo  se  perd  à  Liège  vers  1070, 

Un  homonyme  était,  en  16(>:2,  l'un  des  consuls  d'Altaro 
(voy.  ci-dessus). 

M.  l'abbé  Boulillicr  me  lait  connaître  en  outre  qu'à 
Xcvers,  en  la  })aroisse  d(\^  vei'riers,  le  27  janvier  1607  et 
le  17  janvier  1008,  comparait  comme  parrain,  ce  honorable 
homme  Panio  Mii-engo  (var.  :  Myranguei,  ittdiien  (verrici'».  « 

FKf.llO    fl). 

Les  Feri'i  ^onl  originaires  de  Muraiio,  d'où  se  délachèivnt 
f[U('l'(urs-iins  d'i'nlre  vnx  pour  aller  s'établir  à  Allare  :  on 
les  y  retrouve  dans  les  actes  paroissiaux  dès  l'année  l.'JO  t  {21  ; 
mais  ils  pourraient  bien  y  éii'c  arrivés  plus  tôt. 

En  effet,  certains  Feri'i  paraissent  avoir  émigré  en  Pro- 
vence vers  l'an  14i2,  à  l'arrivée  de  René  d'Anjou,  lorsrpi"il 
fut  chassé  de  Naples  |»ar  Alphonse  d'Aragon  :  de  là   on  a 


(1)  Variantes  :  de  Feer,  de  l'or,  de  lii  l'ayrc,  lic  iWll'iiiK'  tl  iiicme  roicl. 

Rkbocl,  I\'o/f.<  historiques  sur  les  familles  tic  Ferri/  et  d'Escrivaii,  p.  J,  cite, 
de  son  cùlé,  les  variantes  plus  nombreiisL-s  encore  du  nom  des  Ferry,  de  ProNenci-. 

(î)  Rens.  de  M.  Miuiaiio  Hhuniii.  Ces  actes  sont  les  plus  ancien-,  qui  ;iit'nt  été 
COI  1  servies. 


—  r,<M)  — 

conclu  qu'ils  venaieii(  (!.■  l'Italie  méridionale,  ol  on  assii^ne 
à  celle  conirée  leur  lieu  d'origine  Lanta,  au  diocrsc  de  Nola, 
dans  l'ancienne  l'ouille  (i)  :  or,  il  est  (rès  possilde  qu'il 
s'agisse  du  diocèse  de  ^oli,  près  de  Gènes,  el  qu'il  faille 
changer  le  nom,  du  resle  inconnu  :  Laula  en  Laliar,  c'esl- 
à-dire  l'Allare  ou  Allare;  Jean  Ferro,  souche  des  Ferry  de 
Provence, ('Mail  nt'  à  ce  Lanla.en  lô.l.'î,  et  serait  ainsi  ai-i'ivû 
d'Allare. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  Ferri,  lanl  de  Venise  que  d'Allare, 
étaient  fort  disposés  à  se  transporter  loin  de  leur  pairie.  En 
effet,  nous  trouvons  plusieurs  Ferry,  au  xvi"  siècle,  associés 
aux  Golnet,  à  Froide-Chapelle,  Genappe,  Xamur  et  Fon- 
laine-l'Évèque  [r,],  et  il  se  pourrait  hien  que  ces  Ferry  fussent 
les  parents  des  Ferri  de  Liège  du  siècle  suivant  ;  de  plus, 
nous  avons  déjà  rencontré  un  Jean  Ferro  à  Nantes,  en  lo88; 
le  nom  de  Giacomo  Ferro  fui  proclamé  à  Venise  en  1507, 
avec  sommation  de  retourner  dans  un  bref  délai  sous  peine 
de  cinq  ans  de  galères  (i).  Enfin  l'Altariste  Léandre  de  la 
Fayre,  autre  Ferro,  éiahli  à  Liège,  quitta  cette  ville  clandes- 
tinement, en  16(38,  ce  qui  amena  les  Bonhomme  à  se  mclln- 
en  mesure  de  le  faire  arrêter  à  Amsterdam  (:;). 

Pendant  ([uelque  temps  cependant  la  famille  Ferro  avait 
pris  résidence  à  Liège. 


(i)  Ri:i:uLr,,  /.  cit. 

(i)  11  est  il  rcinaiHiiicr  co|ii-iiiiaiit  quo  le  blason  des  Ferry,  de  Provence,  ne 
corresponJ  pas  avec  celui  des  Ferri,  de  Venise,  tel  qu'il  ligure  sur  les  Oselh- 
(niéreaux  de  Mnrano),  déciils  par  Fabbé  Zaxetti  :  d"a/ur  à  nne  ancre  de  sable, 
accostée  à  gauciie  d'une  comète  (de  mônîe?),  ee  qui  n'a  rien  de  commun  avec  les 
armoiries  décrites  par  Heboul.  (liens,  de  M.  Mariano  Uro.m.i.. 

(s)  Voii-  mon  article  sur  les  Golnet,  annonié  ci-dessus. 

(»"!  Cecciietti,  Momgrafia,  etc.,  p.  117. 

(s)  .\rte  ilii  iK.laiiy  l'iiwea,  du  1:2  iioùt  liiriy. 


—  310  — 

Sans  remoiUor  à  un  Jean  de  Ferro  («loutoiix)  qui  épousa, 
en  1050,  Françoise  de  Glen,  on  rencontre  à  Liège,  dès  1650, 
un  Marc  Ferro,  époux  de  Callierine  Langlois,  dont  il  eut 
plusieurs  enfanls,  au  haplème  desquels  assistèrent  Jean 
de  Glen,  Oda  de  Glen,  Marie  de  Glen,  Léonard  Bonhomme, 
Guillaume  Varaldo. 

xMarc  Ferro  lui-même,  sa  femme,  Catherine  Langlois, 
ainsi  que  Nicolas  Bonhomme,  tinrent  sur  les  fonts  des  en- 
fanls de  Marie  Ferro,  épouse  Oginne;  en  outre,  cette  Marie 
Ferro  et  une  Marguerite  Ferro  furent  marraines  de  plu- 
sieurs enfanls  de  verriers,  entre  autres  de  Jean  et  François 
Colnet. 

Tout  cela  démontre  bien  qu'avant  l'engagement  violé  par 
Léandre  Ferro,  en  1568,  les  siens  avaient  déjà  auparavant 
exercé  à  Liège  l'art  de  la  verrerie. 

Quant  au  fugitif  Léandre  de  la  Faire,  il  avait,  après  son 
retour,  épousé,  à  Liège,  Anna  Kenne,  et  un  sien  enfant  fut 
tenu  sur  les  fonts  par  Alexandre  Ponta,  en  janvier  1674. 

Pont  A  (i). 

Les  Ponte  n'existent  plus  à  Altare;  mais  ils  figurent  dans 
plusieurs  actes  concernant  cette  localité. 

D'abord  dans  les  lettres  patentes  de  Henri  IV,  citées  plus 
haut,  d'où  l'on  peut  induire  que  sa  mère  était  une  Saroldo. 

Un  Barthélémy  et  un  Alexandre  Ponta  sont  dénommés 
dans  l'attestation  de  noblesse  délivrée  aux  Saroldi  le  4  fé- 
vrier 1645  (rapportée  par  Fillon)et  dans  celle  du  6  juin  1662, 

(i)  Ou  Ponte. 


—  311   — 

en  faveur  des  Gastellani  (areliivos  do  LoforI).  Go  soiil  deux 
des  consuls  d'Altare 

Enfin,  nous  avons  vu  que  Jean  Caslellano,  celui  qui  s'éla- 
hlit  cà  Nevei's,  avait  épousé  une  Marie  Ponla.  Alexandre 
Ponta,  de  l'acte  de  naissance  du  fils  de  Léandre  Ferro,  est-il 
le  consul  de  r;m  lliOâ,  (|ui  serait  venu  à  Liège  en  1G74  et 
qui,  se  trouvant  de  passage  en  cette  ville,  aurait  servi  de 
parrain  à  renf.nit  de  Léandre  Ferro?  La  chose  est  d'autant 
plus  vraisemblable  que  c'est  la  seule  trace  retrouvée  de  lui 
à  Liège,  à  l'ét  st  civil,  et  qu'il  n'en  existe  aucune  dans  les 
contrats  de  notaires,  où,  il  est  vrai,  il  y  a  des  lacunes. 

iMassaro  (i). 

Encore  un  nom  d'Altare  relevé  par  M.  van  de  Casteele, 
mais  que  je  ne  connais  à  Aliare  que  par  les  déclarations  de 
noblesse  citées  ci-dessus  (2). 

Celle  de  1 045  mentionne  François  Massaro,  comme  notaire 
instrumentant,  et  Françoise  Massaro,  comme  marrain  >  d'un 
enfant  Saroldo. 

Je  n'ai  rien  trouvé  sur  les  Massari  établis  à  Liège,  en 
dehors  de  la  demande  formée  par  Sébastien  Massaro,  engagé 
à  Liège  par  ses  frères  François  et  Vincent  Massaro,  h  l'elTel 
(le  résilier  son  contrat  pour  pouvoir  entrer  dans  la  vie  reli- 
gieuse, sinon  qu'un  Octave  .\iassar(o?)  figure  coiniiie  maiire 
de  verrerie  dans  une  capitalion  anlérieure  à  1701,  citée  par 
M.  van  de  Casteele. 


(1)  Aussi  Masaro. 

(2)  M.  Mariaiio  Crondi  me  conimunitiue  leur  blason,  qui  est  couné  par  une  fasce 
de  gueules  (sic),  au  chef  d'azur  chargé  d'une  aigle  d'or  et  à  la  pointe  de  sinople, 
rharsiée  d'un  fer  de  laneod'or;  cimier  :  une  coquille. 


OiiKNO    (l). 

Les  Greni  sonl  oncorc  une  l'ainillf  d'Altarisles  île  prove- 
nance vénilienno;  lesGreni  abondent  dailleurs  en  Lombardie 
depuis  les  lemps  les  pins  anciens  (2).  Les  acles  des  paroisses 
d'Allare,  les  premiers  en  date  rpi'on  possède  (159^  à  Kll;)), 
mentionnent  déjà  lesGrcni  en  iriO.". 

C'est  bien  vraisemblablement  aux  Greni  qu'appartiennent 
Antoine  et  Baptiste  Grain,  dont  l'engagement  en  l():iO  est 
rappoi'lô  par  M.  van  de  Gasteele;  car  leui-  acte  d'engagement 
stipule  la  redevance  babituelle  aux  consuls  de  l'Altare,  et  à 
Altare  on  ne  connaît  pas  d'autre  nom  se  rapportant  à 
celui-là. 

Il  n'y  a  pas  limi  de  ratlacbcr  les  Greni  aux  Reni  (pii 
apparaissent  à  Liège  dès  le  commencement  du  wn*'  siècle; 
mais  il  n'est  pas  impossible  de  les  j.ippoi'ter  aux  Greny,  qui 
depuis  lOôl  jusqu'en  I(W)"2,  se  rencontrent  dans  les  registres 
de  Sainte-Vèronnc,  en  relation  avec  ceux  des  Glen,  Houhon, 
de  Wilré,  laiiiilles  alliées  à  celle  des  Bonbomiiie. 

Seulement,  il  l'audrail  considérer  ces  Greni  comme  ayant 
été  attacbés  i\cs  le  principe,  comme  les  Buzzone,  à  la  fabri- 
calion  i\o  Ileyne  et  Marins,  en  j(r2(>,  et  celte  bypotlièse 
est  coudtattue  par  le  l'ait  qu'aucun  des  nombreux  Greny  qui 
figurent  aux  aeles  110  |t(>rle  le  jni-nom  de  Baptiste  ou 
d'Antoine. 


(1)  Varianlês  :  (ii'cimit,  Cr.iin,  Cieni,  pciil-èlio  Creiii,  Crmier, 
{i)  Rens.  de  M.  Mmiuii.i  lînoNDi. 


r,ir,  - 


IkRTOLUZZl. 


Les  Bei1oluz/i  soiiihltiu  (rorioine  V(Miili<jiHK';  ils  sonl  on 
effet  menlionnés,  en  160.-),  sous  la  l'orme  Z/or/o/tm/ dans  le 
Livre  d'or  de  Murano  (i)  ;  mais  sous  la  forme  Bertololti,  on 
les  rencontre,  an  xvii'"  siècle,  dans  le  Livre  d'or  de  Savone  (u), 
non  loin  d'Allare,  et  aujourd'hui  ils  constituent  l'une  des 
douze  laniilles  encore  existantes  des  Monsu  d'Altare  (r,),  où 
ils  apparaissent  dans  les  plus  anciens  actes  paroissiaux 
encore  conservés,  dès  151)2  et  JoO;j  (4).  D'après  M.  Mariano 
Brondi,  les  Berlolossi  de  Venise  seraient  arrivés  à  Altare, 
au  XVI*  siècle,  pour  initier  les  Altarisles  à  certains  procédés 
de  l'art  du  verre. 

Des  Bertoluzzi  s'établirent  vraisemblahlemenl  à  Liège,  à 
la  même  époque  que  les  autres  Altarisles;  mais  la  preuve 
n'en  a  pas  été  trouvée  dans  les  actes.  Seulement  on  sait 
qu'il  y  a  à  Liège  plusieurs  familles  Uorloloci,  dans  laquelle 
il  y  a  encore  eu  un  mariage  le  20  avril  IHSi. 


Nous  savons  par  Biilïa  que  les  huit  familles  primitives  des 
Monm  d'Allare  étaient  les  Bordom",  Bnzzom',  Bormioli, 
Biancardi,  Brondi,  Rachclli,  Varaldi  et  Saroldi. 


(t)  Za.nf.tti,  Guida  di  Miiroim,  \>.  t208. 

(.i)  Girolanio  Hos>i,  Giornale  ur(tUUro-<ienealoijico  (lijiJomatko,  de  l'Aradt-iire 
liéraldique  de  l'isc,  aoi'it  1884,  n"  2,  p.  30. 
(s)  Bi'FKA,  L'I'iiiversila  deW  aile  vilreo  di  Allaie,  p.  Ô8. 
(*)  Ri-ns   di^M.  Mariano  Rr.o.Ni)i. 


—  5li  — 

Deux  de  ces  familles,  les  Buzzoni  et  les  Varaldi,  ont  eu 
(les  représentants  à  Liège  au  xvi"  siècle. 

A  ces  familles  vinrent  s'ajouter  par  la  suite  des  temps  les 
Berloluzzi,  les  Greni,  les  Lodi,  li's  Mirenghi,  les  Marini,  les 
Negri,  qui  existent  encore  aujourd'hui  à  Altare,  où  ils  ont 
fondé  la  nouvelle  association  coopérative  avec  les  représen- 
tants encore  subsistants  des  familles  primitives. 

Trois  de  ces  familles,  les  Greni,  Merenglii  et  peut-être  les 
Berlolozzi,  ont  contribué  à  la  renaissance  artistique  du  verre, 
au  xvii'  siècle,  à  Liège. 

En  outre,  il  a  existé  à  Altare  diflërenles  familles  advenlives 
de  Monsh,  familles  qui  y  sont  aujourd'hui  éteintes,  les  Negri, 
Somaglie,  Ponte,  Massari,  Gasiellani,  Ferri. 

Les  quatre  dernières  ont  fourni  des  gentilshommes  verriers 
aux  usines  des  Bonhomme  ou  sont  mentionnées  dans  des 
actes  relatifs  à  ceux-ci. 

Sur  vingt  familles  d'Altare,  neuf,  soit  près  de  la  moitié, 
ont  ainsi  leur  nom  attaché  à  l'industrie  liégeoise  à  la  façon 
italienne.  El  Altare,  comme  nous  l'apprend  Amati,  n'est  pas 
même  une  ville,  c'est  une  bourgade  de  1,700  à  1,800  âmes. 
Venise,  la  grande  cité,  n'a  pas  fourni  de  membres  d'autant 
de  ses  familles  de  gentilshommes  verriers  à  toute  la  Belgique 
qu'Altareà  la  seule  ville  de  Liège... 

il  serait  donc  bien  important  de  distinguer  parmi  les 
verres  fabriqués  aux  Pays-Bas,  les  verres  à  la  façon  d'Altare 
des  verres  à  la  façon  de  Venise. 

A  cet  effet,  la  Gommission  du  musée  royal  d'antiquités  de 
Bruxelles  a  institué  une  enquête  à  l'elTel  non  seulement  de 
distinguer  |>;irmi  les  beaux  verres  dits  de  Venise  de  ses 
collections  les  verres  belges  qui  n'y  sont  pas   mentionnés 


—  315  — 

jusqu'à  présent,  mais  encore  parmi  les  verres  belges  ceux 
qui  ont  été  fabriqués  par  (b-s  geiililsbununes  vcniers  origi- 
naires ou  de  Venise  et  Murano  ou  d'Altare. 

Si  la  façon  de  Venise  parait  avoir  prédominé  à  Anvers  et 
à  Bruxelles,  celle  d'Allare  a  été  sinon  exclusive  à  Liège,  — 
qui  a  compté  aussi  des  vei  i-iers  muranistes  dans  ses  usines, — 
au  moins  prédominante  ;  car  un  grand  nombre  de  contrats 
des  gentiisbommes  vénitiens  leur  imposent  la  condition  de 
travailler  aussi  à  la  façon  d'Allare  (i). 

De  plus,  la  façon  d'Altare  a  pénétré  nième  à  Bruxelles,  où 
nous  avons  vu  <|u'un  Castellano  était  allé  s'engager, 

M.  Mai'iano  Brondi  a  bien  voulu  accepter  la  mission  de 
recbereher,  non  |)as  seulement  à  Al  (are,  où  l'on  n'a  guère 
cliance  de  rencontrer  autre  cbose  (jue  des  verres  ordinaires, 
mais  dans  les  palais,  les  cbàteaux,  les  trésoreries  des  églises, 
|)ar  tout  l'ancien  Monlérrat  et  l'ancien  ducbé  de  Mantoue,  les 
modèles  de  verre  ancien  (jue  le  lieu  où  ils  ont  été  recueillis  et 
conservés  peut  faire  présumer  avoir  été  fabriqués  à  Allare. 

Si,  comme  on  l'a  annoncé,  l'exposition  universelle  d'An- 
vers de  1885  comprend  une  sectio.n  de  l'art  ancien,  j'ai 
vivement  engagé  M.  Mariano  Brondi  à  y  exposer  le  produit 
de  ses  recherches  {"i). 

Cela  sera,  il  faut  l'espérer,  le  point  de  départ  d'une  classi- 
(ication  méthodique,  dont,  il  faut  bien  l'avouer,  nos  musées 
et  collections  privées,  si  abondants  en  verres  artistiques, 
ont  été  privés  jusqu'ici. 

(0  Voir  ci-après. 

(î)  Quant  à  l'indusUic  d'aujourd'hui,  Altare y  prendra  égalenient  par(,  sur  mes 
instances,  et  outre  les  succès  qu'elle  est  appelée  à  recueillir  pQur  la  perfection  et 
le  bon  marché  de  ses  produits,  j'appelle,  comme  M.  Eiu.  de  Laveleye,  rallenlion 
sur  la  coopération  du  capital  et  du  liavail,  dans  les  statuts  des  verriers  d'Altare. 


—  510  — 

ll[.    VOCABILAIHC. 

Edidions  les  tenues  donl  les  verriers  du  xvn'  siècle  se 
seivaieiil  pour  leur  Aibricalion  el  ses  |>roduils;  peul-êlre  y 
irouveroiis-nous  des  rcnseii2,nenients  utiles  à  la  classidca- 
lion  el  des  expressions  bonnes  à  être  remises  en  usage. 

Mallieureuseinent  celle  étude  ne  nous  fournira  pas  encore 
de  quoi  distinguer  la  façon  de  Venise  de  celle  d'Altare;  car 
si  les  contrats  Cws  genlilsiiotnnries  verriers  de  Liège  rensei- 
gnent spécialement  le  «  verre  à  la  huequc  «  comme  une 
spécialité  des  Allarisles,  un  grand  nombre  de  ces  actes 
imposent  aux  Muranistes  et  Vénitiens  engagés  par  les 
Bonhomme  l'obligalion  de  travailler  à  la  façon  d'Altare,  en 
adjoignant  aux  venrs  «  à  la  buc(pie  »  toute  una  énuméralion 
d'autres  verres,  «  selon  le  nombre  que  les  Allarisles  font...  » 

Les  gentilshommes  verriers  vénitiens  Paul  Maciolao  el 
François  Santin  en  l(»;i;>,  Nieolas  Stua  en  IC'i.'J  el  lOCi, 
Francisco  Cingano  el  Francisco  Roda  en  1667,  s'obligè- 
rent ainsi  ii  Liège  à  travailler  à  la  laçcm  des  seigneurs  alla- 
risles. 

Cela  no  signilie  pas  (pie  les  verriers  muranistes  s'enga- 
geaient à  IravtiilItT  non  seiilenuMil  en  verrerie  line,  mais 
aussi  en  verrerie  plii>  itrdinaire;  cîii"  les  Bonhomme,  en 
dehors  el  à  côté  des  verreries  des  Italiens,  dites  de  cristal, 
en  possédaient  d'autres  où  ils  avaient  engagé  non  seulement 
des  verriers  du  pays,  mais  i\o^  Allemands,  des  Français  de 
Champagne,  de  Lorraine,  elc  ,  et  ils  se  seraienl  bien  gardés 
de  Wùi'ii  venir  (}v>,  (iivii'uns  de  Cènes  des  représentants  de  la 
mollié  des  faniille^  d'Altare,  s'il  se  lut  agi  de  leur  demander 
^••ulenl(  ni  *k'^  modèles  d»'  v(  rrc  ordinaii-c,  d'usage  quotidien. 


—   ."17   — 

Dire  aux  .Muranislcs  et  Vcnilicns  :  Vous  li-availlorcz  aussi 
bien  à  la  façon  tl'AUarc  que  de  Venise,  siuniliail  clone  :  Eu 
fail  d'ccuvres  artisli(|ues,  vous  no  vous  contenlere/  pas  de 
nous  donner  celles  de  volrc  pays;  vous  nous  lahriciuerez 
aussi  à  la  manière  d'AKare,  qui,  depuis  Buzzune,  en  lOtiri  et 
1626,  les  Casleilani  et  aulrcs,  de  1658,  a  conquis  laveur 
dans  le  goût  liégeois. 

Pour  déterminer  la  valeur  des  verres  indistinctement 
fabriqués  par  les  Uonbomme,  on  peut  prendre  les  élémenls 
suivants  ; 

1"  Un  acte  de  parlage  de  l<J,")!>,  où  les  deux  frères 
conviennent  du  prix  des  marcliandises  en  magasin; 

T  Une  échelle  de  pi'oporlion  établie  dans  le  même  acte, 
où  un  nombre  déterminé  de  telle  ou  (elle  classe  dobjels  est 
donné  pour  100  verres  de  cristal  ; 

ô"  Enfin  le  salaire  des  ouvriers,  (jui,  d'après  la  compa- 
raison de  cerlains  éléments,  peul  être  évalué  au  (juart  du 
prix  de  venle  (ainsi  le  verre  à  serpeni,  vendu  li  paltars, 
élait  payé  à  l'ouvrier  1  llorins  les  iii,  soit  ô  I/o  pallars  pièce). 

L'on  obtient  aih>i,  en  ramenant  les  prix  uniformémcnl  par 
cent  pièces  in  : 

rioiiii;.         l'altnr». 

Gros  verres  simples.         ...  3         10 


(i)  Les  ;t|'pi'oxiiii;ilioiis  soiil  iiianiuccs  par  une  astérisque;  il  semble  <)ue  dans 
cette  liitic  (lu  capital  avec  le  salaire,  on  tmdait  tleja  à  irJuirc  lehr-ci  autant  que 
possible;  d'm  les  eliiiïrcs  approxiuialils  doivent  plutôt  élrc  renforiTs  que  réduits. 
Car  en  lOG"  cl  1069,  les  Boidumiine  ne  pavaient  p'us  à  leurs  ouvriers  qu'un 
patacon  pour  160  verres  à  l)iL're,  1-20  id.  lioôcs  au  \iu,  110  id.  à  bucK,  7u  id.  a 
vit),  -24  id.  à  serpent,  18  id.  ii  bétes,  i-2  a  (leurs;  or  il  est  impossible,  par 
exemple,  ([ue  les  verres  à  seipeni,  vendus  au  public  70  11.  le  cent  en  IGoii,  ne 
valussent  (dus  douze  ans  idus  tard  qn'inviron  20  fl.;  d-  même  pour  les  verres  a 
bêles  cl  a  llour.*,  qui  devaient  efûlpr  i/">  ou  V^l  en  plus. 


318  — 


Beckers  à  bierre;  vihoz    . 
Verres  simples 
Verres  blancs . 

*  Verres  à  bierre  à  ondes   . 

»  à  escarbolle 

*  »  à  côles 

»  glacés  cl  moulés 

»  coupés  à  ondes 

*  Verres  à  buck 

*  Verres  à  bierre  el  à  vin  unis 
Reumers  verts 
Verres  verls  au  vin  . 
Verres  de  ci-istal 
Tassettes  à  contilures 
Demi-flùles  ou  restillons 
Verres  ;i  la  vénitien  ne 
Flûtes  ordinaires 
Bouteilles  de  Spa 
Grandes  maslerleltes 
Verres  à  boutons  à  la  façon  de  L 
7o  Beckers  lisses  el  25  glacés 
Basses  coupes  lisses. 
Beckers  moulés 

Flûtes  ordinaires 

Verres  à  l'anglaise  à  lu  bière  ; 


règles 


Ciboires  lisses. 
Verres  à  serpenl 
Coupes  loumassines . 
Coupes  il  trois  piliers 


nie 


deux 


orins. 

Paltars 

3 

15 

5 

6 

!!2 
13 
13 
14 
15 
10  à  K> 

20 


30 
55 
41 
4S 


OU 
02 

70 

KO 


10 


-  ÔIO  — 

riurlii-. 

Verres  à  bclcs.         ....  llKi 

i*ossins  cl  sinclles,  uuriiiuls       .         .  h2(i 

Verres  à  fleurs         .        .        .        .  l'iO 

Bocaux  à  deux  cols  .        .         .         .  :2i(i 

Coupesloumassiiies  à  un  ser|iL'iil        .  ^^iO 

La  j»Uis  chère  des  pièces  rabri(|uécs  au  wi*  siècle  par 
les  Bonhomme  coùlail  donc  "2  florins  10  pallars... 

El  dire  (ju'aujourd'hui  lIgs  pièces  qu'on  pouvail  alors 
se  procurer  à  meiflcur  marché  encore,  atlcignenl  dans  les 
vcnles  plus  que  la  cenlaine  des  plus  coûteuses  d'alors,  même 
en  lenanl  compte  de  la  différence  de  valeur  de  l'argcnl! 

Il  était  important  de  mettre  en  j)résence  lès  prix  des 
verres,  pour  se  rendre  compte  de  leur  importance  relative; 
cela  éclaircira  d'autant  le  vocabulaire  que  voici  en  ordre 
alphabétique,  avec  des  jwints  d'interrogation  entre  paren- 
thèses pour  les  poiiits  non  encore  éclaircis  (i)  : 

Allemands  (verres),  aussi  nommés  :  «  gros  allemands  ». 
Dénomination  générale  comprenant  sans  doute  non  seule- 
ment les  verres  verts  à  vin,  les  rhcumers,  mais  les  verres 
à  metlrc  en  couleur  ;  un  verrier  Furnon,  qui  dirigeait  une 
verrerie  allemande  au  quai  de  Fragnée,  s'était  astreint  à  une 
clause  (jui  ne  se  rencontre  pas  dans  les  contrats  des  Altaristes 
el  Muranistes;  il  devait  s'interdire  de  faire  aucun  verre 
émaillé,  pour  son  compte  ou  pour  celui  d'autrui.  On  croit 


(i)  Les  ronscib'ncniciUs  qui  suivcnl  sont  L'iiiprunlos  àCtauLTii,  Dclle  origine 
e  dello  svolgimcilo  MV  nrle  vetraria  Muruiiese;  id  ,  Monoyrafi'i  délia  veiraria 
Yeiteziana  e  Muranese ;  Zaneiti,  Guida  de  Murano;  Savary,  Dictionnaire  de 
commerce;  Encijcloiièdie  (arts  et  métiers),  in<lcpoiitiamuiciit  de  ceux  (|ue  je  dois  à 
M.  Mariano  Brondi,  d'Altarc,  etc. 


—  0^20  - 

avoir  reiiian|u6  (|uc  le  verre  éinaillé  labriqiié  en  Belgi(|U(', 
à  riiiiitalioii  de  ceux  d'AlIcniagne,  se  signale  par  des  repré- 
sentations de  branches  de  muguet,  comnfie  on  peut  en  voir 
un  exemplaire  au  Musée  d'Audenarde,  datant  de  la  lin 
du  XVI*  siècle. 

Anglais  (verres  h  Tanglaise).  Les  contrats  portent  «  verres 
à  l'anglaise  à  la  bière  à  deux  règles  »  (":'). 

Becken;  bierre  Beckers  ou  Bechers,  nom  llamand  ou  alle- 
mand des  verres  à  bière;  pareils  produits  rentrent  dans  la 
catégorie  de  ceux  (|u'on  confectionnait  en  la  verrerie  de 
Fragnée. 

Bêles  (verres  à).  Ce  sont  sans  doute  des  verres  où,  en  1 069 
(contrat  des  verriers  Marins  et  Santino),  l'industrie  des 
Ijonhomme,  trente  ou  quarante  ans  après  ses  débuts,  essaya 
d'introduire,  dans  l'ornementation  de  la  tige  des  vases,  des 
représentations  d'animaux,  de  fleurs.  ïurgan  lait  remarquer 
à  ce  propos  que  les  verres  à  bêles  et  à  Heurs,  si  c'est  bien 
de  ceux-là  qu'il  s'agit,  étaient  exposés  à  tous  les  caprices  de 
la  fusion,  et,  par  conséquent,  à  des  variétés  infinies,  parce 
que  l'artiste  était  forcé  instantanément  de  modifier  son 
œuvre  et  de  transformer  un  cygne  en  dauphin,  une  rose  en 
une  autre  fleur. 

Bocals  à  deux  cols.  L'expression  n'offre  pas  d'ambiguïté; 
mais  que  signifient  ces  deux  cols?  Sont-ce  des  vases  à  deux 
orifices,  comme  les  flacons  doubles  pour  huile  el  vinaigre? 
Bouteilles  à  eau  de  Spa.  Ce  geni-e  appartient  à  la  fabrica- 
tion des  gros  verres  :  M.  Albin  liody,  l'historiographe  de 
Spa,  n'aura  pas  de  peine  à  retrouver  la  forme  des  récipients 
d'eau  de  Spa  au  xvii"  siècle.  Rabelais  (I,  o  :  t  les  propos 
des  buveurs  »)  dislingue  entre  bouteille  el  flacon  :  «  bouteille 


—  3-21   — 

est  fermée  à  houcliuii  et  (laccoii  ;i  viz  »,  (li>liiirli()i)  t|uc 
Taboiiiol  répèle  dans  ses  Bigarrures. 

Boulons.  Les  verres  à  deux,  à  (rois,  à  (jualif  Itoulons, 
porlaient  aussi  le  nom  de  «  verres  à  35  llorins  le  cenl.  »  On 
les  demandait  surtout  à  Lille  :  il  esl  à  croire  qu'outre  une 
l'orme  eléterminée,  en  laveur  dans  celte  ville,  on  ornait  ces 
verres  de  pastilles  de  verre  do  couleur  en  relief,  qui  y  ligu- 
raieiil  des  boutons;  de  nombreux  produits  [>résenlent  en 
effet  celte  particularité.  Les  verriers  italiens  n'employaient 
guère  que  la  canne,  le  pontil  (voir  au  mol  concerre),  les  pin- 
cettes et  les  ciseaux  ;  ils  ne  se  servaient  de  moules  que  pour 
estamper  des  ornements  accessoires,  comme  les  boulons  dont 
il  s'agit  sans  doute  ici.  Cependant,  dans  le  langage  en  usage 
aux  derniers  siècles,  Savary  nous  apprend  que  les  verres  à 
pied  se  composaient  de  trois  parties  :  la  coupe  ou  calice,  le 
boulon  et  la  patle;  les  verres  à  deux,  Irois  boulons,  pour- 
raient donc  bien  avoir  été  des  verres  à  boulon  double,  trij)le, 
comme  un  verre  que  représenle  Yriarle,  et  dont  plusicnirs 
spécimens  ont  été  conservés  à  Liège.  Certaine  expression  du 
contrat  de  16oo  .  «  verres  à  (|ualre  boulons  el  les  anses 
dt^ssus  à  la  façon  de  Lille  »,  fait  supposer  que  certains  de  ces 
vases  à  boutons  avaient  deux  anses. 

Branches  (verres  avec).  S'il  s'agit  d'un  genre  d'orne- 
ments en  guise  de  branchage,  je  ne  me  souviens  pas  d'en 
avoir  vu  de  spécimen. 

Bur-k  (verres  à),  dits  aussi  à  la  buque.  En  flamand  buik, 
en  allemand  Bauch,  en  italien  Ouccone,  sont  des  expressions 
se  rapportant  au  venlre;  les  verres  à  buck  sont  donc  des 
verres  pansus,  el  l'expression  est  comprise  à  Altare,  d'où 
-M.  Mariano  Brondi  m'écrit  en  me  donnant  la  forme  de  ces 


—  r,>22  — 

verres  (|ui  n'uni  pas  de  pied,  mais  dunl  la  panse  s'élargil 
comme  celle  dos  tonneaux  :  ces  verres  élaienl  une  spécialité 
des  Allarisles. 

CliaîncUes  (verres  à).  Dans  la  nomenclature  des  prix 
ci-dessus,  les  verres  à  chainclles  remplissent  un  rôle  secon- 
daire. Sinon  on  pourrai!  songer  à  des  verres  où  les  anses 
cl  les  ornements  du  pied  sont  rattaches  par  des  chainclles  de 
verre  coloré,  formées  d'anneaux  mobiles  :  un  verre  de  co 
genre,  à  chainelles  en  verre  bleu,  a  l'ié  accpiis  récemment  à 
Liège  par  le  musée  de  Diisseldorf, 

Cibors.  Ciboires,  coupes, 

Concerre,  Rimondo  Carnclle  s'engagea  vis-à-vis  des  Bon- 
homme (acte  du  (>  mars  1G51)  à  «  faire  le  concerre,  comme 
à  njaitre  conseur  appartient.  »  Gliarpie  verrier  avait  i)Iu- 
sieurs  aides,  quatre  aides  (izatori  (pour  alliscr  le  feu)  cl  un 
conzaiirer,  armé  d'un  pontil,  appelé  conzaura  (\).  C'est  à 
cela  sans  doute  qu'il  est  fait  allusion. 

Côles,  demi-côles  (verres  à).  On  ne  peut  guère  se  ligurer 
ces  verres  (pie  comme  représentanl  soit  un  melon,  soil  un 
demi-melon,  dont  les  cotes  resscmbleid  juscpi'à  un  cerlain 
l)oint  aux  godrons  verticaux  des  verres  i-omains;  il  faut 
attendre  (ju'un  spécimen  ou  un  fragment  trouvé  à  Liège 
justilic  la  supposition. 

Coupes.  Une  disliiiclioii  est  à  établir,  semblc-t-il,  entre  les 
coupes  et  les  sinqiles  verres  ou  gobelets  ;  ceux-ci  n'uni  pas 
de  pied,  tandis  que  les  autres  ont  les  trois  parties  citées 
ci-dessus  :  la  coupe,  lu  boulon  cl  la  patte.  Le  nom  de  coupe 
se  donnait  sans  doute  au  vase  lui-même.  Ce  qui  porte  à  dis- 


fi)  Ti-liCAN,  l.cil.,  IX,  p.  08. 


.•)2io 


tinguer  les  coupes  des  verres,  est  la  diiïérence  de  prix  assez 
notable  signalée  ci-dessus  entre  les  verres  et  les  coupes  à 
serpent.  Les  coupes  se  distinguent,  d'après  leur  forme  plus 
ou  moins  élancée,  en  hautes,  basses,  etc. 

Cristals,  cristallins.  Tel  était  l'objet  tie  la  fabrication  (ks, 
Italiens  à  Liège,  tant  Altarisles  que  Muranistes  ;  les  verreries 
où  ils  travaillaient  portaient  le  nom  de  4  verreries  decristals». 
Tandis  que  l'expression  de  cristal,  cristallin,  se  rencontre 
partout  dans  les  contrats  des  Italiens,  Salviali,  au  témoi- 
gnage d'Yriarte,  voudrait  qu'on  réservât  l'expression  de 
verre  aux  produits  italiens  et  qu'on  aj)pelàt  cristal  ou  verre 
cristallifié  celui  des  manufactures  étrangères.  La  proposition 
a  quelque  fondement  :  le  cristal,  combinaison  où  entre 
l'oxyde  de  plomb,  était  connu  des  Romains,  et  le  secret  n'en  a 
été  retrouvé  qu'au  siècle  passé.  Le  cristal  et  les  cHstallins 
des  Vénitiens  et  Altaristes  sont  simplement  du  verre  que  les 
Italiens,  par  un  secret  qui  leur  était  propre,  étaient  parve- 
nus à  dégager  de  la  nuance  verdàlre  qui  se  signalait  dans  le 
verre  des  autres  pays.  Gela  sans  doute  en  introduisant  déjà 
du  plomb  dans  la  fritte  :  en  effet,  on  a  remarqué  dans  les 
actes  de  1C2G,  cités  ci-dessus,  que  les  Italiens  faisaient  usage 
de  «  terres  plombées  »  pour  la  fabrication  de  ce  qu'ils  appe- 
laient a  cristal  »  ou  «  cristallin  »;  mais,  comme  ils  recher- 
chaient la  légèreté  pour  leurs  produits,  ils  affectaient  de  ne 
pas  admettre  à  dose  trop  grande  le  plomb  dans  leurs  verres. 
De  là,  le  verre  de  Venise  ancien  n'est  pas  parfaitement  inco- 
lore; il  est  toujours  un  peu  grisâtre,  et  sa  légèreté  est  duc 
;i  la  quantité  très  petite  de  minium  qu'il  contient  (1).  Dans  le 

(1)  TUROAN,  IX,  p.  78. 


—  324  — 

«  cristal  »  moderne,  au  contraire,  l'oxyde  de  plomb  est  inlro- 
diiif  à  doses  systématiques,  ce  qui  augmente  la  pesanteur 
spécifique  des  produits  et  l'ur  transparence  incolore. 

Émail.  Le  verre  émaillé,  comme  celui  de  Fiirnon  (voir 
plus  haut)  était  du  verre  en  général  verdàtre,  sur  lequel,  en 
Allemagne  et  aussi  à  Liège,  on  peignait  en  émail  différents 
sujets  avec  plus  ou  moins  de  finesse.  Mais,  par  émail  et 
émaux  de  diverses  couleurs,  il  faut  entendre,  sans  doute,  le 
verre  coloré  dans  la  masse,  comme  on  le  lit  dans  le  recès 
de  1626,  pour  les  Heyne  et  Marins,  ainsi  que  dans  le 
contrat  de  Rimondo  Carnelle  daté  de  1651,  où  l'expression  : 
«  faire  émail  »  s'explique  par  celle  de  «  mettre  le  cristal  en 
brune  couleui'  », 

Escarbotte  (verre  à).  L'escarbot,  qui  sans  doute  a  donné 
son  nom  à  ce  genre  de  verre,  est-il  le  coléoptère  de  ce  nom, 
l'animal  de  La  Fontaine,  dont  il  dépeint  la  lutleavec  l'aigle, 
ou  bien  est-il  le  vulgaire  escargot?  En  Normandie,  d'où,  par 
bypothése,  proviennent  les  verriers  d'Allare,on  dit,  au  témoi- 
gnage de  Lacurne  de  Sainte-Palaye,  escarbot  pour  escargot; 
d'où  esprit  d'escarbot,  terme  d'injure,  et  l'on  semble  d'accord 
pour  considérer  le  jeu  de  Gargantua  enfant  :  Escarbot  le 
brun,  comme  ayant  reçu  son  nom  de  l'escarbot  -=  escargot. 
Dans  ce  cas,  le  verre  h  escarbotte  serait  tout  simplement  le 
verre  en  spirale,  et  l'on  en  a  conservé  à  Liège  un  très  grand 
nombre  où  la  coupe  conique  est  revêtue  à  l'extérieur  de  fins 
replis  en  hélice.  Cette  supposition  est  autorisée  par  le  prix 
minime  des  verres  à  escarbotte.  11  est  à  remarquer  toutefois 
que  Rabelais  fournil  imssi  l'expression  escarbotter,  pour 
éparpiller  conmie  le  font,  pour  les  matières  (|u'ils  fouillent, 
les  escarbots  =  scarabées. 


—  5^25  — 

Fleurs  (verres  à).  Celte  expression  s'enlend  sans  flou  le, 
non  d'un  porte-houquet,  mais  d'un  vase  orné  de  tlcurs  au 
pied  :  le  Musée  royal  d'antiquités  de  Bru\eilos  en  possède 
un  très  bel  exemplaire. 

Flûtes,  demi-flùtes,  grandes  el  doubles  tlùles.  Cela 
concerne  sans  doute  les  verres  allongés  plus  ou  moins 
coniques,  comme  nos  verres  à  Champagne,  qui  en  ont  conservé 
le  nom  dans  le  langage  familier;  d'où  l'expression  fhVer  le 
vin.  La  /lùle  à  boire  le  vin  se  retrouve  dans  un  pi'overbe 
rapporté  par  Rabelais  :  «  il  souvient  toujours  à  Robin  de 
ses  fleules  »,et  l'on  est  d'accord  pour  voir  dans  cette  expres- 
sion une  allusion  aux  flûtes  que  Robin  a  trop  vidées  et 
auxquelles  il  doit  sa  goutte.  C'est  sans  doute  le  vin  de  Cham- 
[lagne  qui  a  amené  l'usage  des  flûtes.  Or,  ce  vin  était  connu 
au  xvi"  siècle  :  une  tradition  rapporte  que  Charles-Quint, 
François  1",  Henri  VIII  et  le  pape  Léon  X,  possédaient 
chacun,  à  Aï,  un  clos  avec  un  vigneron  à  ses  gages  pour 
lui  envoyer  tous  les  ans  une  provision  de  ce  vin  pétillant. 
En  hollandais,  on  dit  également //////  pour  désigner  un  verre 
élancé  (i). 

Fritte;  faire  fritte  est  une  opération  à  laquelle  s'engagent 
certains  verriers  de  Liège.  Fritta,  qui  vient  de  friccia 
(renseignements  de  M.  Brondi),  est  une  expression  italienne 
pour  indiquer  la  matière  calcinée  dans  la  corime  et  formant 
la  masse  vitrifiée  soumise  à  l'action  d'un  feu  plus  violent  où 
le  soufllcur  cueillera  ce  qui  est  nécessaire  à  la  fabrication. 


{<)  Kn  voir  le  dessin  sur  un  uiéreau  rlf  ^VnUMbtnWii  {lievue  belge  de  niiinisma- 
tique,  1874,  p.  5o)  :  un  sait  que  .Middelbouii;  a  ^ossétié  une  veci'crie  a  Tita- 
lienne.  {linll.  des  Comm   roij.  d'art  et  d'nrchéol ..  XXFIl.  p.  19.) 


—  Ô2fi  — 

C'est  ainsi  que  l'expliquenl  aussi  Cecclietli  et  ZancUi  ; 
Savary  l'a  consacrée  en  français  pour  désigner  soil  l'opéra- 
lion  de  la  calcination,  soil  le  produit  de  celle-ci. 

Glacés  (verres).  Celle  expression  est  opposée  dans  les 
contrais  àcelle  de  verres  «  lisses  ou  pas  glacés  »  que  semblent 
indiquer  certains  actes,  comme  ayant  une  valeur  trois  fois 
moindre.  On  peut  sup))0ser  qu'il  s'agit  du  ke-glass,  verre 
dont  la  surface  a  l'air  d'être  congelée,  comme  on  en  a  repris 
la  fabricalion  de  nos  jours.  Cependant  d'autres  actes  assi- 
milent complètement  pour  le  prix  les  verres  lisses  et  les 
verres  glacés. 

Haling.  L'expression  se  trouve  dans  cette  phrase  : 
«  faire  frittes,  haling,  mettre  le  verre  en  couleur...  »  (?). 

Lisses  (verres).  Voyez  le  mot  glacés. 

Masterleltes.  Mastello  en  italien,  veut  dire  bassin,  d'où  le 
diminutif  ?;ifts/e//e//o.  M.  Brondi  m'écrit  que  l'expression  est 
encore  en  usage  à  Altare,  et  Cecchelli  cite  les  masietlelli 
parmi  les  objets  que  les  verriers  employaient  à  la  fabricalion 
des  verres  à  boire,  devaient  savoir  fabriquer  pour  obtenir  la 
mailrise.  (Voy.  Oncles.) 

Olives.  L'expression  était  aussi  employée  à  Venise,  où 
les  mailres  avaient  à  fabriquer  des  «  Gotli  del  Principe  à 
oliva  »,  des  «  Goiti  de  Cipra  con  gamba  oliva  « .  Les  coupes 
lisses  à  l'olive,  les  verres  à  haute  olive  dont  parlent  les 
conirals  liégeois,  concernent  sans  doute  les  verres  dont  la 
jambe  (gamba)  avaient  la  forme  d'une  olive.  Cecchelli  nous 
apprend  qu'à  Venise  les  «  olivettes  »  se  faisaient  dansjes 
fourneaux  à  émail  et  pâtes  en  canne  ;  mais  il  s'agit  là 
d'olivettes  en  verre  citron  ou  blanc  pour  les  sauvages  d'Amé- 
ri(|iie  on  hs  noirs  (rAIVi((ii(;  (la  verroicric  des  voyageurs), 


—  V27  ~ 

et  cela  semble  ne  rien  avoir  de  commun  avec  les  verres  à 
olive. 

Ondes  (verres  à),  verres  coupés  à  ondes.  L'onde,  d'après 
Savary,  est  un  défaut  de  la  fabrication  qui  rend  vacillanUîS 
l'image  des  objets  qu'on  regarde  à  travers  le  verre  affecté  de 
ce  vice  ;  mais  ici  il  s'agit  d'un  effet  semblable  recherché  par 
le  verrier,  à  l'instar  du  rcsic  de  Venise,  qui  comprenait 
notamment  un  «  maslellello  àw^j(/rt»  parmi  les  chefs-d'œuvre 
pour  obtenir  la  maîtrise. 

Ourinal.  Il  ne  s'agit  pas  ici,  sans  doute,  du  vase  d'usage 
vulgaire  auquel  ce  nom  fait  penser,  car  Cecchelti  nous  cite, 
toujours  parmi  les  types  de  chefs-d'œuvre,  les  vases  suivants  : 
«  grosso  orinal  con  suo  capello  ;  oiinal  de  bagno  maria  con 
suo  capello  ;  orinal  pisano;  orinal  col  lavro  grosso  » ,  ou  «  col 
labro  con  duc  mani  di  laltiino  nell  oro.  »  Ces  différenis 
accessoires  indiquent  qu'il  s'agit,  d'une  manière  générale, 
de  vases  de  verre  d'assez  grande  dimension,  comme  on 
appelait  ourinal  en  alchimie  le  fourneau  dans  lequel  se  cui- 
sait et  digérait  l'œuf  hermélique. 

Pillfirs  (verres  à  trois).  Le  nom  s'explique  de  lui-même  : 
piliers  =  piliers;  mais  ce  genre,  (jui  était  des  plus  coûteux 
(voir  ci-dessus),  n'est  représenté  dans  les  collections  par 
aucun  spécimen  à  moi  connu. 

Possins  (et  non  pessens).  Ce  nom  (posson,  possinet),  en 
wallon  liégeois),  est  synonyme  de  burette  (i). 

lieisne  (verres  à  pâlies  de).  Ce  genre  de  fabrication 
apparaît  .seulement  en  IGCO  et  principah^ment,  si  non  e.xclu- 
sivemenl,  il  s'applique  à  des  verres  à  bière  qui  ('taieMl  sans 


(i)  Ri'MACil",  1ti<:!iotinfiin  wulto)!. 


—  5-28  — 

doute  appuyés  sur  trois  supports  en  forme  de  pattes  de 
grenouillo  (reisnc  =  rana,  grenouille). 

Résinions.  L'expression  semble  être  indiquée  dans  les 
acies  comme  synonyme  de  demi -flûte.  Resliel  en  vieux 
français  signifie  herse,  ce  qui  ne  fournil  aucune  aide  pour 
l'explication  du  terme. 

liheumer,  rliemeur  et  autres  variantes  du  mot  allemand 
Romcr,  qui  signifie  bocal  et  qui  indique  aussi  communément 
le  verre  à  boire  le  vin  du  Rhin,  ayant  déjà  alors  la  forme 
encore  en  usage,  comme  on  le  voit  par  certaines  représen- 
tations du  xvu^  siècle  (i). 

Le  rheumer  vert  doit  cependant  être  distingué  du  verre 
vert  à  vin;  car  les  deux  genres  sont  cilés  dans  les  actes,  l'un 
à  côté  de  l'autre;  mais  quelle  est  la  dislinclion  à  établir 
entre  eux? 

Serpenl  (verres,  coupes  à).  Quoi  qu'on  dise,  en  général, 
dans  les  contrats,  «  à  un  serpent  »,  au  singulier,  il  y  a  lieu 
])robabk'ment  d'appliquer  l'expression  aux  coupes  dont  la 
tige  est  formée  de  deux  serpents  à  crête,  s'enroulant  capri- 
cieusement l'un  dans  l'autre  (les  Fluegelylaeser  des  Alle- 
mands, les  verres  à  ailettes  ou  ailerons  des  Français).  Mais 
y  a4-il  aussi  des  verres,  c'est-ù-dire  des  gobelets  sans  pied, 
avec  des  serpents?  Les  «  verres  à  serpenl  »  sont  classés 
parmi  les  verres  de  forme  extraordinaire;  ils  appartiennent 
donc  à  la  même  série  que  les  verres  à  fleurs,  à  bêtes,  fabri- 
qués postéi'icuremenl. 

Sinelles.  Expression  qui  semble  donnée,  sinon  comme  syno- 
nyme (ou  diminutif?)  de  possin,  au  moins  comme  présentant 

(<)  Voy.  un  Rômer  (à  boutons  ou  petits  mascarons)  sur  une  médaille  de  1621, 
Rei'ue  behie  de  iiumhnidtiqiie,  1876,  pi.  VFII,  (!:,'.  25. 


—  ?>21>  — 

de  l'analogie  avec  cet  objet  :  k's  sinelles  appartiennent  donc 
sans  doute  à  la  classe  des  burettes  ou  vases  de  petite  dimen- 
sion. Sinelles  ne  serait-il  pas  cependant  l'i'quivulentde  snelle, 
srhnelle,  qui,  en  flamand  et  allemand,  indiquent  un  vase  à 
boire  de  forme  cylindri(jue  allongée?  En  vieux  français, 
sinaille  signifie  un  manche  ou  un  brandon  ;  encore  une  fois, 
il  n'y  a  rien  à  tirer  de  là. 

Sonnclles  (verres  à).  Sans  doule  des  verres  à  deux  coupes 
opposées,  dont  l'inférieure  porte  un  battant  pour  la  faire 
servir  de  clochette  :  on  en  a  vu  paraître  un  spécimen  à  une 
vente  récemment  opérée  à  Liège. 

Cependant  une  phrase  des  contrats  de  1G67  et  16G9  tend 
à  faire  croire  que  le  verre  à  sonnelles  était  simplement  une 
variété  un  peu  plus  difficile  à  elïecluerque  le  verre  à  bière  or- 
dinaire :  «  un  palacon,  toutes  sortes  de  voire  à  la  bière  :  cent 
et  soixante,  à  la  réserve  de  ceux  à  sonnettes  :  cent  et  dix.  » 

Tassetics  à  confiture  rebordées,  analogues  sans  doute  à 
nos  pots  en  verre  de  môme  usage  :  leur  forme  était  sans 
doute  aussi  simple;  car  on  comptait  parfois  deux  tassettes 
pour  un  verre,  ou  au  moins  trois  iassetles  pour  deux  verres. 

Toumassines  (coupes).  Basses  coupes  toumassines;  coupes 
loumassines  à  un  serpent  (?). 

Visez.  Dans  la  phrase  suivante  de  l'acte  de  partage  de 
1Gj5  :  «  les  haultes,  que  l'on  appelle  bière  beckers,  et 
visez  (pcuit-ètre  vilwz??).  (?) 

Certaines  expressions  pourraient  sans  doute  être  expli- 
quées par  le  patois  en  usage  en  Normandie,  où,  je  l'ai  déjà 
dit,  est  pour  moi  le  berceau  des  Altaristes;  mais  je  n'ai  pu 
me  procurer  jusqu'à  présent  ni  les  vocabulaires  normands 
de  MM.  l'abbé  Decorde,  Léon  Dubois,  Edelesland  et  Alfred 


—  Ô3()  — 

Duméril,  Le  Ilérichcr,  Métivier,  Jorel,  non  plus  que  l'ouvrage 
de  0.  Le  Vaillant  de  la  FielTe  (les  Verreries  de  Normandie, 
les  gentilshommes  et  artistes  verriers  normands,  Rouen, 
1875),  que  M.  l'alibé  lîoulillier  me  signale  comme  important. 

L'énuméralion  étendue  et  détaillée  qui  vient  d'être  pré- 
sentée ne  comprend  pas  certains  verres  que  Ton  considère 
comme  liégeois. 

Tels  sont  les  verres  «  fré^s  »  dont  j'ai  déjà  eu  occasion 
de  parler,  quoicpron  en  trouve  avec  serpents  ou  ailerons, 
circonstance  qui  pourrait  tendre  à  leur  attribuer  quelqu'une 
des  expressions  ci-dessus  inexpliquées,  comme  celle  de 
coupes  loumassines. 

Tels  sont  encore  les  verres  à  boulon  ou  lige  cylindrique 
contenant  des  spirales  de  filaments  de  verre  de  couleur  où  se 
monircnl  isolés  ou  mêlés  le  blanc,  le  rouge,  le  verl,  le  bleu, 
le  jaune.  Depuis  l'exposilion  de  1880,  on  les  appelle  «  verres 
à  pied  vermicelle,  »  et  des  renseignements  puisés  dans  les 
inventaires  de  famille  du  comle  van  den  Sleen  de  .leliay, 
tendent  à  leur  faire  donner  le  nom  de  Valzolios  :  le  mariage 
de  Jean-Maximilien  de  Bonhomme  avec  AnneValzolio  n'ayant 
eu  lieu  qu'en  1G72,  c'est-à-dire  depuis  les  actes  analysés 
ci-dessus,  daterait  par  là-même  d'une  époque  postérieure  à 
la  création  de  ce  nouveau  genre  en  usage  seulement  depuis 
la  lin  (lu  wir  siècle. 

Tels  sont  encore  les  verres  gravés,  dont  l'industrie  îles 
Bonliomme  jusqu'à  la  même  époque  ne  parait  jias  s'élre 
occupée,  quoique  l'invention  de  la  gravure  sur  verre  remonte 
à  IfiOT  Cl),  et,  en  elTel,  Ions  les  verres  gravés  connus  qui 

(i)  I.AhAinr,  /.  lit.,  IV   I'.  :>'|J. 


|)or(cii(  des  anuuiries  liégeoises  se  rappurleiil  ;i  îles  pei'sun- 
nage  plus  récents. 

Il  en  serait  de  même  enfin  des  lasses  et  soucoupes  en 
veiTO  cmaillé  ou  doré,  dont  on  rencontre  un  certain  nombre 
dans  les  collections  liégeoises,  et,  (juand  elles  sont  en  verre 
blanc  mal,  qu'on  distingue  de  la  porcelaine  à  laide  de  la 
trace  du  ponlil  (ou  attache  brisée  de  la  canne  du  \errier) 
qui  se  trouve  à  la  partie  inférieure,  tandis  que  le  fond  est  uni 
au  tour  pour  la  porcelaine. 

Il  est  à  espérer  que  les  éludes  continueront  dans  ce  sens, 
et  permettront  un  jour  —  l'heure  ne  semble  pas  avoir  encore 
sonné  —  de  distinguer  et  de  classer  les  verres  de  diverses 
provenance  : 

Les  verres  italiens  provenant  d'Italie; 

Les  verres  allemands  j)rovenant  d'Allemagne; 

Les  verres  à  la  faron  de  Venise,  d'Allare,  ou  d'Allemagne, 
fabriqués  aux  Pays-Bas. 

Ll  entin,  parmi  ceux-ci,  les  verres  fabriqués  dans  difle- 
rentes  villes  de  la  Belgique  actuelle  :  Anvers,  Bruxelles, 
Liège,  lluy,  Namur,  auxquelles  j'aurai  à  ajouter  aussi  (land, 
où  je  montrerai  ullérieuremeni  (ju'on  a  aussi  érigé,  mais 
seulement  au  xvfii*  siècle,  des  verreries  de  cristal. 

J'ai  l'honneur,  etc. 

II.  SciIUEr..M.\NS. 

Liège,  septembre  I88L 


l\  S.  Ajouter  à  la  dernière  phrase  non  seulement  Gand, 
mais  encore  Chàtelet,  près  de  Charleroi  : 
Voilà  f|u'au  moment  d'émettre  le   «  bon  à  tirer,  »  je 


ÔOli 


découvre  dans  les  Conclusions  capilulaires  (Archives  de 
Liège,  Reg.  liH,  p.  ô(i"2j  ([n'en  août  1654,  Anllioinc  de 
Buisson  avait  oblenu  un  privilège,  pendant  six  ans,  ))our 
fabriquer  du  verre  dans  la  bonne  ville  de  Chàtelet,  dont  le 
chapitre  de  Saint-Lambert  était  seigneur,  privilège  qui  fut 
continué  en  1641  en  faveur  des  frères  Bonhomme. 

ïl  ne  parait  pas  possible  de  douter  de  l'identité  (à  moins 
(pi'il  ne  s'agisse  d'un  j)ère  et  de  son  fils)  de  : 

1"  «  Antoine  Buusson,  italien,  »  marié  à  Liège  en  16:25; 

"2°  Anthoine  De  Buisson,  veri-ier,  établi  à  Chàtelet  de  1054 
à  1640; 

3'  «  Antoine  Butzone,  gentilhomme  verrier  altariste,  » 
engagé  en  1663  chez  les  Bonhomme. 

S'il  en  est  ainsi,  il  y  aura  lien  de  comprendre  Charleroi 
dans  le  champ  des  recherches  pour  retrouver  des  verres  à 
la  façon  d' Al  tare, 

—  Dans  la  supposition  où  la  seconde  femme  de  Guillaume 
Castellano,  Jeanne  de  Sarde,  aui-ait  été  une  Saroido,  les 
familles  d'Allare  auraient  été  représentées  à  Liège  dans  la 
proportion  de  dix  sur  vingt  :  juste  la  moitié. 

H.  S. 


CREATION  D'UN  MUSEE  DES  ECHANGES  INTERNATIONAUX. 


nOLLEGTION  DE  MOU-LAGES  ET  REPRODUCTIONS  DE  MONUMENTS 
ET    OBJETS    DART. 


Léopold  II,  Roi  des  Belges, 

A   lous  présents  et  à   venir,   Salut. 

Vu  Notre  arrêté  du  17  mai  1871,  jwrtanl  nomination 
d'une  Commission  chargée  d'organiser,  entre  la  Belgiijue  el 
les  pays  étrangers,  un  système  d'échange  d'œuvres  artis- 
tiques, scientitiques  et  littéraires; 

Vu  la  loi  du  budget  général  des  dépenses  de  l'exercice 
courant; 

Sur  la  proposition  de  Notre  Ministre  de  l'agriculture,  de 
l'industrie  et  des  travaux  publics, 

Nous  avons  arrêté  et  arrêtons  : 

Art.  l".  Le  fonds  des  reproductions  d'œuvres  artistiques, 
réuni  par  les  soins  de  la  Connuission  royale  belge  des 
échanges  internationaux,  constituera  un  établissement  distinct 
administré  par  ladite  Commission,  sous  la  dénomination  de 
«  Musée  des  échanges  internationaux,  collection  de  mou- 
lages et  reproductions  de  monuments  et  objets  d'art.  » 


Art.  "I.  Noire  Minislrc  de  l'agricullure,  de  riiuluslric  cl 
des  Iravaux  publies  csl  ehargé  de  re.xéculloii  du  préscnl 
arrèlé. 

Donné  à  Bruxelles  le  30  oclobrc  1884. 

(Signij)  LÉOPOLD. 

Par  le  l\oi  : 

Le  Minislrc  de  Cauricdtarc,  de  V Industrie 
cl  des  travaux  publics, 

(Signé)  Cliev"  de  Moreai;, 

l*our  e.xpédilion  euiiforniC  : 

Le  Secrétaire  ijénéral  do.   Miithtère  de  Pa^ricidlurc, 
de  l'Industrie  et  des  travaux  publics, 

(Signé)  BELLErr.oiD. 


COMMISSION  i;OVALK  l)l':S  MOMJMKN  TS, 


RÉSUMÉ    DES    PROGÈS-A'ERBAUX, 


SÉANCES 
des  (-,  13,  18,  20  et  27  septembre  ;  des  4,  1 1,517,  18.  25  et  31  octobre  1884. 


ACTES  OFFICIELS. 

Nominalion  d'un  membre  correspoiidanl  de  la  Commission 
royale  des  monumenls. 


Léopold  II,  Roi  de^  Belges, 

A  tous  présents  et  à  venir,  Salut, 

Vu   les  arrêtés   royaux  des  51   mai   I8H0  et  H   février   .^omin.tio,. 

il'un  membre 
1  of)  1  ■  rori'ospondanl 

'  (Je  la  Commission 

Vu  l'avis  de  la  Députalion  permanonic  du  Liinbourg  et  ,,„,  ^"/„»J^,„l,.  " 
du  Gouverneur  de  cette  province; 


—   oôC)   ~ 

Sur  la  proposition  de  nos  Ministre.^  de  l'agi'iculluro,  de 
rindusli'ic  el  des  travaux  jinblics  et  de  la  justice, 

Nous  avons  arrêté  el  arrêtons  : 

Art.  1"'.  Est  nommé  membre  corrcs|)oiidaht  du  Comité 
provincial  des  monuments  pour  la  province  du  Limbourg, 
on  remplacement  de  M.  le  Cdicvalier  de  Corswarcm,  décédé, 
M.  Jules  Courroit,  statuaire,  professeur  à  l'Académie  des 
Beaux-Arts  de  Ilassell. 

Art.  2.  Nos  Minisires  de  ragi'iculture,  de  l'induslric  cl 
des  travaux  publics  el  de  la  justice  sont  chargés  de  l'exécu- 
tion (lu  présent  arrêté. 

Donné  à  Bruxelles  le  '-21  octobre  1884. 

(Signé)  liLoroLD. 

Par  le  Roi  : 

Le  Ministre  de  'a  judke, 
rSigné)  V.w.  WoKSTF.. 

Le  Ministre  de  faijricHUun.  de  f'indiatriç 
(f  des  travaux  piilUca, 

(Signé)  A.  Bli:E^,^AERT. 

Pour  expédition  conforme  : 

Lf  Secréi'iire  Général  du   Miiidèrt  de  Pa//ruiilti(re,   de    l'industrie 
et  d(!s  travaux  putjticf, 

(Signé)    Bellefi;oid. 


sacrtsiic 
crii«>. 
Poiiiluiduo 


PEINTURt:  ET  SCULPTUliE. 

La  CoiiiiiiissioM  a  émis  des  avis  l'avurablcs  sui-  : 

■1"  Le  dessin  d'une  vcrrièn;  à  (.'xéculei'  |)(»ur  la  calliédrale  |j';:'',',7i'',p,'' 

de  Bruges,  aux  frais  de  M"^'  Van  Lede  ;  ''"''" 

2"  Les  dessins  de  deux  verrières  deslinées  à  réalise  de  ,,«'•*'''''•', 

•  i^  lie  noiMi'rgh'iii. 

Somcrgeni  (Flandre  orientale)  ; 

5"  Le  projet  concernant  le  pcnilurage  de  l'église  et  de  la,'jf^^^^^.\^* 
sacristie  de  Cras-Avernas  (Liège),  ainsi  (jue  la  |troiiosilion 
du  conseil  de  fabrique  de  confier  ce  travail  à  M.  Meunier- 
Coulure,  sans  recourir  à  une  adjudication  publique; 

i°  Les  maquettes  de  deux  statues  destinées  à  la  décoration      s.|m,itp 

'  ilu   l'.tit-tjdb'oil. 

du  squart!  du  IVtiL-Sablon,  à  Bruxelles,  l'une  représentant  *  s,;',',';,^''^'" 
Mercalor,  par  M.  Van  Bicsbrocck,  l'autre  Locqucnçjhkn , 
par  M.  GodolVoid  Vanden  Kerckliovc. 

—  Des  délégués  ont  examiné,  dans  r'alelicr  de  M.  Fraikin,      s.amc 
le  modèle  en  terre  de  la  statue  du  roi  Léopokl  I",  destinée 
à  décorer  la  salle  des  séances  de  la  Cluunlirc  i\Q'i>  Représen- 
tants. 

Ce  travail  a  é(e  approuvé.  La  statue  est  bien  composce, 
avec  d'incontestables  (pialités  d'éléganc<',  de  grandeur  et  de 
ressemblance. 

~  Des  delémiés  ont  exaiiiiné  la  décoi'alion  intérieure  de       tphn- 

'  ■  Saiiil-Josil'll, 

l'église  de  Saint-Joseph,  à  Louvaiu.  Les  peintures  du  chœur,    y,|:„~^; 
des  chapelles,  des  bas-C(Jtés,  des  transepts  et  de  la  nef  prin- 
cipale sont  terminées. 

Les  délégués  ont  constaté  que  l'auteuj-,  ^L  Joris,  a  salis- 
fait  aux  observations  présentées  anlérieuremenl  par  la  Com- 
mission et  que  le  travail  est  exécuté  confoi'mém^nt  au  plan 
approuvé  le  13  avril  1882. 


-      538  - 

Il  y  a  lien  cependant  de  faire  remarquer  que,  dans  le 
projet,  la  peinture  des  fûts  des  colonnelles  s'équilibrait 
comme  valeur  de  tons  avec  les  bases  des  piliers,  qui  ne  de- 
vaient pas  recevoir  de  couleur  et  conservaient  la  teinte 
naturelle  de  la  pierre  bleue.  En  exécution,  les  Ions  des  piliers 
ayant  acquis  une  vigueur  plus  intense,  le  contraste  entre 
ceux-ci  et  la  pierre  naturelle  est  devenu  trop  sensible.  Il  pourra 
facilement  être  remédié  à  celle  défectuosilé  en  teintant  la 
pierre. 

Quant  au  chemin  de  croix  qui  doit  faire  partie  de  la  dé- 
coration de  l'église,   l'administration    fabricienne   n'a  pas 
encore  donné  suite  à  son  exécution. 
Ëgiisp  —  Des  déléûués  qui  ont  visité  réalise  de  Sainte-Anne, 

•l."  Sainte-Anne,  c3  l  O 

DécoMifnn.  à  Gand,  ont  constaté  que  xVI.  Canneel  avait  achevé  la  déco- 
ration de  tout  le  mur  d'entrée  qui  fait  face  à  l'autel.  Le 
principal  motif  de  celle  décoration  est  une  vaste  composi- 
tion vepviiseiïVàul  l'Entrée  du  ChrisI  à  Jérusalem.  Elle  est 
fort  bien  traitée,  avec  plus  de  largeur  et  (\e  souplesse  que 
les  premières  compositions  de  Tauteur,  et,  à  la  réserve  des 
points  de  principe  touchés  dans  un  rapport  précédent,  on 
n'a  que  des  éloges  à  faire  de  la  conscience  qui  a  présidé  à 
ce  travail.  Les  délégués  ont  été  avertis  que  les  fonds  allaient 
manquer  pour  le  continuer.  L'État  a  fait  jusqu'ici  les  deux 
tiers  (le  la  dépense;  or,  son  concours  aux  communes  et  aux 
fabriques  d'église  poui-  l'exécution  de  travaux  de  l'espèce 
est  rayé  du  projet  de  budget  de  1885. 

Il  y  aurait  lieu  aussi  d(!  prendre  des  mesures  |)Our  assu- 
rer, au  point  de  vue  de  l'art,  l'unité  du  ti-avail  qui  s'exécute 
sans  plan  d'ensemble,  et  des  compositions  sur  une  échelle 
l'cduilc  (Icvraiciil  préalablement  être  exéclitées. 


—  .--9  — 

Enfin,  la  dernièro  composition  de  M.  Cannool  ocoupniil  la 
place  réservée  hnbituollemonl.  au  jubé,  on  est  on  dn^il  diî  se 
demander  qnelle  esl  la  place  doslinée  à  nelni-ei  et  s'il  y  a 
une  décision  prise  à  cet  éiïard  et  un  plan  arrèlé. 

—  Les  délégués  (pii  ont  inspecté,  à  la  date  du  1>H  août  '',i!.''B?uge9.''' 
1(S84,  les  has-reliefs  placés  à  titre  d'essai  par  le  sculpteur 
Van  Nieuwenhuyse  dans  les  niches  de  la  façade  de  l'hôtel 
de  ville  de  Bruges,  se  sont  trouvés  devant  une  série  de 
compositions  de  différentes  dimensions  et  de  relief  différent. 
Pour  la  dimension,  ils  pensent  unanimement  que  le  sys- 
tème de  bas-relief  qu'il  convient  de  prendre  pour  type  de 
la  décoration  de  toute  la  façade,  est  celui  dont  on  a  surmonté 
la  porte  d'entrée.  Quant  à  la  saillie,  il  y  a  lieu  de  traiter  en 
haut-relief  les  compositions  qui  seront  placées  au-dessus  des 
culots  existants,  et  en  bas-relief,  pareil  à  celui  qui  surmonte 
la  porte  d'entrée,  les  compositions  à  placer  dans  les  niches 
simulées  d'une  profondeur  moindre. 

La  composition  des  bas-reliefs,  c'est-à-dire  le  groupement 
des  figures,  a  paru  d'ailleurs  généralement  de  nature  à  être 
approuvée.  Les  délégués  se  bornent  sur  ce  point  à  quelques 
observations  de  détails  : 

Dans  l'un  des  bas-reliefs  les  plus  rapprochés  du  bas-relief 
central,  la  figure  assise,  qui  appuie  la  tête  sur  sa  main,  a  la 
tète  mal  attachée;  dans  le  bas-relief  qui  suit,  où  Dieu  le 
Père  apparaît  dans  un  nuage,  cette  figure  a  trop  de  relief, 
semble-t-il,  pour  une  apparition  et  eût  dû  être  moins  ma- 
térialisée; 

La  même  observation  a  été  faite  pour  la  composition  re- 
présentant Daniel  dans  la  fosse  aux  lions.  L'artiste  a 
trop  détaché  l'aile  de  l'ange  qui  assiste  à  la  scène  et  il 


—  5iO  ~ 

pût  mieux  valu  un  peu  perdre  celle  aile  dans  le  fond; 

Dans  le  Jugement  de  Sulomon,  on  remarque  que  Salomon 
csl  assis  de  profil,  dans  un  trône  qui  se  présente  de  face; 
celui-ci  devrait  élrc  modifié.  Le  soldat  qui  va  partager  l'en- 
fant entre  les  deux  mères,  est  une  ligure  trop  courte. 

Enfin  dans  le  dernier  bas-relief  paraît,  au-dessus  du  Irône, 
une  draperie  qui  se  détache  trop  du  mur,  sur  lequel  elle  de- 
vrait s'effacer  davantage. 

Sous  la  réserve  de  ces  diverses  observations,  il  peut  être 
passé  outre  à  l'exécution  des  bas-reliefs  ci-dessus  indiqués. 

On  a  aussi  soumis  aux  délégués  la  question  de  savoir 
s'il  ne  convenait  pas  d'orner  de  feuillages  le  seuil  uni  placé 
sous  le  bas-relief  qui  surmonte  la  porte  d'entrée.  Les  délé- 
gués sonl  d'avis  que  le  seuil  doit  rester  tel  qu'il  est,  que  celle 
simplicité  est  un  repos  nécessaire  dans  cet  ensemble  déco- 
ratif, et  qu'on  devra  exécuter  de  même  les  seuils  des  niches 
analoû:nes  de  In  fncado. 


'D' 


CONSTRUCTIONS  CIVILES. 

La  Gomniission  a  approuvé  : 
Hùi.1  eommui.ai      1"  Lc  nrojcl  drcssé  par  M.  rarehiteete  Van  Ysendyck, 

lie  SliaiT-bca.  I        j  1 

pour  la  eonstruclion  d'u'i    liùlol  communal  à  Scliaerbeek 
(lira  ban  t); 
iniiint         2'  Lc  projet  de  Hicade,  en  style  classique,  de  l'Institut 

^ 'le'i'r '"^'''  phy'^iologirpie  à  ériger  à  l'Universile  de  Liège.  On  croit 
devoir  néanmoins  conseiller  à  l'auteur,  M.  Noppius,  d'ap- 
porter quelques  modifications  à  son  travail  au  cours  de 
l'exécution  du  projet. 

Palais .10 jusiicp     — Dcs  délégués  se  sont  rendus,  le  0  octobre  1884,   à 

•le  Mriliiic'.  Il 

Malinos,  pourv  inspocler  les  Iravaux  exécutes  au  palais  uv 


—  5^1   — 

justice  de  celle  ville  (ancien  liùlel  de  Margiierile  d'Aulriche), 
en  vue  de  rendre  aux  façades  leur  caraclère  arlistique 
primilif. 

lis  onl  conslaU'  que  celle  reslauralion,  acluelh'menl  ler- 
minée,  a  été  conduile  avec  un  soin  el  un  lacl  parfaits  el 
qu'elle  constitue  une  1res  intelligente  restitution  d'un  i\i'^ 
édifices  civils  les  plus  inléressanls  du  xvi^  siècle  que  possède 
le  pays. 

Le  concierge  du  palais  de  justice  a  soumis  à  l'examen  des 
délégués  une  série  de  sept  dessins  à  l'aquarelle  exécutés 
d'après  les  peintures  qui  ornaient  la  salle  devenue  aujour- 
d'hui la  salle  des  Pas-Perdus,  et  qui  onl  disparu  depuis  long- 
temps. Ils  représentent  des  membres  des  maisons  de  Bour- 
gogne el  d'Autriche,  ancêtres  de  Marguerile  d'Autriche;  ce 
sont  : 

Philippe  le  Hardi,  Jean  sans  Peur,  Philippe  le  Bon, 
Charles  le  Téméraire,  Marie  de  Bourgogne,  Maximilicn, 
Philippe  le  Beau. 

Les  dessins,  tout  en  paraissant  apocryphes,  ont  néan- 
moins une  belle  allure  décorative  el  ils  pourraient  servir  de 
guides  pour  une  reproduction  des  anciens  tableaux  que 
Ton  restiîuerail  à  leur  place  laissée  libre  dans  la  salle. 

Les  délégués  avaient  encore  à  examiner  sur  place  la  pro- 
position soumise  par  la  Dépulalion  permanente  de  la  pro- 
vince d'Anvers,  tendante  à  compléter  la  décoration  de  la 
façade  du  palais  par  une  statue  représentant  la  Justice.  Ils 
sont  d'avis  que  celte  proposition  peut  cire  admise  :  il  existe, 
en  effet,  à  la  façade  principale  donnant  sur  la  rue  de  l'Empe- 
reur, une  niche  vide  qui  semble  attendre  ce  complément 
décoratif.   Une   mnquetlo,  au  tiers  d'exéculion,  a  été  pré- 


—  U^2  — 

sonf«'^o  par  M.  Willf^ms.  stafuairo,  h  Malinos.  D'après  cft 
projet.,  la  slafuo  aurai!  1'"80  do  hauteur  Cette  dimension 
serait  exagérée  eu  égard  à  la  hauteur  de  !a  niche,  les  yeux 
de  la  statue  devant,  d'après  les  règles  hahiluelleinent  suivies, 
se  trouver  à  la  hauteur  du  point  de  centre  de  l'archivolte.  Il 
conviendra  de  ré  luire  la  dimension  de  la  figure  de  façon  à 
obtenir  l:i  disposition  précitée.  Les  délégués  ont  invité 
l'auteur  à  remanier  son  esquisse;  en  cas  d'approbation  «du 
projet,  ils  lui  ont  recommandé  de  donner  plus  d'élégance  à 
la  figure,  qui  est  un  peu  massive,  et  de  laisser  par  places 
des  repos  dans  la  draperie,  dont  les  plis  ont  une  importance 
trop  égale. 

ÉDIFICES  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈP.KS. 

R(.,,arai,ous       D,js  jjyjs  favorablcs  ont  été  donnés  sur  le  projet  relatif  aux 
pre^hyuns.    j.j'.p;, ,.,^| j()„g  ;,  effectucr  au  presbytère  de  Walcourt  (Namur), 
iiiiisi  que  sur  le  projet  concernant  la  construction  d'une 
annexe  au  presbytère  de  Bornhenn  (Anvers). 

ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES 

Ont  été  approuvés  : 
Eglise  1"  Le  projet  relatif  à  la  construction  d'une  tour  à  l'égli.se 

de  Mcmbacb.  '        •*  " 

de  Membacb  (Liège); 
Egiisp  ^2°  Le  maintien  dans  l'éûrlise  de  Zuydschote  (Flandre  oc- 

cidenlale)  d'une  table  d'autel,  en  marbre  blanc,  qui  avait  été 
placée  sans  autorisation  préalable. 

Incidemment  on  a  appelé  rallenlion  de  M.  le  Ministre  de 
la  justice  sur  un   ))aragraphe   du   rapport  du   Comité  des 


corrpspondrjnt.s  de  la  Flandre  nceidenlalo,  dont  l'avis  avait 
été  demandé  surTalTaire  précédente,  et  qui  signale  l'état  de 
délabrement  do.  la  tour  de  l'église  et  de  ses  cloclielons  ; 

5"  Le  projet  dressé  pour  le  niacement  d'un  nouvel  ora;uo     Rruso.!,. 
dans  l'église  de  Leeuw-Saint-Picrre  (lîrahant)  ; 

4"  liO  projet  relalifà  l'exécution  d'un  irrillaG:e  au  cime-     ciimière 

'        •'  •  '  '^  (le  M.Txplas 

(ière  de  Merxplas  (Anvers)  :  architecte,  M.  Tayemans; 

5*  Le  corn:  le  des  travaux  exécutés,  à  la  fin  de  l'exercice       h^'^o 

des  SS.Mirlicl- 

I8S5,  pour  la  construction  du  porche  nord  de  l'églisc^  collé-   à^nni'ioîi',^'. 
gialedes  SS  -Michel-et-Gudule,  à  Bruxelles. 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 

La  Commission  a  approuvé  : 

1"  Les  projets  de  Iravaux  de  restauration  à  exécuter  aux      Eguses 

'        "'  .lo  Itotlicin 

églises  de  Rolhem  (Limbourg)  et  J^oucques  (Flandre  orien-  ''''« ''"'"■i"«s- 
laie)  ; 

2°  Le  devis  estimatif  des  réparalions  ])rojetées  à  la  tour  Kt-iisodeM.,, 
de  l'église  de  Meir  (Anvers)  ; 

5"  La  demande  en  autorisation  d'exécuter  par  voie  de,  .'■'»'!•"■ 

•  d.'  Sailli  l'ien.' 

régie  la  première  catégorie  des  Iravaux  de  restauration 
à  effectuer  à  l'église  paroissiale  de  Saint-Pierre,  à  Thiell 
(Flandre  occidentale)  ; 

4"  La   proposition  de  démolir  deux  murs  nul  l)OU(dienl       Egi.se 

'         '  1  d  On  nam|i 

les  arcades  sous  la  îour  de  l'église  paroissiale  d'OosIcamp. 
Ces  murs  ne  coniribu'înt  en  rien  à  la  stabilité  de  la  tour  et 
par  suite  de  leur  disparition  la  superficie  de  l'église  sera 
augmentée  d'un  tiers; 

5"  Le  compte  rendu  des  Iravaux  de  restauration  exécutes  epiise 
a  I  église  de  Notre-D:)m(\  a  Anvers,  pendant  le  premier  ^  Anvm 
semestre  1884; 


!i   Ihiclt. 


—    34! 


3,i:ij:i.iobDvie,    0'  Le  compte  rendu  des  recettes  et  dépenses  effectuées 

b  Mdlin.    " 


Kgliscde  N.-D. 
kKidobDvIp 
b  Mdlims." 

coinpu-.     pendant  l'année  1885  pour  la  restauration  de  l'église  de 
Xûfrc-Dameau  delà  de  la  Dyle,  à  Maiines, 

di'Tot'r^àf  —  ^^^  Commission  a  émis  un  avis  favorable  sur  la  pro- 
position du  conseil  de  fabrique  de  la  calbédrale  de  Tournai 
tondante  à  obtenir  l'aulorisalion  de  démolir  les  portiques  et 
revêtements  de  marbre  qui  encadrent  les  deux  autels  du 
transept.  Les  marbres  provenant  de  cette  démolition  pour- 
ront èlre  utilisés  comme  lambris  dans  la  grande  sacristie, 
ainsi  que  pour  le  renouvellement  du  soubassement  du 
li'ùno  épiscopal.  On  en  formerait  également  les  marcbcs 
du  petit  autel  du  Saint-Sacrement,  que  l'on  i)rojetle  de 
construire. 
r.Biuo  —  Dans  son  rapport  du  8  mai   1875,  adressé  au  dépar- 

àAnvors.  (çf^-jQj^(  de  la  justice,  à  la  suite  de  contestations  relatives  au 
droit  de  mitoyenneté  entre  le  conseil  de  fabrique  de  l'église 
de  Notre-Dame,  à  Anvers,  et  les  propriétaires  des  maisons 
attenantes  à  cet  édifice,  la  Commission  avait  émis  le  vœu 
que  toutes  les  conslruclions  accolées  aux  monuments  fussent 
exproi)riées,  autant  dans  l'intérêt  de  la  conservation  do 
ceux-ci  que  pour  leur  aspect  extérieur,  souvent  dénaturé 
par  des  agglomérations  parasites.  L'administration  commu- 
nale, d'accord  avec  la  fabrique,  s'occupa  de  réaliser  l'isole- 
ment de  l'église  de  Notre-Dame,  et,  grâce  à  l'appui  du  dépar- 
lement de  la  justice,  sept  maisons  furent  successivement 
expropriées  et  démolies.  Précédemment,  on  avait  déjà  fait 
disparaiire  un  immeuble  formant  un  ôv?,  côtés  du  prolonge- 
ment du  portail  extérieur  vers  la  |ilace  Verte;  dos  négocia- 
lions  étaient  entamées  en  vue  df^  nouvelles  acquisitions. 
Le  t'.'(ll(''L''('  ;i  niiiH'Jt''  iiislaminoiil  r;illrnlioi)  de  M.   \o  l\li- 


—    !)4-i    — 

nistre  de  la  jiislice  sur  la  nécessilé  de  poursuivre  cl  de 
compléter  l'œuvre  commencée. 
—  Des  délé£çués  ont  examiné,  en  l'éi^lise  de  Nolre-Damo  i-gii'Mi.- n  d. 

"^  .  •  an.l.'IJdclaDvIc 

au  delà  de  la  Dyle,  à  Malinos,  les  propositions  de  la  fahrique    '  """"'• 
en  vue  de  faire  effeclner  à  col  éditice  une  nouvelle  série  de 
restaurations  dont  le  devis  s'élève  à  80,000  francs. 

Ces  travaux  sont  renseignés  de  la  manière  suivante  : 

1°  La  reconstruction  avec  dos  meneaux  en  piern»  des  six 
fenêtres  des  bas-côtés  du  chovut  de  l'église  à  3,000  fran(.'s 
par  fenêtre,  ci fr.     18,000 

2"  Renouvellement  des  six  fenêtres  du  chœur 
à  5,500  francs 21,000 

5'  Renouvellement  des  deux  grandes  IV'nèlres 
du  transept,  à  10,000  francs       ....     20,000 

4°  Renouvellement  de  six  fenèlres  du  vaisseau 
de  l'église,  à  5, -iOO  francs 21,000 

Total.         .         .      fr.     80,000 

La  fabrique  compte  elTeclucr  cos  travaux  à  raison  d'une 
dépense  annuelle  d'environ  la, 000  francs,  de  façon  à  les 
terminer  en  l'espace  de  cinq  années. 

Les  délégués  ont  constaté  qii3  l'élat  des  fenêtres  que  l'on 
propose  de  restaurer  est  des  plus  défeclueux.  L'architecte 
dirigeant  les  travaux  a  arrêté  la  ruine  imminente  de  quel- 
ques-unes d'entre  elles  au  moyen  de  palliatifs,  dont  les  effets 
n'auront  (ju'une  durée  foi't  restreinte;  ainsi,  il  a  reconstitué 
des  meneaux  et  des  rinceaux  au  moyen  d'une  sorte  de  mastic 
de  pierre,  assuré  par  des  crochets.  Mais  ces  mesures,  outre 
qu'elles  sont  insuflisantes,  ne  peuvent  même  êlrr-  appliquées 
provisoiromenl  à   loules  1rs  fenèlres  dégradées.   Cerlaines 


—  ôin  — 

n'oni  plus  (lo  monoaux;  (rnulrps  non  possèdent  que  des 
trniu'ous  rpii  so  d('lac!ionl  pnr  fng-meiUs  et  menacent  la 
sécurité  piibli(inc. 

Vu  ers  cousiflérntinns,  les  di'-li'gués  ont  été  d'avis  que  la 
restauration  c.A  pleinenioni  jusiifiéc  et  que  les  prix  cotés  an 
devis  sont  en  rapport  avec  les  travaux  à  exécuter. 

Le  derrré  d'urirence  de  ces  travaux  a  été  trouvé  conforme 
;i  l'ordre  indiqué  par  le  devis  de  rarchifeele. 

Les  délégués  ont  constaté  qu'on  avait  placé  dans  l'église, 
sans  autorisation,  des  verrières  dont  Texéculion  prête  à  de 
sérieuses  critiques.  L'ancien  curé  de  la  paroisse  les  ayant 
reçues  en  don,  a  cru  pouvoir  se  passer  de  l'approbation 
administrative. 
Anciennp église      .^ —  Conformémenl  aux   insiruclions  de  M.  le  Ministre  de 

de  Loekon. 

l'agriculture,  de  l'industrie  et  des  travaux  publics,  des  délé- 
îïués  se  sont  rendus,  le  13  octobre  1884,  à  Laeken,  afin 
d'examiner  s'il  était  encore  possible  de  conserver  à  l'état  de 
ruines  les  parties  de  la  vieille  église  que  la  dé-molilion  n'au- 
rait pas  encore  atteintes  à  ce  jour.  11  entrait  dans  les  vues 
de  M.  le  Minisire  de  maintenir,  comme  un  spécimen  pit- 
toresque de  l'ancien  sanctuaire  de  Notre-Dame  de  Laeken, 
ces  fragments  (pii,  revêtus  de  lierre  et  de  plantes  grimpantes, 
devaient  relier  au  cimetière  la  tour,  le  transept  et  le  cbœur, 
dont  le  maintien  est  décidé,  ce  dernier  présentant  un  intérêt 
des  plus  marquant»  au  point  de  vue  de  l'art  et  de  l'archéo- 
logie. 

Crt  aménagement  d(>s  ruines  aurait  été  analogue  au  irSi- 
vail  exécuté  en  Angleterre  pour  la  conservation  des  restes 
de  l'abbaye  de  Canterbury. 

Les  délégués  ont  ('lé  d'avis  que  la  démolition  de  certaines 


-  547  — 

parties  de  l'église  esl  li-op  avancée  pour  (pic  l'on  puisse 
encore  réaliser  ce  programme  au  moins  dans  son  entier.  Il 
ne  subsisle  des  nefs  et  de  la  façade  que  les  murs  d'enceinte 
jusqu'à  hauteur  de  la  moitié  des  fenêtres  environ  ;  les  arcades, 
les  arcs  doubleaux,  les  colonnes  morcelées  des  nefs  n'exis- 
tent plus  qu'à  l'état  de  décombres  gisant  sur  le  sol.  Ce  qui 
reste  débouta  peu  d'intérêt;  l'espace  compris  dans  le  péri- 
mètre du  vaisseau  de  l'ancienne  église  est  d'ailleurs  très 
exigu. 

La  chapelle  de  Sainte-Barbe,  privée  de  son  porche,  qui 
doit  recevoir  une  destination  dans  la  restauration  prévue  de 
l'ancienne  abside,  ne  présenterait  pas  d'éléments  bien 
pittoresques. 

Le  projet  de  conservation  complèti;  des  ruines  ne  pourrail 
donc  aboutir  à  une  solution  satisfaisante,  et  dans  l'état 
actuel  des  lieux,  on  doit  se  borner  à  conserver  le  chœur, 
le  transept  et  la  tour. 

Le  plafond,  en  style  renaissance,  de  la  sacristie,  est  dans 
un  état  de  dégradation  des  plus  avancés.  Par  suite  du  mau- 
vais état  de  la  toiture,  des  parties  sont  depuis  longtemps 
défoncées,  et  l'humidité  filtre  à  travers  celles  qui  subsistent. 
Comme  document  artistique,  ce  plafond  n'offre  pas  dans  sa 
disposition  et  ses  détails  la  beauté  d'invention  et  la  souplesse 
d'exécution  qui  distinguent  d'autres  ouvrages  du  xvii''  siècle 
dans  certaines  églises  de  la  Belgi{|ue.  Néanmoins  il  con- 
viendra d'en  faire  prendre  un  dessin  à  titre  de  renseigne- 
ment. 

Les  délégués  ont  encore  remarqué  doux  pierres  lombales, 
non  encore  remisées,  ainsi  (in'un  béiiilicr  de  l'cpoipic  romaiM; 
qu'il  importerait  de  mettre  à  l'abri. 


—  UH  — 

Quant  ;iu  suridus  des  objoîs  provenant  de  l'ancienne 
église  cl  dignes  delre  conservés,  la  lislc  en  est  détaillée 
dans  le  rajiport  de  la  Coniniission,  en  date  du  ^8  août  1875. 

Le  Sccrclaire  (iénéral, 

.1.  Rousseau. 

Vu  en  confonnite  de  l'ailicle  "2lj  du  réglenienl. 

Le  P  réside  ni  ^ 
Wklllns.    ■ 


I\  E  C  H  E  R  C  H  E  s 


Sl'R    I,ES 


ORIGINES  DE  L'ART  ELAMAND 

ou    MOYEN    AGE 


L'arl  n'a  point  pris  naissance  dans  nos  contrées  septen- 
trionales; il  s'y  est  acclimaté,  au  point  même  de  devenir 
une  expression  nécessaire  à  notre  génie  national  ;  mais  le 
germe  en  a  été  transplanté  de  l'étranger,  et,  toujours,  la 
Grèce  cl  l'Italie,  liérilières  d'une  race  et  de  traditions  qui 
se  perdent  dans  la  nuit  des  temps,  ont  allumé  le  foyer  rayon- 
nant qui  a  éclairé  les  |)euples  plus  lents  et  plus  arriérés  du 
Noi'd. 

Cependant,  l'influence  exercée,  par  l'Italie  principale- 
ment, sur  noli-e  nation,  semble  au  premier  abord  avoir  été 
insignitiante,  tant  le  génie  du  peuple  belge  s'est  toujours 
montré  vigoureux  et  productif;  mais  on  |)eul  la  démêler, 
dès  les  temps  les  plus  reculés,  et  démontrer,  par  des  re- 
cherches comparatives,  (ju'elle  a  fourni  l'inspiration  |)re- 
mièreà  toutes  nos  écoles  de  peinture,  leur  a  montré  la  roule 
à  suivre,  et  leur  a  souvent  procuré  les  moyens  de  mettre 
en  lumière  les  qualités  exceptionnelles  dont  un  grand 
nombre  de  nos  artistes  étaient  doués. 


—  3;io  — 

Il  Cil  lioi'S  (le  duulc  (juc  la  ci\ilibaliun  piciiiicic,  dans  dos 
conirccs,  diil  y  pcuclrer  d'abord  à  la  suilo  des  conquérants 
romains;  ])las  lard,  par  les  efforts  des  pieux  missionnaires 
que  révèché  de  Rome,  destiné  à  grandir  démesurément, 
envoya  répandre  sur  notre  sol  la  semence  de  l'Evangile. 

Non  seulement  ils  apportaient  avec  eux  un  rite  nouveau, 
des  cérémonies  dont  les  moindi-es  détails  étaient  déterminés 
d'avance,  mais  encore  un  art  traditionnel,  déjà  en  usage 
(lejiuis  plusieurs  siècles  à  Romo  et  dans  les  gi-andes  villes 
italiennes,  et  dont  la  plupart  d'entre  eux  étaient  dépositaires, 
car  les  monastères  d'Italie  étaient  de  véritables  écoles  d'art 
et  de  sciences  à  cette  époijuc. 

Ils  li'oiivèi-ent  assurément  ici  des  organisations  proiu-es 
à  continuer  leur  mission,  dans  un  sons  toutefois  assez  bar- 
bare, et  avec  des  velléités  d'indépendance,  mais  il  est  indu- 
bitable que  tous  les  lypcs  primordiaux  de  Fart  septentrional, 
même  ceux  qui  paraissent  d'une  0)igin;ilité  i)rutale,  ])euvent 
être  ramenés,  par  une  étude  suivie,  à  des  modèles  romains 
ou  du  moins  méridionaux,  desquels  ils  se  sont  écartés,  à  la 
longue,  uniquement  par  le  fait  de  l'ignorance  cl  de  la  naï- 
veté des  artistes  indigènes. 

L'art,  sons  le  l'ègne  de  (îbai'lcniagne,  s'i!i>pirail  directe- 
ijienl  de  Rome;  les  monnaies  lu'imitives  ne  sont  que  l'imila- 
lion  bai'bai'c  de  lypcs  anléi'ieiii's  romains  (i).  Cr'llcs  (jni  sui- 
virent les  sceaux  faits  pour  les  seigneurs  et  pour  les  abbayes, 
sont  l'imitation  des  modèles  traditionnels,  dont  on  retrouve  la 


(i)  Rapport  adressé  à  M.  le  MiiiisUc  de  l'iiiiériulir,  ai  no:ii  do  la  So(iclé 
arcliéolotiiqiie  de  Naimii',  pmir  l'annc-c  I8S0.  —  Voir  rtklio  du  l'arlcmciil  (\\\  \" 
au  6  avril  1881. 


(race  dans  les  luoiiuiinnls  (iu  Bas-l'JniMic.  \.v>  sujels  d'oi-fc- 
vreric,  do  sculpture  cl  d'émaillerie  (|ue  nous  a  laissés  celle 
époque  primilive,  sonl  aussi  prciipie  Inujours  la  rrpruduc- 
lion  informe  de  molils  hyzuulins  ou  romains,  (jui  oui  lini  par 
disparaître  enlièremenl  sous  les  modifications  incessanles 
que  leur  faisaient  subir  le  travail  grossier  et  le  génie  inculte 
des  artistes  franks. 

La  civilisation  carlovingienne  provenait  de  trois  sources 
lointaines  :  de  lîome,  de  Byzance  et  des  Arabes.  On  sait 
que  vers  755,  Abdérame  1*''  avait  in)primé  un  élan  gran- 
diose aux  arts  et  à  l'inslruelion,  et  que  les  Arabes  appor- 
tèrent, en  Euro|ic  les  chiffres  indiens;  (pie,  sous  Charles 
Martel,  c'est  aux  Sarrazins  que  Ion  fui  redevable  de  la 
fabrication  dos  tapis;  que  le  calife  llaroun-al-Rachid  en- 
voya à  l'empereur  Ghai'les  des  ambassadeurs  porteurs  de 
cadeaux  importants,  parmi  lesquels  figurait  un  pavillon  avec 
tiùnc.  Le  rôle  de  Byzancc  dans  le  développement  de  nos 
contrées  était  plus  direct  (i). 

Eli  757,  le  prenn'er  oi'guc  fut  envoyé  à  l*épin,  i)ar  Con- 
^laiitiii  Copronyme;  i)ou  auparavant,  les  édits  de  Léon 
risaurien  avaient  poussé  les  artistes  et  les  lettrés  grecs  vers 
Borne,  et  les  mai'chands  génois,  vénitiens,  niai'seillais  com- 
nierçaienl  journellement  dès  lors  avec  Constantinople  et 
Alexandrie,  ce  (\uï  rejaillissait  sui-  le  progrès  de  la  cour 
franipic. 

Paul  I"  adressa,  en  78G,  à  Pépin  le  Bref  une  horloge 
■à  rouages.  Les  marbres  du  j>aiais  d'Aix-la-Chapelle  prove- 
naient de  Rome;  les  colonnes,  de  Ravenne.  Tout  l'art  e(  la 

(i)  1\0S1M,  SlOlia  (icilii  Piilnid  ilaliiiHff,  l.  III,  |>.  i'J,  nok'^. 


-  352  — 

science  de  l'époque  deCharlemagne,  se  concenlreul  dans  les 
calhédrales  cl  dans  les  couvents  de  Liège,  de  Lobbes, 
d'Ulreclit,  de  Sainl-Ainand,  de  Saint-Berlin,  où  l'empereur 
introduisit  la  liturgie  romaine,  le  cliant  grégorien,  les  orgues, 
tandis  que  le  clergé  ignorant,  dissolu,  laissait  le  peuple 
encore  attaché  aux  superstitions  païennes. 

Charlemagne  employa  pour  ses  sceaux  la  (igure  de  Mai'c- 
Aurèle  et  le  Jupiter-Sérapis;  Pépin  I",  la  tète  d'Auguste; 
Louis  le  Débonnaire,  le  buste  de  Commode,  et  Lothaire  V, 
celui  d'Alexandre  Sévère.  Mais  il  devait  exister  naturelle- 
ment chez  les  Franks,  comme  on  le  retouve  dans  les  peu- 
plades les  plus  barbares,  une  sorte  d'art  sauvage,  vivant, 
personnel.  Nous  montrerons  plus  tard  (pi'en  Italie  même  se 
remarquent,  à  côté  des  restes  byzantins,  des  productions 
plus  médiocres,  dont  le  caractère  un  peu  lombard,  sans 
culture,  a  certain  rapport  avec  l'expression  primitive  de 
toutes  les  nations  septentrionales  du  moyen  âge  (i);  on  en 
trouve  des  Iragments  à  Sainte-Agnès  de  Rome,  et  dans  les 
fresques  du  porli((ue  de  Saint-Laurent  hors  des  murs. 
D'autres,  comme  celles  de  l'église  souterraine  de  Saint-Clé- 
nient,  présentent  même  parfois  un  bizarre  assemblage  de 
fragments  byzantins  avec  des  parties  naïves  qui  se  rap|)ro- 
chent  des  ouvrages  réputés  lombards. 

Toutefois  lunifiue  source  de  perfectionnement  à  cette 
époque,  c'était  l'art  romain  et  byzantin,  dont  le  slyle  complet 
et  régulier,  pourvu  de  proportions  et  de  mesures,  s'accordail 
avec  toute  architecture,  car  les  essais  incertains  de  l'art 
dans  le  Nord  n'avaient  d'autres  canom  que  le  goût  de  l'ar- 

(I)  J.  lii  liCkiiAitDi,  ber  Cicérone.  Lcip/.i;;,  1870,  \\.  486w. 


liste  of,  par  leur  irrétiularilé  iiiùino,  ils  élaient  impropres 
aux  travaux  ejrandiosos  (^l  rohcllos  aux  oxip;ences  de  la  dé- 
eoration. 

Ce  que  nous  pouvons  nommer  l'art  de  Iradilion  provient 
en  droite  ligne  des  premiers  artistes  chrétiens,  qui  étaient 
romains,  mais  qui,  selon  les  vues  des  pères  de  l'Église,  ont 
organisé  foule  une  série  de  types  décoratifs  e(  symbolifpies. 

Ces  types  ont  été  surtout  perfecîionnés  à  l'époque  de 
CiOnslantin,  avec  un  caractère  |)lus  fastueux,  mais  l'Italie 
l(^s  a  conservés  longtemps  assez  conformes  à  leur  aspect 
primitif  et  ne  s'est  abandonnée  que  vers  le  ix*  siècle  à  la 
mode  byzantine. 

A  leur  tour,  Giolto  et  ses  émules  ont  pris  quelques-uns 
de  ces  types,  les  plus  habituels  et  les  plus  caractérisés,  et 
leur  ont  même  donné  parfois  une  tournure  nouvelle,  ce 
qu'on  observe  dans  le  Christ  crucifié,  le  crucifix  ailé  de 
saint  François,  le  nimbe.,  qui  abondent  dans  leurs  œuvres. 
Comme  preuve  des  emprunts  faits  par  Byzance  à  l'ancienne 
Rome,  on  peut  citer,  au  musée  de  Latran,  dans  les  peintures 
des  catacombes,  la  main  dans  les  nuages  représentant  le 
Créateur;  une  peinture  vraiment  païenne  du  cimetière  de 
Saint-CalHxle,  qui  montre  un  Eole  ailé  dans  une  auréole  et 
des  nuages  de  soleil  couchant;  parfois  on  voit  dans  les 
inscriptions  des  constructions  figurées  avec  un  arc  soutenu 
par  des  colonnes  de  style  byzantin.  Vers  408,  le  mono- 
gramme p^,  dans  un  médaillon  avec  des  colombes  symé- 
triquement placées  et  de  petits  anges  qui  semblent  être  des 
amours  romains;  les  grandes  reproductions  de  mosaïques 
chrétiennes,  les  apôtres  drapés  de  blanc,  sont  évidemment 
d'artistes  romains  travaillant  sur  commande  ecclésiastique. 


—  5o4  — 

Sur  un  sarcophngp  néo-cliivlicii  so  voit  un  huslo  cnclK.' 
dans  le  fcuillngo  d'un  pommier,  elle  serpent  enroulé  aulour 
de  l'arbre;  les  deux  mains  du  Père  Elernel  sorlenl  dos 
nuages;  le  reste  est  purement  païen. 

Or,  voilà  des  types  (pie  Ton  peut  suivre,  avec  peu  de 
modilieations,  jusqu'au  xv'  siècle;  les  preuves  nous  en  sont 
Iburnies  par  la  mosaïque  de  ral)side  de  S'-Maria  in  Navi- 
cella  (ix"  siècle),  celles  du  chœur  de  S'-Maria  in  Trastevere 
(il 45),  par  loute  l'école  lalino-hyzanline,  )iar  celles  de 
Memmi  etd'Orcagna.  En  elTel,  l'Ilalie  se  soumit  pendant  une 
longue  période,  à  l'influence  des  artistes  grecs,  et  en  même 
temps  les  produils  de  celle  influence,  envoyés  dans  nos 
contrées,  comme  des  reliques  sacrées,  étaient  l'idéal  de  ceux 
(jui  s'efforçaient  ici,  sous  la  direction  ecclésiastique,  d'ouvrir 
une  voie  aux  arts. 

Dès  le  vi'  siècle,  les  manuscrils  grecs  ou  orientaux  pas- 
saient d'un  couvent  à  l'autre,  estimés  au  plus  liaul  point, 
par  exemple  l'évangéliaire  Syriaque  de  la  bil)liolliè(pie 
Laurentienne.  La  décoration  monumentale  et  d'usage  joiu'- 
nalier  fournil  aux  peintres  les  premières  occasions  de  s'exer- 
cer librement,  et  l'expression  la  plus  élevée  de  l'arl  du 
moyen  âge  resie  un  ensemble  de  sujets  purement  reli- 
gieux. 

De  là  une  divergence  enire  les  formules  de  l'ai'l  civil  et 
religieux. 

Tandis  que  l'ornementation  (dont  les  modèles,  rares  dans 
le  Nord,  se  basaient  sur  des  matériaux  inconnus  dans  nos 
pays)  se  modifiait  ra|)idement  sous  les  doigts  de  nos  travail- 
leurs, dont  le  sens  artiste  avait  promptement  deviné  qu'il  y 
avait  un  parti  à  tirer  de  nos  plantes  et  de  nos  feuillages,  la 


—   .>,).)  — 


convenlion  rcliuicnse  rcsiail  mailiv-sso  des  siijols  à  ligures 
et  principalement  dc^  ligures  syniljoii(|iies  ou  idéales,  qui 
ne  se  présenlaienl  pas  à  l'esprit  sous  une  forme  liahiluelic 
et  connue.  C'est  ainsi  (pie,  dès  le  i\'"  siècle  (i),  ou  \w\\\ 
trouver  des  manusei-ils  dont  les  sujets  sont  copiés  d'après 
des  peintures  hyzanlincs  (^2)  et  mêlés  d'ornements,  soit 
franks,  soit  lombards,  qui  s'écarlent  déjà  considérablement 
du  style  grec.  A  dater  de  celle  époque,  l'ornement  allecle 
dans  nos  contrées  un  caractère  de  plus  en  plus  national  et 
original,  mais  la  composition  byzantine  continue  à  dominer 
et  les  types  religieu.x  restent  empruntés  à  l'Orient,  jusqu'au 
xiv'  siècle,  et  plus  lard  prennent  leur  origine  en  Italie. 

Qu'il  nous  soit  permis  de  noter  ici  quelques-unes  des 
hases  de  nos  assertions  précédentes  : 

Les  mosaïques  du  cliœur  de  Saint-Ambroise  de  Milan 
(852),  celles  des  SS.-Nérée-el-Achille,  à  Rome,  sont  bar- 
bares, avec  des  détails  copiés  d'après  les  travaux  grecs. 

Dans  le  livre  du  prêtre  Isidore,  fait  à  Padouecn  1070,  et 
qui  se  trouve  encore  dans  la  sacristie  du  Dùmc  de  celle  ville, 
on  peut  reconnaître  une  foule  d'images  symboliques,  telles 
que  les  paons  (qui  datent  du  iv'  siècle)  et  pourtant  le  carac- 
tère de  ces  peintures  est  presque  lombard. 

Un  passionnai  de  l'abbaye  de  Saint-Gérard,  appartenant 
au  séminaire  de  Namur  et  datant  du  \i"  siècle;  les  com- 
mentaires de  saint  Augustin  (xii"  siècle);  un  Évangéliaire  du 
xii"  siècle,  appartenant  à  l'Université  de  Liège,  présentent 
celte  réunion  de  caractères  différents. 


(1)  Jacob  BuRCKiiARDT,  Der  Cicérone,  p.  'fS.T. 

(•i)  nibliotlii'qiic   royalo  do  Bckii|iio,   prnvoiirint  de  l'alibnyo  do  Saiid-Maitiii 
il  Toiirrni. 


Dans  ce  même  ordre  d'idées  il  os\  indispensable  de  citer 
encore  le  Reciœil  de  Canons  de  l'abbaye  de  Slavelot 
(ym"  siècle)  (i),  un  Evangéliaire  du  ix*^  siècle  (2),  l'oflice 
des  Anges  (xi"  siècle)  (3),  l'Evangile  du  xi*  siècle  de 
l'abbaye  de  Saint-Gérard  de  Brogne  (4),  le  Cantatorium 
(xii*  siècle)  (.;),  le  Liber  Floridus  de  l'Université  de  Gand 
(xM*^  siècle),  enfin  le  Psautier  du  xiii*  siècle  de  l'Université 
de  Liège,  dont  les  figures,  de  style  frank,  ont  cependant 
l'aspect  byzantin,  dans  tout  ce  qui  touche  à  la  partie 
mystique. 

Mais  si  l'on  doit  reconnaiire  (jue  rinlluence  de  Rome  a 
été  la  plus  puissante  sur  notre  art  religieux  primitif,  tout 
au  moins  jusqu'à  la  fin  du  xiv*  siècle,  il  faut  avouer  aussi 
(|ue  cet  art  frank,  saxon,  gothique  ou  lombard,  car  au  fond, 
l'origine  élait  unique,  se  développa  d'une  manière  vigou- 
reuse, d'abord  au  fond  des  cloîtres,  puis  dans  l'ornementa- 
tion, pour  finir  par  se  substituer  à  la  formule  traditionnelle. 

Chez  nous,  comme  en  Italie,  le  sentiment  de  la  nature 
produisit  une  vraie  révolution,  bien  que  son  expression 
naïve  fut  greffée  sur  des  habitudes  décoratives,  et  les  pein- 
lures  de  la  Biloke,  à  Gand,  les  miniatures  des  manuscrits 
n"^  1787,  1483,  4782,  9217  de  la  Bibliothèque  royale  de 
Belgique,  peuvent  être  comparés  aux  travaux  italiens  con- 
temporains. Mais  la  véritable  peinlure  llaiiiamlc  dulr  du 
milieu  du  xiV  siècle. 


(ij  Bibliothèque  rovale  de  Belgique. 

(i)  Id. 

(5)  Id. 

(4)  Appartenant  au  séminaire  de  Naniur. 

(b)  Appartenant  a  M.  Jullien,  a  Bruxelles. 


—  357  — 

Soi)  essor  coïncide  avec  le  développcnieiU  des  confréries 
arliili(|ues,  qui,  elles  aussi,  pourraient,  comme  l'organisa- 
tion même  de  nos  communes,  n'èlre  pas  étrangères  à  une 
source  italienne  En  effet,  si  nous  laissons  de  côté  les  origines 
municipales  de  Rome,  de  Pise,  de  Gaëte,  etc.,  qui  semblent 
remonter  plus  haut  que  la  conquête  des  Barbares  (i),  il  est 
certain  pourtant  nue  des  villes  italiennes  et  provençales 
jouissaient  d'une  constitution  communale  bien  avant  l'an 
1000,  et  que  le  droit  municipal  se  propagea  sans  doute  du 
Midi  vers  le  Nord  (2). 

Ue  même,  les  confréries  de  peintres  de  Florence  et  de 
Sienne  paraissent  avoir  existé  avant  le  milieu  du  xiv*  siècle 
et  la  corporation  des  sculpteurs  de  Sienne  dated'avanl  129:2  ; 
les  œuvres  de  nos  peintres  du  xiv*'  et  du  xv'  siècle  démon- 
trent un  progrès  rapide  qui  semble  avoir  été  déterminé  par 
l'exemple  des  artistes  italiens. 

C'est  surtout  dans  le  domaine  religieux  qu'il  faut  recher- 
cher l'origine  de  l'art  du  moyen  âge. 

Bulïalinacco  disait  «  que  les  peintres  s'occupaient  tic 
représenter  des  saints  et  des  saintes  sur  les  murailles  et  les 
planches  de  bois,  alin  de  rendre,  en  dépit  des  démons,  les 
hommes  plus  dévols  et  meilleurs.  » 

Les  inscriptions  placées  au  bas  des  tableaux  de  Jean  de 
Pise,  dans  l'église  de  Saint-André  de  Pisloie,  de  Duccio  de 
Buoninsegna,  dans  le  dôme  de  Sienne,  de  Gélase  à  Ferrare, 
marquent  une  profonde  dévotion. 


(1)  Brunetti,  C'orf.  diplomal.,  I,  355,  454. 

{i)  EiCHHORN,  Origines  de  la  constilulion  municipale  des  villes  de  Germanie, 
—  Thif.rry,  Uécits  des  temps  mérovingiens,  cliap.  V,  p.  2;)7.  —  M.\ry-Lafo.n, 
Souvenirs  historiques  des  munieipalilés  et  des  républiques  de  la  Provence,  iiîi'2. 


—  r):»8  — 

\.ci  slaliils  (le  la  corporation  des  peiiilrcs  de  Sienne,  en 
13o?),  conimencenl  en  ces  termes  : 

«  Nous  sommes  parla  grâce  de  Dieu,  appelés  à  manifesler 
au\  hommes  gros.siers  (|iii  ne  savent  pas  lire,  les  choses 
miraculeuses  opérées  par  la  vertu,  cl  en  vertu  de  la  sainte 
loi  :  noire  foi  consiste  principalement  à  adorer  et  à  croire 
un  Dieu  éternel,  un  Dieu  d'une  puissance  infinie,  d'une 
sagesse  immense,  d'un  amour  et  d'une  clémence  sans  bornes  ; 
persuadés  qu'aucune  chose,  quelque  petite  qu'elle  soit,  ne 
peut  avoir  commencement  ou  fin  sans  ces  trois  choses, 
c'est-à-dire  sans  pouvoir,  sans  savoir  et  sans  vouloir  avec 
amour.  » 

Voilà  assurément  des  idées  élevées  et  qui  s'éloignent  fort 
de  l'intérêt  mercantile,  but  qui  parait  d'ordinaire  celui  de  la 
constitution  de  sociétés  professionnelles. 

Aussi  doit-on  croire,  |)ni'  cela  même,  (pie  les  confréries  de 
Saint-Luc  ont  eu  pour  promoteurs  les  membres  du  clergé 
qui,  à  ceîle  époque,  considéraient  encore  l'art  (omme  un 
(les  principaux  soutiens  de  la  religion. 

Cela  nous  ramène  encore  une  fois  à  l'influence  du  Saint- 
Siège  et,  par  conséquent,  à  la  subordination  aux  idées  ita- 
liennes, des  commencements  do  notre  art  du  moyen  âge, 
autant  dans  son  expression  teebni(|ue  (pie  dans  son  organi- 
sation sociale  (i). 

La  première  moitié  du  xiv^  siècle,  trop  |ieu  étudiée,  est 
une  époque  de  la  plus  grande;  importance  dans  l'Iiisloirede 
la  peintui'e. 

Il  est  positif  que  Giotio  et  ses  émules  ont  produit  un  effet 


(i)  OFr,r.\  V.M.i.r.  l.cllere  f!r>irsi,\.  I. 


incommensiirahlo  en  Ilolic  On  snil  l«s  rolalions  de  et- 
maiire  avoc  lo  Danlc,  celles  tic  Mcmmi  avec  Pclrarqiie,  cl 
les  voyages  nombreux  que  firenl  ces  deux  peintres  dans 
plus  de  ving-l  cilés,  où  GioUo  laissa  des  œuvres  de  la  plus 
liaule  valeur  pour  l'éitoque,  et  en  Provence,  où  le  Iransl'crl 
du  Saint-Siège  leur  permit  de  faire  apprécier  leur  style  nou- 
veau . 

Les  remarqu;d)les  travaux  d'architecture  de  Giotto,  ses 
mosaïques,  tout  semhlail  fait  pour  attirer  l'attention  publique 
et  pour  avoir  une  action  même  au  delà  des  Alpes,  par  le 
moyen  des  prêtres,  qui  avaient  des  relations  incessantes  avec 
ritalie. 

Aussi  ne  doit-on  pas  s'étonner  si  notre  école,  jusqu'alors 
encore  barbare,  sorltoulà  coup,  vers  lôoO,  de  cet  étal  de 
torpenr,  el  si  l'on  voit  bientôt  se  succéder  des  peintres  d'his- 
toire religieuse,  protégés  par  les  abbés  de  Sainl-Bavon,  entre 
autres,  jusqu'au  momenl  où  l'avènemenl  de  Philippe  le  Hardi 
donne  lieu  à  une  sorte  de  renaissance  flamande, 

Ce|)endant  il  n'est  pas  inulile  de  déterminer  comment 
nous  attribuons  à  rftalie  une  pari  dans  l'éducation  de  nos 
artistes,  tandis  que,  selon  certains  auteurs,  c'est  de  l'école 
germanique  que  dépendrait  absolument  la  nôtre. 

Certainement,  avant  celte  époque,  la  dilTérence  entre  la 
langue  allemanJe  el  la  notre  était  bien  faible,  el  il  y  avait 
tant  de  rapports  entre  les  mœurs  {\e>.  deux  peuples,  (pie 
l'on  pouvait  pour  ainsi  dire  les  confondre,  d'aulanl  plus 
que  la  religion  était  commune, 

Mais,  au  xiv*  siècle,  la  situation  selail  déjà  sensiblement 
modifiée,  el  en  particulier  dans  les  arts. 

Si,  en  sa  qualité  de  Germain,  Wolfram  von  Ksschenbaeb 


—  560  — 

vanto  les  écoles  de  poinUire  de  Cologne  et  de  Maeslrichl, 
ce  pnssnge  ne  donne  pas  à  enlendre  qu'il  n'y  eût  pas 
en  Flandre  ou  ailleurs  des  peintres  tout  aussi  méritants, 
mais  seulemenl  que  Tauleur  a  pris  ses  points  de  comparai- 
son (l.ins  un  rayon  appréciable  par  le  public  auquel  il 
s'adressait. 

[/'S  peintures  de  la  Biloke,  qui  dalenl  de  I^.SO  environ, 
valf.Mil  bien  les  a  poires  de  l'église  de  Sainle-Ursule,  à 
Cologne  (I2'24)  et  leur  style  rappelle  un  peu  celui  des 
anciennes  mosaïques  gréco-lombardes.  La  Sainte-Marguerite 
du  musée  de  Cologne  est  un  ouvrage  très  primitif;  les 
lignes,  1res  simples,  sont  couvertes  d'une  couleur  légère  et 
plate;  les  figures  sont  allongées  et  les  poses  guindées. 

Les  manuscrits  flamands  du  xiii*  et  du  niv*"  siècle  nous 
montrent,  dans  une  voie  différente,  des  qualités  au  moins 
égales  à  celles  des  ouvrages  allemands.  D'ailleurs,  à  la  liste 
de  peinires  que  Cologne  nous  offre  (i),  nous  pouvons 
opposer  une  liste  presque  égale  de  peintres  d'bisloire  gantois. 

Tout  en  ayant  eu  peut-être  des  relations  entre  eu.x,  les 
artistes  flamands  et  ceux  de  Cologne  sont  indépendants  les 
uns  des  autres,  mais  la  plus  grande  part  d'inspiration  leur 
est  venue  directement  du  Midi  (^2).  Toutefois,  tandis  que  les 
Allemands  conservèrent  et  accentuèrent  la  tradition  i)yzan- 
line,  les  Flamands,  au  contraire,  s'en  éloignèrent  peu  à  peu, 
tendant  vers  le  naturalisme. 

Dans  nos  provinces,  comme  dans  la  Péninsule,  l'exemple 
donné  çà  et  là  par  un  homme  de  mérite  a  éveillé  l'émulation 


(1)  J.-.I.  Meri.o,  Die  Meisler  der  AUkoelnisrhen  Slalerschulc,  Koein,  1852. 

(2)  Kdci.Efs,  Hundbiirh  der  Malerei,  t.  Il,  p.  160,  note,  et  p.  598. 


—  361    — 

dans  les  villes  où  il  vivait  Iravaillé,  et  ses  ouvrages  ont  suscité 
(les  artistes.  A  ce  tilie,  l'école  de  Cologne  ne  pourrait  reven- 
diquer (jueique  influence  sur  le  développement  de  la  nuire 
que  s'il  était  prouvé  que  MeisterWilhelm,  le  véritable  mailre 
de  cette  école,  a  dépassé  de  beaucoup  en  talent  ses  contem- 
porains flamands. 

Or,  il  faut  èire  bien  |)révenu  en  faveur  du  style  gernia- 
nique  pour  lui  accorder  celte  supériorité,  si  l'on  tient  com|)le 
de  la  ddTérence  du  sentiment  national.  Le  premier  tableau 
d'un  mailre  flamand  conteiiiporain  de  celui  de  Hei-le  est 
celui  de  Melcbior  Broederlam,  qui,  sous  plus  d'un  i-apporl, 
peut  rivaliser  avec  ceux  de  l'artiste  de  Cologne. 

L'examen  comparatif  de  leurs  œuvres  fait  surgir  aussitôt 
l'idée  de  sources  d'étude  différentes. 

Les  figures  du  peintre  flamand  sont  de  proportions  ordi- 
naires, et  send)lentdes  types  assez  vulgaires  qu'il  aurait  clier- 
clié  à  embellir  :  de  là  résulte  une  sorte  de  recherche,  de  ron- 
deur qui  fait  sourire,  contrastant  avec  les  formes  grêles, 
élégantes  de  Wilhelm,qui  a  traduit,  selon  son  sentiment,  des 
lyi)es  byzantins  qui  lui  étaient  proposés  comme  modèles. 

Broederlam  sembie,  au  contraire,  avoir  arrondi  des 
formes  naturellement  triviales  pour  pouvoir  alTionler  le 
parallèle  avec  les  œuvres  de  Gioito  ou  de  Memmi,  très 
estimées  à  la  cour  pontificale. 

Tout  en  lui  indique  cette  idée  préconçue  : 
La  Visilalion,  avec  son    fond   de   rochers  aigus  d   ses 
auréoles,  a  je  ne  sais  quoi  qui  rappelle  Memmi. 

Les  banderoles  que  tiennent  les  anges,  les  clicinbin.s  à 
ailes  rouges,  et  la  figure  du  Père  Éternel  lui-même  |)rovien- 
nenl  de    l'école    de    Sienne.    L'architecture,    loin    d'être 


—   7y{-yl  — 

ci)i|tiiiii(L'L;  il  rAUeiiiagdc ,  iMiipellc  par  sa  couleur  les 
fresques  de  Giollo  cl  sa  t'oriue  nionie,  avec  le  duiiie,  les  loils^ 
le  caiiipaiiilc,  a  des  rapports  nombreux  avec  le  goul  italien. 
Les  anges  qui  voltigent  en  haut  du  diptyipie  n  ont  rien  de 
gcrniani(iue. 

Tout  au  |)lus  pourrait-on  retrouver  dans  la  ligure  assez 
lourde  de  saint  Joseph,  ou.  dans  la  barbe  du  patriarche  un 
rellel  du  sentiment  allemand,  et  encore  y  a-l-il  là  plutôt  du 
rapport  avec  l'ancienne  école  hollandaise.  La  colonne  d'où 
tombe  une  idole,  le  coussin  doré,  sont  de  source  byzantine; 
l'ange  de  l'Annonciation  est  purement  flamand,  ainsi  que 
le  paysage  et  les  plantes. 

Enfin,  dans  le  parquet  à  damiei",  dans  les  bâtiments 
dépourvus  de  perspective,  dans  la  robe  à  Heurs  de  la  sainte 
Vierge,  dans  les  dorui'cs,  nous  découvrons  tous  les  carac- 
tères d'une  main  habituée  à  des  travaux  décoratifs  et  faisant 
un  effort  pour  égaler  ih^  leuvres  ilalieimcs.  Cette  |U"coccu- 
palion  df  la  )iart  d'un  peintre  employé  à  Dijon  ne  doit  jioint 
nous  étonner. 

De  15G0  à  1370,  Uibain  V,  (jui  porta  le  premier  la  ti'iplc 
liare  figurée  dans  le  tableau  de  I3rocdorlam,  attira  vivement 
sur  lui  l'attention  du  monde  religieux,  do  même  (juc  Sainte- 
Catherine  de  Sienne,  dont  on  connait  les  rapports  avec  tout 
ce  (|ui  poss(Mlail  ipirl(pi(;  aulorilé  on  théologie,  en  art  ou 
en  science.  Ce  |)onlife,  né  à  Boauvais,  fui  accueilli  comme 
un  sauveur  (|uand  il  voulu!,  en  13()7,  reporter  à  Uonjc  le 
siège  pontilical  :  il  y  reçut  même  l'empereui'  d'Orient,  venu 
))our  abjurer  le  schisme. 

Sou"^  son  successeur,  qui  était  Français  également,  Calhe- 
l'ine  Ijonineasa  actpnl  par  ses  écrits  miraculeux  u\n^  réputa-- 


—  T){)ô   — 

lion  (le  sainlclcj  ijui  rejaillil  iiuluicllciiiciil  sui'  l'ijcolc  de 
|ieiiilurc  religieuse  siennoise,  déjà  si  dislinguée. 

Enfin  en  1578  commença  le  grand  scliisnic  d'Occident, 
qui,  jusqu'en  14^9,  déchira  la  chrélienlé,  el  dans  le(|uel 
Clémenl  VU,  élabli  à  Avignon,  eut  pour  parlisans  les  Fran- 
çais, les  Bourguignons,  les  Lorrains,  tandis  ({ue  rAlIcmaguc 
el  le  nord  des  Pays-Bas  reconnaissait  son  compétiteur. 

Les  choses  étaient  dans  cet  état  (juand  Broederlam  fil  son 
œuvre  de  Dijon  :  est-il  fort  étonnant  qu'il  ail  eu  l'occasion, 
ainsi  que  les  autres  peintres  de  la  cour  de  Bourgogne,  de  voir 
des  tableaux  de  Giotlo  ou  plutôt  de  Memmi,  mort  à  Avignon 
en  1518,  et  dont  les  couvres  ne  devaient  pas  manquer  à  la 
résidence  pontificale  età  la  cour  de  France,  et  ipi'il  ail  été  plus 
impressionné  par  l'école  italienne  que  par  celle  de  Cologne? 

Toujours  esl-il  que  sa  peinture  n'est  point  allemande  cl 
que,  dès  lors,  apparaît  dans  nos  contrées  un  style  tellemenl 
national  el  dislinct  que  le  doute  n'est  plus  possible;  peu 
après  les  peintres  germaniques  semblent  devenir,  au  con- 
traire, tributaires  de  notre  école. 

L'auteur  du  livre  d'heures  du  duc  de  Berry  (n"  1 1000  de 
la  Bibliothèque  royale  à  Bruxelles),  Jean  de  llesdin,  y  a  mis 
une  composition  el  des  figures  à  l'italienne,  des  ciels  foncés 
rappelant  ceux  de  MenHni,des  i-ochers  et  des  di-aperies  d'une 
couleur  méridionale;  à  la  i)aue  150,  on  renianiue  une  gloire 
el  des  anges  rangés  (jue  l'on  attribuerait  presque  à  G.  da 
Fiosole.  Sous  bien  des  rapports,  le  style  se  i'ap|)roche  de 
celui  de  Broederlam,  mais  les  iigurcD  de  la  sainte  Mcvixc  el 
des  apôtres  semblent  tributaires  de  Giotlo  (i).  Les  vêlements 


(I)  Voir  lu  p.  lOi  cie  cc  ffiaiiusciii. 


—  364  — 

sont  grisailles  à  l'encre  de  Chine;  Broederlam  a  employé  un 
tel  procédé  pour  préparer  ses  glacis,  nnais  avec  plus  de  blanc. 
Le  frontispice  de  ce  manuscrit  est  une  [èie  byzantine  (]ui 
vienl  corroborer  nos  assertions  au  sujet  des  modèles  de  nos 
artistes. 

Le  n"  4485  de  la  même  BibliolliC(|ue  léunit  à  des  frag- 
ments dans  le  sentiment  byzantin  un  style  général  rpii  se 
rapproche  de  l'œuvre  de  Broederlam. 

En  revanche,  que  trouvons-nous  au  uiusée  de  Cologne 
parmi  les  ouvrages  au.xquels  on  peut  assigner  une  date  à 
peu  près  certaine,  tels  que  la  légende  de  sainte  Ursule 
(1540-1547)? 

Un  travail  rude,  assez  coloré,  mais  encore  asservi  au  style 
de  Byzance;  sans  perspective  ni  science  de  la  forme,  avec 
un  fond  étoile,  de  gros  jjoissons  flottant  à  la  surface  de  l'eau 
comme  dans  les  mosaïques  grecques  :  quelque  chose  d'en- 
fantin et  des  étoffes  imitées  d'après  les  sculptures,  et  qui  ne 
donnent  absolument  |)oiiil  l'idée  de  notie  art  flamand. 

Nous  conviendrons  c(!pendanl  que  sur  les  volets  se  retrou- 
vent, encore  imparfaits,  les  éléments  des  volets  du  tableau 
de  Van  E\c]i,l''Adoralwn  de  tAyneau,  par  exemple,  les  cava- 
liers, les  troupes  d'anges,  etc.  Cela  sullil-il  jiour  faire 
admettre  que  les  Van  Eyck  ont  étudié  à  Cologne,  ou  bien 
c(>s  éléments  ont-ils  été  imposés  ;i  l'arlisle  par  un  clerc,  ou 
bien  encore  la  cathédrale  de  cette  vdie  n'était-elle  i)as  alors 
une  sorte  de  lieu  de  pèlei'inage  d'où  l'on  rapportait  des  sou- 
venirs arlisti{|ues? 

D'ailleurs,  notre  école  entendait  l'art  d'une  façon  plus 
simple  que  celle  de  Cologne,  car  si  elle  |irésente  des  exemples 
de  peinture  murale  et  de   miniature,  n\\  trouverait  diflicile- 


—  005  — 

iijcnl,  coiiiiiic  dans  les  ii"  (S;i  cl  iS(i  du  milice  Wiillratï- 
Ricliarlz  et  comme  dans  cerlains  anciens  [ra\  aux  ilalicns, 
un  mélange  de  peinture,  d'émaillerie  ou  d'oilèvrcrie  cl  de 
sculpture  en  bois,  ou  même  de  plaire. 

L'ancienne  Colon ia  Agrippina  avait  consei-\é  des  rcslcs 
romains  qui  devaient  iniluer  longtemps  sur  l'art  de  celte 
cité  :  l'art  llamand  n'avail,  lui,ipie  des  objets  pieux  apporlcs 
de  l'étj'anger. 

Quanta  Slej)lian  Lucliner,  il  est  contemporain  de  J.  Van 
Eyck,  et  oi'iginairc  de  Constance,  ce  (pii  ùte  encore  à 
Cologne  un  excmjjle  à  donner. 

l*armi  les  successeurs  de  Van  Eyck,  Memling.seul  semble 
avoir  emprunté  des  sujets  aux  bords  du  Rhin. 

Ce  qui  n'offre  aucun  doute,  c'est  (pie  noire  art  du  moyeu 
âge  doit  son  origine  à  une  source  purement  religieuse. 
Créé  pour  le  culte,  dirigé  par  le  sacerdoce,  exercé  par  les 
prclre-s  ou  les  moines,  il  devait  être  naturellement  asservi 
aux  formes  et  aux  expressions  anciennes  (pii  traduisaient 
les  dogmes  et  les  syndiolcs. 

Cependant  le  culte  subissant  lui-même  des  modilicalions 
selon  les  pays,  le  clergé  étant  recruté  dans  la  na!ion  et  subis- 
sant l'ascendant  de  son  entourage,  l'expression  ne  jwuvait 
rester  bornée  aux  lypes  des  premiers  chrétiens,  et  les  clercs 
s'efforcèrent  peu  a  peu  de  perfectionner  la  tcchuiipie  et 
même  d'improviser,  sans  toutefois  abandonner  les  symboles 
de  rigueur,  bases  de  leurs  compositions,  et  seul  moyen  pour 
eux  d'expliquer  clairement  leurs  sujets. 

Mais  si,  comme  nous  l'avons  vu,  l'art  làtonnant  et  naïf 
des  Barbares  s'est  formé  peu  à  peu,  comme  à  i-egret,  par 
la  vue  cl  l'élude  d"s  modèles  romains  et  byzaulins,  si  pen- 


—  506  — 

(l;iii(  loiigloin|)s  les  Grecs  et  les  Luliiis  lurenl  les  seuls  ;ii- 
tisles  d'un  mérile  reconnu,  si  les  moines  étaient  asservis 
à  ces  motièlcs  méridionaux,  il  doit  s'ensuivre  que  l'appren- 
tissage artistique  n'était  autre  que  l'imitation  de  ce  style 
étranii-er. 

En  effet,  la  seule  expression  transmissihie  par  leçons  ou 
par  copie,  était  l'expression  sculpturale  ou  monumentale 
j-eligieusc,  soit  latine,  soit  byzantine,  et  des  scènes  entières 
étaient  copiées  (i)  et  rej)roduites  comme  de  simples  frag- 
ments. La  naïveté  d'un  maître  laïque,  l'inilialivc  d'un  élève 
dépourvu  de  principes  ne  pouvaient  lutter  contre  un  style 
religieux  très  décoratif,  très  avancé  sous  le  rapport  techniciue, 
car  l'ouvrage  iVEi'âdius  de  atU Unis  Bomanorum ,  qui  date  du 
x*"  siècle  environ,  donne  des  détails  nondjreux  sur  les  pro- 
cédés et  la  composition  des  matières  colorantes,  etc. 

Cette  préoccupation  des  procédés  s'explique;  les  peintres, 
même  du  plus  grand  talent,  s'occupaient  de  travaux  de  pure 
ornementation  et  même  de  peinture  de  bâtiments  :  Gentile 
da  Fabriano  n'élait-il  pas  le  magisler  maijùlronnn  (2)  du 
dôme  d'Orviete,  en  1417? 

La  polychromie  n'est-elle  pas  une  des  parties  les  plus 
importantes  de  la  peinture  (3)?  Ne  trouve-t-on  pas  les  slucs 
dorés  et  les  reliefs  coloriés  dans  les  ouvrages  des  nombreux 
peintres  de  celte  époque  (i)? 

Sous  l'impulsion  de  Guido  de  Sienne,  de  Duccio,  de 
Giotlo,  les  Italiens  commencèrent  à  utiliser  certains  types 


())  V(»ir.l.  [{uhckiiaudt,  i)t'r  CiciTonc,  pp.  't83  cl  i84a. 

(i)  no.siNi,  Sloria  dcllii  l'/llura  iinlianu,  t.  III,  p.  il. 

(î)  Ueli.a  Vai.i.k,  Sloria  del  diionw  d'Orvieto,  doc.  (il,  p.  299. 

(i)  .MoHKi.i  I,  AïKiiiimn,  p.  ^1,  et  Hicci  p.  175. 


—  5()7  — 

établis,  on  les  iMoililianl  un  pou  à  leur  fantaisie  et  en  essayant 
de  représcnlcr,  d'après  les  mêmes  principes,  les  costumes 
de  leur  temps,  les  attitudes  de  leur  époipie,  le  (oui  de  mé- 
moire et  par  une  tension  d'esprit  acharnée.  Le  dessin  d'après 
nature,  (|u'atteslenl  les  œuvres  de  Giotto,  amena  ensuite  un 
rapide  développement. 

Au  point  de  vue  de  l'art,  rien  ne  justifie  l'enthousiasme 
qu'excitèrent  les  tableaux  de  Cinjabué,  de  Giotto,  de  Duccio; 
mais  cet  enthousiasme  local  el  patrioli(jue  s'explique  par 
la  rivalité  qui  dès  lors  s'établit  entre  un  art  indigène,  con- 
temporain et  vivant,  el  l'art  froid,  sans  originalité,  des 
mosaïstes  étrangers. 

Toutefois,  nous  tenons  à  constalej-  un  fait  :  c'est  (pi'il  ne 
faut  pas  attribuera  la  seule  étude  de  la  nature  ou  au  géme 
de  Giotio  l'expression  nouvelle  ({ui  caractérise  les  œuvres 
italiennes  à  dater  de  ce  maitre,  pas  plus  (jue  dans  nos  pro- 
vinces on  ne  peut  atti'ibuer  comme  caractère  à  la  Renais- 
sance produite  par  les  Van  Eyck  une  élude  exclusive  de  la 
nature. 

Ce  système  serait  tlatteur  sans  doule;  un  examen  super- 
ficiel attribue  à  toutes  ces  peinluies  une  sincérité  ïialive,  el 
elles  paraissent  telles  à  côté  de  l'art  conventionnel  desGrecs; 
mais,  au  musée  du  Vatican,  nous  avons  observé  dans  un 
petit  tableau  byzantin,  à  petits  sujets,  donné  par  le  pape; 
Pie  IX,  et  dans  un  retable  repré.sentanl  la  Crucifixion,  tous 
deux  ti-ès  anciens,  les  anges  voltigeant,  habituels  à  S.-Meni- 
mi,  et  dans  un  diptyque  en  ivoii'e,  du  temps  de  Constantin, 
pourvu  de  la  huive  romaine,  les  chérubins  et  les  anges  à 
ailes  croisées,  el  tous  les  autres  types  (pi'ii  employés  l'école 
de  Giotto. 


—  308   — 

Il  n'y  a  (.loue  eu  là  (luc  niodilicalioii  do  roiidu  et  d'expres- 
sion ajoulce  à  l'emploi  des  modèles  anlérieurs,  e'esl-à-dirc 
un  progrès  bien  indiqué  par  le  dévelo|)pemcnl  graduel  des 
arts  et  des  seicnees,  ou  un  recul  produit  par  les  vicissitudes 
de  lu  civilisation. 

Les  devanciers  et  les  initiateurs  des  peintres  laïques  ont 
été  les  religieux  et  leur  base  d'études,  les  travaux  romano- 
byzanlins(i). 

La  composition,  le  cboix  dos  sujets,  toute  la  lliéorie,  en 
un  mol,  provcnail  des  prêtres  ou  clercs  magislri  arlîuin 
uc  sacrœ  Iheologiœ  exiinii  profcssorcs,  auteurs,  le  plus  sou- 
venl,  de  l'ordonnance  des  tableaux  commandes. 

Si  l'on  recliercho  les  types  primordiaux  qui  doivent  avoir 
le  plus  servi  de  modèles  à  la  plupart  des  artistes  du  moyen 
âge  pour  l'arrangement  des  tableaux,  on  peut  se  convaincre 
qu'ils  furent  fournis  par  les  diptyques  cl  autres  travaux  en 
ivoire,  ou  en  orfèvrerie  émaillée,  objets  d'art  et  de  piété, 
de  forme  et  de  dimension  portatives,  dont  la  provenance  est 
surtout  méridionale,  el  qui  devaient  cire  le  luxe  des  prêtres 
comme  celui  des  seigneurs. 

Les  inventaires  du  xiv'  siècle  le  prouvent  du  reste. 

C'est  une  continuation  plus  large  cl  plus  libre  de  l'art  Ira- 
dilionnel  romain,  qui  a  produit  des  orlèvn^s  tels  (jue  le  frère 
Hugo,  des  miniateui'S  tels  (|uc  les  moines  de  Slavelol,  les 
abbesses  d'Alden  Eyck,  des  peintres  tels  que  ceux  de  riiô- 
))ilal  de  Gand,  des  fresques  de  la  cliai)ellc  comtalc  de 
Mons,  etc.  (-2). 


(1)  Alvin,  Bullelin  de  l'Acailémie,  18GI,  2'  série,  y.  GT9. 

(i)  Voir  Annales  du  Cercle  archéologique  de  Mous,  l.  NI,  pp.  327  cl  .suiv. 


—  .'(')<)  — 

L'aclion  de  l'Ilalic  est  moins  éviclonl*'  dès  qu'apparaît  l;i 
peinture  purement  civile,  mais  elle  reprend  avec  les  Van 
Eyck  et  s'accentue  d'année  en  année  à  partir  de  1450. 

Cette  assertion  peut  sembler  étrange,  mais  à  l'aide  de 
bonnes  photographies,  la  comparaison  entre  les  œuvres 
italiennes  et  celles  de  nos  maiires  peut  se  faire,  abslraclion 
faite  de  la  couleur,  et  les  Spincllo,  Squarcione,  les  Bellin, 
les  successeurs  d'Orcagna,  Verrocchio,  etc.,  ont  certainement 
fait  impression  sur  nos  Flamands. 

Les  panneaux  du  centre  et  de  droite  du  tableau  de 
CAfjneau,  h  Gand,  respirent  le  style  italien,  qui  a  plus  lard 
été  si  en  honneur  dans  nos  provinces.  Mais  avant  les  Van 
Eyck,  la  question  n'est  point  la  même  et  exigera  une  élude 
approfondie. 

Nous  croyons  avoir  établi  que  l'art  inné,  réaliste  ou  naï- 
vement naturaliste,  n'est  qu'un  germe,  un  embryon,  ou  pour 
mieux  dire,  un  tronc  sur  lequel  vient  se  greffer  une  suc- 
cession de  formules  imposées,  ce  qui  consliluo  la  science, 
l'éducation  de  l'artiste. 

Quelques  peintres  de  noire  siècle  ont  tenté  de  faire  pré- 
valoir cet  art  tout  personnel,  croyant  qu'à  lui  seul  il  peut 
produire  sufiisamment.  Nous  n'avons  pas  à  apprécier  ces 
tentatives,  mais,  au  moyen  âge,  Fart  naïf  et  d'instinct  n'a 
rien  produit  à  lui  seul,  et  toujours  il  a  été  uni  à  un  travail 
imposé  ou  traditionnel. 

Cet  art  n'est  donc  pas  pour  nous  une  source  productive. 

En  revanche,  nous  avons  à  étudier  : 

1°  Les  reliques  de  l'art  latin  et  byzantin  ; 

2"  Les  types  symboliques  modifiés  et  renouvelés  par 
Giotto  o|  son  école  ; 


—  370  — 

.")"  Les  modes  ni  los  types  prol'anos  du  \iv"sièclr,  qui 
constilucnl  aillant  de  diversilés  remarquabirs,  de  caraclèros 
permctlanl  d'assignor  à  unp,  œuvre  d'arl  une  date  on  marque 
d'origine. 

Un  exemple  précisera  mieux  noire  idée. 

Si  l'on  contemple  une  leuvrc  d'arl  quelconque,  soit  un 
lahleau  d(^  l'école  des  Van  Eyck,  ou  une  miniature  du 
xiv''  siècle,  soit  une  statue  de  Claus  Sluter,  on  est  frappé 
d'abord  du  sentiment  vrai  (jui  se  dégage  de  celle  œuvre, 
(]ui  |»arail  copiée  consciencieusement  d'a]")rès  nature. 

Mais  aussilùl  on  découvn',  ou  bien  un  tapis  servant  de 
dais,  déj.à  connu,  une  auréole  déjà  vue  ailleurs,  un  air  de 
lète,  une  pose  débauchée,  une  main  sur  ia  poitrine,  tandis 
que  l'autre  est  levée  avec  afléctation  ;  on  remarque  aussi  que 
les  (Igures  tranquilles  sont  le  mieux  réussies,  et  que  celles 
(|ui  expriment  un  fort  mouve;nent  ou  un  raccourci  soni 
manquées,  parce  que  l'artisle  n'avait  pas  de  modèle  typi(|ue 
pour  baseï-  son  rendu.  Tout  cela  est  emprunté  et  pi'ovicid 
de  l'éducation  de  l'artiste;  c'est  sa  science. 

D'où  proviennent  ces  modèles  typiques?  C'est  ce  que  nous 
nous  sommes  imposé  la  làcbe  de  recbercber. 

Après  avoir  établi  clairement  par  des  l'ails  ce  qui  nous 
est  venu  par  l'Italie,  de  Fart  byzantin,  nous  trouverons, 
mêlés  à  l'art  naïf  ou  réaliste,  des  l\|»es  ol'liciels  ou  prol"an(!s, 
ado|)lés  après  la  cbutedu  byzantin,  et  créés  par  des  maîtres 
hardis,  qui  parvinrent  à  traduire  par  une  expression  nette 
et  décorative,  en  ra[)port  avec  le  goût  du  temps,  les  figures 
des  souverains  et  d'autres  éléments  d'usage  habituel.  Ces 
créations  magistrales,  comprises  selon  les  nécessités  de  l'art, 
devinrent  un   sujet  d'étude  pour  l(;s  travailleurs  de  second 


—  Â7I   — 

ordre;  ces  types  parvinreiil  chez  nous,  iii;iis  nos  jirlisles  ne 
les  ulilisèreiU  qu'avec  des  iiiodiliciiliDiis  (|ut'  leur  iiis|iirail 
leur  iiislincl  na tu rn liste. 

TYPES    ET    STYLES    DE    l'aI'.T    HELIGIEUX    PHIMITIF. 

L'arl  symbolique,  qui  a  formé  les  premiers  artistes  et  leur 
a  donné  l'audace  d'envisaiÇ(M'  peu  à  peu  la  nature,  était, 
quoique  routinier,  une  science  et  i-on  pas  un  art  incertain 
de  novices.  Dès  que  l'Eglise  romaine  se  décida  à  arborer 
le  luxe  et  l'apparat,  les  artistes  et  les  objets  d'art  de  Byzance 
furent  préférés  aux  simples  productions  de  l'art  primitif  des 
catacombes  et  surtout  aux  grossières  productions  nationales  ; 
du  VII*  au  xiii^  siècle,  l'artiste  italien  fut  laissé  à  une  sorte 
d'abrutissement,  quand  il  ne  se  mettait  pas  sous  les  ordres 
des  Grecs.  Dans  des  villes  telles  que  Venise,  s'établirent 
des  colonies  entières  de  Grecs  mosaïstes  pendant  |)lus 
d'un  siècle. 

Les  mosaïques  de  l'Italie  se  divisent  en  deux  classes  dis- 
tinctes :  celles  qui  sont  antérieures  au  vi*  siècle  et  qui  sont 
encore  un  peu  dans  le  sentiment  antique.  Celles  qui  parais- 
sent byzantines,  postérieures  au  vi*  siècle. 

Parmi  les  premières,  on  dislingue  celles  du  Temple  rond 
de  Sainte-Constance  à  Rome,  dont  la  voûte,  ornée  de  mo- 
saïques décoratives  du  iv^  siècle,  présente  des  vendanges 
à  la  Pompéienne  et  des  ligures  romaines  de  satyres,  de 
paysans,  de  bouviers. 

Dans  l'église  de  Sainle-Pudentienne,  une  mosaïque  d'ab- 
side de  590,  montre  le  Sauveur,  assis  sur  un  tabouret  carré, 
byzantin,  entre  des  apôlres  el  deux  femmes,  personnifiant 


-  r,7i  — 

l'église  des  juifs  et  celle  des  païens  clirislianisés;  celles-ci 
ont  le  caractère  romain  do  la  décadence  :  les  déiails  symbo^ 
jiques  sont  plulùl  romains  que  byzantins. 

A  Saint-Paul  liors  des  murs,  les  mosaïques  de  la  Iribune 
datent  du  xin''  siècle  (120G),  mais  sont  la  reproduclion 
d'une  mosaïque  du  v*"  siècle  el  ont  encore  un  style  romain, 
tandis  que  celles  de  l'arc,  à  l'inléi'ieur,  monirent  clairement 
la  tradition  née  avec  Giollo  ;  un  médaillon  rond  du  Sauveur^ 
avec  une  auréole  el  soulenu  par  deux  anges  à  ailes  Irico- 
lores,  du  style  de  S.  Memmi;  ce  Iravail  dale  du  xiv*  siècle. 

A  SS.-Cosme-et-Damien,  la  mosaï(pie  (52G-.jôO)  repré- 
sente des  nuages,  dont  le  type  a  persisté  jusqu'en  liiOO, 
mais  l'Agneau  avec  une  croix  et  un  rouleau  de  papyrus 
sigillé  est  bien  néo-clirélien  et  non  pas  de  slyle  barbare  ni 
jjyzanlin. 

Les  mosaïques  de  Tare  interne  du  cliœur  de  Sainl-Laiirenl 
liors  des  murs  semblent  être  les  premières  qui  aient  subi 
riniluence  byzantine  (r)78-590j.  Celles  de  l'abside  de  Sainte- 
Agnès  liors  des  murs  (02^)-G38)  tournent  au  byzantin  (la 
couronne  de  sainte  Agnès  est  presque  franque  encore)  celles 
de  S.-Stefano  rotondo  (()42-G49)  appartiennent  aussi  u  la 
transition. 

L'art  indigène  de  l'Ilalie  luli;iii  cependant  contre  l'in- 
fluence grecque,  soit  en  imitant  d'anciens  travaux  roniains, 
soit  par  des  mosaïques  lombardes,  naïves  et  rudes,  telles  que 
celles  du  cbœur  de  Saint-Ambroise,  de  Milan  (8ô2),  celles 
de  SS.-Nérée-et-Acbille,  à  Rome,  de  S'-Maria  délia  Navi- 
cella  (817-824).  Le  caiactère  national  se  retrouve  encore 
dans  les  figures  longues  el  minces  de  S"'-Cécil(\  à  Rome, 
dans  los  anges  et  Ir-s  pri'lres  en   robi'  l»l;int'lit'  de  Sainte- 


-   075  — 

Prassôcle  (style  des  calacombes)  (817-824);  les  travaux  sans 
propordons  et  de  tradition  nco-chré(icnne  de  Saint-Marc 
(827-844-),  ù  Venise,  les  mosnïiiuos  du  xfii*  siècle  du  por- 
liijue  de  celle  i)asilique,  dûnolenl  la  main  des  nationaux 
dirigée  par  des  Grecs,  tandis  (|ue  h»  pui'  caraclère  l)\  zanlin 
se  montre  dans  la  l^al.i  d'Oro  i!)7(i)  laite  à  Conslanlinople 
même. 

Le  système  artistique  du  Kas-Empire  se  basait  sur  des 
réminiscences  de  l'antique,  mais  avec  des  formes  roidies; 
il  était  produit,  comme  à  présent,  dans  les  couvents  de 
ealoyers  d'Athos  (i)  par  une  copie  continuelle.  Ce  système 
de  formes  domina  hientùt  en  Italie. 

Non  seulement  des  villes  étaient  quelque  peu  dépendantes 
du  culte  p;rcc,  mais  l'arl  byzantin  avait  des  qualités  parti- 
culières d'ornementation.  A  dater  du  vu*"  siècle,  il  y  avait 
unité  de  vues  à  cet  égard  dans  le  clergé  romain  et  grec, 
et  ce  ne  fut  qu'au  xi'  siècle  que  le  scbisme  s'accentua  visi- 
blement. 

Ce  respect  pour  l'art  du  [Îas-Empire  fut  transmis  à  nos 
contrées,  où  il  resta  une  sorte  de  modèle  d'inspiration  à  peu 
près  sacrée. 

Au  couvent  de  Karès  se  conserve  un  manuscrit  traitant 
de  la  façon  dont  les  moines  doivent  représenter  les  images 
sacrées  et  les  faits  bibliques  (-2).  L'arl  ne  s'exerce  là  que 
selon  la  tradition,  comme  au  moyen  âge. 

Dans  nos  contrées  couvertes  du  voile  de  la  barbarie,  au 
XI*  et  au  xn*  siècle,  les  rares  nriisles  provenant  des  pé|»i- 


(1)  Voir  J,  Hup.cKiiARiiT,  her  Ciceroue,  p.  479/. 

(2)  Dupp.nx,   Mdfiiifl  tl"u:oni>iiriiii}ii''  ihii'lii'inir. 


—  374   — 

nièros  do  Siiinl-Gall  ou  du  Monl-Cassiii,  Lazare,  Mélhodius, 
Noikcr,  Modeslus,  Sinlranime,  Thiemon,  Tulilon,  Théo- 
phile, répandaient  leurs  conventions  artistiques,  types  qui 
avaient  été  l'ohjet  de  discussions  sérieuses,  comme  le  rituel 
et  la  liturgie,  et  de  là  des  points  de  ressemblance  entre  les 
ouvrages  subséquents  de  pays  différents. 

Les  moines  italiens  se  répandirent  en  France,  en  Angle- 
terre, en  Belgicpie;  les  Grecs  en  Rulhénie. 

On  recherchait  les  reliques  de  Byzance.  En  1^207,  le  car- 
dinal Capuimo  enleva  de  l'église  de  Conslanlinople  le  corps 
de  saint  André.  Les  faces  noires,  sur  cuir,  du  Sauveur  ou 
de  la  Madone  étaient  considérées  comme  sacrées. 

Aussi  les  travaux  belges  les  ))Ius  anciens  sont-ils  une 
copie  enfantine  de  sujets  byzantins. 

Lors  de  la  belle  exposition  de  l'art  ancien,  au  cloitre 
Saint-Paul,  à  Liège,  en  1881,  le  manuscrit  illustré  par  les 
sœurs  Herlinde  et  Renilde,  en  7:25,  iiH'rilail  la  première 
place  à  cet  égard,  et  le  n"  10  du  catalogue,  ouvrage  du 
ix*"  siècle,  avec  un  caj-aclère  frank  imité  du  byzantin,  renfer- 
mait un  ly})e  d'auréole  et  d'ailes  que  l'on  retrouve  dans 
toutes  les  fresques  religieuses  du  Giolto. 

Dans  le  n"  8,  du  xi*  siècle,  beaucoup  plus  achevé  et  très 
byzantin,  se  montrent  les  plis  de  robes  habituels  à  Cimabuë, 
cl  le  n"  IG  fourmille  de  symbolesconnus,  lels(|U(' les  flammes, 
une  main  rayonnante,  etc. 

Le  trésor  d(;  l'église  de  Tongres  pos.sède  une;  couverture 
d'Lvangéliaire  de  même  prov(Miance  d  où  l'on  trouve  déji, 
détail  intéressant,  une  Vierge  dont  l'allilude  serpentine  est 
si  coirimuno  ;iu  xiV  siècle,  et  un  ange  agcnitiiillr,  avec  une 
bandenilc  déjà  1res  gothique. 


~  57:;  — 

Le  n>li(|u;iii'('  de  siiiiitc  Ursule,  de  l;i  iiicinc  colleclion, 
(le  la  même  époque  el  d'un  travail  bien  plus  avancé,  est  déjà 
(oui  à  fait  de  ce  slylc  fleuri  qui  fui  surtout  de  mode  en 
Angleterre  et  qui  donna  lieu,  chez  nous,  à  une  sorte  d'ara- 
besque contournée,  dans  les  vignettes  et  l'ornementation. 

La  châsse  de  saint  Mengold,  de  la  collégiale  de  Iluy, 
faihï  en  1175,  dans  un  sentiment  grec,  mais  remaniée  en 
1560,  porte  des  lioris  rampants  et  une  figure  de  seigneur 
d'un  caractère  tout  à  fait  original,  mais  peut-être  postérieur. 

Le  reliquaire  de  saint  Hadelin,  de  l'église  de  Visé 
(xir  siècle),  dénote  aussi,  malgré  des  détails  plus  récents, 
la  copie  d'œuvres  méridionales. 

Il  on  est  de  même  de  la  couverture  d'Évangéliaire  appar- 
tenant aux  sœurs  de  Notre-Dame  de  Namur,  due  au  frère 
Hugo  d'Oignies,  au  xtii'  siècle. 

Quant  à  la  châsse  de  saint  Remacle,  de  l'église  de  Slave- 
lot  (xfii*  siècle),  elle  est  un  vrai  travail  de  transition;  ses 
ornements  sont  déjà  gothiques,  ses  statuettes  sont  un 
mélange  de  frank  et  de  byzantin,  et  il  s'y  trouve  une  figure 
de  chevalier  très  réaliste.  Une  Vierge  en  bois  doré  de 
l'église  de  Saint-Jean,  à  Liège  (xiii'  siècle),  rappelle  Cima- 
buë,  et  la  Vierge  de  Dom  Rupert,  en  pierre  dorée,  du 
xi"  siècle,  a  les  mêmes  caractères  (i)- 

Plusieurs  des  trésors  inestimables  que  je  viens  de  men- 
tionner ont  été  visibles  à  Bruxelles  lors  de  l'Exposition 
nationale  de  1880,  de  même  que  les  pièces  suivantes,  (jui 
méritent  un  ex;unen  approfondi  : 

L'Évangile  de  l'abbaye  de  Saint-Laurent  (x'  siècle)  (-1), 

(1)  Musée  archéologique  de  L'ège. 

(i)  N"  n  tlii  Catalogue  ollicu'l  ilc  l'KNpn.sJliDii  iia'iaiiale  de  1880. 


—  57()  — 

imilation  flagrante,  avec  des  foi'mos  arrondies,  de  travaux 
o-recs. 

L'Onice  des  Anges  (i),  du  \f  siècle,  manuscrit  l'iiùnan 
de  la  Biljliollièque  royale,  lourde  imilation,  visible  dans  les 
apôtres,  dans  le  nimbe,  etc. 

Les  Evangiles  de  l'abbaye  d'Averbode  (-2),  appartenant 
à  rUniversilé  de  Liège,  style  IVank  dérivant  du  byzanlin. 

L'Evangèliaire  du  ix*"  siècle  (3),  imitation  libre,  ainsi  que 
les  n'"  14,  10,  40,  2o  du  même  catalogue. 

Le  riluol  de  l'abbaye  de  Sîavelol  est  plulùl  une  copie  de 
travaux  du  Bas-Empire  romain  que  de  Byzance  même. 

Olte  propension  persiste  dans  l'arl  monacal  jusqu'au 
xv*"  siècle  et  <iième  plus  tard,  et  l'on  peut  consulter  à  ce  sujet 
les  n°'  1787,  5074,4783,  de  la  Bibliothèque  royale,  les 
n"  ni)')-179G  provenant  des  moines  de  Groenendael 
(xiv"  siècle);  à  cùlè  d'une  ligure  du  Sauveur,  byzantine,  on 
y  voit  des  moines  lisant,  très  naïfs. 

Le  n°  4483  (xn'*"  siècle),  avec  des  détails  traditionnels  que 
l'on  reirouve  un  siècle  plus  tard,  a  aussi  le  caractère  de  la 
copie  des  Grecs,  de  même  que  les  n"'  9061-0:2,  Psalterion, 
qui  parait  Anglais. 

Maison  ne  saurait  rencontrer  un  meilleur  exemple  de  la 
copie  de  miniatures  grecques  exécutée  librement,  avec  une 
sorte  de  rudesse  indépendante,  que  le  Spcciilitm  humaine 
salvalionis,  manuscrit  en  flamand  (n''  281  de  la  Bibliothèque 
royale).  On  y  voit  le  dessin  l'ail  de  mémoire  d'après  des  cru- 
cifix ou  des  travaux  byzantins,  spécialement  dans  les  sujets 


(i)  N»  20  (lu  n)("n)e  r.'it.iloLiie. 
(î)  iN"  r.7,  i,i. 

(:>)  N"  10,  id. 


—  577  — 

d'AbiiLT,  de  la  scpulUirc  du  Clirisl,  de  la  doicciitc  de  Croix, 
du  calalahiue,  c(c. 

Xolrc  pays  u'élail  pas  seul  asservi  à  la  foniiule  grecque 
pour  les  ouvrages  religieux. 

Lo  slyle  de  presque  loulo  l'Allemaguc,  jusqu'au  xV'  siècle, 
élail  formé  d'emprunts  à  cet  arl,  loul  en  reslaul  dilléreiil 
du  noire. 

Si  lècole  de  Prague  a  réellemcnl  existé,  elle  a  dû  s'inspirer 
enlièrenicnl  de  Byzancc,  ce  que  prouvent  la  tète  de  Clirist 
sur  le  suaire,  peinte  en  13G8  |)ar  Thomas  de  Mutina,  el  la 
mosaïque  extérieure  du  sud  du  dôme  de  Prague,  exécutée 
en  1571,  qui  dépendent  absolument  de  ce  slyle. 

Celle  influence  gréco-latine  subsista  jusfpi'au  xvi'  siècle, 
dans  des  retables  el  des  triplyipies.  Beato  Angelico  la  subit, 
dans  un  antiphonaire  du  couvent  de  Saint-Marc,  el  ce|>cn- 
danl  à  celle  époijue  le  cours  de  la  civilisation  avait  amené 
une  source  d'inspiration  nouvelle  et  imporlante  (i). 

Nous  ne  tenons  aucun  comjj'e  de  la  tendance  innée  (jue 
Ton  découvre  dès  les  temps  préhistoriques  el  (|ui  se  traduit 
chez  l'enfanl  par  un  arl  embryonnaire,  désir  instinctif  de 
reproduire  un  asiicct  par  lequel  l'esprit  a  été  frappé. 

Cette  expression  individuelle,  non  transmissible  parfois, 
est  presque  toujours  modifiée  par  ce  fait  (juc  l'artiste  est 
|)étri  dans  le  moule  d'une  éducation  journalière  à  cause  du 
milieu  qui  l'cnlourc. 

Mais  nous  devons  constater  la  naissance  d'un  style  pi'oduit 
par  le  contact  d'une  civilisation  étrangère,  el  qui  donna  une 
poussée  remarquable  à  l'art  du  moyen  âge. 


(i)  Rosi>'i,  Storia  dclla  PiHidd,  p.  7  i,  t.  1. 


—  57«  — 

Al;i    SAXON    £T    NOI'.MAM)    OU    liOTHIOUL:    PRIMITIF. 

Après  Tan  lOOO  se  iiKiniInsia  (l;ins  rarcliilrcluri!,  mère 
cic'saulres  arts  décoratifs,  une  ardeur  parliculière. 

La  Cathédrale  de  Tournai,  eoinineneée  vers  1 020,  el  consa- 
crée en  10G6,  el  d'aiUrcs  monuments  d(;  celte  époque  d(î 
transition,  el  même  parmi  ceux  qui  l'urcnU  consiruils  au 
milieu  du  xri"  siècle,  tels  que  la  chajielle  de  réglisc  abbatiale 
de  Slavelot,  celle  du  Saint-Sanii  de  Bruges,  etc.,  montrent 
clairement  la  puissance  des  souvenirs  de  l'art  romain  el 
byzantin. 

Mais  cette  tendance  se  métamorphose  peu  à  peu  avec  les 
croisades. 

L'arc  brisé  ogival  ne  paraissant  qu'au  commencement  du 
xii**  siècle,  l(îs  croisés  semblent  n'avoir  pas  été  dans  nos 
contrées  les  moins  actifs  propagateurs  de  ce  style  nouveau, 
dont  l'épanouissement  complet  coïncide  avec  le  règne  de 
saint  Louis, 

Vers  ce  temps,  les  Normands  étaient  déjà  solidement 
établis  dans  la  Sicile  et  le  royaume  (ie  iNaples,  et,  dès  la 
même  époque,  les  croisades  établissaient  un  contact  forcé 
entre  les  Occidentaux  (!t  l'art  luxueux  des  Sarrasins. 

Sur  des  monnaies  siciliennes,  les  symboles  du  ci)rislia- 
nisme  et  de  l'islamisme  sont  confondus. 

En  Sicile,  on  parlai!  (juaire  langues;  les  édits  étaicnl 
publiés  en  ces  langues,  et  chaque  peuj)le  régi  par  sa  loi.  Le 
plan  d(!  l'égli.se  de  la  Martorana,  à  Païenne,  esl  grec,  et  une 
mosaïque,  datani  de  l'épofpie  (l(>  la  fondation  normande  de 
cet  édilice,  repré.sente  le  loi  Roger,  vêtu  du  costume 
byzantin. 


—  1579  — 

Rog(M' I"',  quoique  ad versainMles  Gi-ecs,  créa  un  archi- 
mandrite, bien  que  les  évèques  de  Sicile  dépendisseiil  de 
Rome.  Il  fil  coiislruire  avanl  I152  la  chapelle  de  Saiiil- 
Pierre,  ù  Palerme  (i). 

Guillaume  II  (1180-1189)  lit  Ijàtir  l'abbaye  de  Monréale, 
ce  superbe  monument  de  style  siculo-normand  ,  dont  les 
mosaïques  el  les  ornemenis  à  i^radins  sont  des  décorations 
vraiment  musulmanes  (2). 

Le  nord  de  l'Italie  offre  des  restes  lombards  (|ui ne  sont 
pas  sans  rapport  avec  le  style  saxon  le  plus  rude,  mais  peu 
comparables  au  slyle  normand  si  rapidement  développé. 

L'influence  normande  elsuève  sur  l'ai-t  de  l'Ilidie  méridio- 
nalea  été  constatée  par  M.  Salazaro  dans  son  opuscule  sur 
la  culture  artistique  de  cette  contrée  {i). 

Déjà,  en  1 184,  la  civilisation  était  très  avancée;  en  Sicile 
et  les  chefs  normands  se  mirent  très  intelligemment  à  la  tète 
de  ce  mouvement,  ce  qui  dénote  en  eux  un  tact  très  rare,  ou 
déjà  un  degré  d'éducation  très  sérieux. 

Un  manuscrit  en  dialecte  gallejo,  intitulé  l.oores  du 
S'^  Maria  (i),  fait  au  xv*"  siècle  dans  le  style  archaïque  du 
xiv®,  et  rempli  de  détails  orientaux,  d'ornements  de  style 
ogival,  donne  un  bien  curieux  exemple  de  la  façon  dont  la 
transition  doit  s'être  opérée,  aussi  bien  dans  le  .Nord  (|u'en 
Sicile  et  en  Espagne. 


())  SPRhNGER.  Die  Millelaltcrlicke  Kniinl  in  l'alcnno.  JBiiiin,  18<)!t,  p.  10. 
(i)  A.  DE  (Jel'leneer,  Le  l'orliigal,  p.  19. 

(5)  Salazaro,  Sitllu  colliira  arlislica  ilell'  Hnltu  iiu'ndioitdle.  iNapoli,  1877, 
p.  lo. 
(♦)  Bibliothèque  Magliabcuchi,  a  Florence. 


—  580  — 

Les  ariiioii'ici),  roi'iioiiientalion  cli'ganlr  furcMit  le  rcsuhat 
iriiiiicdiul  ties  ra|)|)orls  dû  nos  OccidcMitaux  avec  les  Sarra- 
sins, el  il  Callail  une  race  apte  à  l'assiinilalion,  coirinie  la  race 
normande,  pour  dclermincr  ce  résullal,  car  les  canij)agnes 
de  Giiarlcuiagnc  n'avaicnl  rien  produil  de  pareil. 

Nous  sommes  convaincu  ()ue  c'est  de  là  cpi'esl  parli  le 
signal  des  modes  nouvelles,  des  mœurs,  du  goûl,  en  un 
mol,  (|ui  régit  le  .\ll^  le  xiii'^  el  même  encore  le  xiv^  siècle, 
el  lorsijuc  Thomas  Beckcl  écrivait  aux  cardinaux  :  «  Déjà 
noire  Roi  suit  les  traces  des  Siciliens  el  même  il  les  devance  » , 
il  établissait  la  source  du  uroarès  des  arts  de  luxe  et  de  la 
civilisation  dans  la  Graiide-Bi'clagnc, 

Le  premier  style  dil  gotliiipic  est  une  sorte  de  traduc- 
tion de  rornemcntalion  sai'rasin'>,  mêlée  au  romano-byzantin, 
en  (ypcs  saxons,  slyle  caraclérislique  des  races  du  Nord. 

L'union  de  la  ivice  normande  avec  celle  de  l'Anglelcrrc 
n'a  fait  (|u'en  vivilier  l'expression,  qui  restait  grande  et  plus 
sérieuse,  mais  moins  line  et  moins  délicate  en  France,  où 
Pierre  de  Monlreuil,  le  niailrc  ès-ieuvres  de  Louis  IX.,  bâtit, 
a  son  retour  d'Orient,  la  Sainte-Cliapelle,  l'abbaye  de  Poissy 
et  le  réfecluirc  de  Saint-Gei-main  des  Prés. 

Sainte-Marie  de  (iambridge,  Sainte-Marie  d'OxIbrd,  Saint- 
Pierre  d'York,  el  surtoiil  labbaye  de  Westminster  sont  les 
ly|)es  les  j)lus  purs  du  goût  normand-saxon. 

Mais  les  lypes  les  |)lus  inléressanls  de  l'art  ogival  se  trou- 
vent en  Normandi(\  et  déjà  avant  la  conquête  et  avant  la 
croisade,  la  calliédrait;  de  Coulances,  bàlie  en  1030  et  inau- 
guréecn  lOoG,  dont  !<•  porlaii  méridional  est  la  jtlus  ancienne 
partie,  celle  de  Morlain,  dalanl  de  1082,  si  ces  chiffres  sont 
exacts,  peuvent  avoir  été  coiiçiios  p;ir  suit':  des  relations  des 


—  .ISI    — 

navigaleurs  noniiaiuls  avec  l'Oriciil,  ou  bien  par  Miilc  tics 
|)clcrinages  (lui  précûdèrcnl  la  première  croisade.  Mais  il  est 
plus  probable  que  ces  édilices  daleiU  de  quelques  années 
plus  lard. 

Dans  les  pays  allemands,  le  plus  ancien  monument 
golhiqueesl  l'église  de  Fribourg  en  Brisgau,  commencée  en 
1130,  ce  qui  vient  a|)puyer  notre  hypothèse. 

L'abbaye  aux  hommes  de  Caen  possède  à  côté  de  parties 
dans  le  goùl  delà  (ransilion,  mais  d'une  sinqilicitc  grandiose, 
des  détails  qui  permettent  la  comparaison  avec  d'autres 
monumenis  normands,  pour  suivre  la  tendance  vers  le 
gothique  le  plus  pur.  Mais  l'abbaye  aux  dames  surtout  est 
remarquable  sous  ce  rapport.  Les  dents  de  scie,  les  masca- 
rons,  tout  à  l'ait  IVanks,  l'ornement  on  ceinture  ou  en  tresse 
Iranque,  se  mêlent  à  des  cai-rés  ou  des  losanges,  de  façon  à 
donner  pour  ainsi  dire  un  aspect  arabe  à  certaines  parties 
des  travées  extérieures,  do  la  colonade  supérieure  de  la  net'. 
Ce  caractère  est  surtout  visible  dans  l'aspect  général. 

L'église  de  Titan,  près  do  Caen,  uiïro  dans  l'ornementa- 
lion  cette  tendance  orientale  ])lus  caractérisée  encore,  et  pro- 
duite cependarit  p;ir  des  carrés  et  des  zigzags  seulement. 
Dans  cette  église,  o[  dans  la  cathédrale  de  Bayeux,  il  est 
curieux  de  constater  combien  le  style  gothique  normand 
subsé(iuenl  se  lie  facilement  au  style  do  transition  frank, 
basé  sur  les  plans  romans.  Un  ornement  tressé,  entrelacé  de 
losanges,  et  d'autres  détails  au-dessus  des  arcs  des  travées 
de  la  nef  a|)|»uiont  ici  notre  opinion. 

('/est  évidemment  par  un  mélange,  une  sorte  d'éclectisme 
réunissant  à  la  fois  des  souvenirs  grecs,  ou  classiques;  qui 
abondaient  en  Sicile,  à  l'inspiration  arabe  et  à  ce  style  roman 


—  582  — 

nolablemcnt  travesti  pnr  les  copistes  IVanks  ou  saxons,  que 
s'est  dégagé  le  style  lancéolé. 

Il  serait  absurde  de  prétendre  cependant  que,  dès  la  pre- 
mière manifestation  de  ce  style  nouveau,  l'effet  en  ait  été 
foudroyant.  H  cette  influence,  assez  générale,  il  a  fallu  au 
moins  cent  ans  pour  s'imposer;  mais  bien  certainement  les 
voyages  maritimes,  le  séjour  en  Sicile,  qui  était  devenu  une 
escale,  y  ont  contribué. 

Mais  l'architecture  n'a  régné  (|uc  sur  une  partie  de  l'orne- 
mentation, et  la  sculpture,  plus  intimement  liée  à  la  repré- 
sentation de  la  nature,  n'a  point  puisé  ses  caractères  aux 
mêmes  sources. 

Ici,  nous  nous  trouvons,  dès  le  xiii''  siècle,  en  présence 
d'un  style  défini,  qui  se  développe  jusqu'au  xv*,  et  dont  le 
caractère  subsiste  surtout  dans  des  attitudes  serpentines, 
visant  à  la  grâce  et  au  mouvement,  au  lieu  des  figures 
froides  et  inanimées  des  Byzantins.  Cette  tendance  réagit 
sur  le  dessin  en  général  et  nos  peintres  se  sont  mis  aussitôt 
sur  le  même  pied  que  les  artistes  de  France  et  d'Angleterre. 
Mais  dans  la  statuaire,  l'initiative  revient  sans  aucun  doute 
à  la  France  centrale,  et  les  modes,  la  recherche  des  poses, 
des  types  provinrent  de  cette  contrée,  sans  doute  par  l'in- 
fluence des  souverains  et  de  leur  cour.  Rouen,  Paris, 
Chartres  et  Rheims,  furent  sans  doute  aussi  des  centres 
d'action  très  importants  (piant  à  la  sculpture  Mais  l'étude 
de  cet  art  nous  suggère  une  observation  intéressante  ; 

Deux  manières  de  voir  s'étaient  établies  dans  le  monde 
religieux  au  sujet  du  Christ  crucifié,  l/une,  celle  des  Grecs 
orthodoxes,  le  montrait  constamment  serein,  beau  et  intact 
(le  corps,  malgré  sa  souffrance  tout  humaine. 


~   585  — 

L'autre,  plus  réaliste,  voulait  provocjuer  dans  l'ànie  des 
spectateurs,  par  l'aspect  de  la  maigreur  et  des  souiïrances 
de  ce  corps  divin,  une  pitié  qui  pût  tourner  au  prolil  de 
la  religion. 

De  là,  les  efforts  des  sculpteurs  qui  s'écartaient  de  l'école 
Gjrecque  pour  représenter  une  contorsion,  un  mouvement 
du  corps,  une  flexion  du  torse  suspendu  par  les  bras  déjà 
exsangues. 

Les  confréries  des  sculpteurs,  nommées  dans  nos  provinces 
Jliesusmannen,  étaient  principalement  imbues  de  cette  ten- 
dance, et  il  est  positif  que  ces  sociétés  d'artistes  existaient 
dès  le.xii^  siècle,  sous  la  protection  des  évoques  construc- 
leurs  d'églises.  Cette  même  flexion,  plus  conventionnelle 
que  gracieuse,  se  retrouve,  après  la  figure  du  crucifié,  dans 
celles  des  madones  avec  l'enfant,  dans  les  diptyques  en 
ivoire,  comme  dans  l'orfèvrerie  religieuse. 

Elle  ne  paraît  que  vers  le  milieu  du  xiii''  siècle,  dans  des 
types  profanes  el  unie  aux  modes  de  l'époque,  lorsque  le 
développement  des  institutions  communales  fait  naître  le 
sentiment  laïque,  el  elle  se  montre  pleinement  dans  le  xiv% 
avec  l'ornementation  flamboyante,  le  luxe  des  costumes  et 
le  goût  anglo-normand,  dans  l'arl  comme  dans  les  ajuste- 
ments. 

La  France,  l'Angleterre,  l'Allemagne  et  notre  pays  mon- 
trent un  engouement  grandissant  pour  ces  attitudes  forcées, 
d'abord  dans  la  sculpture,  ensuite  dans  la  peinture  elle- 
même,  et  les  manières  affectées  en  honneur  à  la  cour  de 
France,  par  exemple,  ne  suffisent  pas  à  en  justifier  l'emploi. 
Il  y  a  là  un  parti  pris  d'élégance  exagérée,  de  grâce  sup- 
|)osée,  d'élasticité,  qui  a  |)ris  sa  source  dans  les  habitudes 


(.Ws  sculplcui's  L'I  ijui  a  é(c  suivi  |iai'  Icui.s  conliiiualciirs. 

Les  (Icssinaleurs  rappoilaiit  loul  à  la  y-L'oindrie  (ce  que 
prouvent  les  Iracés  au  trait  de  celte  épofpic),  ces  altitudes 
linii'ent  par  passer  dans  les  mœurs  arlisli(iucs,  |)ar  devenir 
do  vrais  poncifs,  légués  comme  une  tradition. 

Les  ffoùts  fastueux  des  cours  souveraines  ou  féodales  ne 
peuvent  avoir  été  étrangers  à  l'essor  de  cet  art  élégant,  jteu 
fait  pour  caractériser  une  inlluence  houi'geoisc.  Tandis  que 
la  noblesse,  comme  le  clergé,  s'entourait  d'objets  de  luxe 
el  de  piété  tout  à  la  fois,  les  communes,  à  peine  organisées, 
préoccupées  de  leur  propre  conservation,  et  s'occupant  de 
travaux  d'utilité  publique,  ne  pouvaient  encore,  avant  le 
x[v*  siècle,  lutter  de  faste  avec  les  autres  pouvoirs. 

L'art  pictural  des  temps  pi-imilifs  ne  consiste  qu'en  déco- 
ration et  en  enluminure. 

Les  produits  de  l'Angleterre  et  de  l'Irlande  sont  prccieuK 
à  cet  égard  comme  sujets  d'étude  et  de  comparaison,  i^e 
Codex  Ebnerianus,  d'Oxford,  du  vr  siècle,  est  une  copie  du 
byzantin,  mais  avec  des  tendances  saxonnes  visibles  (i). 

L'Évangile  de  Lindisfarne  monlrc  que  du  vi'  au  viii'  siècle 
s'était  formé  un  style  irlandais  et  anglo-iiiandais  s|»écial. 

Au  vin''  et  au  ix*  siècle  parait  un  style  anglo-saxon,  sous 
l'inlluence  de  Gbarlemagne,  el  de  nouveau  asservi  à  la 
mode  romano-byzantine.  L'enti-elacemcnt  des  lignes  et  des 
motifs  caractérise  ces  écoles  (-21. 

Peu  ;i  peu  Tari  anglais  se  dégage  el,  du  \''  au  xi'  siècle, 


(i)  Voir  n.   llL'MPiiiiL\s,  ilte  illaminalcd  book<  i>l  ihc  mnidlc-uijes.  i.oiidrcb, 
184U. 
(i)  Brili.vli  iiuisciim,  Duriiaiubook,  CoKoii  MSS. 


apparail  un  slylc  riclio,  magninquo,  di.slinct  des  aiilros,  qui 
semble  (Mre  la  base  du  système  national  subséqucnl,  et  qui 
a  pris  naissance  dans  l'école  d'art  de  Winchester,  sous  l'in- 
fluence d'EtheKvold  :  c'est  ce  cpio  l'on  a  nommé  opus  an- 
(jlicum. 

Ce  style  est  toujours  ;i  la  byzantine,  mais  déjà  très  hal)ile, 
large,  |^lus  naturel,  et  mêlé  du  goût  saxon  dans  les  orne- 
ments entrelacés. 

Déjà  au  XFi''  siècle,  l'école  du  Rhin  se  fait  remarquer 
aussi,  mais  sans  originalité,  tandis  que  l'enluminure  anglaise 
devient  de  plus  en  plus  fleurie.  Les  miniatures  du  couvent 
d'Arnstein  sont  encore  la  traduction  lourde  et  franque  du 
latino-byzantin,  et,  de  même,  la  construction  do  ce  pays 
reste  longtemps  convenlionnclle  et  asservie  à  la  construc- 
tion romane. 

Sous  l<^  rapport  pictural,  il  est  évident  que  le  style  né  au 
commencement  du  xii''  siècle,  ne  produisit,  dans  notre  pays 
surtout,  que  des  résultais  peu  importants;  les  indices  qui 
nous  sont  restés  de  la  peinture  de  celle  époque  montrent 
tout  au  plus  des  progrès  dans  l'ornemenlalion,  et  un  peu 
plus  d'habileté  dans  la  représentation  de  la  figure  humaine, 
mais  toujours  avec  un  cacliel  de  rudesse  franque  ou  native. 

Il  était  donné  au  xiii'  siècle  de  faire  naitre  et  au  xiv  de 
développer  en  ce  genre,  en  même  temps  que  le  style  ogival 
secondaire  ou  rayonnant,  avec  son  ornementation  tour- 
mentée et  fleurie,  des  attitudes  affectées  et  visant  à  la  grâce, 
enfin  un  style  définitif  dont  l'Angleterre  semble  avoir  été  la 
principale  dépositaire. 

A  l'époque  où  les  sceaux  français  semblent  encore  des 
pastiches  fin  franco-byzantin   (par  exemple,   le  sceau  de 


—  586  — 

H(!iiri  I",  1055),  nous  avons  un  exemple  très  remarquable 
de  slyle  saxon-anglais  (donl  l'union  élail  inlime  avec  le 
Normand  primilif)  dans  la  célèbre  tapisserie  de  Baveux, 
qui  n'est  point  due,  sans  doute,  à  la  reine  iMalhilde,  mais 
bien  faite  sous  ses  auspices  ou  dans  son  entourage. 

Les  bordures  porlenl  des  animaux  grossièrement  repré- 
sentés, dindons,  chiens,  elc.  (i),  de  rarcliileclure  encore 
romane,  des  figures  de  juges,  des  bouclieis  à  dragons 
(PI.  VIII),  (|ui  ont  bien  le  caraclère  saxon  pur.  On  y  voit 
la  volonté  de  s'affranchir  de  la  copie  byzantine,  mais  point 
encore  le  style  dit  gothique;  et  cependant  cerlains  détails 
(PI.  XI,  XV,  XXI)  dénotent  un  sentiment  intense  de  la  vie 
et  de  l'expression,  et  il  y  a  des  préoccupations  orientales 
(PI,  XV  et  XXF),  telles  que  les  chameaux,  le  tatou,  animal 
des  Indes,  etc. 

Les  arbres,  conçus  d'une  façon  ornementale  (PI.  XXXV, 
XXXVI,  XXXVII,  XLVI,XLVll,  LV,  LIX,  sont  l'embryon 
de  l'ornement  gothique  des  miniatures  anglaises. 

La  planche  Ll,  représentant  la  Table  ronde,  a  été  repro- 
duite dans  des  illustrations  françaises  des  siècles  suivants. 

Cet  art  est  certainement  antérieur  au  uôlre  et  montre  de 
l'initiative,  de  la  largeur  dans  les  idées,  enfin  un  sentiment 
artistique  (jui  clierche  à  progresser. 

Le  sceau  de  Gui  de  Laval,  en  1095,  montre  le  même  ca- 
ractère liormand  et  naturaliste  à  la  fois;  il  en  est  de  même 
de  b(!aucoup  de  sceaux  de  cette  époque  et  de  cette  conli'ée, 
surtout  à  mesure  (|U('  l'on  avance  dans  le  xii'  siècle.  Nous 


(«)  De  Launey,  Origine  de  la  tapisserie  de  liai/eux.  —  J.  (^omte,  La  tapisse- 
rie de  liayeiix.  I*;iiis,  KoIIimIhM,  iH'iH. 


—   ?Î87  — 

donnerons  comme  exem)3les  celui  d'Adèle,  comlesse  de 
Suissons  (1186),  des  sceaux  normands  de  4195,  120:2,  elc. 

Celui  d'Adèle  de  Champagne  (1190)  montre  même 
déjà  un  peu  de  celle  llexion  serpentine  qui  se  développe  si 
Ibrt  au  lemps  de  saint  Louis. 

Quant  à  l'arl  religieux,  qui  régil  aussi  les  sceaux  de  pré- 
lats et  d'abbayes,  il  ihï  suit  pas  le  mouvement  que  l'on  re- 
marque dans  la  cour  el  la  noblesse,  cl  qui  était  déterminé 
parla  mode  (i). 

Les  sceaux  religieux  restent  fort  longtemps  barbares, 
franco-byzanlins,  et  même  habilement  exécutés  dans  le 
goût  byzantin,  tandis  que  les  autorités  civiles  l'ont  imiter 
parfois  des  monuments  gallo-romains. 

Ainsi  les  sceaux  de  l'évêque  d'Auxerre,  en  11 20,  de  celui 
d'Orléans,  en  1161,  et  d'Avranches,  en  1161  et  1190,  sonl 
franco-byzantins;  celui  de  l'archevêque  de  Rouen,  en  1209, 
est  d'une  transition  très  habile  déjà.  Celui  de  l'évêque  de 
Lisieux,  en  1170,  montre  un  luxe  tout  à  fait  anglo-normand 
dans  ses  ornements  de  costume,  sur  un  motif  franco- 
byzantin. 

Mais  à  côté  de  l'art  imposé,  il  y  eut  sans  doute,  avant  le 
xiii"  siècle,  avec  l'expansion  démocratique  de  nos  communes, 
une  tendance  libre  vers  la  j'éalilé,  s'oxerçant  sur  des  sujets 
profanes.  A  Rome  même,  les  peintures  de  S.-(îlémenl  mon- 
trent la  même  particularité,  du  iv*  au  x'  siècle.  Seulement, 
l'élément  civil  qui  bornait  chez  nous  le  goût  artistique  à  un 
luxe  décoratif,  ne  favorisait  pas  beaucoup  celle  figuration 


(•)  Voir  le  Costume  au  moyen  âge  d'après  les  sceaux,  par  G.  De  May.  Paris, 
Dumoulin  et  i."=. 


—  r.8s  - 

barbare  ol  rudo,  qno  réprouvail  si  Ibrl  S'-lioninrd.  Une  sorlo 
de  pata,  à  comparlimcnls,  avec  figures  de  clercs  el  d'aljbés 
peintes  à  l'eau  d'œuf  sur  le  cadre,  en  123a  (i),  nous  donne 
une  idée  de  cet  art  primitil',  dont  la  continuation  se  retrouve 
avec  des  caractères  de  style  national  dans  le  Roman  de  la 
Rose,  avec  miniatures  flamandes,  appartenant  à  la  Biblio- 
thèque royale.  Certains  tableaux  ruthènes  sont  conçus  de 
la  même  façon,  et  les  manuscrits  anglais  de  la  pcriode 
saxonne  nou>  montrent  également  ces  caractères  de  sin- 
cérité. 

Au  XIII*  siècle,  cet  art  naïf  s  était  élargi  el  l'on  trouve  par- 
fois dans  les  ouvrages  de  nos  contrées  une  étude  du  mouve- 
ment vrai  et  un  cachet  d'observation  remarqua hie,  surtout 
quand  on  songe  que  l'habileté  de  l'artiste  consistait  à  ramener 
à  des  formes  géométriques  le  dessin  d'après  nature.  Le 
sceau  de  chasse  de  Oeoffroi  de  Lusignan,  en  125:>,  nous  le 
prouve. 

Dés  que  los  j>rincipes  décoratifs  purent  s'allier  à  des  formes 
usuelles,  à  des  modes,  et  permettre  l'initiative  de  l'artiste,  un 
style  nouveau  s'introduisit  jusque  dans  les  monastères,  par 
nn  mélange  curieux  de  types  symboliques,  d'ornements 
arabes,  de  feuillages  ou  de  figures  tout  à  fait  saxons,  car  il 
ne  faut  pas  oublier  que  l'Angleterre,  le  nord  de  l'Allemagne 
el  les  Pays-Bas  étaient  pour  ainsi  dire  unis  jiar  des  liens 
communs  de  mœurs,  de  goûts  cl  même  de  langage,  tandis 
que  le  nord  de  la  France  el  la  Belgiipic  étaient  aussi  liés  par 
des  rapports  étroits. 

Aussi  la  renaissance  qui  se  produisit  en   Italie  ;q>rès  le 


(i)  CtiapellP  du  Snint-Santr.  à  Bruges. 


—  r,sii  — 

Cimaliiic,  1)0  dovanca-l-cllc  [tas  do  l)cancoii|i  un  moiivomont 
analogue  dans  nos  conlrées.  Nous  avons  vu  un  ai-l  do  slylo 
affoclc,  visant  à  la  grâce,  orné,  i-icho  en  invention,  mais 
qui  semble  soumis  à  une  mode  générale  el  lyrannique,  se 
développer  au  xiv*  siècle,  el  celle  rénovation  de  style  è(re 
accompagnée  d'une  sorte  de  lloraison  architecturale;  mais 
cet  épanouissement  élail  préparé  de  longue  main,  el  le  nord 
de  la  France  semble,  comme  l'Angleterre,  avoir  été  un  centre 
de  progrès  artistique,  dans  la  première  moitié  du  xin°  siècle. 

Le  sceau  du  chapitre  de  Meaux  (1217),  celui  de  l'abbaye 
de  Sainl-Chéron  de  Chartres  (I^ô'l),  montrent  pleinement 
cette  influence  nouvelle.  Le  sceau  de  Marguerite,  comtesse 
de  Winchester  (1235),  bien  que  roido  dans  son  style,  est 
purement  normand.  Celui  du  chapitre  de  Paris,  de  1259, 
(pioique  calqué  sur  le  byzantin,  a  une  Vierge  traitée  d'une 
façon  naturaliste;  en  revanche,  le  sceau  de  l'archevêque  de 
Cantorbéry,  de  la  même  année,  a  un  aspect  ogival  large, 
pleinement  dans  le  style  de  Saint-Louis,  bien  vivant. 

Celui  de  l'archevêque  de  Rouen  (12o6),  avec  son  ogive  el 
sa  madone  sur  une  sorte  d'autel  et  deux  anges  en  adoration, 
est  admirable  de  stylo,  de  mouvement  et  d'attitudes,  ainsi 
que  d'exécution  purement  gothique.  Il  est  déjà  comparable 
à  celui  de  la  nalion  de  Normandie  de  l'Université  de  Paris 
(1398),  qui  est  un  véritable  modèle  de  style  fleuri  el  orné. 

La  miniature  montre  les  mêmes  caractères  : 

Les  heures  de  Saint-Louis,  exécutées  en  \TM)(i),  sont 
d'un  travail  très  avancé  pour  l'époque,  moins  maniérées  et 
cependant  empreintes  do  moins  de  naturel  dans  le  senli- 


(i)  Ril)li(j!lii'f[iio  nalifiiialc  (le  Paris. 


—  ,"i;m)  — 

meiil  (|uo  ii\s  inaiiuscrils  ll;iin;iii(ls  dv.  la  inèiiie  ùpoque; 
cl  l'on  remarque,  par  un  inanuscril  de  la  Bibliolhèque  de 
R.-S.  Holford,  (jue  l'art,  français  avail  dans  l'ornemenl  des 
i-apporis  intimes  avec  l'anglo-saxon.  Un  psautier  (i)  dit  de 
la  Reine  Marie  (de  licSO  environ)  a  toutes  les  altitudes  des 
miniatures  llamandcs  de  ce  temps,  ce  qui  prouve  une  sorte 
d'unité  de  vues  entre  les  deux  écoles  artistiques. 

Le  British  Muséum  possède  un  psautier  latin  fait  en 
Flandre  en  LlOO,  dont  les  beaux  ornements  sont  du  slyle 
anglais  lleui-i,  et  le  manuscrit  de  la  Somme  le  Roy,  par 
Frère  Laurent  {1279),  dont  les  miniatures  françaises  à  fond 
d'or  dénotent  la  même  élude  (2). 

Le  slyle  anglais,  en  12G4  (3),  était  déjà  très  ornementé  et 
très  riche,  comparé  à  ceux  du  continent,  ce  que  l'on 
remar(|ue  dans  la  chapelle  du  Collège  de  Merlon  à  Oxford, 
dont  les  clochetons  ont  bien  le  caractère  anglo-normand,  de 
même  que  les  vitraux  datanl  de  la  lin  du  xiii*  siècle. 

Un  manuscrit  fait  à  Norwich  pour  le  frère  R.  de  Ormesby, 
vers  1280,  au  temps  d'Edouard  PS  paraît  déjà  postérieur  de 
plus  de  oO  ans,  à  cette  date  (4). 

L'Anglel(îrre  était  alors  au  courant  de  tous  les  progrès  et 
|)Our  l(^  moins  aussi  civilisée  que  la  France;  la  Flandre,  qui 
s'enrichissait  par  son  industrie,  lirait  ses  ressources  d'au  delà 
(lu  détroit. 

Henri  11  avail  20,000  mercenaires  brabançons  à  .sa  solde; 
en    I2I0,  Jean   sans  Terre  accorda  à  Ions  les  aventuriers 


(1)  Britisli  Muscum. 

(ï)  Bi'itisli  Museimi,  ca.s('  11,  U. 

fs)  l>uoi\.  Types  d'fircitilecliin'  i/othique,  \Ht>\. 

(i)  SiiAW,  lUuminaltd  (iniiiiiiciils,  1833,  .s|icciiiieii  IX  et  X. 


—  501   — 

brabançons  cl.  |)oil('vin>  les  lerres  doses  bnions  rclx^lles,  (U 
ilenaccournl  un  Ibule.  Les  souverains  anglais  favorisaient 
d'ailleurs  i'éiniiïralion  des  Flamands. 

En  12(15,  la  ville  de  Hambourg  jugcail  ulile  d'élahlir  en 
Angleterre  une  Com|)agnie  commerciale.  En  1298,  il  y  avait 
dans  les  maisons  anglaises  un  luxe  que  ne  connaissait  pas  le 
conlinent. 

La  Normandie,  {|iioi(|ii(.'  la  source  du  langage  français,  fut 
florissante  pendant  deux  siècles  et  demi  sous  la  domination 
anglaise,  surtout  sous  le  régne  de  Henri  H,  dont  l'inlluence 
se  montra  jusqu'en  Italie,  en  1167.  Ce  ne  fut  qu'en  1217 
que  Philippe-Auguste  put  rassembler  les  débris  épars  d'une 
monarchie  française  (i). 

Nous  avons  donc  bien  des  motifs  de  prendre  au  sérieux 
l'influence  de  la  Normandie  sur  l'art  de  cette  époque,  et 
après  le  règne  de  saint  Louis,  qui  fit  surgir  un  art  français, 
celui  d'Edouard  consacra,  par  le  triomphe  des  Anglais  sur 
le  sol  de  la  France,  la  prédominance  des  modes  anglaises. 
Le  noyau  de  tout  cela  était  les  Normands. 

Oxford  luttait  avec  Paris,  dont  l'Université  avait  de  nom- 
breux professeurs  anglais.  P>ien  que  la  poudre  à  canon  soit 
mentionnée  dès  1558  dans  les  registres  de  la  Chambre  des 
comptes  de  Paris,  l'artillerie  d'Edouard  HI  épouvanta  les 
Français  en  1546,  comme  une  chose  encore  inconnue. 

Tout  cela  dénote  une  situation  prospère  que  les  progrès 
artistiques  ne  font  que  confirmer. 

L'art  flamand,  quoique  devancé,  semble  avoir  repris 
rapidement  sa  place. 


(i)  (>A>Tii,  Histoire  Huivei selle,  I.  X.  p.  "241. 


Tandis  fiuVn  124,')  le  sceau  de  l'cvèqne  de  Saintes,  quoi- 
que habilemenl  Irailé,  reste  dans  le  goûl  franco-hyzanlin 
(comme  celui  du  chapilre  de  Soissons  en  1:231,  monlrant 
une  Vierge  hyzanline),  une  Vierge  sur  un  sceau  flamand  de 
12î>.'>  a  les  (rails  d'une  carmélite;  les  sceaux  de  la  ville  de 
Gand,  di;  127')  et  années  suivantes,  arrangés  à  la  byzantine, 
ont  pourtant  une  arcliileclurc  gothique  pure,  un  mouvement 
naturel  de  ligures  à  l'aspect  flamand,  et  ne  semblent  pas 
étrangers  à  l'ai't  de  l'époque  de  saint  Louis.  En  1280,  un  sceau 
de  Floi'ent  de  Ilainaul  nous  représente  une  figure  bien  cam- 
|)ée,  (|ui  ressemble  aux  fresques  flamandes  de  cette  époque, 
et  qui  n'a  plus  l'ien  de  cette  imitation  barbare  primitive. 

En  1287,  la  figure  du  Sauveur,  du  sceau  de  Henri  de 
Gand,  archidiacre  de  Tournai,  est  presque  modei'ue.  En  ÏÔOÛ, 
les  sceaux  de  Damme  et  de  Calais  oiïrent  des  navires  vus  et 
observés,  tandis  que  jusqu'à  \T^^)S  on  trouve  des  sceaux  de 
maires,  de  consuls,  copiés  ou  plutôt  pastichés  d'après  des 
ouvrages  gallo-romains. 

D'ailleurs,  dès  le  commencement  du  xiv^  siècle  s'établit 
une  sorte  de  concurrence  artistique  entre  le  Nord  et  le 
Midi,  et  si  notre  pays  ne  nous  a  laissé  de  traces  de  son  acti- 
vité que  depuis  1559,  si  nous  ne  pouvons  juger  les  tableaux 
perdus  de  15.")0  environ,  il  est  certain  (jiie  nos  artistes  ont 
suivi  dt'  près  ceux  de  France  et  d'Angleterre,  et  que  Jean 
de  Bruges,  Jean  de  HesiJin,  M.  Broedeilam,  elc,  ont  eu  des 
prédécesseurs  capables  de  lutter  avec  leurs  voisins.  iMais 
nous  assignons  à  la  renaissance  artistique  en  Belgitpie  la 
date  de  1550  environ,  (pii  coïncide  avec  la  naissance  des 
Gildesde  |»('iiilr(s,  et  avec  une  remarquable  expansion  d'art 
en  France  el  en  An'-ilch-rrc 


—  r^!)5  — 

En  cITel,  les  spL'ciiiK'ns  iDauniliquos  du  Salislnirv  Hook 
du  lîrilibli  Muscum  el,  plus  liird,  du  manuscrit  de  la  vie  de 
saiii(  Edmond,  avec  leurs  orncmcnls  d'un  caracicrc  plus 
maigre,  j)lus  délicat,  mais  plus  riche  aussi,  avec  leurs  feuilles 
nombreuses  et  séparées,  leurs  branches  imilaiil  le  houx,  une 
sorle  de  brio  italien  (pii  semble  développé  par  l'habilelé 
calligra[»hique,  peuvent  passer  pour  les  modèles  du  genre. 

En  même  (emps,  dans  les  sceaux,  par  exemple,  on  ren- 
conlrc,  parfois  avec  surprise,  des  alliludes  et  un  caraclère 
naluralisfe  et  Her,  qui  font  |)enscr  aux  bi'onzes  de  la  belle 
épocjuc  d'Orcagna,  de  Donalello,  etc. 

Le  sceau  de  Louis  le  Ilutin  (1515)  en  est  un  exemple 
frappant,  et  un  aulre  de  1575,  public  par  M.  De  May  (i), 
l'est  encore  davanlage. 

Ainsi,  tandis  que  les  papes  d'Avignon  favoi'isaienl  l'intru- 
sion dans  l'art  religieux  du  Nord  d'un  symbolisme  à  formes 
nouvelles,  mieux  en  rapport  avec  le  naliiraiisme  (jue  la  l'or- 
mule  ancienne,  dans  l'art  el  dans  l'ornemenlation  civiles  se 
faisait  jour  une  expression  nouvelle  aussi,  dérivant  surtout  de 
la  sculpture,  et  convenant  parfaitement  aux  verrières,  aux  ta- 
pisseries, très  anciennes  dans  l'Artois,  et  même  aux  njiniatures 
de  romans  écrits,  qui  constituaient  vraiment  de  l'art  portatif. 

Ce  mélange  a  formé  le  style  caractéristique  du  \iV  siècle. 
Mais  sur  celte  tige  déj'i  vivace  est  venue  se  grelTcr  tout  à 
coup,  dès  les  premières  années  du  w""  siècle,  une  propension 
intense  vers  la  vérité  dans  le  rendu,  tendance  (|ui  régit  forcé- 
ment toutes  les  périodes  de  perfectionnement  el  de  protec- 
tion artistiques. 


(i)  Voir  Le  Coslinuc  fin  iroijai  àije.  truiirh  les  sceaiKi,  p;ir  (.'<.  l)i,  May. 


~  Â04  — 

Nous  en  voyons  encore  de  nos  jours  un  exemple  bien 
concluant.  On  se  lasse  aisémenl  d'iinagcs  conventionnelles, 
fussent-elles  aJinirablemenl  exécutées,  et  le  goût,  dès  qu'il 
se  généralise,  exige  que  les  chairs  peintes  soient  des  chairs, 
que  l'air  circule  dans  les  intérieurs,  que  chaque  matière 
représentée  soit  rcconnaissable. 

Dès  lors,  des  efforts  simultanés  de  tous  les  artistes  pour 
satisfaire  les  Mécènes,  provoquent  la  naissance d'ur)e  IbriMule 
nouvelle  qui  semble  effacer  les  précédentes. 

Ce  fait  s'est  produit  à  l'époque  des  Van  Eyck. 

L'art  de  celle  période  est  le  résultat  d'une  étude  sincère 
delà  nature,  atin  d'obleiiir  un  aspect  vrai, combiné  avec  une 
éducation  dont  tous  les  modèles  et  les  inspirations  existaient 
dans  la  tradition  ancienne. 

Les  œuvres  réussies  dans  ce  genre  par  les  maîtres  les 
plus  renommés  devinrent  aussitôt  des  types  imposés  à  la 
copie,  absolument  comme  deux  siècles  plus  tard  (otite  notre 
école  copia  les  Rubens. 

Sans  sortir  du  Musée  de  Bruxelles,  nous  pourrions  déjà 
prouver  aisément  ces  ré|)étitions  (pii  excluent  l'idée  d"une 
simple  inspiration  d'après  nature,  et  montrer  l'usage  l'récpient 
de  lypes  symboliques  des  siècles  précédents. 

Nous  n'en  donnerons  qu'un  exemple  ou  deux  : 

L(!  n"  588  du  Musée  de  Bruxelles  reproduit  encore,  même 
au  xvi"  siècle,  le  crucifix  du  saint  François  recevant  les 
stigmates,  appartenant  au  musée  de  Turin,  et  (|ui  a  été 
reconnu  comme  une  œuvre  de  Van  Eyck  (i). 

Les  II""  iî)  et  M)  du  même  musée  re]nvsenleiil  la  même 

(il  lliill.  rfc.v  ('.iiiiuii.  nu/,  il'iiii  ri  d'nirlicol ..  188."»,  .Nolico  df  M.  11.  liymaiis. 


—  :>or)  — 

Vicrgfi  dans  une  gloiro  layonnanlo  el  onlourûe  d'anges  tout 
à  fait  archaïques. 

Le  n"  ];'),  dans  la  figure  du  l'en;  Kiornel,  el  dans  les 
anges  velus  de  robes  à  rellels,  montre  clairenienl  riinilation 
des  devanciers. 

Nous  ne  citerons  |)liis  ([u'une  dernière  œuvre  à  l'appui  de 
notre  conviction,  mais  celle  œuvre  est  digne  d'une  altenlion 
particulière  : 

C'est  une  Descente  de  croix  attrihuée  à  Vander  Goes,  el 
(jui  se  trouve  dans  la  sacristie  de  l'église  de  Saint-Sauveur,  à 
Bruges. 

Cette  œuvre  est  à  fond  d'or  quadrillé,  de  style  archaïque  el 
a  été  reproduite  au  xvi"  siècle  dans  un  lahieauqui  figurail  à 
l'exposition  d'Amsterdam  sous  le  n"  '291,  section  rétros- 
pective. 

L'hôpital  Saint-Jean  de  Bruges  possède  le  même  sujet, 
mais  de  la  tin  du  xv''  siècle,  avec  un  fond  de  ciel  remplaçant 
l'or,  et  le  musée  de  Cologne  en  a  une  ancienne  copie 
(u"  r>()8)  qui  passe  pour  un  original. 

Or,  l'hôpital  Saint-Jean  de  Bruxelles  po.ssédait  autrefois 
une  reproduction  de  ce  tableau,  datant  du  xv  siècle,  et 
d'une  très  belle  exécution,  sur  fond  noir,  qui  semble  avoir 
été  en  partie  doré.  Cette  œ>uvre,  qui  a  plus  que  toutes  les 
autres  le  caractère  d'un  travail  de  maître,  appartient  à  une 
famille  de  Bruxelles  et  nous  la  croyons  vraiment  de  Hugo 
Vander  Goes. 

Il  est  donc  évident  que  si  la  nature  était  employée  |)ar 
les  peintres  de  cette  époque,  le  caractère  ancien  n'élait 
jamais  absent  de  leurs  [)réoccupations.  Il  formait  môme  la 
base  de  leur  éducation,  car  les  églises  étaient  |)our  eux  de 


—  59G  — 

vérilables  lml^ccs,  <>ù  ils  alhiicut  cliiTchcr  leurs  inspiralions, 
el  c  clail  dans  le  délail  seul,  el  pcul-è(rc  clans  la  couleur  que 
sV.NCiraienl  leurs  facultés  naturalistes . 

Toute  cette  élude  a  d'ailleurs  pour  but  général  de  prouver 
une  fois  de  plus  celte  véi'ilé  Irop  contestée,  que  l'art  n'est 
point  un  )iroduil  spontané  du  uénie,  fju'il  s'est  toujours 
composé  au  moins  autant  de  science  et  d'expérience  <jue 
d'inspiration,  el  enlin  (jue  reclectisme  est  toujours  le  sysicnie 
le  plus  l'alionnel,  le  seul  pour  ainsi  dire  capable  d'élever 
l'expression  d'un  artiste. 

Ebi.Aii  Bals. 


Maître  Jean   BORMAN, 

LE    GRAND     SCULPTEIR     BEL(tE    DE    LA    FIN     DU    W''    SIECLE. 


—  c-^SrfCo>&^  — 


LE  RETABLE  DE  L'ÉGLISE  DE  GÙSTROW. 

AU         GRAND         DUCHÉ         DE         MECKLEN130URG, 

EXÉCUTÉ  l'AR  Jean  BOIÎJrAN. 

et  orné  de  peintures  attribuées  à  Bernard  Van  Orley. 


JEAN    BORMAN. 

L'hoinino  dont  le  nom  se  Irouvc  en  fêle  de  ce  travail  est 
un  sculpteur  belge  de  la  iin  du  xv''  siècle,  que  le  pays  doit 
honorer  à  l'égal  de  ses  meilleurs  artistes.  Il  était  doué  d'un 
talent  à  la  lois  original  et  abondant.  Nul  parmi  ses  contem- 
porains n'a  taillé  le  bois  avec  plus  de  hardiesse  et  d'accent; 
nul  ne  l'a  animé  d'un  souille  plus  poétique.  Il  produisit  des 
compositions  en  haut-relief,  qui  valent  incontestablement  les 
compositions  de  nos  plus  grands  peintres  de  l'époque. 

L'artiste  portait  le  nom  de  Jean  Borman.  Le  temps  avait 
complètement  efïacé  son  souvenir.  En  fouillant  les  archives 
de  l'époque,  on  avait  rencontré  son  nom;  on  avait  constaté 
qu'il  avait  beaucoup  travaillé.   Mais  on  n'était  {)as  parvenu 


—   Ô!)S   — 

;')  rcirotivcr  ses  (uviires.  Ce  uv  lui  iiu'cn  |K7(i  (uruiic  dc- 
cuuvcrlc,  l'aile  dans  un  nianuscril  (]c?,  aivliives  de  Louvain, 
nous  pcrmil  d'établir  (|ue  le  relabic  rcprésenlanl  le  Supi)licc 
de. saint  Georges,  que  possède  le  Musée  de  la  porte  de  liai, 
à  Bruxelles,  est  sorti  de  son  ciseau  (i).  Celle  Iroiivaillc  as- 
signa à  Borman  une  première  place  dans  l'histoire  de  la 
sculpture  nationale.  La  découverte  récente  de  son  nom  sur 
un  retable  plus  important  encore  (|ue  celui  dont  il  vient 
d'être  parlé,  doit  le  l'aii'e  considérer  comme  le  plus  grand 
sculpteur  belge  de  son  époque.  MaliieureusemenI,  le  dernier 
retable  se  trouve  hors  du  |)ays.  Il  décore  l'église  paroissiale 
deGùslrow,  ancienne  résidence  du  grand  duc  de  Mecklen- 
bourg.  Cet  autel  intéresse  doublement  la  Belgique,  l'œuvre 
de  Borman  étant  décoj'ée  de  peintui'cs  attribuées  à  Bernard 
Van  Orley,  le  peintre  de  la  Cour  de  Marguerite  d'Autriche, 
gouvernante  des  Pavs-Bas. 

Un  savant  allemand,  M.  le  D''  Frédéric  Schlie,  conseiller 
auliquc  et  directeur  du  musée  grand-ducal  de  Schwerin, 
vient  de  consacrer  un  intéressant  travail  au  retable  de  Giis- 
Irow.  Cette  notice,  accompagnée  de  belles  planches  photo- 
graphiées, nous  permet  de  faire  connaître  à  nos  conipa- 
li-iotes  cette  seconde  œuvre  de  Borman  (-2). 

En  publiant,  en  1877,  dans  ce  Ihillcliii,  un  petit  travad 
sur  le  retable  de  la  porte  de  IfaI,  nous  avons  fait  connaître 


(1)  l.'iiulciir  (lu  iclahlc  de  UD5  du  Musée  de  lu  porte  de  liai,  it  livuxelks, 
dans  le  lUill.  des  Connu,  roy.  d'art  et  d'archéol.  de  1877. 

(?)  ha.'!  Mtarwerk  dcr  helden  Uriis.'tpicr  Meister  J;iii  Bonnnn  uiid  nerniiort 
van  Orlcy,  in  dcr  l'farrkirche  zn  Giislrow.  Ncun  fidiophotiujraplikn  mit  Kuncr 
ertduterung  von  Uofrnth  lY  Fricdricli  Sclilic,  Direct  or  de.i  Groslierzoliclien 
Muséums  iu  Schivcrin.  Verla/j  vou  Opil,  uml  Comp  ,  iu  Gii^trow,  1883,  iiifo'iu. 


(|iiel({ucs  reiiscigiicinonls  sur  .leati  Bonnan  et  sur  Pascal 
liorman,  son  (ils.  Depuis  lors  nos  recherches  nous  ont  luil 
découvi'ir  phisieurs  tiélails  nouveaux.  Nous  avons  jugé  ulilc 
(1<'  groupiM'  ici  les  rcnsei,uneiuen(s  biographiciues  connus 
jusqu'ici  sur  le  grand  arlislc,  avanl  tic  nous  occuper  du 
retable  de  Gus(row. 

Dans  les  documenls  de  l'époque,  le  nom  de  l'arlisle  esl 
orthographié  BounEMA.NS,  Borreman  cl  Borma.n. 

Ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin,  un  travail  sorti  de  son 
ciseau  est  signé  Borman.  C'est,  à  notre  avis,  la  Ibrnie  qui 
doit  i)réva!oir. 

Borman  a  dû  venir  au  liionde  vers  le  milieu  du  xv'  siècle. 
On  ignore  jusqu'ici  le  lieu  de  sa  naissance.  Mais  !c  nom  (pi'il 
portail  prouve  qu'il  était  lïamand. 

Il  est  renseigné  comme  fils  de  Jean  Borman,  le  vieux, 
dans  un  acte  échcvinal  du  9  janvier  1480,  par  lequel  un 
Tondeur  de  Bruxelles,  maître  Jean  van  den  Naenhove, 
s'engagea  à  livrer  une  j)orle  en  l'oiitc  de  laiton  pour  être 
)ilacée  à  l'entrée  du  chœur  de  la  collégiale  de  Sainl-Picrre, 
à  Louvain  (i).  L'artiste  avait  probahlemenl  fourni  le  modèh' 
pour  l'exécution  de  cel  iniportant  travail,  dont  nous  nous 
proposons  de  nous  occuper  ultérieurement.  Il  avait  un  IVère, 
Guillaume  Borman,  qui  vivait  en  1510. 

C'est  sous  l'inlluence  des  maitres  de  l'école  des  Van  Eyck 
que  se  forma  et  grandit  le  talent  du  jeune  artiste. 


(i)  «  ...  de  somme  van  viffUcli  l'iiisgiilden  ^Ye!ku  Jan  Borreman,  de  onde, 
eiidc  Jan  Borreman,  zijn  sone,  wonende  iiider  siadt  van  Uruessele,  gclocit 
liebbuii  iiidivisum  den  meesters  ende  kercmeestcrs,  ten  tyde  wesciidc,  le  resti- 
liiercn,  in  gevallc  die  selve  mecsler  Jan  (van  den  Naenliovc)  tvoirs.  wcrik  niet 
en  volbrachtc » 

.kle  dif  ^  januier  l'iS*),  I«. 


—  400  — 

Rorman  liahilail  Briixellos. 

Autrefois,  (ians  les  villes  de  Belgiqu<\  les  sculpteurs 
faisaient  partie  de  la  corporation  des  maçons  et  tailleurs  de 
pierre,  placée  sous  l'invocation  des  quatre  Couronnés.  I^a 
Gilde  bruxelloise  avait,  a  l'église  de  Sainte-Catlierine,  un 
autel  dédié  à  ses  patrons  SS. -Sévère,  Sévérien,  Gorpophore 
et  Victorien.  Borman  y  fui  admis  en  1179.  Dans  .son  acte 
de  réception ,  il  est  qualifié  de  Poorter  ou  bourgeois  de 
Bruxelles  (i)  Cet  acte  est  la  pièce  la  plus  ancienne  concer- 
nant l'artiste,  retrouvée  jusqu'ici,  A  cette  époque,  lorsqu'un 
ouvrier  changeait  de  résidence,  il  était  tenu  de  se  faire 
admettre  à  la  bourgeoisie  avant  de  pouvoir  entrer  dans  un 
corps  de  métier.  Le  te.xte  de  l'acte  d'admission  de  Borman 
à  la  corporalion  des  maçons  nous  fait  supposer  qu'il  était 
étranger  à  Bruxelles.  S'il  eût  vu  le  jour  dans  celle  ville,  on 
l'eût  qualifié  de  bourgeois  natif  de  Bruxelles  ou  geboren 
poorter  van  Brussel. 

Borman  travaillai!  à  Bruxelles  à  une  belle,  féconde  et 
glorieuse  époque  pour  l'art,  c'est-à-dire  sous  le  règne  pros- 
père de  Philippe  le  Beau  et  sous  l'administration  intelli- 
gente de  Marguerite  d'Autriche.  Alors  la  capitale  acluelle 
de  la  Belgique  offrait  de  grandes  ressources  aux  artistes, 
à  cause  des  nombreuses  et  importantes  constructions  (pfon 
y  élevait  de  toutes  parts.  Grâce  à  ce  mouvement,  Bruxelles 
devint  l'une  des  plus  belles  villes  de  Pays-Bas. 

Les  sculpteurs  bruxellois  travaillaient  pour  les  édifices 
civils  et  les  bùlels  de  laristocratie;  mais  ils  travaillaient  sur- 
tout pour  les  monuments  religieux.  Les  églises  leur  ofl'raient 

())  Hegistre  aux  inscriplious  de  celle  confrérie. 


les  plus  grandes  ressources.  Ce  lut  alors  (ju'on  commença 
à  placer  dans  nos  temples  ces  retables  en  chêne  garnis  d(; 
liauls-reliels,  abrités  sous  dos  arcades  ornées  de  dais  et  pi- 
nacles ajourés,  fouillés  avec  la  délicatesse  et  la  variété  de 
la  dentelle.  Cesaulcls,  on  W.  sait,  étaient  polychromes  avec 
une  graïuh;  richesse.  L(\s  nuances  chaudes  et  hrillanics  de 
l'or  s'y  mariaient  aux  couleurs  les  plus  pures,  les  plus 
fraîches,  les  plus  agréables. 

Dans  la  bourgeoisie  bruxelloise,  Jean  Borman  parait  avoir 
occupé  un  rang  honorable.  Il  faisait  partie,  avec  sa  femme, 
(le  la  confrérie  de  Saint-Sébastien,  à  l'église  de  Saint-Géry, 
(jui  constituait  en  quelque  sorte  une  annexe  du  Serment  des 
Archers.  Son  inscription  dans  le  registre  de  cette  associa- 
tion porte  ce  qui  suit  :  «  Jean  Borreman,  tailleur  d'images, 
et  sa  femme.  »  (Jan  Borreman,  ùcUsnycler,  en  syn  wy/f.) 

Dans  celte  Gilde,  il  eut  pour  confrère  un  autre  artiste 
remarquable,  Mathieu  De  Waeyer,  Tauleur  des  admirai)les 
stalles  de  Sainle-Gertrude,  à  Louvain  (i). 

Borman  était  considéré,  ainsi  que  nous  le  verrons  à  l'in- 
slant,  comme  le  meilleur  tailleur  d'images  {die  Leste  meesler 
beellsnydeie)  de  Bru.xelles.  Il  avait  un  atelier  bien  monté, 
iccevail  beaucoup  de  commandes  el  employait  plusieurs 
compagnons  (yesellen).  L'artiste  était  digne  de  ce  succès. 
On  constate  dans  ses  œuvres  qu'il  n'épargna  rien,  ni  temps, 
ni  labeur,  pour  atteindre  la  perfection.  Bien  qu'imbu  de  la 
poésie,  du  charme  el  du  parfum  des  légendes  sacrées,  il 
abandonna  l'ascétisme  outré,  les  niaigres  figures  des  sculp- 


(i)  M.  Alphonse.  Wauters,  liernard  van  Orley,  xu  famille  el  ses  œuvres,  daiis 
le  Uulleliu  lie  l'Académie  roijule  de  Belgique  (1881),  ;r  série,  t.  1,  p.  441. 


—  /.02  — 

leurs  anciens.  Dans  ses  produclions,  la  i-oitleur  des  poses, 
l'imniobililé  exlalique  des  temps  prccédenls,  ont  fait  place 
à  une  imilation  plus  exacte  de  la  nature.  Ses  personnages, 
bien  campés,  bien  équilibrés,  bien  distribués,  présenleni 
de  tous  les  côtés  d'iieureux  profils,  des  groupes  cbarmanis. 

Rorman  travailla  non  sculemenl  pour  Hruxelles,  mais 
aussi  pour  les  autres  villes  du  pays. 

En  1401,  l'artiste  exét'ula  une  statue  en  pierre  d'Avesnes 
représentant  saint  .lean  rEvangéliste,  pour  être  placée  dans 
l'une  des  niches  du  tabernacle  de  l'autel  du  Saint-Sacrement, 
à  l'église  de  Saint-Jacques,  ùLouvain.  Il  restaura,  en  même 
temps,  une  statue  représentant  saint  Jean-Baptiste,  décorant 
le  même  tabernacle.  Ce  travail  occasionna  une  dépense  de 
54  sols.  Dans  le  compte  de  l'église  de  Saint-Jacques,  l'artiste 
est  qualifié  de  tailleur  d'images  ou  beehle.wyder  (i). 

Déjà  Borman  était  un  artiste  en  renom,  lorsqu'il  exécuta, 
en  149"),  pour  la  chapelle  de  Notre-Dame  du  dehors,  à 
Louvain,  le  retable  qui  se  trouve  actuellement  au  Musée  de 
la  porte  de  ïlal,  à  Bruxelles,  et  qui  doit  être  considéré 
comme  l'une  des  productions  les  plus  remarquables  de  la 
sculpture  flamande  de  la  fin  du  \v'  siècle.  En  nous  occupant 
de  ce  splendide  retable,  nous  pensions  qu'il  n'avait  jamais 
été  polycliromé.  C'était  une  erreur.  Le  travail  a  été  enliére- 
menl  polychrome,  il  l'était  encore  en  ISI",  lorsqu'il  fut 
transporté  de  Louvain  à  Bruxelles.  Malheureusement,  il  a 
été  nettoyé  à  une  époque  où  l'on  ne  comprenait  plus  la  haute 
valeur  de  la  polycliromie  du  xv'  siècle.  Depuis  lors  le  temps 
a  répandu  sur  ces  sculptures  celte  harmonieuse  poussière, 

(i)  Compte  lie  l' église  île  Saint-Jacqxcs,  li  J.ourii'ni,  de  1491. 


—    iOÔ   — 

code  niagi(jue  Iranie  qui  donne  aux  clioses  du  passé  cet 
aspect  myslérieux  où  l'on  ne  rcconnail  presque  jilus  la  main 
de  riîomnie. 

Au  commencemeni  du  \vj'  siècle,  le  métier  des  bras- 
seurs était  la  corporation  industrielle  la  plus  puissante  de 
Lou.vain.  Ce  métier  possédait  à  la  collégiale  de  Saint-Pierre 
un  oratoire  dédié  à  saint  Arnould,  son  patron.  En  ITiO'», 
le  métier  résolut  de  doter  cette  chapelle  d'un  nouvel  autel 
dans  le  goût  d(;  l'époque.  Il  fallait  évidemment  un  retal>l<; 
en  rapport  avec  l'opidence  de  la  corporation.  On  en  demanda 
le  plan  à  Mathieu  Keldermans  alias  Van  Mansdale,  arciii- 
tecte  ou  maiirc-ouvrier  des  maçonneries  de  la  ville.  C'était 
un  artiste  de  talent,  à  la  l'ois  architecte  et  sculpteur,  mais 
qui  ne  pi'ali(iuail  que  la  sculpture  en  pierre.  Mathieu  Kel- 
dermans appartenait  à  la  grande  lîimillc  aitistique  de  ce  nom. 
Comme  architecle  de  la  ville,  il  avait  succédé  à  un  artiste 
très  remarquable,  Alard  du  llamel,  architecte,  sculpteur 
et  graveur  (i).  C'était  en  iîiOi.  Keldermans  était  un  artiste 
très  laborieux.  Il  plaça  des  jubés  en  pierre  d'Avesnes  dans 
les  églises  de  Werchter,  Tervueren  et  Notrc-Dame-du-Lac, 
à  Tirlemont.  Il  exécuta  un  magnifique  tabernacle  pour 
l'église  de  Wetteren,  en  Flandre.  Mathieu  Keldermans  avait 
épousé  Marguerite  Uyter  Ilellicht  alias  Lenaerts,  qui  lui 
donna  huit  enfaiils.  L'arlisie,  qui  élMii  l]ls  d'un  autre  Mathieu 
Keldermans  et  d'Elisabeth  Van  Ilorenbeke,  dicta  son  testa- 
ment devant  maitre  Jean  llcrbel.son,  alias  Tcsch,  prêtre, 
notaire  apostolique,  le  1  ;>  septembre  1.j2G.  Il  mourut  avant 
le  9  janvier  Iu27. 

(t)  Conf.  noire  notice  snr  Alard  De  llamel,  dans  le  Diilh'lin  du  Comité  delà 
province  de  Itrahant  de  In  Coi/ivii^sion  r<ni(i]e  des  Mtommenh.  ISS'-2. 


—  404  — 

Nous  plaçons  ici  ces  quelques  lignes  biographiques  sur 
Keldermans,  rédigées  d'après  les  actes  des  archives  de  Lon- 
vain,  par  le  molif  que  l'artisle  eut  des  rapports  avec 
Borman  (t). 

Mathieu  Keldermans  fournil  le  plan  denriandé  par  la  cor- 
l^oration  des  hrasseurs.  Alors  on  avait  l'habitude  de  confier 
l'exécution  des  objets  d'ameubleiucnl  destinés  aux  églises, 
non  à  un  sculpteur,  mais  à  un  menuisier,  par  le  motif  que 
la  menuiserie  en  forme  la  base.  Cependant  le  menuisier 
n'exécutait  que  le  meuble  proprement  dit,  recourant  à  un 
sculpteur  |)our  les  parties  décoratives  de  son  travail.  A  cette 
époque,  il  y  avait  un  élan,  un  zèle  et  une  entente  admirables 
dans  l'art. 

Le  métier  des  brasseurs  résolut  de  conlier  l'exécution  du 
retable  au  menuisier  louvanisle  Jean  Petercels,  alors  très  en 
renom.  Le  8  février  1506,  Petercels  se  présenta  devant  les 
échevins  de  Louvain,  à  l'effet  de  contracter  avec  les  bras- 
seurs. Les  contractants  furent,  d'une  part,  le  menuisier  ac- 
compagné de  sa  femme,  Gertrude  Vasont,  et  d'autre  pari, 
Godefroid  Zegers,  Adrien  Vander  lleyden,  Antoine  Van 
Bladel,  jurés  de  la  corporation,  avec  Josse  Vrancx,  Henri 
De  Gruyter  et  Jean  Boschmans,  maiires  de  l'autel  de  Sainl- 
Arnould.  Le  texte  du  contrat,  que  nous  avons  retrouvé  dans 
les  protocoles  des  échevins  de  Louvain,  nous  donne  de 
grands  détails  sur  l'autel  que  Borman  décora  de  sculptures. 
Nous  croyons  utile  de  nous  y  arrêter  un  instant. 

D'après  le  contrat,  dont  nous  publions  le  texte  en  note,  le 
retable  devait  être  divisé  en  plusieurs  compartiments  juxla- 

(•)  Actes  des  échevins  dv  l.oiivitiii  de  l50i  à  1526. 


—  4  or;  — 

posés  et  superposés  les  uns  aux  autres.  Ces  compartitiKMils 
devaient  être  couronnés  de  dais  ajourés,  reposant  sur  des 
colonnetles  ornées  de  rinceaux  dv  houblon  à  cliàlons.  La 
parlie  centrale  devait  comprendre  un  grand  comparlirnent 
et  cinq  petits  compartimi^nls,  ('es  compartiments  devaient 
èti(!  ,qarni.s  de  i-roupcs  en  liant-relief,  représentant  la 
légende  de  saint  Arnould.  Un  grand  compartiment  et  trois 
petits  compartiments  devaient  être  réservés  pour  y  placer  des 
scènes  de  la  vie  du  saint  patriarche  Job,  tandis  qu'un 
nombre  égal  de  compartiments  devaient  offrir  aux  regards 
des  sujets  puisés  dans  la  vie  de  saint  Ghislain. 

Dans  le  contrat,  il  est  stipulé  que  tous  les  groupes  et 
toutes  les  statues  isolées,  destinés  au  retable,  devaient  être 
exécutés  par  Maitre  Jean  Borman,  demeurant  à  Bruxelles 
{van  de  fiant  meesler  Jans  Borreman,  woonende  te  Brussel). 

L'autel  devait  être  achevé  à  la  Saint-Jean  (24  juin)  1508, 
sous  peine  d'une  amende  d'un  florin  du  Rhin  pour  chaque 
semaine  de  retard. 

Le  bois  à  employer  au  retable  devait  être  du  chêne  coupé 
en  bonne  saison  et  sans  le  moindre  défaut.  Toutes  les  parties 
pouvant  être  exécutées  en  ivagenschot,  devaient  être  con- 
fectionnées dans  ce  bois.  Le  retable  devait  être  pourvu  de 
volets  apprêtés  pour  être  ornés  de  peintures. 

Le  prix  de  cet  important  travail  était  de  212  florins  du 
Rhin,  somme  très  considérable  pour  l'époque,  le  florin  du 
Rhin  étant  une  monnaie  en  or,  d'une  valeur  intrinsèque 
de  10  francs  (i).  Le  jour  de  la  |)assation  du  contrat,  le  me- 

(i)  «  Gond  zy  allen  lieclen  dat  Jaii  Petercels,  scrynraakere,  heeft  verdingt  en 
at'iii,'enomen  te  maken,  tcgen  Goirde  Zegers,  Adriane  Vanderheyden,  Anllioiie 
Van  Bladel,  als  -(■swoirnc  vaiidfii  lîrit'ders  aml)achle,eii  tetien  den  selveu  Goirde, 


—   iOO  ~ 

miisior  Priorcels  reçut  une  avance  de  130  florins  du  Rliin.  Il 
loiiclin  nno  sornnio  de  70  florins,  le  II)  seplend>re  l-SOT;  lo 


Joose  Vrancx,  Henric  de  Griiytere  en  Janiie  Boschman,  briecicren,  als  meesters, 
nu  1er  lyl,  vanden  Re^'imcnte  van  sinte  Arnouts  outaer,  in  Sintc  Pelcrs  kercke, 
le  Loevene,  oen  werck  van  eender  tafelen,  op  don  voirs.  outaer,  inder  manieren 
liier  nae  volgende  :  te  wotone  dat  de  voiis  Jan  Poteroels  sal  sculdicli  zyn  le 
laakene,  de  voirs.  tafele  en  backe,  met  zynen  gesloeten  docron,  goel  on  werlyck, 
uni  vast  le  blyven,  op  dat  nien  dairop  gocde  vasleportcrtiiere  inaken  sal  innegcii, 
als  di'M  amliachle  dat  believen  sal,  en  alsoe  opgaende  nit-l  /yiioii  tnJK'inatiilen  en 
melsi'irien  fu  wcUsel,  gelyc  don  pati'ocn  dat  luitw yst,  en  golyck  MATn\s  Kki.ueh- 
MANS,  deser  stadt  niecster  nielsere,  don  giunt  vanden  selven  palrot-ii  getrockrn 
beeft,  niet  minderen  niaer  beteren,  en  den  baek  met  synen  poenlen,  te  vvelen 
(iinidddste  perck  me!  ceneu  gioolen  poenle  en  vyf  cleyn  poenten  vanden  levene 
oit  miraciiien  van  Sinte  Anionll;  de  twee  andcre  percken  van  Sinte  Job  en  Sint 
(leleyn,  yegelyc  een  groot  poent  en  drie  cleyne  poenten,  oick  van  hueren  levene, 
als  voere,  alsoemen  dit  bevinden  sal  met  barer  legcnden,  en  die  percken  vulkn 
gelyc  nien  die  werekeliexsl  sotten  sal  moegen.  Knde  dose  beelden  en  aile  die 
beelden,  die  lollen  wereke  bibuiren  selen,  onder  en  boven,  dat  die  gomaiet  sden 
syn  vaudcr  liant  mee.sler  Sa^s  Bop.reman,  woenenûc  le  Bntesscl,  ende  die  cboercn 
vanden  backe  selen  vercort  syn  vereroest  als  dat  Itelioirl.  Knde  voirt  n-ecr  dan 
inl  patKten  slaet,  sce  sal  Jan  voirs.  opden  voct  vanden  backe,  stellen  een  rancke 
van  luippeeruyt  en  bellekens  dacr  aen  liangende,  met  gecrnesden  sne-^de.  Knde 
alsoe  die  vierpilairen,  vanden  drie  cliuren,omgaende  de  sammarar.de  oie  doiilogi'u 
met  eender  ranckcn  en  loveren  alsoe  dat  beboeren  sal.  Knde  voirt  de  drie  taber- 
naenlea  sal  liy  beteren,  te  weten  den  middelsten  gelieel  veranderen  en  noeb  alsoe 
goel  maken  dan  by  int  palroen  stael.Knde  de  twee  andere  dobbeleren  de  panneelen 
gesereven.  Ende  voirt  soe  sal  by  de  vier  ronde  |  ilairen  aebter  de  tabernaculen 
veranderen  en  onitreeken  met  rancken  en  loveren  en  belir-kens  als  voere,  in 
bebangen  aietter  devyseii  vanden  ambacbte  vande  liriedtrs  voirs.,  alsoe  alsmen 
dat  werckelic  bevinden  sal.  Knde  die  eapiteelen,  boven  die  pilaircn,  dair  dwelfsel 
op  com(;n  sal,  snllen  docrlueliticli  gestoken  wordilen,  en  met  bueren  loveren 
bebangen  werdJen.  Knde  de  voye  vanden  welfsel  sal  Jan  voiis.  dobbelen  en  met 
gecrnesden  snede  met  loveren  voer  bebangen,  gelyc  dat  beboeren  zal,  ende  vier 
tabernaculen,  op  dwelfsel  staende,  sal  by  elc  twee  Pbilips  gnlden  beter  maken 
dan  zy  op  Ipatroen  slaen.  Ende  oick  de  repryscn  dair  de  groete  beelden  op  staen 
selen,  sal  Jan  voirs.  oie  doerlncbticb  steken,  alsmen  ryrkelycxt  maken  macb. 
Knde  sal  Jan  voirs,  al  tvoirs.  werek  scnldicli  syn  te  makene  van  gocden  druegen, 
rypen,  lierden  houle,  sonder  ecnicli  fouw  oft  ryscellicbeyl  en  al  ilatnicn  van 
wagenseot  maken  macb,  dat  sal  by  sculdich  syn  van  wagen.scot  te  maken,  en  al 
vidmaiet  te  bebben  van  Sint  Jansmesse  nver  een  jaer  naistconiende,  op  alsulcker 
vuogc  ende  condilii-  soe  verre  de  voirs.  Jan  tvuirs.  wenk,  inder  maten  als  voere, 
ti'U  tvd«>  vdirs.  nii-l  volinaii  I  en  liaddc.  sid  ib-  Si'lve  J:ni,  in  dieu  L:(V;dle,  sruldiili 


—  407  — 

12  janvier  IbO^i,  il  reçut  nno  somme  do  ;iO  iloiin.s;  le  1 1  du 
même  mois,  ^2*2  llorins;  le  II  m;irs  suivanl,  "20  llorins 
7  sols;  enfin,  le  I.S  mai  suivanl,  1»  norins  e(  0  sois  (ij. 


syii  le  coillen  vandor  snminen,  dii'  liy  diieraf  \n'hWt\  f-:i\,  uUi' wcki'ii,  ilt-n  voies. 
Siiil  Jansmc-ssft  ledon  syiide,  oeiien  RiiiSL;iildoii  van  \\  f^Uivers.  Kiidc  licldieii  di- 
voirs.  im>estors  vaiidcn  noiiiriioiite,  indcii  naiiif  als  liovcii,  don  voiis.  J;iniii^ 
L'floeft  v<ior  dniaken  \and(Mi  voiis.  wcrcKe  de  somme  van  twct;  hondert  Rinsguldiii 
cil  twt>lf  Rinsgnldfn,  te  Iwinliili  sliivcrs  slufl;,  Je  bfdaleno,  te  welen  :  de  dcilidi 
ninsgiildon  dacraf  tiissclien  dil  en  nior^en  avont,  nodi  Isevciilicli  [{insgnldeii 
Sint  Jansmessc  riai.slcomende,  notli  \)l\kh  Hinsgnlden  te  Kersmissi;  naistio- 
mende,  ende  tsnrphis  Sint  Jansmesse  daer  naest  volgende,  soe  verre  dwertk 
alsdan  gemaict  is.  In  desen  ondersprokcn  en  bevorweert,  al  eest  alsoe  dat  de 
dage  van  betallnge  genomen  syn  als  boven,  dat  nocbfans  dien  niet  tcgenstaende, 
soe  verre  de  voirs.  Jan  ten  dagen  van  betalingen  comen  synde,  niet  soe  vêle 
verdient  en  badde,  by  estimaticn  datnion  liom  niet  nicer  stiiidicli  en  soude  syn  te 
ghevene,  dan  hy  verdient  en  hadde.  Ende  tsinphis  daeraf  bliven  tôlier  tyl  loe  dat 
by  nieer  verdient  badde.  Ende  is  oitk  conditie  dat  de  voirs.  Jan  senldidi  sa!  syu 
te  nianen  en  betalinge  te  eysscben  dcn  mee.slers  vandon  PiOgimenle  synde  Icn 
tyde  als  de  terniynen  van  betalingen  vallen  sulien  ;  niet  tegenslaende  de  meesters, 
nii  terîyt  wesende,  dese  coraenscap  voer  seepenen  passeren.  Item,  sa!  de  voirs. 
Jan  sculdich  syn  aende  voirs.  somme  van  ij<"xij  Rinsgulden  te  eorten  en  le 
nemen  aile  de  penningen  die  meestcr  Jan  BoaREJUNs,  le  Bi'iii'ssel,  verd'ieueu  sal, 
int  snifiien  en  mahen  vandevoirs.  beeldeii.Ende  aile  dese  condilien  en  vorweerden 
hebben  de  voirs.  Jan  Petercels  en  (Jeerlrnydl  Vasont,  ter  ecnre,  en  de  voirs. 
niceslers  en  geswoirncn,  indcn  nanie  vanden  voirs.  anduiclite,  malcanderen  geloel't 
te  voldoene.  Absoloens,  lloeven,  lebr.  viij.  » 

Acte  érhevhial,  du  S  /i>.  I.^OG,  P. 

(i)  «  Jan  Petereels  beelï  bier  op  bcKent  onllangen  te  bebben  xxx  FUnsgulden, 
te  XX  stnvers  stnek,  febriiarij  ix  anno  xv  scpto,  stilo  Braiiantla'. 

»  Item,  de  voirs.  Jan  l'elerceis  beefl  liierop  nodi  ix'keni  onlviingeii  te  bdiben, 
van  de  gesworen  vanden  brieders  ambaclile,  de  somme  van  tsevcididi  Hiii=gn!den; 
te  XX  sluvers  tsliick,  september  xv,  anno  xv-  en  zeven. 

»  Item,  devoirs.  Jan  Petercels  hierop  noeh  bekenl  onlvangen  tebebben  v;inde 
voirs.  geswoeren  de  somme  van  vyftich  Rinsguldcn,  janiiary  xij,  anno  xv  vij, 
stilo  Brab. 

)>  Item,  nocji  lieeft  de  voirs.  Jan  l'cten  i-Is  bekent  onlfangen  te  bebiien  vande 
voirs.  gesvvoerenc  de  somme  van  iwccnt  twinlieh  Rinsgulden,  jannary  xi,  anno 
xvviij,  stilo  Brabantia>. 

»  item,  nocb  heeft  de  se'.ve  J;iii  INIerceN  bekenl  nnlfimgen  le  bebheii  vaiale 


—  408  — 

A  la  dalc  slipulée  dans  le  c-oiilral,  le  retable  n'clail  pas 
complètcmenl  achevé.  Nous  en  ignorons  la  cause;  mais 
nous  savons  que  la  corporation  des  brasseurs  se  vil  obligée 
(\o  menacer  le  menuisier  d'amendes  pour  obtenir  l'achève- 
nicnl  (In  Iravail.  Le  11)  avril  I0O8,  Jean  Pelercels  se  pré- 
scnla  (l(>vanl  !<•  bourgmestre  d(î  liUiivaiii  vi  y  promit  à  la 
corporation  des  brasseurs  de  fournir,  endéans  les  (juinze 
jours,  ce  (pii  manquail  encore  au  retable.  Il  y  promit,  en 
outre,  à  Guillaume  Borman,  frère  de  notre  artiste,  de  lui 
payer  une  somme  de  9  florins  du  Rhin  et  4  sols,  pour  sculp- 
tures fournies  par  Jean  Borman,  pour  la  décoration  du  tra- 
vail dont  il  s'agit  (1). 

A  cette  époque  et  même  trois  siècles  plus  tard  encore, 
personne  ne  pouvait  placer,  dans  un  édifice  civil  ou  reli- 
gieux de  Louvain,  un  travail  exécuté  en  bois,  à  moins  d'avoir 
été  reçu  dans  le  métier  des  menuisiers,  dont  les  statuts 


geswoorne  de  somme  van  Iwinlieh  Hinsgiikieii,  vyf  stiiyvers,  mey  xiiij,  iiiiiio 
xv'viij,  slilo  Brab. 

»  J;iii  l'flercels  heeft  gekeiit  alnoch  gelieven  te  liel)ben  viinde  geswoerenen 
Viiiiden  biieders  arubachte,  mey  xv,  aiino  xv^ix,  ix  Rinsguldeii  enilo  vier  stiivi-rs.  » 

Aiiuolalions  marginales  à  l'acte  du  8  février  150G,  !•>. 

(ij  «  llcm,  Jaii  Peteicels  heelt  geioeft  deii  ge/.woirenen  vanden  briedeis 
ambaclite  aile  tghene  dat  aliiodi  iiiel  vtdmaiet  en  is  aeiideii  oulaer  vanden  selven 
ambacble.  stacnde  inder  kenken  van  Sinle  Peelers,  le  l.oeveneii,  bynnen  xv  dageii 
naesteomende  te  makene  ende  te  vo'doene,  nae  inhouden  vande  eonditien  vanden 
verdingeii,  voer  scepenen  brieven  van  Loevene  gepasscert,  ter  visilatien  van 
mcesters,  ende  teii  eyndc  vanden  selven  xv  dagen,  hecIt  gelfol't  de  voirs.  Jaii 
Petereels,  Wii.lemme  Bokkemans,  aïs  proenreur  Jaiis  zijiis  bnieders,  alsiilckc 
negen  Kinsguldeu  en  vier  stuvers,  te  laelen  Vdigen  vanden  voirs.  geswoirnen, 
die  de  voirs.  meestere  Jan  Bonitr.MAKS  aan  een  gedeeite  vanden  voirs.  wenke 
geraaect,  verdient  beeft.  Ende  oft  in  enich  van  desen  gebrecke  viele,  dat  de  voirs. 
Willem  Borremans,  inden  nanie  als  voere,  sal  moegen  pandeii  ende  die  pande 
exetntcren  oft  Janne  Petereels  doen  bachten,  sonder  nieer  rerhts  te  versneiken. 
(".uram  Vckenc,  iJurgernagistia,  apiilis  xix.   » 

Acte  éclteviital  du  l!i  uenl  liiOS,  ô''. 


—   i09  — 

avaieni  ('lé  upprouvrs  pur  le  conseil  coiiiimin;!!,  (mi  14.15. 
KlaiU  sur  le  point  ch;  fournir  les  sculpliircs  (pnl  venait 
d'exécuter  pour  l'autel  dos  brasseurs,  Jean  Borinan  se  lit 
admettre  dans  le  méder  des  menuisiers  de  Louvain,  croyant 
satisfaire  ainsi  aux  lois  des  jurandes  locales.  Il  se  trompait, 
ainsi  que  nous  allons  le  voir.  Dans  nos  anciens  métiers 
l'admission  d'un  confrère  habitant  une  autre  localité  était 
avant  tout  une  affaire  fiscale,  le  récipiendaire  ayant  à  payer 
un  droit  d'entrée  souvent  notable.  Or,  le  métier  des  maçons, 
tailleurs  de  pierre  et  sculpteurs,  instruit  de  l'admission  de 
Borman  dans  la  corporation  des  menuisiers,  s'y  opposa 
formellement,  alléguant  que  l'artiste  lui  appartenait,  attendu 
qu'il  était  non  menuisier,  mais  sculpteur.  L'aiïaire  fut  portée 
devant  le  conseil  communal,  qui  obligea  Borman  à  se  faire 
recevoir  dans  le  métier  des  maçons,  tailleurs  de  pierre  et 
sculpteurs,  et  à  payer  le  droit  d'entrée  (ixé  par  les 
statuts  (i). 

Nous  avons  rencontré  ces  détails  dans  un  prononcé  du 
conseil  communal  du  12  avril  toOl),  en  cause  du  métier 
des  maçons  contre  le  métier  des  menuisiers,  au  sujet  de  la 
réception  dans  la  seconde  de  ces  corporations  d'un  sculpteur 
du  nom  de  Henri  Van  Tongerloo,  qui  habitait  Malines,  et 
qui  venait  de  placer  à  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain, 
un  nouveau  retable  dédié  à  Saint-Léonard.  Cet  Henri  Van 
Tongerloo,  qui  parait  avoir  été  un  artiste  de  talent,  était 
originaire  de  Louvain.  II  était  fils  d'Antoine  Van  Tongerloo, 
brasseur,  et  d'Anne  Minnens.  Le  brasseur  Van  Tongerloo 
exerçait  sa  profession  dans  une  usine  située  au  bout  de  la 


(i)  Aclc  échevinal  du  12  avril  Io09,  in  l^ 


—    ilO  — 

iu<j  (.kv-RccollcIs,  prùs  de  la  l'oiilaiiic  M|)iicl(Jc  Dollenburne.  Il 
iiiourui  avanl  le  7  levi'icr  loOi;  à  celle  dale,  sa  feiniiie  était 
epalriuonl  tlécédée. 

Le  l'clahle  exécuté  par  Jean  Pctcrccis  el  Jean  Doi'inan 
pour  l'église  de  Saiut-PieiTe,  à  Louvain,  était  un  travail  tout 
a  l'ait  remarquable.  Dans  un  acte  éclicvinal  du  "21  juillet 
l.j2i,  il  est  qualifié  tic  deau  el  iiieiiE  altel  (ccnen  brliuoncn 
en  costelyclccn  aiilacr)  (i). 

En  17'i(),  la  corporation  des  brasseurs  lit  complètement 
renouveler  la  décoration  de  l'oratoire  ({u'ellc  possédait  dans 
notre  collégiale,  dans  le  style  Louis  XV,  aloi's  à  la  mode.  Le 
retable  de  Bonnan  lui  remplacé  par  un  autel  en  marbre, 
orné  d'un  tableau  de  Ballhasar  Besclicy,  reju'éscnlant 
î>S.-Jol),  Arnould  et  Gliislain.  Nous  ignorons  le  sort  du 
vieux  retable.  Il  est  possible,  probable  même,  qu'il  fut  j)lacé 
dans  l'église  de  l'un  ou  l'aulrc  village  du  Brabant. 

Jean  Borman  travailla  non  seulement  le  bois,  mais  aussi 
la  pierre.  En  151 1,  il  exécuta  un  lion  en  pierre,  d'une  hau- 
teur de  sept  à  huit  pieds,  poui'  e!re  placé  sur  le  l'aile  du  pa- 
lais de  Bruxelles.  Ou  le  lui  p;i\a  ~>  livres  'J  sous,  de  iO  gros 
lu  livre  (2). 


'1)  «  Aldaci'  SIcrck  Crob,  Laïuvys  \aii  Tliiencii,  Claes  vaiulcr  Hcytlcn  cii 
Hcndrick  van  'Ihieiicn,  als  gezworeii  van  dcu  Briedcrs  anibaclile,  Inniidi  dcr 
hladl  van  Eocvon,  dcii  li;iidc  van  dor  sclver  .sladt,  ijict  supplicalicn,  le  kvniicn 
i,'Ogcvcn  licMicn  gcliult,dal  tvoisc.anibachllnimcii  û'-v  ki'irKon  van  SinIcPcckrs, 
ter  oere  Goids  on  Sinl  Ainoiil,  Job  cndc  Gcleyn,  liadde  dncn  niakeii  ceiieii  yclioourii 
codi'hjrken  aiituer,  vcrslaeii  licbbcnde  dallci  ^oinmigc  pcrsiiencn  gcwccst  warcn 
daer  (oc  dcvotie  liebimndc,  die  in  nioyninge  liadde  s-'cweesl,  op  don  seUon  aulaor 
le  fondcrcn  cône  wecckmissc,  elo.  1- 

Acle  cchevitKfl  du  2"  uvril  IS54  (Stalnls,  1"  i«0). 

{i)  «  Janne  Eorreman,  l)cclde.siiyderc,i'ompt  by  appoinlcnicnle  van  den  Ikcron 
van  dcrCînicrf'M  van  do  rckcnin^,  le  Biucssclc,  iobciovcn  XNiiij"  octobris  a"  xv, 


--  ni  — 

Vers  la  iiiènic  (!'|>u(|U(>,  rai'clii'hiL'  Maxiiiiilicn  d  raicliiilu- 
clicssc  Marguerite  d'Auliiclio  arrclèrcnt  le  projd  (reiilourcr 
la  place  qui  se  Irouvail  devant  le  palais  tic  Bruxelles  d'une 
enceinte  carrée,  rorniée  d'une  balustrade  en  pierre  bleue, 
un  peu  plus  élevée  qu'à  liauleur  d'aj)pui.  Des  |)iédcstaux  et 
trente  colonnes  octogones  devaient  snrnionlfr  la  galerie. 
Les  fondations  de  cette  enceinte,  à  laquelle  on  donna  lu 
dénoniination  de  Cour  des  bailles,  furent  jetées  le  15  mai 
llilO;  mais  suspendu  en  loKJ,  l'ouvrage  ne  fut  entièrement 
aclievé  qu'en  rjil.  Deux  arcliitcctes  de  valeur,  Antoine 
Keldermans,  le  vieux,  et  Antoine  Kcldermarjs,  le  jeune, 
avaient  donné  le  plan  du  liavail.  Les  piédestaux  devaient 
porter  les  statues  en  bronze  i\cs  ducs  et  duchesses  de  Bra- 
banl,  tandis  que  les  colonnes  devaient  être  suraionlées  de 
quailruj)èdes  et  d'oiseaux. 

La  fonte  de  ces  statues  fut  conliee  à  un  artiste  bruxellois 
bien  connu,  Renier  Van  Thienenfi).  Mais  pour  entreprendre 
celte  tâche,  il  lui  fallait  avant  tout  des  modèles  de  grandeur 
voulue.  Un  peintre  bruxellois,  maiire  Jean  Van  Uoomon 
alias  van  Bruessel,  dont  nous  pai-lerons  plus  loin,  dessin;» 
les  effigies  de  nos  anciens  princes  pour  faciliter  le  travail  de 
celui  qui  allait  être  chargé  de  l'exécution  des  modèles.  Un 
document  oflicicl  l'elatif  à   cette  affaii'e  nous  apprend  (pie 


ciiilc  voire  'l  facliocii  van  eciicii  stcyncnr  Iceinvc;  ,i;lieslcU  op  tcn  j^hovclo  acii 
iiiyncrc  gcnedicli  liceie  Sale,  int  lioll'  te  Biuosscle,  die  soiiimo  v^ii  iij  l;!i.  v  st. 
Kicoîcn.  » 

Ikifistre  (le  la  Chambre  îles  cjniplcs,  n"  :2lO"v 

(i)  «  Ilejncre  van  Tli'cncn,  glieelgietero,  woeiicnde  in  desen  sladt  van 
Urupssel  ».  Compte  de  consIrucHon  de  la  place  dite  Cour  des  II  ailles,  à 
Bruxelles.  Voyez  M.  A.-G.-B.  Sciiayes,  Aualectes  archéologiques  concernant  la 
Belgique.  Anvers,  18j7,  p.  ■Ht. 


—   Il  "2  — 

Bormaii  élnil  alors  considérù  cumiiic  lo  pi-einicr  sculplour 
(le  Bruxelles,  (ju'il  était  surchariié  de  besogne  el  (\n\\  tra- 
vaillait avec  plusieurs  compagnons  (t).  L'administration  de 
In  Chambre  des  comptes  lui  confia  l'exécution  des  modèles 
en  bois  de  chêne  des  statues  et  animaux  destinés  à  la  déco- 
ration de  la  cour  des  bailles.  Chaque  modèle  de  statue  de  duc 
de  Brabant  devait  avoir  une  hauteur  de  o  1/2  pieds.  J.c  pri.x 
de  chacun  d'eux  fut  fixé  à  io  livres  Le  bois  dont  l'artiste 
avait  besoin  provenait  de  I;i  forèl  de  Soignes  Le  10  mars 
lolO,  un  voiturier  transporta  de  Tervueren  à  la  demeure 
de  Borman,  à  Bruxelles,  un  chêne  dont  le  sculpteur  devait 
tirer  deux  njodèles  de  peisonnages  et  plusieurs  modèles 
d'animaux  (2).  Après  la  fonte,  Borman  devait  nettoyer  ses 
modèles  avec  le  plus  grand  soin,  à  l'effet  de  les  l'aire  poly- 
chromer  pour  être  posés  dans  la  grande  salle  du  palais  de 
Bruxelles,  circonstance  qui  prouve  le  cas  qu'on  faisait  de 
ses  œuvres  (5).  Le  sculpteur  avait,  en  outre,  l'obligation 
d'aider  le  fondeur  dans  la  préparation  des  moules.  Borman 
fournit  quatre  modèles  de  statues  et  onze  modèles  d'animaux. 
Renier  Van  Thienen  se  mit  à  l'dMivre;  mais  il  n'acheva  (pie 


(i)  «  Mee.sleren  Janne  Borrehan,  healdcsni/dere,  woeiiendc  iii  descr  sladt 
van  Briiessel....  dcn  selven  belailf  voer  zync  (fesellen,  le  diitugi-lde,  zoe  men  van 
gelyken  alsiilcken  wcrduden  doct.  opdat  zy  zoudcn  hiil|ieii  l)eriislcii  onde 
haesten  dat  die  patrooncn  i,'eniacct  worden,  ;ieng'V.icn  oicK  dut  liy  nrl  tindcr 
zwaer  werri;  haddc,  eiiilo  dat  hy  die  reste  meesteh  heici.dsnyder  es,  by  appoiii- 
tenionl  van  der  canieren  van  derdate  van  xxviij  aprilis  anno  xiij,  hier  over  gcgc- 
ven,  de  somme  van  x  sluvers  ».  Compli'  de  ht  roiisiruciioii,  1"  8. 

(î)  Compte  cilé,  l"  ."8. 

(3)  ....cnde  die  zelve  tigncren  gcijolen  wcsendeC&a!  Meesterc  .lanne  Borrernan) 
die  voirsc.  hoiiten  beelden  wcderom  vuegon,  loiniercn  cnde  reyiiiycken  opmakon 
oin  die  scivc  le  moegcn  docn  scilderen  endesloffereu,  in  zuicker  wyse  dat  die 
mochlen  gcsedl  worden  in  degroote  sale  ons  genedich  lleeion  nfl  el>\vair.  (iair 
dat  geordincert  soude  worden  d...  Compte  cité,  f"  7. 


(iucl((ucs  ligures  (ruiiiniaux  el  i|iialrc  slaliic.^  n'iirû^^eiilaiil, 
Gutlefroid  le  Barl.ii,  GodelVoid  H,  Maxiiiiilicn  (rAiilriclK."  cL 
Cliarlcs-Quiiit.  Ces  (jualre  slaliics,  qui  élaienl  de  giautleur 
naUirclle,  l'urcnl  placées  aux  deux  ciUrées  principales  de  la 
Cour  des  bailles.  Chacune  d'elles  était  du  poids  de  8(»0  livres 
cl  coula  1 19  llorins  du  Rhin.  Quant  aux  ligures  de  (juadru- 
pèdcs  et  d'oiseaux,  elles  j-erurcnt  d'autres  destinations. 
Trois  de  celles-ci  furent  remises,  en  1517,  au  menuisier  de 
la  ville,  pour  les  utiliser  dans  la  construction  de  la  Maison 
du  Roi  ou  Bioodhuis.  Après  la  destruction  du  palais  de 
Bruxelles,  parle  terrible  incendie  de  1751,  les  quatre  sta- 
tues de  Borman  furent  déplacées.  L'une  d'elles  fut  érigée 
au  rempart  avoisinanl  et  brisée  en  17D0;  les  autres,  ((ui  sur- 
montaient les  piliers  de  la  porte  du  rempart,  rue  Ducale, 
furent  renvei'sécs  en  1795,  par  les  Républicains.  Elles  ser- 
virent à  la  fabricalion  de  monnaies  en  billon  (i)- 

Jean  Borman  doit  éli'e  mort  vers  i;>:20.  Mais  toutes  re- 
cherches faites  jus(iu'ici  pour  découvrir  l'année  de  son 
décès  sont  restées  sans  résultat.  Après  sa  mort,  le  silence 
el  l'oubli  descendirent  sur  son  tombeau. 

L'artiste  laissa  un  lils,  P.\squeu  ou  Pascal  Bofima.n,  ipii 
suivit  la  carrière  |)alerneile  el  (|ui  devint  un  sculpteur  de 
talent.  De  bonne  lieure,  le  père  l'associa  à  ses  travaux. 
Pascal  l'aida  au  retable  qu'il  exécuta,  en  L>1(>,  |»our  la 
confrérie  du  Saint-Sacrement,  à  l'église  de  Saint-Pierre, 
d'IIerenlhals.  Il  travailla  ensuite  pour  son  propi-e  compte  {-i). 


(i)  MM.  Hennl  et  WAUTEiis,  Ilisloiie  de  la  ville  de  Bruxelles,  l.  lil,  \>.  ô'ii. 

(■z)  Il  travailla,  en  lolO,  aux  travaux  de  la  Cour  des  Bailles.  Daus  le  compte, 

011  lil  ce  (jui  suit  :  «  Item,  I'al-sschilu  Boukema»,  bceldsuydcr,  \iij  bliivcrs  ». 


—  4U  — 

En  IblO,  il  sculpta  liois  bas-reliefs  pour  cire  placés  clans  le 
retable  de  la  chapelle  de  la  confrérie  de  Saint-Éloy,  à 
Bruxelles.  Il  plaça,  on  1517,  quatre  bas-reliefs  dans  le  sou- 
bassement de  l'autel  de  l'église  de  l'hôpital  Saint-Pierre,  de 
la  même  ville.  Cinq  ans  après,  il  y  plaça  une  niche  garnie 
d'une  statue  de  la  Sa  in  te- Vierge.  En  1  r)!29,  il  acheva  pour  l'église 
(lu  même  hôpital,  d'après  un  dessin  fourni  par  un  peintre 
bruxellois,  appelé  Philibert  Beeckman.  Celait  un  travail 
d'une  certaine  importance,  attendu  (pi'on  le  lui  paya 
60  florins  du  Rhin.  L'artiste  travailla  encore  pour  le  mémo 
édifice  en  1530  à  1536  (i).  On  ignore  jusqu'ici  l'année  de 
sa  mort. 

L'église  de  Sainte-Waudru,  à  Herenlhals,  renferme  un 
retable  de  Pascal  Borman,  signé  de  son  nom.  Ce  magnifique 
travail,  qui  représente,  en  sept  grou|)es  en  chêne,  le  martyre 
des  SS.-Crépin  et  Crépinien,  j)rouve  (pie  l'artiste  avait 
conservé  les  traditions  de  l'atelier  de  son  père.  Aussi  bien 
au  point  de  vue  du  style  qu'au  point  de  vue  de  l'exécution, 
il  existe  une  analogie  frappante  entre  le  retable  d'Heren thaïs 
et  celui  du  Musée  delà  Porte  de  Haï,  à  Bruxelles  (2). 

Tels  sont  les  renseignements  sur  les  deux  Borman  qu'on 
est  parvenu  à  tirer  de  la  nécropole  des  archives.  Nous  espé- 
rons que  de  nouvelles  recherches  viendront  compléter  les 
faits  connus  et  qu'on  parviendra  ainsi  un  jour  à  reconstituer 
l'histoire  de  ces  deux  artistes  si  dignes  de  vivre  dans  les 
souvenirs  de  la  postérité. 


(0  Notre  notice  citée  plus  hHut. 

(i)  Voyez  l'article  de  leu  M.  P.-D.  Kiiyl,  dans  les  Annalex  de  l'Académie 
d'archéologie  de  Belgique,  V  série,  t.  VI. 


—  415  — 


II 

LE    RETABLE    DE    GUSTROW. 

L'autel  de  Giislrow  csl  un  retable  polyplicjuc,  c'est-à-dire 
un  retable  avec  volets  ornes  de  peintures.  C'est  inconlestablc- 
nienl  l'un  des  plus  grands  morceaux  de  sculpture  exécutés 
en  Belgique  dans  le  premier  quart  du  xvi'  siècle.  Dans  ce 
travail,  Borman  avait  à  traduire  par  la  |)lasliquc  le  grand 
drame  de  la  passion  du  Sauveur.  C'était  une  lâche  considé- 
rable. Mais,  à  cette  époque  encore,  la  composition  d'une 
œuvre  d'art  ne  traduisait  pas  la  pensée  exclusivement  per- 
sonnelle de  l'exécutant.  Le  sculpteur,  commc^  le  peintre, 
avait  toujours  recours  aux  lumières  du  savant.  C'était  le 
théologien  qui  inspirait  et  guidait  l'artiste,  et  l'œuvre  était  le 
résultat  de  l'alliance  du  talent  et  de  l'érudition. 

Le  retable  de  Gûstrow,  entièrement  en  bois  de  chêne,  est 
divisé  en  treize  compartiments  juxtaposés  et  superposés  les 
uns  aux  autres,  à  l'exception  de  celui  du  milieu,  qui  prend 
toute  la  hauteur  de  l'autel.  Les  compartiments  sont  cou- 
ronnés de  dais  ajourés  qui  offrent  toute  l'abondance,  toute 
la  pompe  et  toute  la  délicatesse  du  style  ogival  tertiaire. 

Les  groupes  sont  placés  de  la  manière  suivante  : 


i 

2 

3 

7 

8 

10 

12 

4 

5 

6 

9 

M 

13 

—   IK)  — 

1.  La  dernière  Cène;  1:2  person liages. 

2.  Le  Christ  aux  Jardins  des  Olives;  !()  ])(;rsoniKi;^rs. 
5.   Les  juifs  injuriant  le  Christ;  Il  perso!)ii;iuos. 

A.  Eecchomo!  —  14  personnages. 

V).  Pilate  se  lavant  les  mains  ;  10  personnages. 

G.  Le  portement  de  la  Croix;  10  personnages. 

7.  Le  calvaire  ;  le  Sauveur  crucifié  entre  les  deux  lar- 
rons; 20  )>ersonnagcs. 

S.  La  Descente  de  Croix;  10  personnages. 

0.   Le  Christ  mort  sur  les  genoux  de  sa  Mère;  10  person- 
nages. 
iO.  Linhumalion  du  Christ  ;  10  personnages. 

11.  La  Résurrection  du  (Jhrist;  9  personnages. 

12.  La  Tî'ansfiguration ;  \^i-  pcvsoimagGs. 

15.  Les  trois  apparitions  du  Christ  :  i"  k  Marie- Maclc- 
laine;  2"  à  sain!,  Pierre;  5"  aux  disciples  irEinmaiis. 

On  lil  les  mois  Taiere  et  faire  sur  le  baldaquin  du 
groupe  rcprésenlanl  les  juifs  injuriant  le  Sauveur.  C'est 
très  probablemenl  une  devise  de  famille  qui  nous  fera 
connailro  un  jour  le  nom  du  donalcur  de  Taulel. 

La  predella  ou  partie  inférieure  du  rclable  se  com()osc  de 
treize  arcaturcs  séparées  alternativement  par  une  colonette 
et  par  un  pendentif.  Ces  arcatures  sont  garnies  de  statuettes 
du  Christ  cl  des  douze  apôtres. 

De  même  que  dans  le  retable  du  Musée  de  la  Porte  de 
liai,  Bornian  se  montre  dans  l'autel  de  Giislrow  un  artiste 
d'une  conceplion  puissante  et  d'une  grande  hardiesse  dans 
l'exécution.  Bien  qu'apparlenaiil  à  l'école  de  sculpture  du 
xv°  siècle,  il  semble  ne  pas  dédaigner  le  mouvement  qui  va 
renouveler  les  formes  de  l'ail   par  IV:tiide  des  œuvres  de 


—    117   — 

l'anliquiiL'.  C'est  clans  les  cosliimes  oi  les  armes  de  ses 
groupes  qu'on  remarque  qu'il  voi(  poindre  à  l'Iiorizon  l'au- 
rore de  celle  belle  renaissance  llarnande  ((ui  devait  aijoulir 
au  tabernacle  de  Lcau. 

Dans  le  retable  de  Giislrow,  l)0rnian  déploya  loules  les 
ressources  de  son  talent.  Les  groupes  se  distinguent  par  la 
poésie  de  l'invention,  la  beauté  de  rarrangemenl  et  la  pro- 
fondeur de  l'expresion.  Ils  se  composent  de  staluetles  pres- 
que entièrement  dt'iachées.  Plusieurs  scènes  sont  traitées 
avec  une  force  el  un  pathétique  vraiment  à  la  hauteur  des 
sujets.  Les  physionomies  des  personnages  rendent  l'idée  et 
l'émotion.  Les  tètes  des  femmes  sont  charmantes  de  carac- 
tère et  d'expression.  Dans  les  draperies,  l'artiste  montre  une 
grande  habileté.  Le  jet  el  le  pli  des  vêlements  forment  tou- 
jours des  lignes  correctes  et  agréables.  Quant  aux  attitudes 
des  personnages,  elles  sont  pleines  d'aisance,  de  mouvement 
el  de  vérité. 

L'artiste  sait  toujours  rester  large  jusque  dans  les  détails. 
Quoi  qu'il  recherche  beaucoup  le  fini,  il  n'est  jamais  rond  ni 
léché;  il  ne  tombe  jamais  dans  ce  poli  d'ivoire  qui  dépare 
souvent  les  œuvres  sculpturales  modernes. 

Les  hauts-reliefs  du  retable  de  Giislrow  ont  un  double  inté- 
rêt poumons.  Non  seulement  ce  sont  des  productions  sculp- 
turales de  premier  ordre,  mais  aussi  des  pages  d'histoire 
par  les  fragments  d'architecture  et  les  meubles  qu'on  y 
observe,  ainsi  que  par  les  costumes  des  personnages.  Ces 
scènes  nous  transportent,  en  quelque  sorte,  au  xvi'  siècle  et 
nous  montrent  les  habitudes,  les  mœurs,  le  luxe  et  les  idées 
de  l'une  des  époques  les  plus  mémombles  des  annales  du 
pays. 


—  418  — 

Polychromes  etdorés d'une  manière  splendide,  les  groupes 
du  retable  de  Giistrow  forment  autant  de  tableaux  en  haut- 
relief,  pleins  de  fraîcheur,  de  richesse  et  de  vérité. 

L  autel  porte  l'indice  de  sa  provenance  dans  le  mot 
Bruesel,  qui  y  est  répété  sept  fois  à  des  endroits  diffé- 
rents (i). 

Sur  le  fourreau  du  glaive  d'un  soldat  qui  se  trouve  dans 
le  groupe  représentant  le  portement  de  la  Croix,  à  droite, 
le  nom  de  l'artiste  est  scul|)té  en  caractères  gothiques,  sous 
la  forme  suivante  :  Jan  Borman,  ce  qui  ne  peut  laisser  aucun 
doute  sur  l'auteur  de  ce  grand  travail. 

Nous  avons  publié  l'extrait  d'un  manuscrit  des  archives 
de  Louvain,  d'où  il  résulte  que  le  retable  de  la  Porte 
de  Hal  est  l'œuvre  de  Jean  Borman.  Aujourd'hui,  nous 
n'avons  plus  besoin  de  cet  extrait  pour  établir  que  les  autels 
de  Bruxelles  et  de  Giistrow  ont  été  exécutés  par  un  seul  et 
même  artiste.  La  manière  de  grouper  et  de  draper  les  per- 
sonnages est  la  même  dans  les  deux  retables.  Dans  les 
groupes  du  retable  de  Giistrow  plusieurs  hommes  ont  la 
chevelure  bouclée  ;  la  même  particularité  se  reproduit  dans  le 
retable  de  Bruxelles.  La  tête  de  Pilate,  avec  sa  barbe  tressée, 
que  l'on  voit  dans  les  scènes  de  la  passion  de  l'autel  de 
Giistrow,  se  retrouve  dans  l'autel  de  Bruxelles. 

En  examinant  attentivement  le  retable  de  Giistrow,  sur 
les  photographies  publiées  par  M.  Schlie,  nous  avons 
constaté  une  notable  dilTérence  dans  la  facture,  le  rendu, 
des  sculptures  de  ce  grand   travail.   G'est  ainsi   que   les 


(j)  Deux  f<iis  sur  chacmii'  dtN  punies  latérales  tiii  rotalile;   trois  fois  sur  la 
partie  cenlrale. 


—  419  — 

groupes  représonlanl  la  Mise  au  lomb,;au  ol  les  Apparitions 
du  Christ,  sont  d'une  exécution  beaucoup  plus  remaniuable 
que  les  groupes  liguranl  la  Cène  et  le  Christ  au  Jardin  des 
Olives. 

Celle  circonstance  semble  prouver  que  ces  compositions 
ont  été  exécutées  par  des  praticiens  différents.  On  sait  que 
Borman  en  employait  un  certain  nombre. 

Nous  ne  connaissons  pas  les  vicissitudes  du  retable  de 
Gùstrow;  nous  ne  savons  pas  commentcettre œuvre  flamande 
arriva  dans  le  Mecklenbourg.  Mais  nous  avons  la  salislaction 
de  faire  connaître  qu'il  n'a  pas  subi  le  sacrilège  d'une  restau- 
ration inintelligente,  comme  beaucoup  de  productions  de  celte 
époque.  Ce  beau  travail  a  le  grand  avantage  d'être  dans  un 
état  de  conservation  parfaite.  Il  a  encore  sa  polychromie 
primitive,  et  cette  décoration  est  encore  aussi  fraîche,  aussi 
vive,  aussi  brillante  que  le  jour  où  elle  fut  achevée. 

L'autel  de  Giistrow  est  postérieur  à  celui  de  Bruxelles. 
Le  style  l'indique  d'une  manière  certaine.  On  ne  connaît 
pas  l'année  de  son  exécution.  iM.  le  D'  Schlie  affirme  qu'd 
fut  placé  à  l'église  paroissiale  de  Gùstrow  en  1.j2;2.  Mais  il 
a  pu  être  exécuté  plusieurs  années  auparavant. 

M.  Schlie  croit  avoir  retrouvé  un  troisième  travail  de 
Borman  dans  l'autel  de  la  chapelle  capitulaire  de  l'église  de 
Sainte-Marie,  à  Lubeck.  C'est  là  encore  une  œuvre  magis- 
trale qui  fut  exécutée  en  1318. 

On  découvrira,  nous  n'en  doutons  pas,  d'autres  travaux 
de  ce  grand  artiste.  Mais  n'eùt-il  produit  que  les  retables  de 
Bruxelles  et  de  Gùstrow,  il  aurait  le  droit  d'occuper  le 
premier  rang  parmi  les  sculpteurs  belges  de  son  temps. 

Le  retable  de  Gùstrow  est  orné  de  (|uatre  volets  décorés 


—    120     - 

(le  peininrcs  (\o   loul  premier  ordre.  Ces  jieinlnres  rcpré- 
senlenl  les  sujets  suivants  : 

\°  Saint  Pierre.  Il  est  dcboiil,  porte  une  robe  verte  et  un 
manteau  bleu.  Dans  la  main  (.Iroite  il  tient  une  rlef,  dans  la 
main  gauche,  un  livre  ouvert.  An  second  |.l;in,  à  gauebe, 
l'on  voit  l'arrestation  du  |)rince  des  Apùlres  ;  à  droite  son 
crucifiement; 

2"  Saint  Paul.  1!  est  debout,  porte  une  robe  verte  et  un 
manteau  rouge.  Dans  la  main  droite  il  lient  un  glaive,  dans 
h  main  gauche,  un  livre  ferim'-.  Au  second  |tlan,  à  gauebe, 
l'on  observe  la  conversion  de  saint  Paul,  sur  le  cliemm  de 
Damas;  à  droite  sa  décapitation  ; 

r»'  ijWnnoncialion  de  la  sainte  Vierf/e.  Au  premier  plan. 
Marie  agenouillée,  écoutant  les  paroles  de  l'ange.  Au  second 
plan,  à  droite,  on  voit  la  ))réscn!ation  au  Temple;  à  gauche, 
le  mariage  de  la  Sainte  Vierge; 

4'  La  Sainte  Vii'rge  avec  l'enfant  Jrsus.  Elle  est  debout, 
tenant  sur  le  bras  droit  son  divin  enfant,  auquel  elle  pré- 
sente, de  la  main  gauebe,  une  jioire.  i\larie  porte  une  robe 
verte  et  un  manteau  bleu;  l'enfant  Jésus,  une  robe  rouge 
jaunâtre.  Le  fond  offre  un  paysage; 

.')"  Sain/e  Catherine.  Elle  est  debout,  porte  une  robe  de 
drap  d'or  et  un  manteau  ronge.  De  la  mnin  droite,  elle  tient 
un  glaive,  de  la  main  gauebe,  un  pan  de  sa  robe.  Sa  tète  est 
ornée  d'une  riche  couroime.  Aux  pieds  de  la  sainte  gil 
l'empereur  Maxime,  dans  le  i-icbe  costume  du  xvr  siècle; 

6"  La  décollation  de  sainte  Catherine.  Au  premier  |)lan,la 
saint*!  agenouillée,  prèle  à  être  décapitée;  derrière  elle,  lo 
bourreau  posant  la  main  gauche  sui'  la  tète  de  la  sainte  et 
brandi«;sant  de  la  main  droite  le  jLiliiivc.   .\u  second  plan,  à 


—  421   — 

gaucho,  on  voit  le  supplice,  por  le  IVu,  des  philosophes 
convertis  au  Christianisme  par  sainte  Catherine  ;  à  droite, 
la  sainte  invoquant  le  ciel  devant  la  roue  mise  en  pièces  par 
la  foudre. 

Les  figures  des  apôtres  Pierre  et  Paul,  ainsi  que  celles  de 
la  Sainte  Vierge  (n"  i)  et  de  Sainte  Catherine  (n"  !>)  sont  h 
peu  prés  de  grandeur  natuivlle;  celles  des  premiers  plans 
de  deux  autres  volets  sont  moins  grandes,  étant  des  compo- 
sitions. 

Les  peintures  des  volets  du  relahle  de  Ciistrow  sont  de 
vrais  chef-d'œuvre  de  l'écoh^  tiamande  du  premier  quart  du 
XVI*  siècle.  Leur  auteur  doit,  ;i  coup  sur,  être  considéré 
comme  l'un  des  meilleurs  peintres  helges  do  l'époque.  M.  le 
D'Schlie  affirme  qu'il  ne  le  cède  en  rien  à  son  compatriote 
Quentin  iMetsys.  C'était,  en  tout  cas,  un  artiste  qui  avait 
l'élévation  delà  pensée,  la  sévérité  du  style  et  le  sentiment 
de  l'idéal  ;  c'était,  en  outre,  un  praticien  nourri  de  saines 
éludes,  doué  d'une  rare  fai'ilité,  exercé  à  toutes  les  conve- 
nances du  métier.  En  examinant  ces  locaux  panneaux,  on 
constate  qu'il  s'était  formé  à  l'école  du  xv*  siècle.  Tous  ses 
sujets  sont  conçus  dans  le  sentiment  des  maîtres  de  cette 
grande  époque  de  l'art.  Cependant  on  y  rencontre,  çà  el  là, 
des  traces  de  l'influence  italienne  qui  souillait  alors  dans 
noire  pays.  La  scène  représentant  la  décollation  de  sainte 
Catherine  annonce  l'approche  de  la  renaissance. 

Les  personnages  des  volets  du  retable  de  Ciistrow  sont 
hien  campés  el  bien  drapés.  Ils  sont  d'un  dessin  ferme  el  res- 
senli.  Les  apôtres  Saints  Pierre  el  Paul  se  distinguent  par 
l'austérité  de  leur  tournure  et  l'ampleur  de  ItMir  draperie. 
Leurs  lèles  son!  «l'un   l»enu  car.iclère  el  d'une  gr:inde  |)nis- 


—  422  — 

sance  de  modelé.  U Annoîuiation  est  une  composition  de 
premier  ordre.  La  lèle  de  Marie  se  distingue  par  la  grâce  et 
la  dignité.  Les  yeux  sont  vivants,  la  bouche  s'entrouvre  et 
on  semble  entendre  la  réponse  au.K  paroles  de  l'ange.  La 
Sainte  Vierge  avec  l'enfant  Jésus  est  une  composition  char- 
mante, exécutée  avec  cette  délicatesse  de  sentiment  qui 
caractérise  les  œuvres  de  nos  maîtres  du  xv^  siècle.  Les  tètes 
de  Marie  et  de  son  divin  enfant  sont  pleines  de  dignité  et  de 
naturel.  Rien  de  ravissant  comme  le  panneau  représentant 
sainteCatherine.  La sainteestd'une  simplicité  de  poseetd'une 
aisance  d'attitude  qu'on  ne  saurait  assez  admirer.  Sa  tête,  si 
jeune,  si  fraîche  et  si  candide,  captive,  enchante  les  regards. 
Les  groupes  des  seconds  plans  sont  également  bien  conçus 
et  habilement  coordonnés. 

Dans  les  panneaux  du  retable  de  Gùstrow,  les  accessoires 
sont  adroitement  traités.  Les  étoffes,  les  soies  surtout,  sont 
rendues  avec  une  exactitude  remarquable;  la  robe  en  bro- 
card, que  porte  sainte  Catherine,  miroite  comme  du  drap 
d'or  véritable. 

L'artiste  a  placé  ses  scènes  en  plein  air.  Les  fonds  de  ses 
peintun^s  trahissent  une  vigoureuse  étude  de  la  nature.  La 
verdure,  les  plantes,  les  fleurs,  les  rochers,  les  construc- 
tions y  sont  consciencieusement  reproduits.  On  y  sent  la 
légèreté  des  nuages,  la  profondeur  inhnie  de  l'espace,  la 
fraîcheur  de  l'air. 

On  sait  que  le  coloris  était  le  fort  de  nos  anciens  maîtres. 
Le  coloris  de  ces  œuvres,  c'est  M.  Schlie  qui  l'aflirme,  est 
plein  de  puissance,  de  charme  et  de  vérité. 

M.  le  D'  Schlie,  (jui  a  élé  à  même  d'étudier  sérieusement 
les  volets  du  rolable  de  Tiiislrow,  les  attribue  à  notre  illustre 


—  425  — 

compalriote  Bernard  Viiii  Orley.  On  sail  (|tie  ca  grand 
arlisle  naquit  à  Bruxelles  en  1491  el  y  mourut  en  1541  (i). 

Sur  le  seuil  qui  se  trouve  dans  la  scène  représentant 
V Annonciation,  en  dessous  de  l'ange,  l'artiste  a  placé 
un  13  majuscule  surmonté  d'une  couronne.  M.  Schlie  croit 
y  reconnaître  le  monogramme  de  Bernard  van  Orley.  Il  ne 
nousest  pas  possible  de  partager  cet  avis.  Nous  envisageons 
celle  lettre  Ti  comme  la  marque  de  la  ville  de  Bruxelles, 
telle  qu'on  avait  l'habitude  de  la  placer  sur  les  tapisseries 
historiées  qu'on  fabriquait  autrefois  dans  cette  cité. 

Les  peintures  du  retable  de  Gustrow  sont-elles  réellement 
de  Bernard  van  Orley  (-2)1  De  même  que  M.  Schlie,  nous 
avons  rencontré  de  nombreux  rapports  entre  ces  productions 
et  les  œuvres  connues  du  grand  artiste  bruxellois.  Mais 
cela  ne  suffit  pas  pour  trancher  la  question.  Les  analogies 
qu'on  observe  dans  les  peintures  flamandes  du  commence- 
ment du  xvi'  siècle*ne  sont  souvent  que  des  analogies  d'école. 
D'ailleurs,  on  sait  de  science  certaine  que  plusieurs  tableaux 
importants,  qui  passent  dans  les  musées  comme  étant  de  Van 
Orley,  ont  été  faussement  attribués  à  ce  grand  coloriste. 

Bruxelles  comptait  à  l'époque  de  Van  Orley,  un  autre 
peintre  d'histoire  qui  paraît  avoir  été  un  artiste  de  talent 
et  qui  fui,  en  1510,  chose  digne  de  remarque,  le  collabora- 
teur de  Borman,  ainsi  que  nous  le  verrons  à  l'instant. 


(i)  M.  Alphonse  Wauters  a  publié  un  intéressant  travail  sur  Bernard  van 
Orley,  dans  le  Bulletin  de  Vacadémie  royale  de  Belgique,  1881,  t.  I,  pp.  3(39 
et  444. 

(i)  On  ne  connaît  aucun  tableau  de  van  Orley  daté  ou  mentionné  dans  un 
do  unient  antérieur  a  1.">1.''>.  Or,  nous  pensons  que  le  retable  de  Gustrow  est 
antérieur  k  cette  année. 


_-  An  — 

Ccl  nrlislo  n'ôlail  aulre  que  maitrc  Jean  Van  Roomk  alias 
VAIS  Brussel.  On  n'a  jusqu'ici  aucune  espèce  de  renseigne- 
menls  biographiques  sur  ce  peinlre.  Ce  qu'on  sail  d'une 
manière  certaine,  c'est  que  ses  travaux  l'avaient  mis  en 
laveur  auprès  de  l'administration  supérieure.  Pour  les  dessins 
(les  modèles  des  statues  destinées  à  la  décoration  de  la  Cour 
des  bailles,  le  gouvernement  lui  accorda  la  préférence  sur 
Jacques  Van  Laethem,  peinlre  en  titre  du  jeune  arcliidnc 
(rAutriche,  qui  devint  l'empereur  Cliarles-Quint.  A  notre 
Van  Roome,  l'on  demanda  les  dessins  des  statues  des  ducs 
et  duchesses  de  Brabant,  tandis  qu'on  n<^  demanda  ;i  Van 
Laethem  que  les  dessins  de  quelques  ligures  d'animaux  fi). 

Quand  les  dessins  de  notre  artiste  furent  aciievés,  on 
s'empressa  de  les  montrer  à  Marguerite  d'Autriche,  qui  se 
trouvait  pour  le  moment,  avec  son  neveu,  à  Matines.  Le 
jeune  archiduc  en  fut  tellement  enchanté,  qu'il  ordonna 
d'exécuter  immédiatement  les  statues  projetées  d'après  les 
dessins  dont  il  s'agit  (2).  C'était  en  UilO  (0). 


(0  «  MtfStei'LMi  .lAf.oi'PE  VAN  Lathem,  acUdere  myns  genodigen  hccivn,  v:in 
to  liebbfiii  gemaickl  dif  palroonen  van  xij  lii^ureii  van  vo;-;clen  ciide  bcesleii  vocr 
die  beeldsnydor<'ii,  iij  lib.  iij  si.  n.  Compte  cité. 

(2)  «  Meesleren  Janne  van  liooMi:  alias  van  Bkuessel,  sel  tilde  y  e,  van  le 
bebben  gemaict  gcliad  die  alcompst  van  de  xi  liertogcn,  die  weîcke  giielocnt 
waren  onser  genediger  Vronwcii  dcr  Ouagieren  van  Savoyen,  wcsende  alsdnen 
te  Medielen,  ende  oik  onsen  genedigen  liecre  iierlogcn  Kaerle,  den  wellu;  die 
zelve  personagien  zeer  vvcl  aenstonden,  mils  den  welken  liy  llioi/son  d'or  monde- 
linge  beveelile  dal  nien  van  slonden  une,  deregelyke  van  raciale  niaken,  lilyc- 
kende  by  uidinancien  van  de  voirsoli.  canieren  ende  (|iiitan(ien  daer  op  dienende, 
^eschreven  xvi  janiiai'y  n"  xv';  x.  Hier  ovcr  gegeven  die  somme  van  xx  lib.  ". 
Compte  de  la  construction  de  la  place  dite  Cour  des  liaiUes. 

(-)  «...  die  licelden  oft  ligneren  van  den  lierlogen  onde  iieiinginnon  van  Bra- 
liaiit...  ini'llen  wapi'nnicken.  sejlden,  niljeii  ende  gesrnflen  daer  inné  staende  i>. 
f'.tim})U'  ciii'. 


—  Uo  — 

Eli  l")lô,  la  coiii'rci'ic  (lu  Saiiil-Sacrciiiciil,  n  l'iglisc  ilc 
SaiiiL-lMcrrc,  à  Louvain,  (.leiiiaiula  à  Jean  Van  Koome  un 
projet  pour  l'cxcculioii  d'une  tapisserie  liisloriéc  qu'elle 
avait  résolu  de  faire  lisser  à  Bruxelles.  On  lui  paya  celte 
eoniposilion  2  1/^  llorins  du  Rhin;  on  lui  oITril,  en  outre, 
deux  pois  de  vin  (i).  D'après  la  composilion  de  noire  artiste, 
Philippe  Van  Orlcy,  frère  de  Bernard,  dessina  un  carton  de 
grandeur  voulue,  qu'on  lui  paya  iô  1/'2  llorins  du  Rliin. 
Celte  inléressanlc  lapisseric  existe  encore.  Elle  représenlc 
la  Lérjcndede  Herkenbald  cl  décore  aclucllemenl  le  musée 
de  la  porte  de  Hal,  à  Bruxelles. 

Que  Van  Roome  ail  exécuté  des  œuvres  considéral)lcs  à 
Bruxelles,  c'est  là  un  point  qui  semble  ne  pouvoir  élre  con- 
testé. Quelques-uns  de  ses  travaux  doivent  encore  exister; 
mais  ils  sont  probablement  attribués  à  d'autres  artistes  de 
l'époque.  Il  y  a  encore  lant  des  découvertes  à  faire  pour  l'his- 
toire de  la  peinture  flamande.  Nous  espérons  qu'on  parviendra 
un  jour  à  retrouver  l'un  ou  l'autre  tableau  de  l'arliste  et  à 
lui  assigner  le  rang  qu'il  doit  occuper  dans  l'histoire  de  l'art. 
C'est  à  l'occasion  de  l'exécution  des  modèles  des  statues 
destinées  à  la  Cour  des  bailles  que  Jean  Borrnan  eut  des 
rapports  avec  Jean  Van  Roome.  Cela  résulte  d'un  passage 
du  compte  de  ce  travail,  déposé  aux  archives  générales  du 
royaume.  Nous  en  publions  le  texte  en  note  (2). 


(<)  ï  Ucm,  bctaclt  Mecbler  Jan  van  BiiussiiL,  (c  Biuisel,  vaii  don  oiilwcrpe 
dacr  oiis  palnjoii  iiac  gliemackl  es  i,j  ) '2  Riii.si;iil(lcii,  Item,  iiorh  licni  {;t'sevcn 
Iwce  pollen  wyiis  ».  Compic  de  la  confrérie  du  Saiiil-Sucrcmeiit,  à  lV';:lisc  de 
Sainl-Picrrc,  à  Louvain,  de  iol5, 

(?)  «  Ende  nocli  die  gcsonden  warcn  lot  llioijson  d'or  als  die  voorscli.  Meoslcr 
Jan  van  Bruessel  cnde  Jan  Bor.REMAN,  mcl  hcni  concortccrdcn  hoc  nicn  die 
ligticrcn  soude  niooscn  niakcn,  viij  sluyvcrs  vj  deniers  ».  Compte  cité. 


—  426  — 

Tout  prouve  que  Van  Rooido  était  alors  un  artiste  en 
renom.  Mais,_[comine  on  ne  coiinait  jusqu'ici  aucune  de  ses 
œuvres,  il  serait  téméraire  d'attribuer  plutôt  à  lui  qu'à  Van 
Orley  les  peintures  d(\s  volets  du  retable  de  Giistrow. 

En  nous  occupant  un  instant  de  Van  Roome,  nous  n'avions 
d'autre  but  que  de  signaler  l'existence  à  Bruxelles  d'un 
second  peintre  de  haut  mérite  à  l'époque  où  Rorman  y  pro- 
duisait ses  beaux  travaux. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  pensons  qu'il  ne  serait  pas  tout 
à  fait  superflu  de  procéder  à  une  nouvelle  étude  comparative 
des  tableaux  connus  de  Van  Orley  avec  les  panneaux  du 
retable  de  Giistrow,  afin  d'arrivei-  à  établir  d'une  manière 
définitive  la  paternité  de  ces  admirables  productions  de 
noire  école  du  xvi^  siècle. 

■  Le  magnifique  retable  de  Giistrow,  dont  M.  le  D'  Schlie 
nous  a  révélé  l'existence,  ofl're  un  intérêt  capital  pour  le 
pays.  Non  seulement,  c'est  une  merveille  de  la  sculpture, 
mais  aussi  de  la  peinture  nationale.  En  faisant  connaître 
ce  grand  travail,  M.  Schlie  a  rendu  un  incontestable  service 
à  l'histoire  de  l'art  en  Belgique. 

Ed.  Van  Even. 
Louvain,  le  18  décembre  1884. 


COMMISSION  ROYALE  DKSMONUMKN  TS. 


RÉSUMÉ     DES     PROCÈS-VERBAUX 


SÉANCES 

des  8,  14,  22  et  29  novembre;  des  5,  6,  11,  13,  20  et  27  décembre  1884. 


ACTES  OFFICIELS. 

Nomination  de  membres  correspondants  de  la  Commission 
royale  des  monuments. 

Léopold  II,  Roi  des  Belges, 

A  tous  présents  et  à  venir,   Salut. 

Vu  les  rapports  et  propositions  de  la  Dépulation  perma- 
nente du  Brabant  et  de  la  Commission  royale  des  monu- 
ments; 

Sur  la  proposition  de  Notre  Ministre  de  l'agriculture,  de 
l'industrie  et  des  travaux  publics, 

Nous  avons  arrêté  et  arrêtons  : 
Art.  I".  M.  Van  Ysendyck,  architecte,  est  nommé  membre 
du  Comité  provincial  des  monuments  du  Brabant,  en  rem- 
placement de  M.  Pinchart,  décédé. 


—   i:>H  — 

y\.  k  L'hanuinc  Dclvigiie  esl  iioiiiiuc  iiiciiibrc  ihi  incniL' 
Coiiiilc,  cil  rciiiplacciiieiil  de  M.  lo  cliaiioiiic  Rcuseiis , 
iioiniiK'  niciiibrc  de  la  Comiiiii.sioii  ccnlrale. 

Ai'l.  '2.  Noire  Minislie  de  i'agiiciilluic,  de  l'induslrie  cl 
des  liavaux  publicii  csl  chargé  de  rcxcculioii  du  iircsciit 
arrèlé. 

Donne  à  Bruxelles  le  "22  iioveiiiljre  1884. 

(Signa  LÉOIMJLD. 

Par  le  Roi  : 

Le  Miiiiii/c  de  foijrtciiUi'.rc,  de  iindnsiric 
el  des  travaux  pidilks, 

(Signe)  Clicv'  de  Moreau. 

l\)ur  cx|)édilio!i  conforme  : 

Le  Secrétaire  ;jéitéral  da  Miinslère  de  Car/ricuHure, 
de  l'iiidunlric  el  des  travaux  publics, 

(Signé)  Belleiiioid. 


'le  b.iiiil  M  II  lu 


n^lMURE  ET  SCULPTl  Pli:. 

La  Coniini.^sion  a  eiiiir^dcs  avis  l'avorablcs  sur  : 
•:'R''J?  1°  Le    prdiel    rclalil   à    IVxéculion    d'une    verrière    par 

Illll-M  IlllM,  1  J  ' 

vciVite.     M-  Verliaegcn,  à  |)laccr  dans  réglis(5  de  Sainl-Marlin,  a  lia! 

(Brahanlj,  aux  Irais  de  S.  M.  la  Reine; 
c.iih.iiaip        2"  Le  dessin  d'un  vilrail  à  placer  dans  la  calliédrale  de 

d':  Sailli  Sauveur,  ' 

%'S!"    Sainl-Sauvcur,  à  Bruges,  dans  la  baie  au-dessus  de  la  clia- 


—   I2î)  — 

pelle  du  Bienheureux  Charles  le  Bon  :  auteur,  M.  Grosse-  - 
De   Herde.    Ce  vili'ail  esl   un  don   de  M.    Louis   Grossé- 
Coucke ; 

3"  La  maquelle  de  la  statue  de  Bréderodc,  nue  M.  Van      square 

'  '      '  (lu  Pctit-Sablon. 

Rasbourg  esl  chargé  d'exécuter  pour  la  décoration  du  square   ^  suîuc"" 
du  Petit- Sablon,  à  Bruxelles  ; 

4"  L'esquisse  de  la  statue  de  la  Justice,  par  M.  Willems.  '*'d';M'!,*j>'""' 
Celte  œuvre  est  destinée  à  la  décoration  de  la  façade  prin-     ^"""'■ 
cipale  du  palais  de  justice,  à  Malines; 

5''  L'acquisition  |)ar  le  conseil  de  fabrique  de  résrlise  de      EgUsc 

^  '  1  r)  ,1,,  Messelbroctk. 

Messelbroeck  (Brabant)  d'une  statue  dite  du  Sacré-Cœur     ^'"•"'■■ 
de  Jésus  ; 

G"  L'acquisition  pour  l'édise  d'Yvoir  (iNamur)  d'un  che- .^P'ise  d-vv.ir 

*  I  C  ^  '  Chcmiu  de  crou. 

min  de  croix  ; 
7"  La  proposition  du  conseil  de  fabrique  de  ré2;lise  de      Esiise 

•^       '  1  D  de  Nolre-Damc. 

Notre-Dame,  à  Saint-Nicolas  (Flandre  orientale),  tendante  ^^^^Tabi^au"'"' 
à  obtenir  l'autorisation  de  faire  restaurer  le  tableau  du 
maitre-autel  qui  représente  la  Descente  de  croix,  et  les 
vitrages  du  chœur.  Le  tableau  précité  est  attribué  au  peintre 
Thyssens.  M.  De  Wilde,  directeur  de  l'Académie  de  Saint- 
Nicolas,  sera  chargé  de  la  restauration  ; 

8°  Les  propositions  du  conseil  de  fabrique  de  l'église  de      ligusc 

de  RiipelinoDde. 

Rupelmonde  (Flandre  orientale)   relatives   à  l'acquisition     «"abieau. 
d'objets  mobiliers  et  à  la  restauration  de  certains  autres, 
parmi  lesquels  figure  un  tableau  représentant  l'Elévation  en 
croix,  placé  au  maitre-autel. 

—  Des  délégués  ont  examiné,  dans  l'église  collégiale  de      Égnse 

de  Saint-Nicolas, 

Saint-Nicolas,  à  Dixmude  (Flandre  occidentale),  la  restau-    \^;],^;;^f- 
ration  du    tableau  de  Jacques   Jordaens,   l^Adoration  des 
Mages.  Pour  l'exécution  du  travail,  le  tableau  a  été  descendu 


—   iôO  — 

de  I;i  |ihic('  (ju'il  occii|)tiil  au  mailrc-aulel  et  place  daIl^  un 
alelier  volant  érige  dans  un  des  bas-côlés  de  l'église. 

Comme  l'avait  fait  pressentir  la  Commission  dans  son 
rapport  du  1 1  août  1885,  les  avaries  que  l'on  avait  signalées 
étaient  plus  aj)parenles  que  réelles.  Déverni  cl  nettoyé,  le 
tableau  s'est  révélé  comme  étant  resté  d'une  admirable  con- 
servation. On  n"a  eu  ((u'à  enlever  les  re|)einls  qui  alourdis- 
saient le  manteau  de  la  Viortie  pour  i-elrouver  la  i)einlure 
primitive.  Quant  à  sa  guimpe,  que  Ton  croyait  avoir  été 
ajoutée  lors  d'ime  restauration  antérieure,  il  a  été  l'econnu 
que  ce  détail  fait  bien  pai'lie  du  costume.  C'est  celui  d'uric 
bourgeoise  de  l'époque,  en  désbabillé  d'intérieur  ;  robe 
lâche  de  ccintui-e,  bas  blancs  et  pantoufles  de  velours  rouge 
sans  quartier. 

Les  avaries  réelles  signalées  au  tableau,  entre  autres  une 
boursouflure  et  un  trou  occasionné  jiar  la  brûlure  d'un 
cierge,  n'avaient  (prune  importance  relativement  minime,  et 
elles  ont  été  consciencieusement  réparées. 

Toutes  constatations  faites,  les  délégués  sont  d'avis  que 
le  peintre  M.  Maillard  s'est  conformé  au.\  indications  de  la 
Commission  et  (jue  la  restauration  de  l'œuvre  de  Jordaens 
est  réussie  de  tous  points. 

Le  tableau  de  Jouvenet,  l'Krc^lion  en  croix,  (pu  fait  éga- 
lement, partie  de  la  décoration  de  l'église  de  Saint-Nicolas, 
paraissait  menacé  dans  sa  conservation  par  une  invasion 
(le  taches  de  moisissure,  que  l'on  supposait  provenir  de 
l'humidité  tombée  des  voûtes.  Il  a  été  reconnu  que  ces 
taches  avaient  pris  naissance  dans  le  champ  même  du 
tableau.  Mis  en  place  après  un  ren toilage  trop  récent, 
celui-ci  avait  con.servé  entre  la  peinture  et  la  toile  des  lacunes 


—  ^"1  — 

dans  riioinogônéilô  (le  s;i  surface;  la  malière  iiilcrposéc  en 
vue  du  collage  s'esl  (léct)mposéc  sous  riniluence  aln)os|»lié- 
ri(jue  el  a  produil  les  moisissures  dont  il  élail  urgent  d'ar- 
rêter le  travail  de  désagrégation.  M.  Maillard  s'esl  acquillé 
de  cette  làclie  avec  un  |)lein  succès. 

M.  le  curé-doyen,  d'accord  avec  T'adminislration  com- 
munale de  Dixnmde,  a  fait  connailrc  son  intention  de  con- 
licr  la  restauration  (raulres  tableaux,  placés  dans  l'église, 
à  M.  Madlard. 

Ont  été  désignés  à  l'attention  des  délégués  : 

V  Le  lableau  surmontant  l'aulel  latéral  de  droite  du 
chœui-,  autel  dit  de  Saint-François  ou  de  la  Trinité.  La 
peinture  représente  allégorii|uemenl  l'œuvre  du  rachat  des 
captifs  par  les  Frères  Trinitaires.  Elle  peut  être  attribuée 
à  Bockhorst.  Après  rcntoilage  et  restauration,  le  tableau 
pourra  faire  bonne  figui'e.  Dans  la  |)artie  supérieure,  les 
personnages  de  la  Trinité  cl  la  Vierge  ont  du  style  et  pa- 
raissent d'un  heureux  coloris.  Le  bas  est  dénaturé  par  des 
repeints; 

!2"  Le  tableau  |»lacc  a  l'autel  latéral  de  gauche  du  chœur 
(chapelle  de  la  Vierge),  attribué  à  Scliutl.  Il  rcjiréscnte  la 
Vierge  el  l'Enfanl  Jésus  dans  l'encadrenienl  d'une  guirlande 
de  fleurs  simulant  le  Rosaire.  Les  figures  paraissent  dune 
bonne  conservation.  Les  fleurs  ont  subi  des  reslauralions 
(|ui  en  ont  altéré  les  relations  d'harmonie. 

Les  délégués  ont  trouvé  ces  projets  de  restauration  sufli- 
samment  jusliliés  et  ont  cru  devoir  les  appuyer. 

Les  représentants  des  administrations  communale  et  fabri- 
cienne  ont  signalé  à  l'attention  des  délégués  les  traces  d'un 
mouvement  qui  s'esl  produil  dans  la  conslruction  de  l'église 


—  43i  — 

et  qui  n'ont  été  remarquées  que  récemment  :  à  l'autel  placé 
à  droite  du  chœur,  sous  le  jubé,  autel  dit  des  Ames  du  Pur- 
gatoire, la  colonne  en  marbre  formant  la  partie  gauche  de 
l'encadrement  de  l'autel  a  sa  base  écrasée,  ainsi  que  la  par- 
tie inférieure  du  fût;  on  remarque  également  des  fentes  et 
des  désordres  dans  l'entablement,  qui  présente  un  état  de 
dislocation  générale. 

On  ne  peut  attribuer  cet  écrasement  qu'au  tassement  du 
mur  qui  repose  sur  le  massif  dans  lequel  les  pièces  de  l'en- 
tablement sont  encastrées  et  qui  est  un  des  grands  murs  de 
l'église. 

Jusqu'à  présent  le  mouvement  paraît  restreint  et  ne 
semble  pas  offrir  de  dangers  pour  le  jubé.  Les  délégués  ont 
néanmoins  recommandé  de  vérilier  l'état  de  la  construction 
masquée  par  la  boisci-ie.  Après  cette  vérilication,  on  pourra 
proposer  les  mesures  à  prendre  pour  parer  aux  dégrada- 
tions. 
siMuc  —  Des  délégués  ont  examiné,  dans  l'atelier  de  M.  Vander 

de  Van  Helmoiil.      .  .  .  i,        .  •  ,       , 

Lmdcn,  a  Louvain,  le  modèle  grandeur  d  exécution  de  la 
statue  de  Va?i  Helmonl,  destinée  à  une  des  places  publiijues 
de  Bruxelles.  Us  sont  d'avis  qu'il  conviendra  d'apporter  au 
modèle  certaines  modifications  qui  ont  été  indiquées  à  l'artiste 
et  (]u'il  s'est  engagé  à  effectuer.  Ce  n'est  qu'à  la  suite  d'une 
nouvelle  inspection  que  la  Commission  pourra  se  prononcer 
définitivement  sur  le  projet. 

CONSTRUCTIONS  CIVILES. 


Ont  été  approuvés  : 
1"  Le  projet  de  faç; 
.jcLiègo.     rUiiivcrsilc  (le  Liège  :  architecte,  AL  Noppius; 


J.Togi'quc        1"  Le  projet  de  façade  de  l'Institut  zoologique  à  ériger  à 

*  rUiiiversilc 


—  4Ô3  — 

2'  Les  modifications  apportées  au  projet  du  théâtre  fla- ■''J,^*^';^/^,^'""' 
mand  à  construire  à  Bruxelles  :  architecle,  M,  J.  Baës; 

5°  Le  projet  relatif  à  la  construction  d'une  habitation  pour      H.-piui 

'        ■*  'il  Aiidenaerle. 

l'aumônier  de  l'hôpital  d'Audenaerde  (Flandre  orientale)  : 
architecte,  M.  Vossaer. 

ÉDIFIGi:S  RELIGIEUX. 

PRESBYTÈRES. 

Des  avis  favorables  ont  été  donnés  sur  : 

1°  Le  devis  estimatif  des  travaux  de  réparation  projetés  au    Presbytère 

'  I        J  Je  Nederliasselt. 

presbytère  de  Nederhasselt  (Flandre  orientale).  Il  est 
constaté  que  ces  travaux  n'ont  pas  assez  d'importance  pour 
faire  l'objet  d'une  adjudication  publique; 

2"  Le  projet  relatif  à  la  reconstruction  des  dépendances    presbytère 
et  à  l'appropriation  du  presbytère  d'HoIsbeek  (Brabant)  : 
architecte,  M.  Van  Arenberg; 

5**  Le  projet  relatif  à  la  construction  d'un  presbytère  à    ''.î^'r^ou^" 
Roux  (Hainaul)  :  architecte,  M.  Sabaut; 

A"  Le  projet  relatif  à   la   reconstruction  du  presbytère    Presbytère 

^        ''  l  J  d'Arville. 

d'Arville  (Luxembourg)  :  architecte,  M.  Adam.  Une  réserve 
a  néanmoins  été  faite  sur  la  convenance  qu'il  y  aura,  au 
cours  de  l'exécution,  de  supprimer  le  pignon  et,  par  suite, 
les  pilastres  en  saillie  et  faisant  avant-corps  de  la  façade. 
Les  baies  seront  ainsi  ramenées  à  un  plan  unique.  Il  y  aura 
lieu,  en  outre,  de  mettre  une  lucarne  semblable  à  celles  qui 
existent  à  la  place  où  s'élevait  le  pignon. 

ÉGLISES.  —  CONSTRUCTIONS  NOUVELLES. 

La  Commission  a  approuvé  : 

1°  Les  modifications  apportées  au  projet  approuvé  concer-ka^nfroiuBeHaw. 


ÎJ'l 


nai)(  la  construction   de  l'égiise  de  Ileykanl-sous-Berlaer 
(Anvers):  architecte,  M.  Blomme.  Ces  modifications  consis- 
tent dans  l'allongement  du  transept  de  gauche  ; 
deHomprr.       ^^  ^Q  ccssion  à  la  paroisse  d'Assenois ,  commune   de 
Hompré  (Luxembourg),  d'une  église  édifiée  par  le  desser- 
vantau  moyen  de  dons  volontaires  pour  remplacer  l'ancienne 
église  qui  tombe  en  ruines.  Ont  été  également  approuvées  les 
conditions  du  subside  à  accorder  par  l'Autorité  supérieure 
en  vue  de  l'aménagement  de  l'église  et  de  son  ameublement  ; 
Fi-iisp  .ie  spa.      5"  La  demande  de  l'administration  communale  de  Spa 
(Liège)   tendante  à  obtenir  un   nouveau  prélèvement  de 
100,000  francs  sur  le  subside  promis  par  le  Gouvernement 
pour  la  construction  de  la  nouvelle  église  de  cette  localité. 
Cette  décision  est  motivée  par  l'état  d'avancement  des  tra- 
vaux. Il  résulte,  en  effet,  d'un  rappoit  de  l'architecte  diri- 
geant que  les  maçonneries  des  bas-côtés,  de  la  grande  nef 
et  des  transepts  sont  achevées;  que  les  tours  sont  élevées 
jusqu'à  la  hauteur  de  la  corniche  de  la  grande  nef;  que  les 
trois  absides  circulaires  sont  arrêtées  aux  cordons  sous  les 
galeries  supérieures;  que  l'on  s'occupe  à  couvrir  les  bas- 
culés et  à  placer  la  charpente  des  hautes  nefs.  La  sacristie 
esl  entièrement  terminée  et  l'on  a  fait  les  réparations  voulues 
aux  propriétés  attenantes; 
,  M''t, .       ■i"  Le  devis  des  travaux  supplémentaires  à  exécuter  pour 
acourirai.    j^  fonstruclion  de  l'église  cl  du  presbytère  de  Saint-Éloi,  à 
(iourirai  (Flandre  occidentale),  dont  le  projet  a  été  précé- 
demment   approuvé.   Ces  travaux    sont    nécessités  par  la 
défectuosité  du  terrain,  par  la  convriiance  d'établir  un  mur 
de  séparation  avec  la  propriété  voisine  et  par  le  placement 
d'un  paratonnerre; 


Ii^  Saiui  MarliD, 
Ciiurirai, 


—  .iô5  — 

o"  Le  projet  concernant  le  placement  de  nouvelles  stalles  j..saf,f,'piprre 
dans  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Thiclt  (Flandre  occidentale), 
et  le  déplacement  du  banc  de  communion,  en  vue  d'aug- 
menter la  surface  du  chœur; 

C°  Le  projet  relatif  à  la  reconstruction  du  jubé,  du  portail  F-Kiise 
et  du  buffet  des  orgues  de  l'église  de  Sainl-Marlin,  à  Cour 
Irai  (Flandre  occidentale).  La  nature  de  ces  travaux  justifie 
suflisammenl  leur  exécution  par  voie  de  régie  ;  arcliilecie, 
M.  Carpentier; 

7  '  Le  projet  relatif  à  l'exécution  de  deux  confessionnaux      f^^y,,^ 
pour  l'église  de  Bercheiix,  commune  de  Juserel  (Luxem- 
bourg); 

8°  Le  devis  de?,  réparations  à  exécuter  au  mobilier  de      itgii<ft 

lie  Tûngrinnp. 

l'église  de  Tongrinne  (^amur),  ainsi  qu'à  la  sacristie; 

9°  La  proposition  de  mettre  en  adjudication  publique  le  Kgiise 
nouveau  mobilier  destiné  à  l'église  de  Neerhaeren  (Llm- 
bourg).  Quant  à  la  proposition  de  restaurer  le  retable  ancien 
que  l'on  compte  utiliser  à  l'un  des  petits  autels  de  l'église,  il 
y  aura  lieu  d'attendre  que  l'on  ait  soumis  à  l'approbation 
préalable  un  dessin  de  l'autel  qu'il  doit  surnionter; 

10"  La  proposition  du  conseil  de  fabrique  de  l'église  de      i-giue 
Pamel  (Brabant)  tendante  à  obtenir  l'aulorisalion  d'acquérir 
pour  cet  édifice  un  orgue  d'occasion  de  peu  de  valeur; 

ii"  Les  projels  de  pincemeni  de  paratonnerres  sur  les    piac^mpot 
églises  de  : 

Couckelaere  (Flandre  occidentale)  :  bàlimenls  de  l'église 
et  du  presbytère; 

Middrlkerke  (Flandre  occidcnhiUO  :  bàlimenls  de  l'église 
et  du  presbytère; 

Ruddervonrdo  (Flandi-r  ncridcMlrtlc)  :  bâtiment  do  r(;.elise. 


—  456  — 

TRAVAUX  DE  RESTAURATION. 

Ont  élé  approuvés  : 

(leDeeikk.  '' '^  ^^  projct  relatif  à  la  construction  d'une  chapelle  des 
fonts  baptismaux  et  la  restauration  de  la  sacristie  de  l'église 
de  Deerlyk (Flandre occiden(ale)  :  architecte,  M.  Croquison; 

deGheîuwo  "^^  ^'^  propositlou  d'exécuter  par  voie  de  régie  les  travaux 
de  consolidation  à  effectuer  à  la  tour  de  l'église  de  Gheluwe 
(Flandre  occidenlale); 

de  salTeTacre  ^°  ^^  dovis  dos  travaux  de  réparaliou  quc  l'ou  propose 
d'exécuter  à  l'église  de  Saffelaere  (Flandre  orientale)  :  archi- 
tecte, M.  Van  de  Woesteyne; 

Cathédrale        ^°  Lc  projct  drcssé  par  M.  l'architecte  R.  Buyck,  en  vue 
de  la  restauration  de  trois  fenêtres  du  bas-côlé  de  la  cathé- 
drale de   Bruges,    dans   les  chapelles   de  Notre-Dame  de 
Lorette,  de  Saint-Joseph  et  de  Sainte-Croix  ; 
Eglise         50  Lg  projet  relatif  à  la  restauration  de  huit  fenêtres  des 

lie  Buekcu.  r       J 

façades  latérales  de  l'église  de  Bueken  (Brabant),  pour  les 
harmoniser  avec  celles  de  la  façade  principale; 
Egii>e  G"  La  demande  en  autorisation  d'exécuter  par  voie  de 

de  l'ollaere.  ' 

régie  la  reconstruction  de  deux  fenêtres  de  l'église  de  Pol- 
laere  (Flandre  orientale)  ; 
desfei'^rt        ^    ^^  proposition  de  M.  l'architecte  .laminé,  tendante  à 
pouvoir  exécuter  par  voie  de  régie  les  travaux  de  restaura- 
tion projetés  et  approuvés  de  l'église  de  Steevort  (l^imbourg)  ; 

deWommef(5i.em  ^°  ^c  dcvis  cslimatif  dcs  travaux  de  restauration  à  effectuer 
à  la  toiture  de  l'église  de  Wommeighem  (Anvers)  :  architecte, 
M.  Gife.  Ces  travaux  pourront  èlre  exécutés  par  voie  de  régie; 

ËgiiîH.i..  K«,ei.  9"  La  proposition  du  conseil  de  fabrique  de  l'église  de 
Kessel  (Anvers),  tendante  à  faire  effectuer  à  cet  édifice  des 
travaux  divers  de  restauration  :  architecte,  M.  Blomme; 


—  4Ô7  — 

10°  La  deniande  de  l'administration  communale  de  Clerc-  ,,ecfêrclen. 
ken  (Flandre  occidentale),  tendante  à  obtenir  l'autorisation 
de  démolir  une  vieille  tourelle  qui  se  trouve  sur  la  nef  inter- 
médiaire de  l'église  de  cette  localité  ; 

11''  Le  compte  rendu  des  travaux  de  restauration  exécutés,  „  ^e\'^<'J^  , 

'  N  -D.de  Paiiiele, 

en  1880,  à  l'église  de  Notre-Dame  de  Pamele,  à  Audenaerde  '' ^"'^'"''"^^■ 
(Flandre  occidentale). 

—  Il  résulte  de  constatations  faites  récemmeni  par  les  soinSy,..^^8'^*^g^''Ej^ 
de  la  Commission  à  l'église  de  Sainte-Anne  Ten-Ede,  à 
Wetteren  (Flandre  orienlale),  que  les  travaux  qui  ont  été 
exécutés  pendant  l'été  de  1881  à  la  tour  de  cet  édifice  ont 
suffi  pour  écarter  toute  crainte  relativement  à  la  stabilité  de 
la  construction.  Depuis  cette  époque,  tout  mouvement  dans 
la  maçonnerie  a  complètement  cessé. 

Le  Secrétaire  Général, 

J.  Rousseau. 


Vu  en  conformité  de  l'article  2Î>  du  règlement. 

Le  Président, 

Wellens. 


(1) 


BIBLIOGRAPHIE". 


II 

Flijme-iits   d^nrrJi^olnçiip   rlrrêlienne  y   ])nr  le   oliniKiinr-   RrusKKs   (•}' 


Il  y  a  déjà  plus  de  douze  ans  rpifi  lï-minent  professeur 
d'archéologie  de  l'Université  de  Louvain  publiai!  le  premier 
volume  de  la  première  édition  de  ses  Klémenis  d'archéologie 
chrétienne  :  depuis  celte  époque,  que  de  progrès  dans  la 
science,  progrès  auxquels  M.  le  chanoine  Reusens  a  con- 
tribué lui-même  pour  une  large  part!... 

Une  seconde  édition,  «  revue  et  considérablement  aug- 
mentée,» était  devenue  absolument  indispensable:  le  premier 
volume  vient  d'en  paraître  en  ISS-i. 

Cette  seconde  édition  est  une  œuvre  pour  ainsi  dire  nou- 
velle; elle  ne  permet  pas  qu'on  se  contente  do  la  première, 
tant  les  additions  sont  nombreuses,  tant  les  compléments 
modifient  l'a-uvrc  piimilive  ;  aussi  est-elle  appelée  à  rendre 


(ij  Voy.  fi-(lessu«,  XXI,  p.  025,  le  premier  article  d'iiik'  série  de  nolieos 
l)il)li<>j,'raphi(|iies  ipie  l'auteur  se  propose  de  publier. 

Voy.  aussi  des  articles  anlt-iieiirs  dans  les  volumes  piocédeiits.  I.e  temps  a 
iiijii(|iié  il  raiilt'ur  pour  mettre  la  main  à  la  |iilu  d'ouvrages  inléressaiils  el  peu 
connus  doit!  il  a  a  rendic  iiiiiipit'-,  il  fs|i('-ri'  peu  ;i  [hmi  regai^uer  le  temps  perdu. 

'*.}  Voy.  ci-dessiis.  \l,  p.  iitl;  \\|.  p.  VA)T,,  Us  iom|ili  s  rendus  de  cette 
pieuiicie  ••diiii'i). 


(les  services  considérables  pour  rétutle  el  la  conservalion 
des  nionumenls  chrétiens. 

>J.  le  chanoine  Rcusens,  (oujours  en  quête  de  renseigne- 
ments nouveaux,  a  parcouru  toute  l'Europe;  il  n'a  négligé 
aucune  des  nombreuses  expositions  d'art  ancien  qui  se  sont 
ouvertes  à  l'étranger  et  dans  notre  pays  ;  il  a  été  la  cheville 
ouvrière,  au  moins  pour  tout  ce  qui  regardait  l'art  religieux 
(et  son  concours  s'est  étendu  bien  au  delà),  de  nos  belles 
expositions  d'art  ancien  à  Bruxelles,  au  Champ  des  Manœu- 
vres, en  1880;  à  Liège  (à  l'Émulalion  el  à  la  cathédrale), 
en  1881. 

Une  pierre  tombale,  une  pièce  d'orfèvrerie  est-elle  signa- 
lée dans  quelque  coin  du  pays,  aussitôt  U.  Reusens  va  la 
visiter  et  provoque  les  mesures  nécessaires  pour  sauver 
l'objet,  dont  il  prend  note  pour  ses  études. 

C'est  à  lui  qu'on  doit  non  seulement  la  conservalion,  mais 
aussi  la  connaissance  scientifique  de  l'intéressante  sépulture 
chrétienne,  très  ancienne,  récemment  découverte  à  Coninx- 
liem,  aux  portes  de  Tongres  :  il  la  décrit  aux  pages  125  à 
lôO,  I,  de  sa  seconde  édition,  où  il  lire  des  déductions  ingé- 
nieuses de  fresques  grossières  peintes  sur  les  parois  de  ce 
tombeau  et  représentant  des  festons,  des  couronnes,  des 
guirlandes,  des  colombes  (dont  telle  ou  telle  avec  le  rameau 
d'olivier  dans  le  bec),  et  même  l'une  des  plus  anciennes 
formes  du  monogramme  du  Christ  :  une  monnaie  de  l'im- 
pératrice Salonine  l'engage  à  atlrib.uer  la  sépulture  au  troi- 
sième tiers  du  m"  siècle. 

Ce  n'est  pas  là  la  seule  partie  entièrement  nouvelle  de 
l'œuvre  de  M.  Reusens  :  atlenlif  aux  découverles  frankcs 
faites  dans  ces  derniers  temps.  surJont  d.^ins  la  proviiu'f  de 


—  440  — 

Namur  (où  l'on  peut  en  voir  les  produits  dans  le  magnifique 
el  insiruclif  musée  du  chef-lieu),  l'auteur  étudie  les  sépul- 
tures chrétiennes  de  cette  époque,  et  il  cite  notamment  un 
vase  de  verre  avec  le  monogramme  du  Christ,  découvert  en 
1879,  à  la  place  Saint-Auhain,  à  Namur,  une  petite  croix  en 
plomb,  une  bague  avec  monogramme,  avec  la  croix,  trou- 
vées à  Franchimont  (dans  l'Enlre-Sambre-et-Meuse),  une 
broche  ou  agrafe,  découverte  à  Vedrin,  et  surtout  une 
plaque  d'attache  en  bronze  à  trois  chainettes  portant  à  leur 
extrémité  une  petite  croix  suspendu(!  (Franchimont),  entin 
une  plaque  d'argent,  provenant  d'Fprave  et  représentant 
deux  oiseaux  symboliques  becquetant  un  objet  qu'on  a  pris 
pour  une  grappe  de  raisin,  mais  qui  a  plutôt  l'air  d'une 
«  pigne  »,  car  la  pointe  est  en  haut. 

Les  gravures  qui  accompagnent  cette  partie  de  l'ouvrage 
sont  nombreuses  et  donnent  au  lecteur  une  idée  complète 
de  la  civilisation  franke  dans  notre  pays. 

L'émaillerie  du  moyen  âge  a  attiré  tout  spécialement  l'at- 
tention de  M.  Reusens,  et  il  donne  à  cette  importante  partie 
de  son  travail  des  développements  intéressants. 

Une  critique  cependant  :  l'auteur  en  est  encore  à  cette 
énoncialion  appuyée  sur  l'interprétation  d'un  passage  de 
Philostrate,  que  l'émaillerie  pendant  les  trois  premiers 
siècles  de  notre  ère  était  propre  aux  Barbares,  el  inconnue 
à  Rome  :  en  Allemagne,  cela  est  vivement  contesté,  et  l'opi- 
nion de  Lindenschmil,  en   1883  (i),  n'est  pas  de  celles 


(0  Die  AUerthiimer  iinaerer  hekhiischeu  Vorzeit,  III,  viii,  it  propos  de  la 
pi.  3,  représeiitaiil  de  iiingiiiliques  riiiaiix  atthlmés  aux  Romains 

l.iNOENSciiMiT,  qui  iM'  l'ait  qiK!  rappeler  son  opinion  déjii  ancienne  sur  la 
question,  rile  a  l'appui  nn  travail  du  roloind  von  (loiiArsrx,  en  187!).  Ces  travaux, 
peu  connus  en  Bel};ique,  appel. eut  une  ctude  nonvelle  de  la  question. 


auxquelles  on  puisse  pass(!r  oulre  sans  leur  faire  l'Iionneur 
(l'une  réfutation,  si  on  ne  les  partage  pas...  . 

Mais  ne  nous  arrêtons  pas  à  une  discussion  accessoire 
qui  nous  détournerait  trop  du  sujet  spécial  du  livre  de 
M.  Reusens,  et  bornons -nous  aux  indications  ci-dessus, 
à  titre  d'exemples  des  additions  considérables  qu'a  reçues 
l'œuvre  ici  analysée,  en  laissant  au  lecteur  le  soin  de  cher- 
cher lui-même  les  autres. 

Quant  aux  planches,  le  travail  de  M.  Reusens  s'est  en- 
richi d'un  bon  tiers  au  delà  de  ce  que  contenait  la  première 
édition  (en  omettant  un  certain  nombre  de  gravures  agran- 
dies, parce  que  les  dessins  de  la  première  édition  ne  rendaient 
pas  toujours  avec  assez  de  clarlé  les  détails  de  l'ornemen- 
tation). 

Dans  les  notions  générales  sur  l'architecture,  outre  plu- 
sieurs sujets  complètement  nouveaux,  on  remanjuera  .des 
modifications  importantes  pour  rendre  plus  saisissables  les 
descriptions  des  différentes  moulures. 

Aux  représentations  relatives  aux  Catacombes,  M.  Reu- 
sens a  ajouté  une  Adoration  des  Mages  (fresque  du  cime- 
tière de  Saint-Soter)  et  un  Repas  symbolisant  le  bonheur  des 
élus  (id.  du  cimetière  des  Saints -Pierre-et-Marcellin),  un 
tombeau  avec  le  Bon-Pasteur,  de  Livia  Primiliva  (cimetière 
du  Vatican). 

Les  monuments  de  style  latin  sont  enrichis  d'un  fronton 
du  temple  païen  de  Clitumnus  décoré,  au  v"  siècle,  de  rin- 
ceaux symboliques  chrétiens,  et  du  couronnement  extérieur 
d'un  baptistère  de  Ravenne, 

Plus  loin,  on  remarque,  comme  gravures  nouvelles,  une 
table  d'autel  de  Besançon,  un  autel  de  Ravenne,  le  cibo- 


—  H2  — 

liiiiii  d(!  I;i  lutsiliquc  tic  Piuviizo.  celle  th;  Saiiil-Apullinairc- 
m  classe  do  Raveniie,  le  Mausolée  de  riinixii'alricc  Galla 
Placidia.  le  sarcopiiage  de  l'abbessc  Théodole,  conserve  à 
J^avie,  un  cercueil  en  plomb  de  Saïd,  en  IMiéiiicic,  elc,  e( 
ce  qui  nous  intéresse  plus  direclemenl,  un  feuille!  d'ivoire 
pi'ovenanl  du  devaiil  d'une  chaire  épiscopalc  el  conservé 
au  li'ésor  de  Noire- Dame,  à  Tongrcs  (tous  monumenls 
d'enlre  le  \'  ou  vf-  siècle  et  le  i\"). 

La  série  des  orfèvreries  religieuses  est  enrichie  d'un 
calice  ministériel  du  v*  ou  vi''  siècle,  trouvé  en  I87;i 
à  Zamon,  en  Tyrol,  la  clef  de  saint  Servais,  à  Maestricht 
(iv"  siècle j,  celle  de  saint  Hubert,  à  Liège  {vf[i*  siècle), 
une  fiole  du  trésor  de  Monza,  d'autres  fioles  dites  de  saint 
Mennas  (i),  la  couronne  votive  donnée  par  Agilulfe  à  l'église 
de  Monza,  un  feuillet  de  diptyque  ecclésiastique  de  la  ca- 
thédrale de  Tournai,  un  tissu  de  soie  du  trésor  de  Sainl- 
Scrvais  à  Maestricht,  un  autre  du  trésor  de  l'église  de 
Maeseyck. 

Parmi  les  nombreuses  planches  nouvelles  de  la  partie  de 
l'ouvrage  conceiiiant  la  période  romaine,  il  y  a  lieu  de  se 
restreindre  et  de  ne  plus  citer,  tant  elles  sont  nombreuses, 
(juc  celles  qui  concei'nent  les  Pays-Bas. 

Ce  sont  : 

Vue  intci'icuic  de  l'éuiise  de  Celles,  j)rès  de  Dinanl 
(p.ôiy); 

Inscriplioti  de  l'église dcl*amele  (p.  il8); 


(i)  Ton  haijiou  Màia,  cl  non  uijioii  Mciialoit,  comme  on  l'.i  ini['riiii(i  assez, 
Itlaisaiiiiiicnl  dans  un  catalct'H*. 


—  iiô  — 

Aiili'l  purlatil  ilu  trésor  do  Saiiil-Scrvai:?,  à  Mac^lriclil 
(p.  453) ; 

Fonls  baptismaux  (on  ouivro)  do  Sainl-Gcrmaiii,  à  Tir- 
Icinoiil  (p.  440); 

1(1.  du  xn'  siècle  à  Thynos  (Nainur;  (ibid.j; 

M.  du  xi-xii'  siècle,  à  Gallais  (llainaul)  (p.  i'w); 

Id.  (lu  XII''  siècle,  à  Piussoii  (Limbourg)  (ibid.); 

l{\.  du  XII'  siècle,  à  Gosncs  (Namur)  (ibid  ); 

Pyxidc  en  ivoire  du  (résor  de  Sainl  -  Servais,  à  Macs- 
Iriclil  (xii'  siècle)  (p.  i6o); 

Croix  rcbquaire  du  trésor  de  Maestricbl  (p.  iG!S); 

Trois  dessins  des  châsses  de  sainl  Servais  cl  saint  Can- 
dide, à  Maeslricbt  (pp.  472  et  suiv.); 

Deux  colïrets  du  même  trésor  (pp.  478  et  suiv.); 

Trois  reliquaires  byzantins,  ibid.  (pp.  181  et  suiv,); 

Un  id.  du  trésor  de  N.-D.  a  Tongres  (p.  481); 

Feuillet  d'un  évangéliairc  de  l'abbaye  d'Egmond  (p.  iD4); 

Poigne  liturgique  à  l'église  de  Saintc-Gortrude,  à  Nivelles 
(p.  oOO;; 

Éloflc  de  soie  du  trésor  do  Maestricbt  (p,  51 1;; 

Plusieurs  dessins  des  vêtements  sacerdotaux  de  saint 
Bornulplic,  évè(iue  d'Utreclil  (|»p.  -SIO  et  suiv.); 

Christ  trouvé  à  Eprave  (Namur)  (p.  jùil); 

Descente  de  croix  liréed'un  manusci'it  de  la  Bibliothèque 
royale  à  Bruxelles  (p.  505). 

Mais  par  dessus  tout,  il  faut  citer  la  planche  j)hologra- 
phique  du  remarquable  retable  de  l'autel  de  Stavclol,  que 
M.  van  de  Casteele,  le  zélé  archiviste  de  l'Etal,  à  Namur, 
alors  attaché  aux  archives  de  Liège,  a  eu  l'heureuse  chance 
de  trouver  dans  une  farde  de  procédure  touchanl  les  biens 


—  Uâ  — 

de  l'abbaye  (lu'cnumère  riiiscripliuii  circulaire  tracée  autour 
du  retable  (i).  Seulement,  si  c'est  bien  vers  IliS,  comme 
le  dit  M.  Reusens,  que  ce  retable  a  été  fait  pour  l'abbé 
Wibald,  quelle  est  la  signification  de  cet  écu  à  blason  bien 
blasonnant  que  M.  Demarlcau,  de  Liège,  a  remarqué  le 
premier  sur  le  bouclier  du  chevalier  placé  à  côté  du  roi 
Sigeberl,  devant  saint  Éloy  et  saint  Remacle  :  faudra-t-il 
l'aire  remonter  l'origine  du  blason  jusqu'au  xii'"  siècle,  en 
tranchant  ainsi  la  question  jadis  discutée  nolaniment  entre 
MiM.  De  Busscher  et  PiolV  On  peut  lire,  d'ailleurs,  sur  ce 
sujet,  la  très  intéressante  notice  que  M.  le  comte  de  Marsy, 
Directeur  du  Musée  de  Gompiègne  et  successeur  de  l'illustre 
de  Caumont  à  la  présidence  de  la  Société  française  d'ar- 
chéologie, vient  de  faire  |)arailre  au  sujet  des  armoiries 
décrites  dans  les  anciens  Romans  de  clievaierie ,  même 
remontant  au  xii*"  siècle.  Ce  travail  a  été  publié  par  la  Société 
des  Antiquaires  de  France. 

Comme  conclusion,  il  n'y  a  (pi'à  répéter  ce  par  quoi  la 
présente  notice  débute  :  le  livre  de  M.  Reusens,  intéressant 
et  curieux,  est  le  vade-mecum  indispensable  des  personnes 
(|ui  s'occupent  d'objets  religieux,  et  surtout  de  celles  qui 
gèrent  les  biens  des  églises. 

11.  S 


(i)  Voy.  ci-dcsbiis,  XXI,  p.  2lo. 


TABLE   DES  MATIERES. 


Pages. 

L"arl  belge  à  l'Exposition  internationale  de  Nice,  par  M.  E.  L.        5 

Verres  à  la  «  façon  de  Venise  »  fabriqués  aux  Pays-Bas.  — 
7}'  Lettre  au  Comité  du  Bulletin  des  Commissions  royales  (Vart 
et  d'archéologie,  par  M.  H.  Schuermans 9 

Commission  royale  des  monuments.  —  Résumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  janvier  et  de  février  1884.        .      51 

Raphaël.  —  Le  mariage  de  la  Vierge,  —  par  M.  E.  L.       .        .      (>2 

Commission  royale  des  monuments.  —  Résumé  des  procès-ver- 
baux des  mois  de  mars  et  d'avril  1884 75 

Objets  étrusques  d'Eygenbilsen  (5«  article.  —  2^  partie),  par 
M.  H.  Schuermans 88 

I«^ouvelles  acquisitions  du  Musée  de  Bruxelles,  par  M.  Ed.  Fétis.     109 

Épigraphie  romaine  de  la  Belgique  {Suite),  par  M.  H.  Schlekmans.     149 

Commission  royale  des  monuments.  —  Résumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  mai  et  de  juin  1884.        .        .     201 

De  rinfluence  de  l'art  flamand  sur  les  origines  de  l'art  espagnol, 
par  M.  Lucien  SoLYAY 213 

La  table  de  communion  de  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain, 
exécutée,  en  1707,  par  Alexandre  Van  Papenhoven,  d'Anvers, 
par  M.  Ed.  Van  Even 241 

Commission  royale  des  monuments.  —  Résumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  juillet  et  d'août  1884       .        .    258 

Musée  royal  d'antiquités,  d'armures  et  d'artillerie.  —  Nomination 
du  Président  de  la  Commission 269 

Verres  fabriqués  aux  Pays-Bas  à  la  «  façon  de  Venise  »  et 
«  d'Altare.  »  —  i"  Lettre  au  Comité  du  Bulletin  des  Commissions 
royales  d'art  et  d'archéologie,  par  M.  II.  Schuermans.        .        .271 

Création  d'un  musée  des  échanges  internationaux.  —  Collection 
de  moulages  et  reproductions  de  monuments  et  d'objets  d'art.    333 


—  446  — 


Pages. 


Commission  royale  des  monuments.  —  Hésumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  septembre  et  d'octobre  1884.     335 

Recherclies  sur  les  origines  de  l'art  flamand  du  moyen  âge,  par 
M.  Edgar  Baes 349 

Maître  Jean  Borman,  le  grand  sculpteur  belge  de  la  fin  du 
xv^  siècle.  —  Le  retable  de  l'église  de  Gustrow,  au  grand 
duché  de  Mecklenbourg,  exécuté  par  Jean  Borman,  et  orné  de 
peintures  attribuées  à  Bernard  Van  Orley,  par  M.  Ed.  Van 
EvEN 397 

Commission  royale  des  monuments.  —  Résumé  des  procès-ver- 
baux des  séances  des  mois  de  novembre  et  de  décembre  1884.     427 

Bibliographie,  par  M.  H.  S 438 


PLANCHES. 

Page». 

PL    1.  Diptyque  d'Astyrius 160 

PL  IL  Id.               (seconde  face)       .        .        .        .166 

PL  IIL  Diptyque  d'Anastasius 178 

PL  IV.  Id.               (seconde  face)      .        .        .        .184 


/ 


Bulletin  des  Commissio.ns  Pxoyales 
d'Art  ET  d'Archéologie, 


\XIII     I'    HiM. 


1/VWW 


^ 


B.ASTyBÏVSVGEXlNICOMFX 


ita.'bl'^ClïieEen  à.  liécfe 


Bulletin  des  Commissions  Royales 
d'Art  ET  d'Archéologie. 


XXIII  ri..  H I'.  m. 


bULLETIN  DES  lOMMISSIONS  KOYALES 

D'Art  et  d'Archéou)Gie.  x.xiii  pl.  m  i' 


tlknfM'i^ii  W^cW^f^'njkrâ  m-  iK-mm(^ 


Bulletin  des  Commissions  Royales  1 

D  Art  et  d  Arlheouigie  xxm  1 1  un  17s 


Bulletin  des  Commissions  Royales 

d'Art  et  d'Archéologie.  xxiii  pl.ivp.i 


T 


Bulletin  des  Commissions  Royales 

d'Art  h  d  'Abchîoijjcie  xxiii  n.  iv  i-i 


GETTY  CENTER  LINRARY 
3  3125  00666  0860